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Montéhus
Gaston Mardochée Brunswick dit Montéhus est un chansonnier français né à Paris le 9 juillet 1872 et mort en décembre 1952. Il est notamment l'auteur de Gloire au 17ème et de La Butte Rouge.
Sommaire
Biographie
Il était l'aîné d'une famille d'ouvriers misérables de 22 enfants.
Un enfant de la Commune
Montéhus est né peu après la Commune. Selon lui, son père Abraham Brunschwig aurait fait partie des insurgés mais aucune source ne permet de vérifier ces propos. Néanmoins, Montéhus a été élevé dans un contexte post-communard, ce qui explique son engagement politique à gauche. « Révolutionnaire cocardier » comme il aimait à se présenter lui-même, il a été du côté des « damnés de la Terre » dont parle Eugène Pottier dans L'Internationale.
Il commence à chanter en public à 12 ans, en 1884, une décennie avant le début de l'affaire Dreyfus. Il publie sa première chanson (Au camarade du 153ème) en 1897. Il adopte alors son pseudonyme, plus facile à porter que son nom dans un contexte de fort antisémitisme. Sa chanson Gloire au 17ème, en l'honneur du régiment de soldats qui refusa de tirer sur une manifestation de vignerons à Béziers, le fait connaître en 1907.
Un chanteur engagé
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la chanson est centrale dans la culture populaire. Les livres, chers, sont peu accessibles aux prolétaires. Lorsqu'elle comporte une dimension politique forte, la chanson peut être un véritable outil de propagande. Montéhus a été l'un des chantres de la révolte rouge, avec Jean-Baptiste Clément (1836-1903), auteur de la chanson Le Temps des cerises, Eugène Pottier (1816-1887), auteur de L'Internationale, Jules Jouy (1855-1897), auteur de V'là l'choléra qu'arrive, Les Anarchistes de Chicago, Pierre Dupont (1821-1870), Le chant des ouvriers, Le chant du vote, Gaston Couté (1880-1911) Le gars qu'a mal tourné, etc.
Dans ses chansons au style vif, entraînant, Montéhus s'oppose à la guerre, à l'exploitation capitaliste, à la prostitution, à la misère, à l'hypocrisie religieuse, mais aussi à l'impôt sur le revenu :
- Au lieu d'imposer l'travailleur qui enrichit l'gouvernement
- Imposez plutôt les noceurs [les capitalistes] qui gaspillent tant d'argent [1].
Il a également défendu la cause des femmes d'une façon remarquable. La grève des Mères fut interdite par décision de justice en octobre 1905 et Montéhus condamné pour « incitation à l'avortement ».
Un ami de Lénine
Montéhus entretint des relations avec Lénine. Ce dernier d'ailleurs l'évoque dans sa correspondance. Dans une lettre à Léon Kamenev il écrit : « Ah ! si je pouvais encore écouter Montéhus »[2]. Lors de son exil en France (entre 1909 et 1912), Vladimir Ilitch Oulianov donna une série de conférences dans une salle de la Rive Gauche ou à Bobino (le lieu est incertain). À la demande de Lénine, Montéhus chantait en première partie afin d'attirer un public important. Les gens venus pour écouter le « chanteur humanitaire » étaient invités à entendre également l'activiste bolchevique après l'entracte. Les relations entre art et politique ici préfigurent l'agit-prop mis en place en URSS à partir des années 1920 : l'art est au service du discours politique et/ou idéologique.
Un « révolutionnaire cocardier »
Durant la Première Guerre mondiale, Montéhus, comme beaucoup d'autres, a changé radicalement d'opinion politique. Il s'est fait le chantre zélé de l'Union Sacrée et a chanté des chansons militaristes. On peut établir une comparaison avec la peinture de Picasso qui à la même époque renonce au cubisme (jugé trop « allemand ») pour un style plus académique (jugé « français »). Montéhus chante alors La Guerre finale détournement grotesque de L'Internationale :
- "Et maintenant tous à l'ouvrage
- Amis, on ne meurt qu'une fois !"
De même dans Lettre d'un Socialo (chantée sur L'air du Clairon de Paul Déroulède !), il explique alors que l'heure est à La Marseillaise, en attendant de pouvoir à nouveau chanter L'Internationale :
- Nous chantons La Marseillaise
- Car dans ces terribles jours
- On laisse L'Internationale
- Pour la victoire finale
- On la chantera au retour.
Montéhus est à l'image du monde ouvrier, qui partit massivement à la guerre contrairement aux craintes de l'État-major qui avait surestimé l'engagement pacifiste des ouvriers.
Dans une chanson imprégnée du racisme de son temps, intitulée L'Arbi, Montéhus tient des propos xénophobes :
- Moi li sait bien, toi pas voulu guerre
- Toi, li Français, c'est kif kif le bon Dieu[3].
Plus loin :
- Moi suis content voir Paris : J'suis content, c'est bézef bonno
- A couper cabêche aux sales Pruscots
- car eux, du tout, pas gentils
- As pas peur, as pas peur, Sidi
- Si Pruscots venir, moi coupe kiki[4].
Durant ces quatre années de guerre, celui qui ne cessa de composer des chansons belliqueuses (La Dernière victime, La Voix des mourants, La Vision sanglante, Debout les Morts !, etc.) ne sera jamais mobilisé et ne connaîtra donc pas effectivement les horreurs du front. Par contre, sur la scène, à l'Olympia, il s'est montré blessé à la tête chantant des chansons bellicistes. À la fin de la guerre, en 1918, pour ses bons et loyaux services, il recevra la Croix de guerre.
Disgrâce
Montéhus a connu après la guerre une disgrâce assez longue. Il cesse d'enregistrer jusqu'au Front populaire. Il aura tenté de se racheter en composant en 1923 La Butte Rouge qui fait référence à la butte de Bapeaume, théâtre de violents combats sur le front de la Somme, durant l'offensive de l'été 1916 (et pas, contrairement à une erreur fréquente, la Commune, fort peu évoquée dans l'œuvre de Montéhus). Dans cette chanson, il s'en prend aux responsables du carnage :
[...] car les bandits qui sont cause des guerres
n'en meurent jamais, on ne tue qu'les innocents.Soutien au Front populaire
Dans les années 1930, il adhère à la SFIO. À l'avènement du Front populaire, à l'âge de 64 ans, Montéhus est de nouveau sur le devant de la scène avec Le décor va changer, Vas-Y Léon !"[5], Le Cri des grévistes, L'Espoir d'un gueux, chansons dans lesquelles il soutient le Front populaire et Léon Blum.
Sous le régime antisémite de Vichy
Montéhus n'est pas déporté mais il est contraint de porter l'étoile jaune de 1942 à la Libération. En 1944, il écrit le Chant des Gaullistes.
Après la Libération
Il reçoit la Légion d'honneur des mains de Paul Ramadier en 1947. Oublié de tous, seulement soutenu par sa famille, il s'éteint en 1952, à Paris.
Citations
Gloire au 17ème - 1907
- Salut, salut à vous,
- Braves soldats du 17ème ;
- Salut, braves pioupious,
- Chacun vous admire et vous aime ;
- Salut, salut à vous,
- À votre geste magnifique ;
- Vous auriez, en tirant sur nous,
- Assassiné la République.
Lettres d'un socialo - 1914
- Certes cela est pénible
- Quand on a le cœur sensible
- De voir tomber les copains
- Mais quand on est sous les armes
- On n'doit pas verser de larmes
- On accepte le destin.
La Butte Rouge - 1919
- La Butt’ Rouge, c’est son nom, l’baptême s’fit un matin
- Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin.
- Aujourd’hui y’a des vignes, il y pousse du raisin.
- Qui boira ce vin là, boira l’sang des copains.
Références
- ↑ L'impôt sur les fainéants, répertoire Montéhus
- ↑ Marc Robine, « Montéhus, Le chansonnier humanitaire. Enregistrements originaux 1905-1936 » EPM, Paris
- ↑ Marc Robine : « Montéhus, Le chansonnier humanitaire. Enregistrements originaux 1905-1936 » EPM, Paris
- ↑ Marc Robine : « Montéhus, Le chansonnier humanitaire. Enregistrements originaux 1905-1936 » EPM, Paris
- ↑ Anthologie de la chanson française année 1936
Bibliographie
Marc Robine : « Montéhus, Le chansonnier humanitaire. Enregistrements originaux 1905-1936 » EPM, Paris.
Liens externes
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- Chansons de Montéhus (La Butte rouge, La jeune garde, Les mains blanche, ...)
- La Butte rouge
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