- Apostasie nationale
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John Henry Newman
Le cardinal John Henry Newman, né à Londres le 21 février 1801, et décédé le 11 août 1890, était un ecclésiastique britannique converti au catholicisme en 1845. Avant sa conversion, il fut l'une des figures principales du Mouvement d'Oxford, qui tenta de rapprocher l'Église d'Angleterre de ses racines catholiques romaines.
Il a été proclamé Vénérable par la Congrégation pour les causes des saints en 1991.
Il sera béatifié le 2 mai 2010 dans la cathédrale catholique romaine de Birmingham.
Sommaire
Années de formation
Origines familiales
John Henry Newman était le fils aîné de John Newman, un banquier. La famille Newman aurait eu des origines hollandaises. Le nom Newman, auparavant écrit Newmann, suggère aussi d'éventuelles racines juives. Sa mère, Jemima Fourdrinier, était issue d'une famille de huguenots français, graveurs et fabricants de papier, depuis longtemps installés à Londres. John Henry était l'aîné de six enfants. Son frère cadet, Charles Robert, homme intelligent, mais caractériel, athée revendiqué menant une vie isolée, mourut en 1884. Son plus jeune frère, Francis William, fut professeur de latin durant de nombreuses années à University College de Londres. Deux de ses trois sœurs, Harriett Elizabeth et Jemima Charlotte, épousèrent deux frères, Thomas et John Mozley ; Anna Mozley, fille de ce dernier, édita en 1892 la correspondance de Newman. Sa troisième sœur, Mary Sophia, mourut célibataire en 1828.
Formation intellectuelle
À l'âge de sept ans, Newman fut envoyé dans une école privée dirigée par le Dr. Nicholas, à Ealing. Il s'y fit remarquer par son zèle et une conduite exemplaire, mais aussi par sa timidité et sa distance vis-à-vis des autres élèves, restant à l'écart des divertissements scolaires. Il se décrit lui-même comme ayant été « très superstitieux » pendant sa jeunesse. Il éprouva un grand plaisir à lire la Bible, mais aussi les romans de Walter Scott, alors en cours de publication. Par la suite, il lut des œuvres d'auteurs sceptiques, comme Thomas Paine, David Hume, et peut-être même Voltaire. Ces lectures l'influencèrent un temps. Mais, à l’âge de quinze ans, pendant sa dernière année d'école, il se convertit, événement qu'il décrit dans son Apologia, comme étant « plus certain que d'avoir des mains ou des pieds. » Il « tomba sous l'influence d’une croyance certaine », et reçut dans son esprit des « impressions de dogme, qui, grâce à Dieu, n’ont jamais été effacées ou obscurcies ». Il était alors attiré par le protestantisme évangélique et calviniste, et affirmait que le pape était l'Antéchrist.
Admis à Trinity College, à Oxford, le 4 décembre 1816, il s'y installa en juin de l'année suivante, et, en 1818, obtint une bourse d'étude d'un montant de 60 livres, sur une durée de neuf ans. Mais ceci ne suffisait pas pour lui permettre de rester à l'université, d'autant plus qu'en 1819, la banque paternelle suspendit ses paiements. Cette même année, son nom fut retenu pour Lincoln's Inn. Son anxiété le fit échouer à l'examen final, et il obtint son diplôme sans mention, en 1821. Désirant cependant rester à Oxford, il donna des cours particuliers, et sollicita un poste de lecteur à Oriel College, alors le « centre intellectuel d'Oxford ». A son immense soulagement et plaisir, il y fut reçu le 12 avril 1822. En 1823, Edward Bouverie Pusey l'y rejoignit.
Un prêtre anglican
Le 13 juin 1824, dimanche de la Trinité, Newman fut ordonné prêtre anglican, et dix jours plus tard, prononça son premier sermon à l'église d'Over Worton (Oxfordshire), où il rendait visite à son ancien professeur, Walter Mayers. Grâce à Pusey, il obtint la cure de Saint-Clément, à Oxford. Pendant deux années, il s'engagea pleinement dans ses activités paroissiales, tout en publiant des articles pour l'Encyclopædia Metropolitana, sur Apollonius de Tyane, sur Cicéron, et sur les miracles. En 1825, à la demande de Richard Whately, il devint vice-principal de Saint-Alban's Hall, mais ne demeura à ce poste qu'un an. Il attribua par la suite à cette association intellectuelle avec Whately une grande part de son « amélioration mentale » et une victoire partielle contre sa timidité. Il assista Whately dans sa réflexion sur la logique, et retint de lui une première définition précise de l'Église chrétienne. Mais, en 1827, il rompit avec Whately à l'occasion de la réélection de Robert Peel comme député (MP) de l'Université d'Oxford, Newman s'y opposant pour des raisons personnelles. En 1826, il devint tuteur à Oriel College, et, la même année, Richard Hurrell Froude, décrit par Newman comme l' « un des hommes les plus perspicaces, intelligents et profonds qui soient », y fut nommé comme enseignant. Ensemble, Froude et Newman élaborèrent une conception très élevée du tutorat, plus cléricale et pastorale que séculière. En 1827, il prêcha à Whitehall.
Le mouvement d'Oxford
Rupture avec la tendance Low Church
L'année suivante, Newman soutint la nomination d'Hawkins comme prévôt d'Oriel College, plutôt que celle de John Keble, un choix qu'il défendit ou regretta plus tard, comme ayant été à l’origine du mouvement d'Oxford, et de toutes ses conséquences. La même année, il fut nommé vicaire de Saint-Mary-the-Virgin, l'église de l'université, charge à laquelle était attachée la fonction de chapelain de Littlemore, tandis que Pusey était nommé professeur régent d'hébreu. A cette date, bien que toujours officiellement proche des protestants évangéliques, Newman fit évoluer ses positions, qui prirent un ton de plus en plus favorable au clergé. Alors qu'il était secrétaire local de la Church Missionary Society, il diffusa une lettre anonyme suggérant une méthode par laquelle les clercs anglicans pourraient éliminer tous les protestants non-conformistes du contrôle de la Society. Ceci aboutit à son renvoi de la Society, le 8 mars 1830. Trois mois plus tard, il quitta la Société Biblique, parachevant ainsi sa rupture avec la tendance Low Church de l'Église d'Angleterre.
En 1831-1832, il fut choisi pour prêcher devant toute l'université. En 1832, ses différences de position avec Hawkins quant à la « nature essentiellement religieuse » du tutorat devenant particulièrement aiguës, il démissionna de son poste de tuteur à Oriel College. En décembre, il partit en compagnie de Froude, afin de rétablir la santé de ce dernier, pour un voyage en Europe méridionale. A bord du navire à vapeur « Hermès », les deux hommes visitèrent Gibraltar, Malte, les îles Ioniennes, puis la Sicile, Naples et Rome, où Newman fit la connaissance de Nicholas Wiseman. Dans une lettre, il décrivit alors Rome comme « l'endroit le plus merveilleux sur terre », mais la religion catholique romaine comme « polythéiste, décadente et idolâtre. » Pendant ce voyage, il écrivit la plupart des courts poèmes qui plus tard furent publiés sous le titre de Lyra Apostolica. Depuis Rome, Newman retourna seul en Sicile, où il tomba gravement malade à Leonforte. Une fois guéri, il fut convaincu d'avoir une mission à accomplir en Angleterre. En juin 1833, il quitta Palerme pour Marseille. Là, il écrivit le poème « Lead, kindly Light », qui plus tard devint une hymne.
Les Tracts for the Times
Il revint à Oxford le 9 juillet 1833. Le 14 juillet, John Keble prononçait à Saint-Mary son sermon sur l'« Apostasie nationale », que Newman considéra par la suite comme le point de départ du Mouvement d'Oxford. Selon Richard William Church, à propos du Mouvement d'Oxford, ce fut « Keble qui inspira, Froude qui donna l'impulsion et Newman qui poursuivit l'œuvre » ; mais, de fait, la naissance du Mouvement peut aussi être attribuée à H.J. Rose, rédacteur en chef au British Magazine, qu'on a désigné comme étant le « fondateur, originaire de Cambridge, du Mouvement d'Oxford ». Les 25 et 26 juillet, au presbytère d'Hadleigh (Suffolk) se tint une réunion d’ecclésiastiques (sans Newman) de la Haute Église (High Church) anglicane, où on résolut de soutenir la doctrine de la succession apostolique de l'Église anglicane, ainsi que l'utilisation du Book of Common Prayer dans son intégralité.
Quelques semaines plus tard, Newman commença à rédiger, de sa propre initiative, les Tracts for the Times, qui donnèrent ensuite au Mouvement d'Oxford le nom de « mouvement tractarien », ou « tractarianisme ». Le but de l'entreprise était d’assurer une base doctrinale et disciplinaire solide pour l'Église d'Angleterre, dans la perspective de la fin de son « établissement » officiel par la monarchie britannique, ou d'une éventuelle décision des ecclésiastiques de la Haute Église de quitter l'institution établie. Ceci semblait possible, étant donnée l'attitude du gouvernement britannique vis-à-vis de l'Église-sœur, établie en Irlande (Église d'Irlande). Les tracts étaient complétés par les sermons que prononçait Newman à Saint-Mary le samedi après-midi, qui exercèrent, pendant huit années, une influence croissante, notamment sur les jeunes universitaires. En 1835, Edward Bouverie Pusey rejoignit le Mouvement d'Oxford qui, pour cette raison, fut aussi plus tard appelé « puseyisme ».
En 1836, les membres du Mouvement renforcèrent leur cohésion interne en s'opposant unanimement à la nomination de Hampden comme professeur régent de théologie. En effet, on soupçonna d'hérésie ses Bampton Lectures, pour la préparation desquelles il avait été assisté par Blanco White. Ces suspicions furent renforcées par la publication d'un pamphlet diffusé par Newman, sous le titre de Elucidations of Dr Hampden's Theological Statements.
A cette date, Newman devint rédacteur en chef à la British Critic, et donna une série de conférences dans une chapelle de Saint-Mary, où il défendait la théorie de l'anglicanisme comme une « via media », à mi-chemin entre le catholicisme et le protestantisme populaire.
Son influence à Oxford atteignit son point culminant en 1839. Mais cette même année, l'étude de l'hérésie monophysite l'amena à douter de la compatibilité entre l'anglicanisme et les principes d'autorité ecclésiale qu'il défendait. Ses doutes redoublèrent lorsqu'il lut, dans un article de Nicholas Wiseman paru dans la Dublin Review, les mots de saint Augustin contre les donatistes : « securus judicat orbis terrarum » (« le verdict du monde est concluant »). Newman explique ainsi sa réaction :
« Cette petite phrase, ces mots de saint Augustin, me frappèrent avec une force que des mots ne m'avaient jamais fait ressentir jusqu'alors... C’était comme ces mots, « Tolle, lege... Tolle, lege », prononcés par un enfant, qui avaient converti saint Augustin lui-même. « Securus judicat orbis terrarum » ! Ces grandes paroles du Père de l'Antiquité, interprétant et résumant tout le cours de la longue histoire de l'Église, réduisaient en miettes la théologie de la « Via Media ».
Cependant, Newman continua ses travaux de théologien et de controversiste pour la Haute Église, jusqu'à la publication du Tract 90, le dernier de la série, dans lequel il examina en détail les Trente-neuf articles fondateurs de l'anglicanisme, et affirma leur compatibilité avec la doctrine catholique. Il affirma en effet que les Trente-Neuf Articles ne s'opposaient pas à la doctrine officielle de l'Église catholique, mais seulement à certains excès et à des erreurs communes. Cette théorie n’était pas nouvelle, mais elle provoqua une indignation générale à Oxford, et Archibald Campbell Trait, futur archevêque de Cantorbéry, ainsi que trois autres professeurs, la dénoncèrent comme « suggérant et ouvrant une voie par laquelle des hommes pourraient violer leurs engagements solennels vis-à-vis de l'université. » L'inquiétude était partagée par de nombreuses autorités de l'université, et, à la demande de l'évêque d'Oxford, la publication des Tracts cessa.
Newman démissionna de son poste de rédacteur en chef à la British Critic. Il était alors, comme il l'affirma plus tard, « sur son lit de mort pour ce qui était de son appartenance à l’Église anglicane ». Désormais, il pensait que la position des anglicans était similaire à celle des semi-ariens lors de la controverse de l'arianisme. À cette même époque, un diocèse anglican devait être établi à Jérusalem. Les nominations devaient y être faites alternativement par les gouvernements britannique et prussien. Ceci acheva de convaincre Newman du caractère non-apostolique de l'Église d'Angleterre.
En 1842, il se retira à Littlemore, et y vécut dans des conditions monacales avec un petit groupe de proches. Leur vie conjuguait une grande austérité physique, l'anxiété et les incertitudes quant à l'avenir. Newman demanda à ses disciples de rédiger des vies des saints anglais, tandis que lui-même achevait son Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, où il cherchait à se réconcilier lui-même avec la doctrine et l'organisation de l'Église catholique. En février 1843, il publia anonymement dans l'Oxford Conservative Journal une rétractation officielle des critiques qu'il avait faites à l'encontre de l'Église romaine. En septembre, après le départ de l'un de ses compagnons, il prêcha son dernier sermon anglican à Littlemore, et démissionna de Saint-Mary.
La conversion
L'Oratoire
Deux années s'écoulèrent avant qu'il ne soit officiellement reçu dans l'Église catholique, le 9 octobre 1845, par Dominique Barberi, un passioniste italien, au Collège de Littlemore. En février 1846, il quitta Oxford pour Oscott, où résidait Nicholas Wiseman, vicaire apostolique pour le district central d'Angleterre. En octobre, il partit pour Rome, où il fut ordonné prêtre par le cardinal Fransoni, et où le pape Pie IX lui octroya le titre de Docteur en théologie. En 1847, il retourna en Angleterre en tant qu'oratorien, et demeura d'abord à Maryvale, près d'Oscott puis à St. Wilfrid College (Cheadle), à St Ann's (Birmingham), et enfin, à Edgbaston, où de grands locaux furent construits pour la communauté, et où il vécut pendant près de quarante ans. Une école tenue par les oratoriens était liée à l'établissement. Avant d'occuper les locaux d'Edgbaston, Newman avait établi l'Oratoire de Londres, dont le supérieur était le Père Faber. Il y avait donné une série de conférences sur la « situation présente des catholiques en Angleterre ». Lors de la cinquième de ces conférences, il protesta contre les déclarations anti-catholiques d'Achili, un ancien dominicain, qu'il accusa de nombreux actes immoraux.
A cette époque, le protestantisme populaire s'exprima vivement, contre le rétablissement récent de la hiérarchie catholique en Angleterre par Pie IX. Un procès fut intenté à Newman à propos de ses écrits : il fut déclaré coupable, et condamné à payer une amende de 100 livres, qui s'ajoutait à ses dépenses pour sa défense, qui s'élevaient à 14 000 livres. Cette somme fut réglée par une souscription publique, le surplus servant à l'achat de Rednall, une petite propriété située dans les collines de Lickey, avec une chapelle et un cimetière, où Newman devait être enterré. En 1854, sur la demande des évêques d'Irlande, Newman partit pour Dublin, où il fut recteur de la nouvelle université catholique d'Irlande, aujourd'hui University College. Mais l'organisation matérielle n'était pas le fort de Newman, et les évêques furent rapidement jaloux de son influence, aussi, après quatre années, il démissionna. Le meilleur de ses années à Dublin est une série de cours, publiée sous le nom de The Idea of a University, contenant certains de ses écrits les plus percutants.
En 1858, il projeta d'établir une maison de l'Oratoire à Oxford, mais se heurta à l'opposition du cardinal Henry Edward Manning et de quelques autres, qui craignaient que ceci incite les catholiques anglais à envoyer leurs fils étudier à cette université, aussi le projet fut abandonné. Lorsque, dans les années 1860, des catholiques commencèrent à fréquenter Oxford, ils y créèrent un club. En 1888, il fut renommé « Oxford University Newman Society ». Finalement, l'Oratoire d'Oxford devait être fondé cent ans plus tard, en 1993.
En 1859, il établit, en lien avec l'Oratoire de Birmingham, une école destinée aux fils de la bourgeoisie, sur des principes similaires à ceux des grandes « public schools » anglaises, et ne cessa d’y prendre un grand intérêt.
Newman s'intéressa aussi en particulier à l'éditeur Burns & Oates ; le propriétaire, James Burns, avait publié plusieurs auteurs du Mouvement d'Oxford, et Burns lui-même se convertit au catholicisme en 1847. Newman sauva l'éditeur, en lui faisant publier plusieurs de ses livres. On a même affirmé que le roman de Newman, Loss ans Gain, fut écrit pour aider Burns.
L'Apologia Pro Vita Sua
Depuis 1841, Newman était déconsidéré, du point de vue de la grande majorité des Anglais cultivés, et attendait l'occasion de justifier son parcours. En 1862, dans ce but, il commença à préparer son autobiographie. L'occasion se présenta en janvier 1864 : en effet, dans une recension de l'History of England de James Anthony Froude, parue dans le Macmillan Magazine, Charles Kingsley écrivit alors que « le Père Newman nous informe que pour son bien, la vérité n'est pas nécessaire, et, dans l'ensemble, ne doit pas être une vertu du clergé romain. »
Publié en réponse en 1864, le pamphlet de Newman, est un sommet d'écriture polémique, par sa puissance satirique. Newman admit par la suite que sa colère d'alors était largement feinte. Il publia ensuite, en feuilleton bimensuel, son Apologia Pro Vita Sua, une autobiographie spirituelle d'un immense intérêt, d'une grande simplicité de ton, qui « révolutionna la popularité de son auteur », en montrant la force et la sincérité des convictions qui avaient amené sa conversion au catholicisme. Cependant, Newman ne répondait pas directement à l'accusation de Kingsley sur le clergé catholique en général. Seule une phrase, dans un appendice consacré au mensonge et à l'équivoque, affirmait que les prêtres catholiques étaient tout aussi dignes de confiance que les anglicans. Newman publia une édition révisée des pamphlets en 1865.
Dernières années
En 1870, Newman publia sa Grammar of Assent, son travail le plus abouti, dans lequel la foi religieuse est appuyée par des arguments souvent différents de ceux employés par les théologiens catholiques. En 1877, lors de la réédition de ses travaux anglicans, il ajouta aux deux volumes sur la Via Media une longue préface et de nombreuses notes, où il critiquait et répondait à ses propres arguments anti-catholiques d'alors. Lors du Ier concile œcuménique du Vatican (1869-1870), il s'opposa à la définition de l'infaillibilité pontificale, et, dans une lettre privée à son évêque, publiée à son insu, il dénonça « la faction insolente et agressive » qui avait soutenu ce dogme.
Mais lorsque le dogme fut proclamé, il se s'y opposa pas, et, par la suite, dans une lettre adressée au duc de Norfolk à l'occasion de l'accusation portée par William Gladstone contre l'Eglise catholique comme ayant « également répudié la pensée moderne et l'histoire ancienne », Newman affirma qu'il avait toujours cru en cette doctrine, mais avait seulement craint son effet négatif sur les conversions en Angleterre en raison des spécificités historiques locales du catholicisme. Par cette lettre, particulièrement dans le post-scriptum de sa deuxième édition, Newman fit taire tous ceux qui affirmaient qu'il n'était pas à l'aise au sein de l'Église catholique.
En 1878, à son grand plaisir, son ancien collège le choisit comme membre honoraire, et, après trente-deux ans d’absence, il retourna à Oxford. La même année le pape Pie IX, qui n'avait guère confiance en lui, mourut. Son succcesseur, Léon XIII, sur la suggestion du duc de Norfolk, décida d'élever Newman au cardinalat. Cette distinction était remarquable, parce que Newman n'était qu'un simple prêtre, et ne résidait pas à Rome. La proposition fut faite en février 1879, et son annonce publique fut reçue avec une grande approbation dans tout le monde anglophone. John Henry Newman fut créé cardinal le 12 mai 1879 et reçut le titre de San Giorgio al Velabro. Il profita de sa présence à Rome pour souligner son opposition constante au libéralisme en matière religieuse.
Après une maladie qui souleva l'inquiétude, il retourna en Angleterre et résida à l'Oratoire jusqu'à sa mort, se déplaçant parfois à Londres, principalement pour rendre visite à son vieil ami, Richard William Church, doyen de St-Paul's, qui, en 1841, s’était opposé à la condamnation du Tract 90. Newman ne publia plus rien, sauf une préface pour le livre de A.W. Hutton sur le ministère anglican (1879), et un article, « On the Inspiration of Scripture » dans The Nineteenth Century (Février 1884).
Le cardinal Newman est enterré dans le cimetière de Rednall Hill (Birmingham). Il partage sa tombe avec son ami, Ambrose St. John, qui s’était converti au catholicisme en même temps que lui. Inséparables dans la vie et dans la mort, les deux hommes ont une pierre tombale commune, où est inscrit Ex umbris et imaginibus in veritatem (« Des ombres et des images vers la vérité »).
Œuvres et influence
La théologie de Newman
L'influence de Newman, comme controversiste et prédicateur, fut immense. Pour l'Église catholique, sa conversion fut source d'un grand prestige, et dissipa de nombreux préjugés. Plus précisément, son influence se fit dans l'idée d'une spiritualité plus large, et dans la notion de développement, tant au niveau de la doctrine qu'à celui du gouvernement de l'Église. Et bien qu'il ne se soit jamais considéré comme un mystique, Newman montra que selon lui, la vérité spirituelle est connue par l'intuition directe, comme une nécessité antérieure à la base rationnelle du credo catholique. Pour les anglicans, mais aussi pour certaines communautés protestantes plus strictes, son influence fut également grande, mais d'un autre point de vue : en effet, il montra la nécessité du dogme, et l'importance de la part austère, ascétique, solennelle, du christianisme.
Si son enseignement ne fut pas plus largement suivi, ce fut à cause des doutes concernant ses connaissances historiques, ainsi que ceux sur son indépendance en tant que critique. Des centaines d'ecclésiastiques, influencés par le mouvement dont il fut à la tête, se convertirent au catholicisme, mais bien plus nombreux furent ceux qu'il influença, mais qui refusèrent de le suivre dans l'idée que la foi dans l'Église catholique impliquait la soumission au pape.
Newman affirma que, à part une conviction intérieure irréductible à la raison, il n'existe pas de preuve rationnelle de l'existence de Dieu ; dans le Tract 85, il se confronta aux difficultés du Credo et des Ecritures, concluant sur leur caractère insurmontable si elles ne sont pas transcendées par l'autorité d'une Église infaillible. Dans le cas de Newman, de telles affirmations ne menaient pas au scepticisme, parce qu'il avait toujours possédé la conviction intérieure nécessaire, et, dans le Tract 85, son seul doute concernait l'identité de la véritable Église. Mais, en règle générale, son enseignement aboutit à ceci : que l'homme qui n'a pas cette conviction intérieure ne peut qu'être un agnostique, tandis que celui qui la possède est destiné à devenir, tôt ou tard, catholique.
Caractère
John Henry Newman était un homme d'une personnalité magnétique, convaincu du sens de son propre destin, et son caractère avait ses forces et ses faiblesses. Comme poète, il avait une véritable inspiration, et un talent sincère. Plusieurs de ses premiers poèmes sont décrits par R.H. Hutton comme « inégalés pour la magnificence de leur composition, la pureté de leur goût, et leur rayonnement total », alors que son dernier, et plus long poème, « The Dream of Gerontius » est parfois considéré comme l'effort le plus convaincant de représentation du monde invisible depuis l'époque de Dante. Sa prose est vigoureuse, et séduit même ceux qui n'adhèrent pas à ses conclusions, parce que les difficultés sont admises et discutées avec une apparente candeur. Enfin, sa correspondance possède un charme qui la place parmi les meilleures œuvres de ce genre dans la littérature anglaise.
Newman était trop sensible et timide pour être un bon meneur d'hommes, et trop spontané pour se mêler des affaires publiques, mais ses qualités faisaient de lui un grand journaliste. Cependant, il connaissait mal les publications scientifiques et critiques des années 1850-1890, et ne savait pas l'allemand. Dans ses écrits, certains passages montrent qu'il aurait éprouvé de la sympathie pour une théologie plus vaste. Il admit ainsi qu'il y avait « quelque chose de vrai et de divinement révélé dans toutes les religions. » Il affirma que « la liberté à l'égard des symboles et des articles est, de manière abstraite, le stade le plus haut de la communion chrétienne » mais était le « privilège spécial de l'Église primitive ».
En 1877, il dit que « dans une religion qui rassemble des masses diverses et séparées de croyants, il y a toujours dans une certaine mesure une doctrine exotérique et une doctrine ésotérique. » Ces propos, avec sa théorie du développement doctrinal et son affirmation de la suprématie de la conscience, ont porté certains à faire de Newman un libéral, malgré toutes ses dénégations. Il est certain que Newman accepta chaque élément du credo catholique, allant parfois plus loin, comme sur l'infaillibilité pontificale en matière de canonisation ; et bien qu’il ait affirmé préférer les formes de dévotion anglaises par rapport aux italiennes, il fut l’un des premiers à introduire ces dernières en Angleterre, et à les mêler aux formes rituelles locales spécifiques.
La devise qu'il adopta lorsqu'il devint cardinal, « Cor ad cor loquitur », et la phrase qui fut gravée sur le mémorial érigé en son honneur à Edgbaston, « Ex umbris et imaginibus in veritatem », semblent dévoiler autant que se peut le secret d'une vie qui a suscité la fascination de ses contemporains, en mêlant ferveur et curiosité, affection et sévère retenue.
Newman et Manning
Les deux grandes figures de l'Église catholique en Angleterre au XIXe siècle devinrent tous deux cardinaux, et étaient tous deux d'anciens ecclésiastiques anglicans. Mais il y avait peu de sympathie entre eux.
Leur rivalité était à l'image de celle qui avait opposé saint Jérôme et saint Augustin, le théologien et le pasteur, l'érudit et le gestionnaire. Le caractère de Newman était réservé, tandis qu'Henry Edward Manning était un homme expansif, veuf d'une épouse bien-aimée. L'un était un professeur d'université, l'autre un défenseur des travailleurs, l'un était un solitaire, l'autre une grande figure de la vie mondaine de la société victorienne.
Il est impossible de faire de l'un un libéral, de l'autre un conservateur. Le fait de devenir catholiques en Angleterre au milieu du XIXe siècle, les fit tous deux considérer comme des réactionnaires par beaucoup de leurs contemporains. Mais, au sein de l'Église catholique, Newman est considéré comme le plus libéral en matière théologique, notamment en raison de ses réserves à l'égard du dogme de l'infaillibilité pontificale, Manning étant plus proche du Vatican sur cette question. Cependant, sur les questions sociales, c'est Manning qui a l'approche la plus moderne, puisqu'on peut le considérer comme un pionnier de la doctrine sociale de l'Église. Il joua un rôle majeur dans l'élaboration de l'encyclique Rerum Novarum.
Œuvre
Période anglicane
- Arians of the Fourth Century (1833), édité en français en 1988 sous le titre les ariens du quatrième siècle
- Tracts for the Times (1833-1841)
- British Critic (1836-1842)
- On the Prophetical Office of the Church (1837)
- Lectures on Justification (1838)
- Parochial and Plain Sermons (1834-1843)
- Select Treatises of St. Athanasius (1842, 1844)
- Lives of the English Saints (1843-44)
- Essays on Miracles (1826, 1843)
- Oxford University Sermons (1843)
- Sermons on Subjects of the Day (1843)
- Essay on the Development of Christian Doctrine (1845)
- Retractation of Anti-Catholic Statements (1845)
Période catholique
- Loss and Gain (novel - 1848)
- Faith and Prejudice and Other Sermons (various)
- Discourses to Mixed Congregations (1849)
- Difficulties of Anglicans (1850)
- Present Position of Catholics in England (1851)
- Idea of a University (1852 and 1858)
- Cathedra Sempiterna (1852)
- Callista (novel - 1855)
- The Rambler (editor) (1859–1860)
- Apologia Pro Vita Sua (autobiography - 1866, 1865)
- Letter to Dr. Pusey (1865)
- The Dream of Gerontius (1865)
- An Essay in Aid of a Grammar of Assent (1870)
- Sermons Preached on Various Occasions (various/1874)
- Letter to the Duke of Norfolk (1875)
- Five Letters (1875)
- Sermon Notes (1849-1878)
- Select Treatises of St. Athanasius (1881)
- On the Inspiration of Scripture (1884)
- Development of Religious Error (1885)
Divers
- Addresses to Cardinal Newman and His Replies, with Biglietto Speech (1879)
- Discussions and Arguments (various/1872)
- Essays Critical and Historical (various/1871)
- Historical Sketches (various/1872)
- Historical Tracts of St. Athanasius (1843)
- Tracts Theological and Ecclesiastical (various/1871)
Bibliographie
- Bertrand de Margerie, s. j., Newman face aux religions de l'humanité, Parole et Silence, Genève, 2001
- Cardinal Jean Honoré, John Henry Newman, L'Homme de Dieu, Cerf/Histoire, 2003
- Paul Thureau-Dangin, Histoire de la Renaissance catholique en Angleterre au XIXe siècle, 3 vol., Plon, 1899-1906
- Henri Bremond, "Newman, essai de biographie psychologique", Librairie Bloud et Gay, 1906 Paris, 8ème édition 1932
Voir aussi
Liens internes
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