- Mythologie étrusque
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La mythologie étrusque est abordée par Tite-Live qui nous a laissé le témoignage de la profonde religiosité du peuple étrusque : « L'Étrurie […] tenait plus que toute autre nation à l'observation des rites religieux »[1]. En effet, il n'est rien qui ne fût religieux dans leur culture, en dépit de l'amour pour la vie qu'ils manifestaient, jusque sur les peintures de leurs tombes.
La mythologie chez les Étrusques est née de la révélation faite aux hommes par la nymphe Bégoé, ou Végoia, et le génie Tagès. La première était liée à la fertilité et les rituels (consignés dans un traité) dépendaient de celle-ci. Le second passait pour être un enfant chauve, enfant-vieillard, sorti d'un sillon de la terre. Cette révélation, aux dires des anciens, a été consignée dans le corpus des livres sacrés, sous le nom de Disciplina etrusca. Ce thème de la révélation d'un « livre saint » ou d'une doctrine secrète par un être surnaturel n'est pas rare et est attesté en Égypte et en Mésopotamie, en Inde et au Tibet. Ce fait devint même populaire à l'époque hellénistique et le scénario du puer aeternus qu'est Tagès rappelle l'hermétisme. Cicéron précise que les Grecs l'assimilaient à Hermès chthonien (Hermès Trismégiste).
Sommaire
Etrusca disciplina
Article détaillé : Etrusca disciplina.Les Anciens nommaient Etrusca disciplina l'ensemble de plusieurs livres, consistant en différents traités religieux, dont aucun texte original en langue étrusque ne nous est parvenu. Nous n'en avons connaissance qu'à travers les auteurs latins, et nous n'en savons que ce qu'ils en ont dit, ce qui nous permet toutefois d'avoir la certitude qu'ils aient existé.
Les deux premiers traitent de l'art de la divination, tant à travers l'examen des viscères des animaux sacrifiés que des foudres. Le troisième concernait la règle des cultes pour la fondation des villes et la consécration des sanctuaires, le quatrième du monde d'outre-tombe, et le dernier du destin et des limites de la vie.
- le traité des Foudres ; Libri fulgurales
attribué à Végoia, dont on a connaissance par Sénèque et Pline. La doctrine des foudres exposait la signification des coups de tonnerre pour chaque jour de l'année. Une foudre tirait en outre sa signification selon la portion du ciel d'où elle provenait et où elle tombait. Le ciel, divisé en seize sections constituait donc un langage, virtuel, lui-même constitué par les phénomènes météorologiques qui s'y produisaient. Onze types de foudres étaient répertoriés, maniés par différents dieux. Aussi le message était-il à chaque fois différent et il incombait aux spécialistes qu'étaient les haruspices de les interpréter. On peut y voir des analogies avec la doctrine chaldéenne et y percevoir une influence des Meteorologica du pseudo-Aristote. Le schéma fondamental est cependant archaïque et repose sur le binôme macrocosme/microcosme.
- le traité du rite ; Libri rituales, auquel est rattaché le traité de l'Au-delà ;
- le traité de l'Au-delà ; Libri Acheruntici
attribué à Tagès, ce traité, pour les quelques fragments que l'on en possède, ne permet guère le rapprochement avec le Livre des Morts égyptien. D'après Arnobe (Adversus Nationes, II, 62), auteur chrétien du IVe siècle, "dans ses Libri Acherontici, L'Étrurie promet que, par le sang de certains animaux offert à certaines divinités, les âmes deviendront divines et échapperont à la condition mortelle". Selon une information rapportée par Servius[2], à la suite de certains sacrifices les âmes se transforment en dieux qu'on désigne comme animales pour rappeler leur origine. La "divinisation des âmes" nous apparaît ainsi attestée, donnant une dimension eschatologique à la religion des Étrusques. Si l'essentiel de leur pensée religieuse nous échappe, on peut cependant en déduire certains éléments : s'agissant d'une déification de l'âme à la suite de rituels sanglants, cela renvoie soit à un rituel très archaïque et bien antérieur à la civilisation étrusque, soit, ce qui est beaucoup plus probable, à un sacrifice-sacrement comparable à l'initiation dans les Mystères de Mithra.
- le traité des Haruspices ; Libri haruspicini
Attribué à Tagès et complété par les Libri fatali. La théorie des Haruspices ou Haruspucine, ou Haruspicie selon d'autres, soit la lecture des entrailles des victimes sacrifiées, présuppose la correspondance entre trois niveaux différents : le divin, le cosmique et l'humain. Chaque portion de l'organe examiné indique une décision divine prédisant un évènement historique imminent. Il existe un modèle de foie de mouton en bronze, découvert à Plaisance en 1977, servant de maquette comportant les noms d'une quarantaine de dieux et datant du IIIe ou IIe siècle av. J.‑C. et représentant la structure du monde et la distribution du panthéon.
- Libri fatali
Selon ces « Livres du Destin », une vie humaine se déroule en douze temps. Après le douzième, les hommes, selon Varron, « sortent de leur esprit » et ne reçoivent plus aucun signe des dieux. De même les peuples et les nations ont un terme fixé par le Cosmos. Il s'agit là d'une conception très ancienne que cette croyance en un déterminisme cosmique autant qu'existentiel, que l'on retrouve dans de nombreuses sociétés traditionnelles.
Le règne de l'au-delà
Les Enfers étrusques sont originaux, car bien qu'étant définis au départ comme un lieu terrible gardé par des monstres, on trouve au IVe siècle av. J.‑C. des tombeaux ornés de scènes joyeuses tels que des banquets, des danses ou des parties de chasse. Ces enfers communiquaient avec le monde des vivants grâce au mundus. Il n'est cependant pas simple de reconstituer les croyances sur l'existence d'outre-tombe. Les inscriptions funéraires indiquent seulement la parenté maternelle du défunt, et la mère semble avoir été considérée moins comme une personnalité individuelle que comme un membre de référence de sa lignée.
Les fresques des tombes étrusques s'inspirent alors de l'art grec, pour représenter ce qui a pu être compris comme des images des Enfers. Mais en réalité, il s'agirait plutôt d'images de la vie des Étrusques, qui accompagneraient le mort, un peu comme on peut le voir en Égypte. Le défunt arrive dans le monde des morts à cheval, est accueilli par un groupe de personnages qui sont probablement ses ancêtres, un banquet l'attend, festin présidé par la version étrusque de Hadès et Perséphone. Toute une variété de démons sont présents, qui ne sont pas d'origine grecque. La divinité psychopompe (chargée de transporter le défunt jusqu'aux Enfers) a été appelée a posteriori Charun, (en référence au Charon grec dont il partageait la tâche). Représenté avec un visage bleu, peut-être une image du corps humain mort[réf. nécessaire], il assommait le défunt au moyen d'une lourde masse, afin que celui-ci ne puisse tenter de s'échapper jusqu'à être enfermé aux Enfers.
Correspondance dans les mythologies grecque et romaine
Issues de la mythologie grecque les divinités étrusques seront ensuite adoptées dans la mythologie romaine (un des nombreux apports des Étrusques aux Romains).
Le panthéon étrusque
Divinité étrusque Nom grec Nom latin Fonction(s) Tins / Tinia Zeus Jupiter dieu de la lumière, roi des dieux et maître des Cieux Uni Héra Junon reine des dieux, sœur et femme de Tins Velch Héphaistos Vulcain dieu du feu et des métaux, fils de Uni Turan Aphrodite Vénus déesse de l'amour, de la beauté, de la fécondité et de la santé Nethuns Poséidon Neptune dieu de la mer, frère de Tins Turms Hermès Mercure dieu du commerce, des marchands et protecteur des voyageurs Laran Arès Mars dieu de la guerre Maris ? ? Aritimi Artémis Diane déesse de la chasse et de la virginité Apulu / Aplu Apollon Phébus dieu du Soleil et de la lumière, frère jumeau de Aritimi Menrva Athéna Minerve déesse de la sagesse et des arts Fufluns Dionysos Bacchus dieu du vin et de la fête Usil Hélios Sol dieu du soleil Artumes Artémis Diane déesse de la chasse et de la lune. Les douze dieux principaux, rapidement identifiés avec les douze dieux de l'Olympe hellénique, constituaient le second rang de la hiérarchie céleste dans les croyances religieuses des Étrusques.
Le premier rang en effet était occupé par des divinités mystérieuses, impénétrables, dont on ne connaît ni le nom ni le nombre, dont il n'existe nulle représentation. On les désignait par des termes vagues, généraux, de « dieux voilés » (dii involuti).
Les divinités mineures
Le troisième rang était constitué par des divinités qu'on ne pouvait classer dans les deux autres catégories : les divinités infernales.
Venaient enfin le monde des esprits, des démons, des êtres surnaturels, médiateurs entre les hommes et les dieux, innombrables. On les désignait du nom de Pénates, de Lares, de Mânes, ou plus largement de Génies.
Divinité étrusque Nom grec Nom latin Caractéristiques Hercle Héraclès Hercule Ce dieu était très populaire en Étrurie et possédait une mythologie originale, différente de la tradition grecque et comportant certains éléments d'origine orientale rappelant le Melqart phénicien. Aita Hadès Pluton Dieu chthonien considéré comme le « maître des Enfers ». Dans la mythologie grecque, frère de Zeus et de Poséidon. Vanth Hécate (?) Divinité infernale de la mort Charun Charon Le « nocher des Enfers » Artha Ariane Arachne (?) Tuchulcha (?) (?) Divinité infernale Thalna Ilithye (?) Lucine Déesse des naissances, épouse de Tins Lares les Lares les Pénates (?) les Pénates les Mânes (?) les Mânes les Génies (?) les Génies Voltumna Vertumnus Pomone (?) Pomone Végoia/Bégoé Vegontici Nymphe et prophétesse Tagès Hermès Chtonien Silenus Silène Divinité de la nature sauvage Semla Sémélé Divinité de la terre Tujltha Perséphone Proserpine ou Mater Matuta Divinité protectrice des morts Nortia (?) Némésis Vénérée à Volsinies, Les clous attachés dans son temple désignaient le nombre des années[3]. Culsans ... Janus Divinité de la conception, de la fortune. Zirna, Tiv et Losna. ... ... Déesses Étrusques de la Lune Veive ou Veiove ou Vetis. ... ... Divinité infernale d'origine Étrusque.[4]. Lasa. ... ... Gardienne des tombes. Horta. ... ... Déesse Étrusques de l'agriculture. Notes et références
- Livre 5, 1 (6). Histoire romaine,
- Servius, Commentaire à l'Énéide [détail des éditions] [(la) lire en ligne], III, 168.
- [1] François-Joseph-Michel Noël, Dictionnaire de la fable ou mythologie grecque, latine, égyptienne, vol. 2, p. 221
- Aulus Gellius, le considère comme un anti-Jupiter en donnant à la particule ve la signification d'anti.(Noctes Atticae,livre 5, §12)
- Sources
Auteurs anciens et sources qui ont laissé des témoignages concernant les Étrusques à ce sujet :
- Martianus Capella (410-439 ap. J.-C.), De Nuptiis Mercurii & Philologiae
- Nigidius Figulus (60-50 av. J.-C.), De Extis (Des entrailles)
- Cicéron, De la divination [détail des éditions] [lire en ligne] et Des haruspices
- Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne]
- Sénèque, Questions naturelles [lire en ligne]
Il faut leur ajouter Hérodote, Tite-Live, Varron et Denys d'Halicarnasse.
Bibliographie
- En français
- Les Étrusques, Dominique Briquel, coll. Que Sais-Je ?, Paris, 2005, et La Civilisation étrusque, 1999.
- Les origines de l'Hercule romain, Jean Bayet, Paris, 1926.
- La religion romaine archaïque, Georges Dumézil.
- En italien
- Il « mistero » della lingua etrusca, Romolo Augusto Staccioli, Éditions Newton Compton.
- Storia degli Etruschi, Mario Torelli, Éditions Laterza, 1981.
Voir aussi
Articles connexes
- Charun
- Vanth
- Étrusques
- Liste des figures mythologiques étrusques
- Langue étrusque
- Alphabet étrusque
- culture de Villanova
Liens externes
- Les Étrusques : religion et volupté par Jean-Paul Thuillier, Professeur à l’École normale supérieure.
- « Chrétiens et haruspices La religion étrusque, dernier rempart du paganisme romain » par Dominique Briquel
- Les plus religieux des hommes. État de la recherche sur la religion étrusque. Actes du colloque international, Galeries nationales du Grand Palais, 17-18-19 novembre 1992, publiés sous la direction de F. Gaultier et D. Briquel (Persée)
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