Montéhus

Montéhus
Montéhus
Montéhus.jpg
Montéhus

Nom Gaston Mardochée Brunswick
Naissance 9 juillet 1872, Paris
Décès décembre 1952, Paris
Activité principale chanteur
Genre musical Chanson française
Années d'activité 1884-1944

Entourage Lénine

Gaston Mardochée Brunswick dit Montéhus est un chansonnier français né à Paris le 9 juillet 1872 et mort en décembre 1952. Il est notamment l'auteur de Gloire au 17ème et de La Butte Rouge.

Sommaire

Biographie

Il était l'aîné d'une famille d'ouvriers misérables de 22 enfants.

Un enfant de la Commune

Montéhus est né peu après la Commune. Selon lui, son père Abraham Brunschwig aurait fait partie des insurgés mais aucune source ne permet de vérifier ces propos. Néanmoins, Montéhus a été élevé dans un contexte post-communard, ce qui explique son engagement politique à gauche. « Révolutionnaire cocardier » comme il aimait à se présenter lui-même, il a été du côté des « damnés de la Terre » dont parle Eugène Pottier dans L'Internationale.

Il commence à chanter en public à 12 ans, en 1884, une décennie avant le début de l'affaire Dreyfus. Il publie sa première chanson (Au camarade du 153ème) en 1897. Il adopte alors son pseudonyme, plus facile à porter que son nom dans un contexte de fort antisémitisme. Sa chanson Gloire au 17ème, en l'honneur du régiment de soldats qui refusa de tirer sur une manifestation de vignerons à Béziers, le fait connaître en 1907.

Un chanteur engagé

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la chanson est centrale dans la culture populaire. Les livres, chers, sont peu accessibles aux prolétaires. Lorsqu'elle comporte une dimension politique forte, la chanson peut être un véritable outil de propagande. Montéhus a été l'un des chantres de la révolte rouge, avec Jean-Baptiste Clément (1836-1903), auteur de la chanson Le Temps des cerises, Eugène Pottier (1816-1887), auteur de L'Internationale, Jules Jouy (1855-1897), auteur de V'là l'choléra qu'arrive, Les Anarchistes de Chicago, Pierre Dupont (1821-1870), Le chant des ouvriers, Le chant du vote, Gaston Couté (1880-1911) Le gars qu'a mal tourné, etc.

Dans ses chansons au style vif, entraînant, Montéhus s'oppose à la guerre, à l'exploitation capitaliste, à la prostitution, à la misère, à l'hypocrisie religieuse, mais aussi à l'impôt sur le revenu :

Au lieu d'imposer l'travailleur qui enrichit l'gouvernement
Imposez plutôt les noceurs [les capitalistes] qui gaspillent tant d'argent [1].

Il a également défendu la cause des femmes d'une façon remarquable. La grève des Mères fut interdite par décision de justice en octobre 1905 et Montéhus condamné pour « incitation à l'avortement ».

Un ami de Lénine

Montéhus entretint des relations avec Lénine. Ce dernier d'ailleurs l'évoque dans sa correspondance. Dans une lettre à Léon Kamenev il écrit  : « Ah ! si je pouvais encore écouter Montéhus »[2]. Lors de son exil en France (entre 1909 et 1912), Vladimir Ilitch Oulianov donna une série de conférences dans une salle de la Rive Gauche ou à Bobino (le lieu est incertain). À la demande de Lénine, Montéhus chantait en première partie afin d'attirer un public important. Les gens venus pour écouter le « chanteur humanitaire » étaient invités à entendre également l'activiste bolchevique après l'entracte. Les relations entre art et politique ici préfigurent l'agit-prop mis en place en URSS à partir des années 1920 : l'art est au service du discours politique et/ou idéologique.

Un « révolutionnaire cocardier »

Durant la Première Guerre mondiale, Montéhus, comme beaucoup d'autres, a changé radicalement d'opinion politique. Il s'est fait le chantre zélé de l'Union Sacrée et a chanté des chansons militaristes. On peut établir une comparaison avec la peinture de Picasso qui à la même époque renonce au cubisme (jugé trop « allemand ») pour un style plus académique (jugé « français »). Montéhus chante alors La Guerre finale détournement grotesque de L'Internationale :

"Et maintenant tous à l'ouvrage
Amis, on ne meurt qu'une fois !"

De même dans Lettre d'un Socialo (chantée sur L'air du Clairon de Paul Déroulède), il explique alors que l'heure est à La Marseillaise, en attendant de pouvoir à nouveau chanter L'Internationale :

Nous chantons La Marseillaise
Car dans ces terribles jours
On laisse L'Internationale
Pour la victoire finale
On la chantera au retour.

Montéhus est à l'image du monde ouvrier, qui partit massivement à la guerre contrairement aux craintes de l'État-major qui avait surestimé l'engagement pacifiste des ouvriers.

Dans une chanson imprégnée du racisme de son temps, intitulée L'Arbi, Montéhus tient des propos xénophobes :

Moi li sait bien, toi pas voulu guerre
Toi, li Français, c'est kif kif le bon Dieu[3].

Plus loin :

Moi suis content voir Paris : J'suis content, c'est bézef bonno
A couper cabêche aux sales Pruscots
car eux, du tout, pas gentils
As pas peur, as pas peur, Sidi
Si Pruscots venir, moi coupe kiki[3].

Durant ces quatre années de guerre, celui qui ne cessa de composer des chansons belliqueuses (La Dernière victime, La Voix des mourants, La Vision sanglante, Debout les Morts !, etc.) ne sera jamais mobilisé et ne connaîtra donc pas effectivement les horreurs du front. Par contre, sur la scène, à l'Olympia, il s'est montré blessé à la tête chantant des chansons bellicistes. À la fin de la guerre, en 1918, pour ses bons et loyaux services, il recevra la Croix de guerre.

Disgrâce

Montéhus a connu après la guerre une disgrâce assez longue. Il cesse d'enregistrer jusqu'au Front populaire. Il aura tenté de se racheter en composant en 1923 La Butte Rouge qui fait référence à la butte de Bapaume, théâtre de violents combats sur le front de la Somme, durant l'offensive de l'été 1916 (et pas, contrairement à une erreur fréquente, la Commune, fort peu évoquée dans l'œuvre de Montéhus). Dans cette chanson, il s'en prend aux responsables du carnage :

[...] car les bandits qui sont cause des guerres
n'en meurent jamais, on ne tue qu'les innocents.

Soutien au Front populaire

Dans les années 1930, il adhère à la SFIO. À l'avènement du Front populaire, à l'âge de 64 ans, Montéhus est de nouveau sur le devant de la scène avec Le décor va changer, Vas-Y Léon !"[4], Le Cri des grévistes, L'Espoir d'un gueux, chansons dans lesquelles il soutient le Front populaire et Léon Blum.

Sous le régime antisémite de Vichy

Montéhus n'est pas déporté mais il est contraint de porter l'étoile jaune de 1942 à la Libération. En 1944, il écrit le Chant des Gaullistes.

Après la Libération

Il reçoit la Légion d'honneur des mains de Paul Ramadier en 1947. Oublié de tous, seulement soutenu par sa famille, il s'éteint en 1952, à Paris.

Citations

Gloire au 17ème - 1907

Les soldats du 17e, levant la crosse sur les allées Paul Riquet à Béziers
Salut, salut à vous,
Braves soldats du 17ème ;
Salut, braves pioupious,
Chacun vous admire et vous aime ;
Salut, salut à vous,
À votre geste magnifique ;
Vous auriez, en tirant sur nous,
Assassiné la République.

Lettre d'un socialo (sur l'air du Clairon - Poésie de Paul Déroulède Musique Emile André) - 1914

Certes cela est pénible
Quand on a le cœur sensible
De voir tomber les copains
Mais quand on est sous les armes
On n'doit pas verser de larmes
On accepte le destin.

La Butte Rouge - 1919

La Butt’ Rouge, c’est son nom, l’ baptême s’ fit un matin
Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.
Aujourd’hui y a des vignes, il y pousse du raisin.
Qui boira ce vin là, boira l’ sang des copains.

Ils ont les mains blanches Montéhus/Chantegrelet - ?

Ils ont les mains blanches,
Les mains maquillées ;
Ils ont les mains blanches,
Par l'or ell‘s sont souillées.
Ca sent le tartuff‘, l'avar‘, le gripp‘sous,
Voilà c‘ qu'on appell‘ des mains de filous !

Les larmes des bleus Montéhus/Chantegrelet - ?

Ce sont les larmes des pauvres bleus
Qui tout‘ la nuit pensent à leur mère
Ce sont les larmes des pauvres bleus
Qui pens‘nt à leur misère.

Ne tire pas sur nous Montéhus/Chantegrelet - ?

Si le clairon sonne l'alarme,
Réfléchis bien, petit troupier,
De sang n‘ rougis pas tes armes !
En tirant sur les ouvriers.
Car notre cause, c'est la tienne;
Cell‘ pour qui tu lutt‘ ras demain,
C'est la cause prolétarienne;
En combattant, nous défendons ton pain.

La grève des mères Montéhus/Chantegrelet - ?

Refus‘ de peupler la terre,
Arrête ta fécondité,
Déclare la grève des mères,
Aux bourreaux crie ta volonté.
Défends ta chair,
Défends ton sang,
A bas la guerre
Et les tyrans !

Ohé ! Vous pouvez rire Montéhus/Chantegrelet & Doubis - ?

Ohé ! Vous pouvez rire,
Un jour viendra où ça chang‘ra.
Ohé ! Vous pouvez rire,
Un jour viendra, c'est l‘ peuple qui rigol‘ra

Y'a qu'des honnêt's gens dans l'gouvernement Montéhus/Chantegrelet - ?

Y a qu‘ des honnêt's gens dans l‘ gouvernement
A vraiment c‘ qu'on a veine en France
Y‘ a qu'des honnêt‘s gens dans l‘ gouvernement
Aussi le travailleur est très content !
Voyez donc les r‘traites qu'on vient de voter
Dix sous par jour, quelle fraternité,
Et cinq mille pour les anciens députés
Y a qu‘ des honnêt's gens dans l‘ gouvernement !

Un échappé de l'enfer (monologue créé par Montéhus) - 1914-1918?

J‘ai perdu ma patte à la guerre
C‘était dans un furieux combat,
Le canon hurlait, fou de colère :
Oh ! ce jour-là plus d'un tomba.
C‘était une horrible mêlée
On se battait comme des lions
Et à travers le fer, la fumée
Malgré le nombre nous avancions.
Ah ! nom de Dieu ! Ah ! Quel carnage

La chanson des p‘tits Montéhus/Georges Krier - ?

Source du texte : petit format illustré, éd. G. Krier (GK656)medihal-00576199

On dit qu‘il faut r‘peupler la France,
On dit qu‘il faut faire des enfants ;
Alors, qu‘on protège l‘enfance,
Que l‘on soutienne les mamans,
Que l‘on forc‘ les propriétaires
A réparer leurs sal‘s taudis
Vous remplirez moins les cim‘tières

Qui qu'a dit qu‘ ça portait bonheur Montéhus/Chantegrelet - 1904[5]

Qui donc a dit qu‘ ça portait bonheur ?
Les bell‘s petit‘s médailles du bon dieu,
Qui donc a dit qu‘ ça portait bonheur ?
D‘ prier pour c‘lui qu'est là-haut dans les cieux.
Partout, partout, j‘ vois que d‘ la misère
Partout j‘ rencontre que des crèv‘ de faim
Et, nous f‘sons c‘pendant notr‘ prière
Pourquoi donc qu‘ c‘est qu‘on n‘a pas d‘ pain ?

Discographie

Marc Robine : « Montéhus, Le chansonnier humanitaire. Enregistrements originaux 1905-1936 » EPM, Paris[6]

Ressources libres

  • L'Impôt sur les feignants (Montéhus/Chantegrelet 1936)[7]

Notes et références

  1. L'impôt sur les fainéants, répertoire Montéhus
  2. Marc Robine, « Montéhus, Le chansonnier humanitaire. Enregistrements originaux 1905-1936 » EPM, Paris
  3. a et b Marc Robine : « Montéhus, Le chansonnier humanitaire. Enregistrements originaux 1905-1936 » EPM, Paris
  4. Anthologie de la chanson française année 1936
  5. Notices BNF 1904 : FRBNF30969110 - FRBNF41668622
  6. Chronique du disque par Raoul Bellaïche, in Montéhus Je chante magazine.
  7. (2:44) sur Du temps des cerises aux feuilles mortes.

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Montéhus de Wikipédia en français (auteurs)

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