Michel Paléologue

Michel Paléologue

Michel VIII Paléologue

Michel VIII Paléologue (grec : Μιχαήλ Η΄ Παλαιολόγος) (v. 1224 - 11 décembre 1282) est un empereur byzantin du XIIIe siècle qui règne entre 1261 et 1282.

Michel VIII, est empereur de Nicée de 1258 à 1261, puis empereur byzantin de 1261 à 1282. Il usurpe le trône de Nicée au souverain légitime Jean IV Lascaris. Son passage au pouvoir est souvent considéré comme le dernier grand règne de lempire byzantin. Il reprend Constantinople et rénove la Cité Impériale. Ensuite, grâce à une diplomatie habile, il évite une croisade contre la Romanie (autre nom de lEmpire byzantin dalors). Il utilise dailleurs bien plus la diplomatie pour régler ses différends que la manière forte à limage des Vêpres siciliennes dont il est un facteur déclenchant important mais auquel il ne participe pas directement.

Cependant Michel VIII commet plusieurs erreurs, par exemple en supprimant les colons sur la frontière turque pour épargner aux finances byzantines déjà bien mal en point une dépense supplémentaire. À lintérieur de lEmpire, il rénove certes Constantinople mais contribue par le renvoi du patriarche Arsène à créer une grave crise religieuse qui perdure bien après la mort des deux protagonistes. De plus, son alliance avec Gênes qui cède à la cité italienne de grands privilèges commerciaux dans lempire, empêche le relèvement économique et participe ainsi à la future chute de lempire byzantin.

Lempire byzantin sous Michel VIII en 1265.

Sommaire

Origine familiales et formation

Michel VIII est le fils du général Andronic Paléologue et de Théodora Doukas. Issu dune famille illustre, descendante des Comnènes (Ange et Doukas), Michel fait partie de laristocratie byzantine et reçoit son éducation à la cour de Jean III Doukas Vatatzès. Brillant général, il est cependant emprisonné en 1253 dans une prison de Nicée par lempereur byzantin Jean III qui laccuse de conspiration. Il sagit en réalité dun malentendu et lannée suivante, Jean le libère et le nomme Grand Connétable (il est le subordonnant de tous les marchands italiens présents sur le territoire de lempire)[1]. La même année, Michel devient gouverneur de Thessalonique puis stratège de Bithynie. À cette occasion il se marie avec Théodora Doukas la petite nièce de lempereur. La mort de Jean III et lavènement de son fils Théodore II le 3 novembre 1254 marque un changement dans la vie de Michel : le nouvel empereur a peu confiance en lui. En 1256, cest Michel VIII Paléologue qui mène la guerre face à Michel II dEpire. Néanmoins, il est de nouveau accusé de conspiration par lempereur et il senfuit chez le sultan seldjoukide de Roum qui le met à la tête de ses soldats combattant les Mongols[1].

En 1258, Michel est pardonné par lempereur Théodore II. Il revient à Nicée il reçoit le commandement militaire des unités nicéennes en Europe. Il prend donc une nouvelle fois part aux combats contre les Épirotes quil repousse jusquà Dyrrachium avant de perdre lavantage. Il est contraint de battre en retraite. Cet échec est mal perçu par lempereur qui lemprisonne malgré lopposition dune partie de laristocratie.

Usurpation

Hyperpérion représentant Michel VIII Paléologue à larrière gauche, le Christ à gauche et lArchange Michel à droite.

Le 18 août 1258, à la mort de Théodore, Georges Muzalon assure la régence. Jean IV, fils du défunt empereur, est encore trop jeune. Cependant, le régent, se sachant impopulaire, tente de nommer une autre personne à ce titre mais la noblesse de lEmpire le confirme dans ses fonctions[2]. Neuf jours plus tard, alors quà Magnésie sont célébrées les funérailles de lempereur défunt, des mercenaires francs entrent dans léglise et tuent Georges Muzalon et ses frères[3]. Georges Acropolite considère que les nobles tombés en disgrâce lors du règne précédent sont coupables. Mais il paraît bien plus probable que le véritable instigateur de cette opération soit Michel Paléologue[4]. En effet, il semble quil soit le chef des mercenaires et il apparaît clairement que cest peu après la mort du régent quil commence à devenir un personnage important dans la politique de lempire de Nicée. Peu après le meurtre du régent, Michel VIII est libéré et les hauts dignitaires de lÉtat se voient dans lobligation de nommer un nouveau régent. Cest Michel qui remporte le suffrage avec de plus le titre de mégaduc[5]. Le nouveau régent obtient en plus de lassemblée la possibilité de piocher à sa guise dans les caisses de lEmpire. Continuant son ascension, Michel Paléologue se retrouve avec le titre de despote, le plus élevé de la hiérarchie byzantine. Possédant autant de pouvoir quun empereur il tient cependant à en prendre les attributs et arrive à convaincre le patriarche Arsène Autoriannos (tuteur du jeune Jean IV) de le couronner empereur avec le jeune basileus pour préserver le trône du fils de Théodore II.

Le 1er décembre 1258, Michel devient officiellement le nouvel empereur de Nicée sous le nom de Michel VIII et le 1er janvier de lannée suivante se fait couronner empereur conjointement avec sa femme et Jean IV dans la cathédrale de Nicée par le patriarche Arsène[6]. Cependant, Jean IV Lascaris est relégué dans un château du Bosphore. Le patriarche, comprenant quil a été trompé, décide de se retirer dans un monastère. Il est remplacé contre lavis des hauts dignitaires ecclésiastiques par le métropolite dÉphèse, Nicéphore[7].

La reconquête

Lutte contre les Francs et le despotat dÉpire

Baudouin de Courtenay, vu par Édouard Odier.

Dès son avènement Michel VIII doit lutter contre les États francs. Lempire latin de Constantinople après avoir perdu la Thrace, une grande partie de la Macédoine et Thessalonique nest plus une menace de taille. Michel VIII signe la paix avec Baudouin II de Courtenay[8]. Toutefois, il doit très vite lutter contre un ennemi plus coriace : le despote dÉpire Michel II Doukas qui reprend la Macédoine jusquau Vardar et forme une coalition composée de Manfred Ier de Sicile ainsi que de Guillaume II de Villehardouin. Michel VIII agit promptement et envoie son frère, le sébastokrator Jean Paléologue, en Grèce avec une armée. De , ce dernier réussit à vaincre larmée du despote de Morée à Edessa. Continuant sa progression, le frère de lempereur prend Ohrid. Désireux de prendre sa revanche, Michel II rassemble son armée avec celle de Guillaume de Villehardouin et des chevaliers siciliens de Manfred. Cependant ces derniers sont une nouvelle fois battus à la bataille de Pélagonie et le prince de Morée est capturé. Suite à cela, Jean Paléologue occupe Arta, la capitale du despote, et mène lexpédition en Grèce jusquà Thèbes[9]. Le fils du despote, Théodore, récupèrera plus tard une grande partie du territoire perdu et fait prisonnier le général byzantin Alexis Strategopoulos. Ce dernier fut délivré au terme dun accord entre Michel VIII et Michel II[10].

Ces événements permettent à Michel Paléologue de pacifier ses possessions en Europe. Pour pouvoir reprendre Constantinople, il signe un traité avec les Mongols qui lui permet de consolider ses positions en Asie, abandonnant de fait son ancien allié, le sultan dIconium[11]. Le basileus signe de même un traité avec lempereur de Trébizonde Manuel Comnène pour sassurer le soutien de la plupart des forces helléniques[12].

Constantinople : le rêve des empereurs de Nicée

Depuis la prise de Constantinople en 1204, les empereurs de Nicée veulent à tout prix reprendre la ville impériale. Huile dEugène Delacroix (1840)

Depuis la prise de Constantinople par les croisés et plus particulièrement les Francs et les Latins et la création de lempire de Nicée en 1204, le but des empereurs byzantins est clairement de remettre la main sur lancienne capitale. Nicée ne constitue quun refuge, une relâche pour lempire byzantin blessé mais pas mort. Tous les prédécesseurs de Michel ont tenté de récupérer Constantinople ou du moins de sen rapprocher peu à peu. Au début, les empereurs latins ont résisté, ces derniers voulant se servir de Constantinople comme dun poste avancé pour une future croisade contre les Turcs et à plus grande échelle contre les musulmans ainsi que de se rapprocher de pratiquants du rite grec pour peu à peu, de gré ou de force, leur faire admettre le rite latin. De leur côté, les Vénitiens veulent acquérir des terres pour enrichir leur commerce. Mais lempire latin de Constantinople ne peut jamais remplir sa mission du fait notamment de labsence de renforts, des divisions des principaux chefs francs ainsi que de lhostilité des habitants. Le premier touché fut lempire latin, qui, à la veille de la conquête byzantine est ruiné, dénué de troupes, dépossédé des terres de 1204 et abandonné de ses alliés à lexception notable de Venise.

La reprise de Constantinople

Michel VIII représenté avec le Christ sur un hyperpérion célébrant la reprise de Constantinople

Conscient quil lui faut être prudent, Michel VIII sécurise ses frontières avant de planifier la restauration de son empire. En campagne une première fois en 1260, il sarrête devant Selymbria quil ne peut prendre. Anseau de Toucy, capturé lors de la bataille de Pélagonia et remis en liberté en échange de louverture dune des portes de la cité, ne tient pas sa promesse[13]. La campagne de Michel Paléologue sarrête donc et il repart à Nicée. Cette expédition attire lattention des Génois et ils envoient une ambassade à Nymphée. La raison de cet envoi est le suivant : les Génois, depuis la chute de Constantinople en 1204, sont privés de leurs avantages et de leurs terres au détriment des Vénitiens ; Gênes ne peut alors lancer que des raids de piraterie contre les possessions vénitiennes. Michel, qui connaît le potentiel de la marine génoise (lui-même ne possède quasiment pas de marine) accepte toutes les demandes des Génois et un traité synallagmatique est signé à Nymphée le 13 mars 1261 par lequel les deux signataires sengagent à former une alliance contre Baudouin II et Venise. En plus de la clause principale, les Génois doivent mettre à disposition des Byzantins leur flotte. De leur côté, les Byzantins, suite à la prise de Constantinople, sengagent à donner à Gênes les avantages dont bénéficient les Vénitiens, Constantinople devrait contenir un quartier génois et ces derniers pourraient commercer librement sur le territoire byzantin[14]. Le monopole économique de Venise serait ainsi remplacé par celui de Gênes.

Tout est prêt pour la reconquête de Constantinople, mais celle-ci ne se fait pas comme les deux alliés lont prévu. Cest au général Alexis Stratégopoulos que revient la charge de conquérir la cité. Envoyé sur la frontière bulgare avec 800 hommes , il va au devant de Constantinople pour lobserver sans avoir comme but de la prendre. La situation va cependant tourner à son avantage, une patrouille est envoyée aux alentours de la cité impériale et celle-ci sentendant avec les habitants se fait ouvrir les portes. Alexis Strategopoulos a ainsi limmense privilège de rentrer le premier à Constantinople le 25 juillet 1261[15]. Devant la rapidité des événements, Baudouin II senfuit en barque, tandis que quelques jours plus tard, une flotte vénitienne venant de la mer Noire ne peut que rester sans rien faire devant le fait accompli[16]. Constantinople est enfin reprise, les empereurs après 57 ans dexil à Nicée siègent à nouveau dans la Cité impériale.

Mesures intérieures

Rénovation de Constantinople

La bannière impériale de lempire byzantin sous les Paléologues.

Dès son arrivée à Constantinople, Michel VIII se fait sacrer empereur à Sainte-Sophie par Arsène quil a rappelé de son exil. Le basileus transporte la cour du Palais des Blachernes vers le Palais sacré, ancienne résidence des empereurs byzantins. Peu après Michel VIII prend conscience quil faut prendre des mesures durgence. En effet, lempire byzantin et Constantinople en particulier est dans un état de ruine avancée. La Cité impériale a été abandonnée à son sort durant près de 60 ans et la ville est très détériorée. Lempereur rebâtit les quartiers incendiés ou fortement délabrés[17], il nettoie les rues pleines dimmondices, remet en état les murailles de la ville et construit une flotte de guerre[18]. Celle-ci bénéficie de l'installation d'un groupe de Tzakoniens venant de la Morée et qui constituent la majeure partie de l'équipage de la future flotte[19]. Cette dernière s'installe dans l'ancien port de Kontoskalion remis en état. Comme promis dans laccord de Nymphée, il bâtit un quartier génois et remplit grâce aux habitants des faubourgs de Constantinople le quartier vénitien abandonné. Il pourvoit également à la restauration des églises et des monastères orthodoxes, afin de raviver la conscience religieuse de son peuple et ressusciter le sentiment de patriotisme. Michel sattaque aussi à promouvoir lart avec la création de fresques, dicônes qui ont été pour certaines détruites durant loccupation latine[1] tandis qu'une colonne est bâtie pour commémorer la reprise de Constantinople par Michel VIII[20]. Ce regain dintérêt pour lart peut sobserver jusquà la chute de Constantinople.

Crise religieuse

Cependant, Michel VIII sait quil est perçu par la population de lEmpire comme un usurpateur, aussi sempresse-t-il de faire crever les yeux au jeune Jean IV en 1261 pour le priver de toutes prétentions au trône et le relègue dans une forteresse en résidence surveillée. Il mutile aussi son secrétaire Manuel Holobolos qui témoignait de la pitié envers la jeune victime[21]. De plus, lempereur en tentant de créer une alliance avec Manfred de Sicile lui demande la main de sa fille Constance, veuve de Jean III Vatatzès[1]. Les réactions ne se font pas attendre. Arsène jette lanathème sur lempereur qui, en représailles, le destitue de ses fonctions et lexile. Il le remplace au patriarcat par Germain III, archevêque dAndrinople. Toute laffaire est, semble-t-il, dirigée par le confesseur de Michel, le moine Joseph de Constantinople, qui oblige Germain à abandonner le patriarcat et sy fait élire[22]. Au cours de son patriarcat, il annule logiquement lexcommunication de lempereur. Cependant Arsène conserve de nombreux partisans[10].

Administration intérieure

Contrairement à ses prédécesseurs, Michel organise ladministration de lEmpire en faveur de la noblesse. Au prix de mariages et des dons, il réussit à sallier la plupart des grandes familles de lEmpire. Il sattache aussi à donner aux membres de sa famille des postes importants, à limage de son frère Jean qui a mené la plupart des campagnes. Dès que son fils Andronic II atteint ses 16 ans, il le marie et lassocie au trône. Conséquence de ces libéralités et de lentretien de son armée, il laisse à sa mort un Trésor impérial vide[23]. Ainsi, pour assurer la rénovation de l'empire byzantin, il est contraint de dévaluer l'hypèrperion, la monnaie byzantine. Cette politique initie le mouvement de dévaluation que connaît la monnaie byzantine tout au long du XIVème siècle[24]. De plus, les Génois bénéficient du monopole du commerce à travers lEmpire et le privent des principales ressources qui auraient pu restaurer sa grandeur. On peut citer comme exemple Manuel Zacaria, marchand génois qui obtient le monopole du commerce de lalun[25]. Malgré cette domination gènoise, Venise et Pise, les deux autres républiques italiennes bénéficient encore d'avantages conséquents. Pour faire face à la banqueroute, Michel renonce à expulser les Vénitiens de Constantinople et chacune des trois colonies italiennes est dirigée par ses lois propres assurées par un dirigeant nommer par les métropoles (un baile pour les Vénitiens, un podestat pour les Gènois et un consul pour les Pisans)[24].

Tentatives dUnion entre les deux Églises

Dès la reconquête de Constantinople, Michel VIII essaie de rétablir de bons rapports avec la papauté pour éviter tout risque dune nouvelle croisade contre lEmpire. Ainsi il tente de signer lUnion des deux Églises pour sauver Constantinople comme le font la plupart de ses successeurs[26]. De plus, il a à lutter contre Charles dAnjou roi de Sicile qui avait comme projet de reprendre Constantinople et dont tous ces faits et gestes sont étroitement liés avec ses relations avec le pape.

Relations fluctuantes avec le pape et les États francs de Grèce

Urbain IV dont les relations avec Michel VIII sont fluctuantes

À son arrivée au pouvoir, Michel VIII avait comme but dempêcher une croisade contre lEmpire et de reprendre pied dans la plupart des régions des Balkans ainsi quen Grèce. Pour récupérer cette région, il lui faut lutter contre le prince de Morée. Cest ce quil fait obligeant Guillaume II de Villehardouin, qui avait été fait prisonnier à la bataille de Pélagonia, à signer un traité (1262). Guillaume devient le vassal de lEmpire et doit rendre à ce dernier les forteresses de Mistra, Geraki et Monemvasia[27]. Michel donne ladministration de ses trois places fortes à son frère Constantin. Lempereur reprend ainsi peu à peu pied en Grèce. Cependant Guillaume de Villehardouin ne tarde pas à fomenter une alliance contre lempire byzantin. En réaction, lempereur pille les îles latines et envoie Constantin prendre la ville de Sparte[1]. Mais celui-ci échoue et son armée est annihilée. Peu de temps plus tard, une flotte génoise perd une bataille face aux Vénitiens qui commencent à reprendre le contrôle de la mer Égée.

Au moment de la reconquête de Constantinople, le trône de Saint-Pierre est vacant, et il faut attendre le 28 août et lélection du pape Urbain IV pour que ce dernier réagisse. Il prêche une croisade contre Constantinople[28]. Le basileus, pour parer au danger, se rapproche de Manfred, mais ce dernier repousse les demandes de Michel. Aussi, ce dernier décide de sadresser au pape pour réconcilier Grecs et Latins. Urbain IV accepte. En effet il a repoussé les demandes de Baudouin II qui veut se réconcilier avec Manfred. Or, la participation à la croisade de lancien empereur latin paraît indispensable. Le pape trouve donc un terrain dentente avec Michel. Ainsi commence la tentative dunion des deux Églises.

En attendant larrivée des légats du pape, Michel VIII envoie de nouveau le général Constantin en campagne contre Andravida, la capitale de la principauté dAchaïe. Cependant à Sergiana, larmée byzantine est de nouveau battue et les mercenaires turcs désertent[1]. Une nouvelle fois, Constantin fuit et disparaît en tant que personnalité importante de lempire. Pendant ce temps, Guillaume de Villehardouin ravage les terres byzantines du Péloponnèse avant de se réconcilier avec Michel VIII[29],[30]. Cette trêve peut laisser place aux pourparlers devant instaurer lUnion mais Urbain IV meurt le 2 octobre 1264.

Michel VIII inquiété par les Siciliens

Pièce frappée sous le règne de Michel VIII Paléologue. Elle représente la Vierge Marie et fut faite en commémoration de la reprise de Constantinople sur les Latins.

La mort dUrbain IV gêne considérablement Michel VIII dans ses projets. En effet, il était alors prêt à conclure lUnion des deux Églises avec le pape. Lempereur doit attendre le 5 février 1265 pour connaître le nouveau pape : Clément IV. Ce dernier soutient dès son avènement Charles dAnjou dans son projet dinvasion de la Sicile contre Manfred[31]. Après sa victoire lors de la bataille de Bénévent Manfred trouve la mort, Michel VIII commence à sinquiéter. En effet, Charles dAnjou a comme projet la conquête de Constantinople[32]. Le basileus tente de se réconcilier avec le pape mais ce dernier naccepte pas[33]. De son côté Charles dAnjou, après sa victoire face au successeur de Manfred, Conradin à la bataille de Tagliacozzo, met en place une flotte pour sa future campagne contre lempire byzantin. De plus il signe un traité à Viterbe avec Baudouin II par lequel il sengage à lui rendre son trône à Constantinople[34]. Le pape qui est aussi signataire du traité nen est pas moins inquiet des projets de Charles dAnjou. Clément IV continue donc son échange de lettres avec Michel Paléologue. Le pape est prêt à accepter lUnion mais contrairement à son prédécesseur, il naccepte de reconnaître Michel VIII empereur que si le clergé grec dans son ensemble se soumet au pape. Mais le pape meurt peu après, laissant le Saint-Siège vacant pendant deux ans.

Cet événement sert tout particulièrement les intérêts de Charles dAnjou qui nest alors plus soumis à une pression pontificale pour son invasion de lempire byzantin. Il signe même un traité avec le prince de Morée. Michel VIII, ne désespérant pas, envoie des messages à Saint Louis quil considère maintenant comme le chef de la chrétienté[35]. Lempereur envoie au roi de France deux ambassades lui demandant de détourner son frère de sa tentative se conquête de lEmpire. Louis IX délègue la question religieuse au conseil des cardinaux qui formule les mêmes demandes que Clément IV pour lunion, mais Louis XI réussit à entraîner Charles dans son projet de croisade en Tunisie[36] et le roi Louis IX sapprête à recevoir la deuxième ambassade byzantine menée par Jean Teccos lorsquil meurt à Tunis de la peste. Charles dAnjou peut à nouveau se consacrer entièrement à son projet dinvasion mais sur le chemin du retour en Sicile, une violente tempête coule 18 de ses navires et une grande partie de son armée. Cet événement entraîne un sursis à Michel VIII qui peut se préparer à une nouvelle offensive de Charles dAnjou.

LUnion

Grégoire X avec qui Michel VIII conclut une Union éphémère

Le nouveau pape, Grégoire X, est élu le 1er septembre 1271. Dès son élection et alors quil est encore à Saint-Jean-dAcre, il envoie une lettre de soutien à Michel VIII et demande à Charles dAnjou de stopper ses projets belliqueux contre lEmpire[37]. Cependant, le roi de Sicile continue son action et noue des liens avec les Albanais qui le nomment roi[38] et signe une alliance avec le prince dAchaïe ainsi quavec la Bulgarie et la Serbie (1272-1273[39]). Pour parer à cette menace, Michel Paléologue sallie avec le roi de Castille Alphonse X le Sage, qui est un farouche ennemi de Charles dAnjou[40]. Mais cest le pape qui est dun grand secours pour lEmpire : ce dernier, alors quil était encore à Saint-Jean-dAcre, annonce à Michel quil est tout à fait daccord pour un projet dUnion entre les deux Églises[41] à trois conditions : lacceptation par lensemble du clergé grec de la primauté du pape, lappel ultime dans les affaires religieuses à Rome et lhommage au pape dans les prières publiques[42]. Dès lors, Michel VIII se lance dans une vaste campagne pour persuader les hautes instances de lÉglise byzantine daccepter les propositions du pape. Il démontre que les trois conditions nauraient jamais à être respectées : le pape ne viendrait jamais à Constantinople, il ny aurait donc pas à le faire passer avant les ecclésiastiques orthodoxes ; nul naurait lidée dentreprendre un long voyage pour porter son appel à Rome ; rendre hommage au pape dans les prières publiques ne changerait rien à la pureté de la doctrine orthodoxe[42].

Mais lempereur rencontre une forte résistance. Pour éviter tout échec dans sa tentative dunir les deux Églises il confirme à Grégoire X que lensemble du clergé est daccord envers ces propositions. Le basileus, pendant ce temps, tente tant bien que mal de se concilier le clergé grec, lui assurant que lUnion est la seule chance de sauver Constantinople. Sa politique remporte quelques francs succès, à lexemple de Jean Veccos, théologien qui finit par être convaincu du bien fait de lUnion. Mais le patriarche Joseph reste inflexible. Malgré tout, une ambassade est bien présente au concile œcuménique de Lyon, représentée notamment par lex-patriarche Germain, Georges Akropolitès et Théophane, le métropolite de Nicée[43]. Mais pour arriver à Rome puis ensuite à Lyon, lambassade byzantine doit passer par le territoire de Charles dAnjou qui nest bien sûr pas daccord pour la laisser passer. Il finit cependant par céder sous la pression du pape et lambassade arrive à Lyon. Après avoir été informé par les trois ambassadeurs byzantins de lacceptation par lensemble du clergé grec de la condition pontificale, lUnion est officiellement déclarée lors de la quatrième section du concile, le 6 juillet 1274[44].

Une Union fragile

LUnion des deux Églises concrétise un rêve de deux siècles des papes depuis le schisme de 1054 ; pour Grégoire X cest une grande victoire qui fait grandir son prestige. Mais, pour lempire byzantin, la situation est en tout point différente, les hauts dignitaires byzantins sont farouchement contre lUnion[45], mais cela nempêche pas Michel VIII de sacrer lunion des deux Églises le 16 janvier 1276 à la chapelle du palais. Le 26 mai de la même année, il destitue le patriarche Joseph, anti-unioniste, pour le remplacer par Jean Vekkos, pro-unioniste. Ce dernier tente tant bien que mal de convaincre les hautes instances byzantines mais il ny arrive que partiellement et lopposition grandit[43], menée notamment par Grégoire de Chypre ainsi que plusieurs personnes de la famille de Michel, dont sa sœur Théophanie que Michel VIII nhésite pas à emprisonner. Néanmoins le point positif de lUnion est la trêve signée entre lempereur et Charles dAnjou (octobre 1274).

Malgré ses problèmes, Michel Paléologue continue de correspondre avec le pape et essaie de mettre en place avec lui un projet de croisade censé chasser les Turcs de lAsie Mineure et recréer un État chrétien en Terre Sainte. Mais ce projet ne peut aboutir du fait de la mort de Grégoire X le 10 janvier 1276.

LUnion, un but impossible ?

La mort de Grégoire X porte un coup dur à la subsistance de lUnion et la succession du pape est complexetrois papes en deux ans de janvier 1276 à mai 1278, tous élus sous linfluence de Charles dAnjou[32] et donc plus ou moins hostiles à lempire byzantin. Nicolas III, élu en mai 1278, est, lui, hostile aux projets belliqueux du roi de Sicile. Cependant il demande à Michel VIII la soumission de tout le clergé grec sans exception et surtout lintégration du « filioque » dans le credo orthodoxe[42]. Le pape envoie donc un légat à Constantinople. Lorsquil arrive, Jean Vekkos abdique de son poste de patriarche pour des raisons peu claires[10], peut-être à cause du « filioque ». Cet événement met Michel VIII dans lembarras, il doit en effet cacher au légat la défection dun des plus fervents défenseurs de lUnion. Finalement, Jean Vekkos accepte de revenir à son poste. Le basileus arrive quand même à persuader le pape quil fait son possible pour que lUnion soit acceptée par tous et demande au pape dagir pour que Charles dAnjou stoppe ses projets dinvasion de lempire byzantin, car, selon lui, cela nuit au bon déroulement de lUnion. Mais, encore une fois, le pape meurt le 22 août 1280.

Charles dAnjou, grand ennemi de Michel VIII fut un des principaux facteurs qui mena à la destruction de lUnion des deux églises

Son successeur Martin IV est complètement acquis à la cause de Charles dAnjou. Cette élection marque la fin de lUnion. Michel VIII ne peut plus accepter dautres concessions pour le bien de lUnion. En effet, pour essayer de faire accepter lUnion aux hauts dignitaires byzantin et à la population en général, il se comporte en empereur cruel, crevant les yeux de la plupart des principaux opposants à lUnion[46]. Comme la plupart de ses successeurs, Michel Paléologue a tenté dunir les deux Églises pour, selon lui, empêcher la formation dune croisade contre lEmpire et dans une plus large mesure en provoquer une contre les Turcs. Mais le ressentiment entre Grecs et Latins est bien trop fort pour faire accepter à lensemble de la population de lEmpire le bien fondé de lUnion[47]. Il est impossible de faire changer davis une population par la force et cela les Paléologue le comprennent assez vite. De plus Michel VIII doit sopposer à des papes qui, excepté Grégoire X, demandent de trop fortes concessions pour lEmpire. Jamais donc lUnion lors de la dynastie des Paléologue en général et du règne de Michel VIII en particulier na pu sétablir de manière durable.

La politique de Michel VIII dans les Balkans

Dans sa politique balkanique, Michel VIII, malgré son envie de reprendre pied dans la péninsule, na aucune vue densemble et par manque de moyens militaires, il passe le plus clair de son temps sur la défensive[48]. Le basileus procède par des attaques mineures comme contre le prince de Morée. Par contre, face au despotat dÉpire, la situation est différente. À la mort de Michel II, Michel VIII tente de sattacher les services de Jean lAnge qui a reçu la Thessalie en héritage, par lintermédiaire de présents[49], en linvitant à Constantinople en grande pompe. Malgré cela le prince de Thessalie reste contre lempire byzantin. Mais en accueillant les anti-unionistes, Jean lAnge va trop loin et Michel Paléologue lance une opération lors de laquelle il envahit la Thessalie et capture plusieurs cités dont Bérat[50].

Avec le tsar bulgare Constantin Ier Asên marié à une fille de Théodore II, les relations sont mauvaises. Après avoir tenté sans succès dempêcher Michel VIII de reprendre Constantinople, Constantin Ier Asên subit les représailles du basileus qui avance jusquà la plaine de Sofia (1264). Mais Michel doit battre en retraite lorsquil arrive en vue de larmée hongroise dÉtienne V. Suite à cela Michel Paléologue prend Philippopoli ainsi que plusieurs cités de lest de lÉtat bulgare. Constantin réagit néanmoins et demande à son allié tatar Nogaï Khan du Kiptchak[51] dattaquer lempereur byzantin. Le khan inflige une lourde défaite à Michel VIII avant de piller la Thrace (1265)[52]. Pour se sortir de ce mauvais pas, Michel Paléologue marie sa fille à Constantin Asên veuf. En plus de cela le basileus doit rendre au tsar les villes de Mer Noire quil lui avait prises, mais Michel nobtempère pas ce qui provoque une nouvelle guerre. Constantin tente dappeler ses alliés Tatars, mais Nogaï a changé de camp et est devenu lallié de lempereur car celui-ci lui a donné une de ses bâtardes en mariage[53]. Ainsi cest le khan du Kiptchak qui protège la Thrace de lassaut des Bulgares.

Peu après, suite à un incident, la régence bulgare revient à la fille de Michel VIII. Cependant, les hauts dignitaires bulgares y sont opposés et nomment Ivaïlo tsar (1277)[10]. Une guerre civile se produit dont Michel essaie de profiter pour agrandir son territoire au détriment des Bulgares[54]. Le basileus soutient Jean Asên, lopposant à Ivaïlo au trône bulgare. Le prétendant de Michel réussit à sétablir sur le trône sous le nom de Jean Asen III mais est renversé peu après par Ivaïlo qui est lui même renversé en 1280 par George Terter qui, dès son avènement, signe un traité avec Charles dAnjou contre Michel VIII[55]. Ainsi, la Bulgarie en tombant dans une crise de succession nest plus un danger direct pour lEmpire. Il en va tout autrement de la Serbie, État jeune et en pleine expansion. Le principal chef des Serbes Étienne Uroš Ier se marie avec une latine, Hélène dAnjou. Pour éviter une guerre avec les Serbes, Michel Paléologue tente de marier une de ses filles à un prince serbe, Miloutine. Mais le projet ne peut aboutir, lambassade byzantine considérant la cour du prince comme indécente pour une princesse byzantine. Ceci a des conséquences néfastes pour lEmpire. En effet, Miloutine est très irrité par labandon du mariage et il se marie avec une fille de Jean lAnge le grand ennemi de Michel VIII. Peu après, en capturant les cités de Skopje et de Serrès, Etienne Uros ouvre la voie à ses successeurs qui deviennent de dangereux ennemis pour lempire byzantin[56].

Politique orientale

Michel VIII très occupé par sa politique en Occident a des relations relativement pacifiques avec les puissances orientales. Très tôt, il signe un traité avec le khan mongol Houlagou Khan qui règne en Asie mineure et qui est pro-chrétien. Il noue des relations avec les mamelouks et son chef Baybars avec qui il partage un but : éviter une croisade de lOccident. Ainsi Baybars demande à Michel de lui laisser le libre passage des Détroits pour quil puisse communiquer avec son allié le khan Nogaï (pro-musulman) du khanat du Kiptchak. Michel VIII hésitant finit par abandonner son alliance avec Houlagou espérant par ce traité avec Baybars dissuader Nogaï lallié des bulgares dattaquer lempire ce quil réussit puisquune triple alliance anti-occident fut signé par Baybars, Nogaï et Michel Paléologue. Mais en 1272 avec lUnion des deux Églises, lempire byzantin arrête de communiquer avec lÉgypte avant de signer en 1277 un traité avec Qala'ûn[57], le successeur de Baybars, contre Charles dAnjou.

Face au sultanat turc de Roum, Michel VIII nagit pas. En effet ce sultanat est peu dangereux et doit concentrer lessentiel de ses forces face aux Mongols. Le basileus par manque de moyens militaires ne peut récupérer des territoires. De plus, la culture hellénique a complètement disparue du territoire du sultanat, les Seldjoukides y ont créé une civilisation nouvelle et même si Michel avait reconquis le sultanat, il aurait eu du mal à rétablir la civilisation byzantine sur ce territoire. Ainsi lAsie Mineure qui pendant plus de 1000 ans avait connu la culture romaine et hellénique (avec lEmpire Romain dans un premier temps puis avec lempire byzantin) est en train de découvrir une nouvelle civilisation. Seul lempire grec de Trébizonde réussit à sauver lhellénisme. Sur les terres dAsie Mineure, de nombreux sultanats turcs émergent dont celui de Karaman qui sempare dIconium en 1278[58]. Une autre tribu, les Kayi, chassée par les Mongols sétablit entre Kütahya et Brousse et se met au service du sultan Alaeddin Keykubad Ier[59]. Cette tribu commandée par Ertugrul fait entrer les Ottomans dans lhistoire.

En hébergeant `Izz ad-Dîn Kay Kâwus le sultan de Roum qui avait été chassé de son trône par les Mongols, il commet une erreur[60]. En effet, il promet à Houlagou de garder le sultan de Roum à Constantinople pour que celui ci ne vienne pas reprendre son bien. `Izz ad-Dîn furieux se tourne du côté du tsar bulgare à qui il communique des informations avant de quitter la capitale byzantine après la défaite de Michel VIII en 1265[61]. Ne pouvant mener une politique offensive face aux différents émirats turcs, il aurait pu renforcer la défense aux frontières mais il fait le contraire. Les empereurs de Nicée pour garder la frontière orientale ont établi des colons payés pour protéger les défenses. Michel VIII abandonne le système trop coûteux[62] et ainsi les villes et villages frontaliers deviennent la cible de nombreux raids turcs et mongols et très vite la région est désertée. Michel envoie alors son frère Jean Paléologue, déjà victorieux à Pélagonia. En face, les Turcs sont solidement implantés et Jean se contente de renforcer les forteresses de Tralles et des villes de la vallée du Méandre. De plus, il s'assure que la paie des soldats de la région soit suffisamment importante et régulière[63]. Cependant, peu de temps après le départ de Jean qui meurt en 1274, les Turcs reprennent leurs incursions. La région est désertée par les Byzantins et la Carie devient définitivement turque. En réaction, Michel envoie Andronic Paléologue son fils contre les Turcs et les Mongols. Il obtient dans un premier temps des succès avec notamment la reprise de la ville de Tralles quil renomme Andrinocopolis. Cependant il la laisse sans murailles et sans approvisionnement[64] et très vite les Turcs reprennent la ville après après avoir vaincu une troupe byzantine dirigée par le gouverneur de la région[65]. Michel VIII est ainsi obligé de signer un traité il concède nombre de villes et villages aux émirats turcs et mongols dont lancienne Tralles qui devient ainsi un émirat turc (celui des Mentese) de plus en plus proche de Constantinople[66]. Pour préserver ses dernières possessions asiatiques, Michel VIII fait édifier une ligne de forteresses le long du fleuve Sangarios. En 1281, Michel peut enfin venir mener une campagne en Bythinie, ravagée par les raids turcs. Il réussit à repousser ces derniers mais ne peut pas continuer sa campagne car Jean Doukas se révolte de nouveau contre Byzance[67].

Michel VIII, principal artisan des Vêpres siciliennes

Article détaillé : Vêpres siciliennes.
Les Vêpres siciliennes, la plus grande réussite de Michel VIII dans sa politique extérieure (exceptée la reprise de Constantinople). Tableau par Francesco Hayez (1846)

Tout au long de son règne, Michel VIII a à lutter avec à Charles dAnjou, frère du roi de France Louis IX, qui avait conquis la Sicile au détriment de Manfred. La lutte contre ce nouvel ennemi est dailleurs quasiment indissociable de la tentative dUnion des deux Églises. En effet, quand le pape est pour lUnion, Charles dAnjou a du mal à progresser ; au contraire si le pape est pour les Francs de Sicile alors le frère de Louis IX progresse. À la mort de Grégoire X, Charles Ier dAnjou sempare de lAchaïe le 1er mai 1278) prétextant quil en est lhéritier. Il argue du fait quil est marié à la fille de Guillaume de Villehardouin, prince de Morée (principauté qui incluait aussi lAchaïe). Mais cette prise de possession ne lui apporte rien sinon des ennuis car les Byzantins lancent des incursions dans lAchaïe depuis la forteresse de Mistra. Le pape dorigine française Martin IV est tout acquis à la cause de Charles dAnjou. Ainsi, il excommunie Michel VIII en octobre 1281[68]. Cependant, la situation de Charles ne saméliore pas. Il envoie un de ses chefs de guerre, Hugues de Sully avec 8 000 soldats, assiéger Berat, cité de lAdriatique et point clé de la route menant à Thessalonique. Charles dAnjou décide dassiéger les défenseurs pendant tout lhiver 1280-1281. En mars, larmée byzantine arrive en renfort et se poste en surplomb de la cité. Limpossibilité pour les Angevins de savoir le nombre et la position de ladversaire crée la panique dans les rangs de larmée qui bat en retraite. Les cavaliers sont pour la plupart faits prisonnier et emmenés à Constantinople dans la plus pure tradition romaine[1].

Charles dAnjou, irrité par tous ces échecs et voyant quil ne peut progresser dans le territoire de lEmpire, forme une alliance avec le prince de Tarente ainsi que Venise. Cette alliance projette de rétablir lempire latin de Constantinople (traité dOrvietto, 3 juillet 1281). Mais Michel VIII réagit et avec son fidèle allié le roi dAragon qui sestime successeur légitime de la Sicile, il provoque une révolte des Siciliens le 30 mars 1282 qui aboutit au massacre des troupes angevines[1]. Les derniers sont chassés de lîle et la Sicile est à partir de cette date dominée par les Aragonais. Cet événement est nommé ultérieurement les « Vêpres siciliennes ». Ce coup de maître est sûrement la plus grande réussite de Michel VIII dans sa politique extérieure.

Gênes ou limpossible renaissance économique de lempire

Le traité de Nymphée concède dénormes droits commerciaux à Gênes. La cité italienne possède ainsi un quasi-monopole économique dans lempire à limage de son contrôle sur lalun. Après Venise pendant près de 60 ans, cest au tour de sa rivale de contrôler léconomie de lempire[69]. En sétablissant au confluent des routes commerciales, elle empêche lempire byzantin de profiter des immenses possibilités commerciales quil possède. De plus, Gênes pourtant officiellement allié à lempire nhésite pas à comploter contre lui comme en 1264 Gênes signe un traité avec Manfred Ier de Sicile pour rétablir lempire latin. Finalement Michel VIII se réconcilie avec la cité maritime. Cependant en compensation de la trahison, les Génois sont chassés de Constantinople et doivent sinstaller dans le faubourg de Galata de lautre côté de la Corne dOr. Michel VIII établit ainsi une ville nouvelle qui nest plus du tout sous contrôle de lempire et qui grâce à son port attire bientôt les bateaux du monde entier qui peu à peu désertent le port de la Cité Impériale et ainsi plongent encore plus lempire byzantin dans la détresse[10].

Un bilan en demi-teinte

Miniature de l'époque représentant Michel VIII Paléologue.

Michel VIII meurt le 11 décembre 1282 alors quavec laide de 4 000 Tatars de la Horde dOr, il sapprête à lancer une attaque devant supprimer lÉtat de la Thessalie[70]. Il part donc en campagne en bateau puis à cheval mais sa mauvaise santé loblige à sarrêter en Thrace il meurt à Pachomios. Cest son fils Andronic II déjà co-empereur qui lui succède et lenterre à lendroit de sa mort préférant éviter des funérailles dans la capitale une partie de la population est hostile au défunt empereur[1]. Le corps fut plus tard transporté à Selymbria.

À sa mort, Michel VIII laisse un empire restauré mais faible. Au début de son règne, alors quil est empereur de Nicée, il obtient ses plus grands succès dont le plus important est bien sûr la reprise de Constantinople. Malgré cet exploit qui lui permet de restaurer lempire byzantin, Michel VIII est vu par ses contemporains comme un usurpateur, rien de plus. De surcroît, après la prise de la Cité Impériale, il multiplie les erreurs. Lhorrible mutilation quil fait subir au jeune Jean IV faillit lui coûter son trône. De plus, la révocation du patriarche Arsène Autorianos, provoque la création dune Église favorable au patriarche, les arsénites qui provoquent presque un schisme. Dans sa politique intérieure, Michel réussit en partie à rénover et à repeupler Constantinople qui était dans un état lamentable en 1262, mais son traité avec Gênes est catastrophique pour lEmpire et est le début dune lutte entre Génois et Vénitiens qui se déroule sur lEmpire et prive Byzance des ressources nécessaires pour sa sauvegarde. Sa tentative dUnion des deux Églises avait pour but la sauvegarde de lempire byzantin contre une menace des États catholiques. La façon dont il essaie de la faire accepter à la population byzantine lui aliène la plupart des grands nobles de lempire byzantin. En politique étrangère, il réussit plus ou moins ses objectifs : il réussit à empêcher une nouvelle croisade contre lEmpire et surtout, en provoquant les Vêpres siciliennes, il détruit son ennemi juré. Malheureusement, en Grèce, il ne réussit pas à chasser les principautés franques qui restent dangereuses pour lEmpire. Dans les Balkans, bien quil ait réussi de beaux coups déclats face à la Bulgarie, il se découvre au contraire un ennemi qui devient extrêmement dangereux pour lEmpire : la Serbie. Dans sa politique orientale il a de bons rapports avec les Mamelouks et le khanat de Kiptchak mais la suppression des colons qui protègent la partie orientale de lEmpire est un désastre[62]. Michel VIII perd ainsi les principales terres qui ont constitué lempire de Nicée et plus que jamais, lEmpire risque de perdre ses dernières provinces asiatiques.

Famille

Michel VIII est le fils dAndronic Paléologue, gouverneur de Thessalonique, et de Théodora Paléologue. Marié en 1253 à Théodora Vatatzès (12401303), cousine des empereurs Lascaris de Nicée, il eut pour enfants :

Ascendance sur trois degrés

          ┌──> Michel Paléologue
              
          
     ┌──> Alexis Paléologue 
         
         
         └──> 
              
     
┌──> Andronic Paléologue 
    gouverneur de Thessalonique
    
        ┌──> 
            
        
    └──> Irène Comnène
         
         
         └──> 
              

Michel VIII Paléologue (12241282)
empereur byzantin (1261-1282) 

         ┌──> Georges Paléologue
             sebastos
         
    ┌──> Alexis Paléologue 
        
        
        └──> 
             
    
└──> Théodora Paléologue
     
     
         ┌──> Alexis III Ange († 1203)
             empereur byzantin (1195-1203) 
         
     └──> Irène Ange
          
          
          └──> Euphrosyne Doukaina Kamatera
               


Sources

  • George Akropolitès, Synopsis Chronike.(contemporain du règne)
  • Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, éditions Albin Michel.(ISBN 2226057196)
  • (en) Cambridge Medieval History, Éditions Paul Fourrache, (ISBN 100521853605)
  • Jacques Heers, Chute et mort de Constantinople 1204-1453, éditions Perrin.(ISBN 2262020981)
  • Michel Kaplan, Alain Ducelier, Byzance : du IVe au XVe siècle, éditions Hachette Supérieur.(ISBN 2011455774)
  • John Julius Norwich (trad. Dominique Peters), Histoire de Byzance (330-1453), 1998 [détail des éditions] 
  • Georges Pachymères, Histoire, éditions Albert Failler.(contemporain du règne)
  • Michel VIII sur le site monarchies.org

Références

  1. a, b, c, d, e, f, g, h et i http://www.monarchies.org/souverains/byzance/michel_VIII.htm
  2. Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, p. 318-319.
  3. Chapman, Michel Paléologue restaurateur de lEmpire byzantin, p. 30-33.
  4. Cambridge Medieval History, p. 507.
  5. George Akropolite, Synopsis Chronique, p. 1162 et suivantes.
  6. Georges Akropolitès, Synopsis Chronike, p. 510.
  7. George Akropolite, Synopsis Chronike, p. 1205.
  8. Chapman, Michel Paléologue, restaurateur de lempire Byzantin, p. 39-40.
  9. Longnon, Chronique de Morée.
  10. a, b, c, d et e Georges Pachymères, Histoire
  11. Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, p. 320.
  12. Chrysanthos, Lempire de Trébizonde, p. 177.
  13. Cambridge Medieval History, p. 509.
  14. Bratianu, Recherches sur le commerce génois dans la mer Noire, p. 79-81.
  15. Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, p. 320-321.
  16. George Akropolite, Synopsis Chronike, p. 85-86.
  17. Füchs, Die Höheren Schulen von Konstantinopel im Mittelalter, p. 155.
  18. Chapman, Michel Paléologue, p. 47-49.
  19. Donald M. Nicol, Les Derniers Siècles de Byzance, éditions Texto, p.62
  20. Donald M. Nicol, Les Derniers Siècles de Byzance, éditions Texto, p.64
  21. Georges Pachymères, Histoire, Tome III p. 10-12.
  22. Nicéphore Grégoras, Tome IV.
  23. Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, p. 322.
  24. a et b Donald M. Nicol, Les Derniers Siècles de Byzance, éditions Texto, p.63
  25. W. Miller Essays on the Latin Orient, p. 284 et suite.
  26. Alain Ducelier, Michel Kaplan, Byzance du IVe au XVe siècle, p. 148.
  27. Nicéphore Grégoras, Chronique de Morée, p. 287.
  28. Norden, Das Papsstum und Byzanz, p. 405.
  29. Zakythinos, Le despotat grec de Morée, p. 38-44
  30. Rodd, The Princes of Achaïa, p. 226-230.
  31. Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, p. 324.
  32. a et b Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, p. 323.
  33. Norden, p. 448.
  34. Zakythinos, le Despotat grec de Morée, p. 45-47.
  35. Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, p. 325.
  36. Louis Bréhier, LÉglise et LOrient, les croisades, p. 237.
  37. Georges Pachymères, Histoire, p. 11.
  38. Alain Ducelier, Michel Kaplan, Byzance du IVe au XVe siècle, p. 108.
  39. Chapman, Michel Paléologue, p. 94.
  40. Norden, Das Pappstum und Byzans, p. 286-289.
  41. Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, p. 126.
  42. a, b et c Deno Geanakoplos, « Michael VIII Palaeologus and the Union of Lyons »
  43. a et b Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, p. 327.
  44. Georges Pachymères, Histoire, T. V, p. 21-22.
  45. Alian Ducelier, Michel Kaplan, Byzance du IVe au XVe siècle, p. 127.
  46. Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, p. 321.
  47. Michel Kaplan, Alain Ducelier, Byzance du IVe au XVe siècle, p. 151.
  48. Louis Bréhier,Vie et mort de Byzance, p. 329.
  49. Nicéphore Grégoras, Chronique de Morée.
  50. Norden, Das Pappstum und Byzans, p. 544.
  51. Grousset, LEmpire des Steppes, p. 526.
  52. Cambridge Medieval History, T. IV, p. 527.
  53. Georges Pachymères, Histoire, t.V, p. 3 et suite.
  54. Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, p. 331.
  55. Cambridge Medieval History, p. 527-530.
  56. Cambridge Medieval History, p. 532.
  57. Canard, Le traité de 1281 entre Michel Paléologue et le sultan Qala'ûn p. 669, traduction française dun traité arabe du XIIIe ou XIVe siècle
  58. Cahen, Les turcomans de Roum au moment de linvasion mongole, p. 131-139.
  59. Cambridge Medieval History, p. 655 et suite.
  60. Chapman, Michel Paléologue, p. 120.
  61. Chapman, Michel Paléologue, p. 148.
  62. a et b Paul Lemerle, Histoire de Byzance, p. 114.
  63. Donald M. Nicol, Les derniers siècles de Byzance, éditions Texto, p.106
  64. Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, éditions Albin Michel, p.334
  65. Donald M. Nicol, Les Derniers Siècles de Byzance, éditions Texto, p.107
  66. Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, p. 334.
  67. Georges Pachymères, II, p.591-595
  68. Deno John Geannakoplos, Emperor Michael Palaeologus and the West
  69. Alain Ducelier, Michel Kaplan Byzance du IVe au XVe siècle, p. 137.
  70. Jacques Heers, Chute et mort de Byzance

Bibliographie

En français

  • Louis Bréhier, Vie et Mort de Byzance, Albin Michel, mai 2006, 632 p. (ISBN 2-226-17102-9) [présentation en ligne] 
  • Donald M. Nicol, Les derniers siècles de Byzance. 1261-1453. , Les Belles Lettres, Paris, 2005. (ISBN 2-251-38074-4)
  • Paul Gautier, Encyclopédie Larousse en 20 volumes, vol3, Paris, 1972 (ISBN 2-03-000903-2), partie Michel VIII 
  • Paul Gautier, Encyclopédie Larousse en 20 volumes, vol4, Paris, 1972 (ISBN 2-03-000904-0), partie Byzantin (Empire) 
  • (collectif), Byzance, lempire dOrient, Sélection du Readers Digest, 2003 (ISBN 2-7098-1496-X).
    daprès A concise history of Byzantium de Warren Treadgold (Palgrave/Macmillan 2001)
     
  • Jean-Claude Cheynet, Byzance : LEmpire romain dOrient, Armand Colin, 2e édition, 2006 (ISBN 2200346891) 
  • Vannier, J-F. Les premiers Paléologues (Études prosopographiques), 1989, (ISBN 2-85944-110-7)

En anglais

  • Nicol, Donald. The Last Centuries of Byzantium, 1261-1453, 1993, (ISBN 0246105593)
  • Deno John Geanakoplos, « Michael VIII Palaeologus and the Union of Lyons (1274). », The Harvard Theological Review, Vol. 46, No. 2 avr., 1953.
  • Deno John Geanakoplos, « Greco-Latin Relations on the Eve of the Byzantine Restoration: The Battle of Pelagonia-1259 », Dumbarton Oaks Papers Vol. 7, 1953.
  • Deno John Geannakoplos, Emperor Michael Palaeologus and the West 1258-1282: A Study in Byzantine-Latin Relations, Cambridge UP, 1959.
  • Deno John Geannakoplos, Constantinople and the West: Essays on the Late Byzantine (Palaeologan) and Italian Renaissances and the Byzantine and Roman Churches., University of Wisconsin Press, 1989.
  • Oxford Dictionary of Byzantium, Oxford UP, 1991, (ISBN 0195046528)
  • Alice-Mary Talbot « The Restoration of Constantinople under Michael VIII » Dumbarton Oaks Papers Vol. 47, 1993.
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