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Méthode expérimentale
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La méthode expérimentale consiste à tester par des expériences répétées la validité d'une hypothèse et à obtenir des données quantitatives, chiffrées. L'expérience scientifique se distingue de l’expérience empirique en ce qu'elle exige un protocole. L'expérience scientifique se réalise dans un laboratoire qui permet la maîtrise de chaque facteur.
Cette méthode a ainsi été centrale dans la révolution scientifique accomplie depuis le XVIIe siècle, en donnant naissance aux « sciences expérimentales ». L'un des précurseurs de la méthode expérimentale est ainsi le physicien et chimiste irlandais Robert Boyle, qui est aussi le père de la philosophie naturelle. La méthode expérimentale a été employée par des disciplines visant à se donner un statut scientifique identique à celui des sciences de la nature, telle que la sociologie, la psychologie, ou l'archéologie.
La conduite d'une expérience mènerait ainsi, le schéma d'interprétation épistémologique classique à deux types de bénéfice:
- D'abord la possibilité de vérifier l'hypothèse ou de la réfuter;
- mais aussi dans tous les cas, un enseignement sur les causes de l'éventuel échec, enseignement qui sera réinvesti dans la définition d'une expérience plus adéquate. Le bénéfice est alors méthodologique.
Sommaire
Principe
Le plus souvent une hypothèse tente d'identifier une liaison cause-conséquence. Par exemple, mon hypothèse peut-être « la lumière permet la croissance d'une plante » .
L'expérience consiste à reproduire le phénomène « croissance d'une plante », de 2 manières:
- D'une part sans le facteur à tester (sans lumière); c'est le témoin négatif.
- d'autre part , un témoin positif, avec le facteur à tester (avec lumière). Ce dernier dispositif permet de vérifier que tous les autres éléments non testés sont opérationnels (la plante fonctionne bien).
Avant même la mise en oeuvre, les résultats de l'expérience doivent être prévus:
- Si la croissance ne se produit pas dans les 2 dispositifs, je ne peux rien déduire, si ce n'est que ma manipulation n'est pas adaptée à ma recherche.
- Si la croissance ne se produit pas sans lumière, mais avec la lumière, alors l'hypothèse est validée:" la lumière fait pousser les plantes".
- Si le phénomène se produit dans les 2 dispositifs, alors l'hypothèse n'est pas validée, mais elle n'est rejetée pour autant.
En dehors du facteur à tester qu'il faut faire varier, tous les dispositifs doivent être rigoureusement identiques. Sans cela d'autres facteurs pourraient être à l'origine de la différence de résultats avec le témoin. Par exemple, s'il fait plus froid dans le premier dispostif sans lumière, l'absence de croissance peut-être aussi bien imputée à ce facteur température.
Les résultats des expériences doivent être prévus avant leur mise en oeuvre.
Expérience scientifique à l'aide de modèle
Lorsque certains phénomènes naturels sont trop complexes, trop vastes, trop dangereux, trop chers, ou trop long à reproduire dans une expérience, on a recours à un dispositif simplifié : le modèle.
Il peut s'agir :
- d'un modèle réduit (maquette). On parle de modélisation analogique, auquel les géologues étudiant la tectonique ont eu recours .
- d'un modèle numérique (programme de simulation par ordinateur)
- d'un modèle vivant , comme la souris qui permet d'éviter des expériences sur des humains.
Article détaillé : Organisme modèle.Dans ce cas la validité du modèle peut être discutée. Mon modèle doit le mieux possible représenter l'objet sur lequel repose mon hypothèse. Par exemple pour démontrer l'origine humaine du réchauffement climatique on utilise des modèles numériques du climat. Les détracteurs de cette hypothèse remettent en cause ces modèles, qui ne prendraient pas assez en compte l'influence des nuages.
Protocole d'expérimentation
Le protocole d'expérimentation regroupe la description des conditions et du déroulement d'une expérience ou d'un test. La description doit être suffisamment claire afin que l'expérience puisse être reproduite à l'identique et il doit faire l'objet d'une analyse critique pour notamment détecter d'éventuels biais.
A titre d'exemple on a récemment constaté que les récipients en plastique utilisés pour la plupart des expérimentations biologiques relarguaient des additifs, dont certains sont des perturbateurs endocriniens. Même des récipients "neutres" en verre spécial peuvent modifier la forme des protéines qui entrent en contact avec les parois, ce qui peut fausser des expériences ou dégrader des processus de fabrication[1].
Structure théorique d'une expérience
D'un point de vue très général, l'expérience isolée comporte sommairement trois phases : la préparation ; l'expérimentation ; l'évaluation ; les deux dernières étant l'aboutissement simple de ce qui les a précédé.
Une expérience globale composée d'expériences partiellement individualisables comporte les trois mêmes pôles. Cependant si dans l'expérience isolée les trois phases constituent autant d'étapes réglées chronologiquement, dans l'expérience globale, il s'agit de trois registres qui interagissent en permanence. Ainsi :
- L'évaluation est plus ou moins associée aux paramètres pris en compte dans la préparation, par exemple, les résultats questionnent la méthode d'échantillonnage ;
- L'expérimentation peut être répétée, en fonction des deux autres phases ;
La préparation se réalise autour d'une double intention : la réussite de l'expérience, c'est-à-dire la conduite jusqu'à son terme ; la pertinence ou succès de l'expérience, c'est-à-dire l'accès à un résultat positif, à l'égard de l'objectif initial.
Chacune des intentions motivant et organisant l'expérience trouve ses limites dans au moins une forme d'incertitude : l'incertitude de base portant sur la réalisation de l'expérience est rejointe par autant d'incertitudes qu'il y a de choix possibles pour les conditions initiales.
La préparation est donc basée sur des perspectives et opérations d'anticipation ; supputations de l'expérience qui peuvent réduire l'incertitude sur tel ou tel paramètre.
La préparation aboutit ainsi à la réunion de facteurs d'efficacité.
Dans l'expérience globale, chaque phase ne résultant pas simplement de la précédente, les liens entre les conditions initiales et les résultats sont affectés par une complexité qui apporte une nouvelle charge d'incertitude.
L'évaluation se réfère à des critères qui auront été explicités en association avec la détermination des facteurs d'efficacité.
Historique et épistémologie
La thèse Duhem-Quine
Ce schéma, apparemment simple, de la vérification d'une hypothèse à l'aide de l'expérience, est demeuré en vigueur dans les sciences expérimentales, de Bacon jusqu'au XXe siècle, date à laquelle certains l'ont remis en cause (Pierre Duhem en 1906 [2]). En effet, selon l'article célèbre de Quine, Les deux dogmes de l'empirisme, il n'existe aucune « expérience cruciale », qui puisse permettre de confirmer, ou non, un énoncé scientifique. Quine soutient en effet une position holiste, qui ne dénie pas tout rôle à l'expérience, mais considère que celle-ci ne se rapporte pas à un énoncé scientifique, ou hypothèse, en particulier, mais à l'ensemble de la théorie scientifique. Aussi, à chaque fois qu'une expérience semble apporter un démenti à l'une de nos hypothèses, nous avons en fait toujours le choix entre abandonner cette hypothèse, ou la conserver, et modifier, à la place, un autre de nos énoncés scientifiques. L'expérience ne permet pas, ainsi, d'infirmer ou de confirmer une hypothèse déterminée, mais impose un réajustement de la théorie, dans son ensemble; et nous avons toujours le choix de procéder au réajustement que nous préférons:
« On peut toujours préserver la vérité de n'importe quel énoncé, quelles que soient les circonstances. Il suffit d'effectuer des réajustements énergiques dans d'autres régions du système. On peut même en cas d'expérience récalcitrante préserver la vérité d'un énoncé situé près de la périphérie, en alléguant une hallucination, ou en modifiant certains des énoncés qu'on appelle lois logiques. Réciproquement (...), aucun énoncé n'est à tout jamais à l'abri de la révision. On a été jusqu'à proposer de réviser la loi logique du tiers exclu, pour simplifier la mécanique quantique. » [3]
L'expérience qualitative préalable
Wolfgang Köhler constate que "les physiciens ont mis des siècles à remplacer graduellement des observations directes et surtout qualitatives par d'autres, indirectes, mais très précises" (W. Köhler, Gestalt Psychology, 1929. Traduction française La psychologie de la forme, Gallimard, Paris, 1964. Traduit par Serge Bricianer) [réf. incomplète] . Il cite quelques exemples où tel savant fait une observation singulière mais uniquement d'ordre qualitatif avant que ce fait - une fois découvert - serve de fondement à une méthode d'évaluation quantitative du phénomène ; ces méthodes se concrétisant souvent en instruments de mesure toujours plus perfectionnés.
Il généralise ce constat historique en posant que toute nouvelle science se développe naturellement par le passage progressif des "expériences directes et qualitatives" aux "expériences indirectes et quantitatives" [réf. nécessaire]; celles-ci étant une caractéristique majeure des "sciences exactes" [réf. nécessaire]. Il insiste sur la nécessaire accumulation préalable des expériences essentiellement qualitatives ; conditions indispensables des investigations quantitatives ultérieures [réf. nécessaire].
C'est le défi qu'il propose à la psychologie qu'il considère comme une "jeune science" [réf. nécessaire]. Il invite ainsi à résister à l'imitation de la physique ; à ne pas plaquer les méthodes d'une science mûre sur les tâtonnements de celle qui se cherche et donc à favoriser avant tout la croissance des expérimentations préalables indispensables aux futures expériences quantitatives rigoureuses.
Reconnaissant la complexité de l'objet de la psychologie comparée aux simplifications que la physique autorise, il assure après avoir évoqué la question des tests qu"on ne saurait assez souligner l'importance de l'information qualitative comme complément nécessaire du travail quantitatif".
L'exemple type est celui de Galilée, qui découvre le mouvement des planètes par l'observation avec une lunette astronomique.
Instruments fréquemment utilisés
Microscopie
Les méthodes de microscopie sont utilisées principalement en sciences de la matière et de la vie : sciences des matériaux, biologie moléculaire, géologie… mais aussi pour les investigations : police scientifique, épidémiologie et diagnostic médical (culture de cellules), études environnementales (hygiène et sécurité du travail, pollution)…
- Microscope optique
- Microscope laser confocal à balayage
- Microscope électronique
- Microscope à force atomique
- Microscope à effet tunnel
- Microscope optique en champ proche
- Microscope de fluorescence par réflexion totale interne
Analyse structurale
Ces méthodes consistent à déterminer la structure des cristaux et des molécules. Elles sont utilisées en chimie analytique, pour étudier la synthèse des molécules (synthèse organique, industrie pharmaceutique), en sciences des matériaux…
- Résonance magnétique nucléaire
- Absorption des rayons X
- Diffraction des rayons X
- Diffraction des neutrons
- Spectroscopie Auger
Analyse chimique
De nombreux domaines ont recours à la chimie analytique.
- Microanalyse X
- Spectrométrie de fluorescence X
- spectrométrie de masse
- Surface plasmon résonance
- Spectroscopie de corrélation de fluorescence (FCS)
- Spectrométrie
Cinétique chimique
- Méthode différentielle de Van't Hoff
- Méthode de Powell
- Méthode des temps réduits de réaction
- Méthode d'Ostwald
- Méthode des vitesses initiales
Essais mécaniques
Les essais mécaniques ont pour rôle de déterminer la capacité d'un matériau à se déformer (mise en forme, usinage, rhéologie), à s'user (tribologie), ou à casser. Cela concerne bien sûr les sciences des matériaux, mais aussi la biomécanique.
Tester l'efficacité d'un médicament
Article détaillé : Étude randomisée en double aveugle.Expériences en blocs
Dans les expériences en champ, au sens large (champ, verger, forêt, etc.), qui sont réalisées en recherche agronomique, on appelle blocs des ensembles de parcelles voisines qui servent à comparer différents traitements (différentes fumures par exemple).
Les blocs sont dits complets quand tous les éléments qui interviennent dans l'expérience (toutes les fumures étudiées par exemple) y sont présents. Ils sont au contraire dits incomplets quand seulement certains de ces éléments y sont présents.
La répartition des différents éléments est réalisée au hasard à l'intérieur des différents blocs, et indépendamment d'un bloc à l'autre, raison pour laquelle les blocs sont souvent qualifiés d'aléatoires ou randomisés.
Le cas le plus fréquent est celui des expériences en blocs aléatoires complets ou blocs randomisés complets.
L'utilisation de blocs (en anglais: blocking) intervient également, parfois sous d'autres dénominations, dans d'autres domaines que l'expérimentation en champ et la recherche agronomique (recherche industrielle ou technologique, recherche médicale ou pharmaceutique, etc.). En matière médicale par exemple, les blocs peuvent être constitués de groupes de patients qui présentent des caractéristiques semblables.
Le carré latin et le carré gréco-latin sont d'autres dispositifs expérimentaux, beaucoup moins utilisés que les blocs.
Notes et références de l'article
- ↑ "Les récipents perturbent les médicaments" ; La Recherche, Janv 2009, p 24
- ↑ Pierre Duhem, L’expérience cruciale est impossible en physique, extrait de La théorie physique, son objet et sa structure, 1906, 1914, seconde partie, chapitre VI, § III. — L’« Experimentum crucis » est impossible en Physique
- ↑ Quine, Les deux dogmes de l'empirisme, in De Vienne à Cambridge, trad. P. Jacob, Gallimard, 1980.
Bibliographie
- Pierre Dagnelie. Principes d'expérimentation: planification des expériences et analyse de leurs résultats. Presses agronomiques, Gembloux, 2003, 397 p. (ISBN 2-87016-069-0) et édition électronique (PDF).
Voir aussi
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