Marquis de Villette

Marquis de Villette

Charles de Villette

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Charles de Villette
Gravure de 1791, coll. Jean-Jacques Monney
Gravure de 1791, coll. Jean-Jacques Monney

Activité(s) Écrivain, homme politique
Naissance 4 décembre 1736
Paris
Décès 7 juillet 1793
Paris
Langue d'écriture Français

Charles, marquis de Villette, le 4 décembre 1736, à Paris, il est mort le 7 juillet 1793, est un écrivain et homme politique français.

Sommaire

Biographie

Dune famille de financiers anoblie de fraîche date, son père, trésorier de lextraordinaire des guerres, lui laissa 150 000 livres de rente et dune mère recherchée par son esprit et sa beauté, le marquis de Villette fut à même de faire un chemin facile dans le monde. Reçu bachelier, il obtient en 1754 le diplôme de licencié in utroque jure, en droit civil et canon. Son père lui achète alors une charge davocat conseiller du roi au Châtelet, mais il revend sa charge pour entrer dans la carrière des armes. Il acquiert en 1757 la charge de maréchal des logis général de la cavalerie, puis en 1758 celle de mestre de camp de dragons, et en 1759 celle de premier aide de camp du prince de Condé. Il reçoit en 1763 la croix de Saint-Louis suite à des blessures au combat.

Revenu à Paris, il ne tarda pas à sattirer une réputation de débauché, par ses dépenses et ses amours, tant masculines que féminines, dont la célèbre Mademoiselle Raucourt. Sa mère, amie intime de Voltaire (amitié qui a fait quon a longtemps tenu Villette pour le fils naturel de Voltaire), et réputée tant pour sa beauté que son esprit, lui fit connaître celui-ci. Villette sattacha alors à Voltaire par une affection toute filiale. Acquis aux idées philosophiques, il entra dans la franc-maçonnerie[1].

Un scandale[2] en 1764 lui vaut une lettre de cachet qui l'expédie pendant six mois dans la citadelle de La Petite-Pierre en Alsace. Libéré après intervention de son père, il lui est cependant ordonné de ne pas paraître dans la capitale : il alla alors trouver Voltaire à Ferney qui lui fait un accueil empressé : « Jai actuellement chez moi pour me ragaillardir, écrivait Voltaire, un jeune M. de Villette, qui sait tous les vers quon ait jamais faits, et qui en fait lui-même, qui chante, qui contrefait son prochain fort plaisamment, qui fait des contes, qui est pantomime, qui réjouirait jusquaux habitants de la triste Genève. » Sous les auspices du philosophe, quil ne craignait pas dappeler son père, Villette se lança dans le monde littéraire, fit beaucoup de vers, concourut à lAcadémie française pour des prix quil nobtint pas, et surtout, chanta sur tous les tons léloge de Voltaire, qui le lui rendit avec usure, le surnommant le « Tibulle français ». Son talent littéraire était pourtant fort fort mince. Marie Du Deffand lappelait « un personnage de comédie ». Les beaux-esprits du temps ne lépargnèrent pas ; on riait surtout de la part quil croyait pouvoir se faire dans la renommée de Voltaire, et cette épigramme courut longtemps tout Paris :

Petit Villette, cest en vain
Que vous prétendez à la gloire ;
Vous ne serez jamais quun nain
Qui montre un géant à la foire.

Au fait des inclinations masculines de Villette, sujet de nombre de ses plaisanteries, Voltaire le maria, en 1777, dans la chapelle de Ferney, à Reine Philiberte Rouph de Varicourt, jeune fille noble et pauvre aussi distinguée par ses vertus que par ses qualités aimables que Voltaire avait tirée du couvent et installée chez lui, et quil nappelait que « Belle et Bonne ». Le mariage nempêcha pas le marquis de Villette, devenu ainsi, selon la parole plaisante du patriarche de Ferney, docteur in utroque[3], ni de retourner à ses anciennes amours, ni de nouer des intrigues scandaleuses avec des femmes à la mode, parmi lesquelles Sophie Arnould, chez laquelle il eut avec le comte de Lauraguais une querelle qui le mena à lAbbaye il fut enfermé pendant six semaines[4]. Ce mariage malheureux nempêcha pas la naissance dun fils, qui fut baptisé, en 1792, sous le nom de « Voltaire-Villette » et Philiberte fut adoptée plus tard par Mme Denis, la nièce de Voltaire. Charles et Philiberte nen furent néanmoins pas moins fidèles à Voltaire, et cest dans leur hôtel à Paris[5] que Voltaire mourut en 1778.

Frontispice des Enfans de Sodome (1790), Villette est nommément cité.

À lépoque de la Révolution, Villette rédigea les cahiers du bailliage de Senlis, dans lesquels il se prononça avec chaleur pour les principes nouveaux, et il écrivit des articles révolutionnaires dans la Chronique de Paris. Il brûla publiquement ses lettres de noblesse pour prendre le nom de Charles Villette, et proposa que Louis XVI soit dépossédé des ses pouvoirs mais maintenu à la tête de lÉtat.

Dans la marée de pamphlets qui sensuivit, de nombreuses allusions furent faites à son homosexualité, comme dans les Enfants de Sodome à lAssemblée Nationale[6], ou dans la Vie du ci-derrière marquis de Villette[7]. Villette répondit à ces attaques par son ami Anacharsis Cloots, dit l’« Orateur du genre humain » [8].

Villette fut élu député de lOise[9] à la Convention nationale en 1792, il eut le courage de protester vivement dans une lettre les massacres de septembre. Malade au moment du procès de Louis XVI, il prit cependant part aux votes et se prononça contre lappel au peuple, pour la détention et le bannissement à la paix ainsi que pour le sursis. Il succomba quelques mois plus tard à une maladie de langueur à Paris, et Antoine-Augustin Auger lui succéda à la Convention. Bon, dévoué à ses amis, il montra, lors de la Révolution, un vrai courage à soutenir ses opinions à la fois contre les préjugés de la noblesse et contre les excès révolutionnaires.

Villette avait également profité de la Révolution pour prendre la liberté deffacer, à langle de lhôtel quil possédait et quavait habité Voltaire, linscription : « quai des Théatins » pour y substituer « quai de Voltaire ». Cest de cet acte individuel, à sa seule initiative, et quil justifia en disant : « Cest chez moi quest mort ce grand homme, son souvenir est immortel comme ses ouvrages. Nous aurons toujours un Voltaire, et nous naurons jamais de Théatins » que le quai des Théatins dût dêtre débaptisé au profit de son protecteur, dont il conserva le cœur dans une urne portant cette inscription : « Son esprit est partout et son cœur est ici », quil transporta au château de Ferney quil avait acquis en 1779, avant de devoir le revendre en 1785. Cette relique, conservée par son fils, fut donnée en 1864 au gouvernement, qui la fit placer dans une des salles de la Bibliothèque Impériale[10].

Notes et références

  1. Dans la loge des Neuf Sœurs, de laquelle Voltaire devint membre honoraire en 1778.
  2. Grimm, dans sa Correspondance littéraire (août 1765), rapporte « qu'il remplit tout Paris dun duel il devait avoir tué un ancien lieutenant-colonel, après lavoir outragé dans une promenade publique, de la manière la plus indécente et la plus punissable. Cétait pour mettre sa bravoure hors de doute quil avait imaginé de faire courir ce bruit. Les campagnes en Hesse lui avaient offert des occasions plus simples de se laver de tout soupçon de poltronnerie. Quoi quil en soit, ce prétendu duel fit tant de scandale, loffense qui devait lavoir occasionné était si contraire aux mœurs, que le ministère public informa contre le fait; et lorsquon en vint aux éclaircissements, il se trouva quil ny avait nul fondement ni à loffense ni au combat. Cette platitude fit enfermer M. de Villette pendant six mois dans la citadelle de Strasbourg. »
  3. Allusion plaisante au diplôme obtenu par Villette de licencié in utroque jure, c'est-à-dire licencié « de l'un et l'autre droit », formule qui désigne le droit civil et le droit canon. Voltaire applique ici l'expression aux mœurs de Villette, tournées vers l'un et l'autre sexe.
  4. Louis Petit de Bachaumont rapporte l'anecdocte, dans ses Mémoires secrets à la date du 17 août 1766 : « Une rixe élevée entre deux hommes qui se piquent de bel esprit et qui tiennent un rang dans la littérature, et comme auteurs et comme Mécènes, fait beaucoup de bruit : elle intéresse MM. de Lauraguais et de Villette. Elle a donné lieu à des épîtres de part et d'autre peu dignes d'être rapportées. Elle est née à l'occasion d'un pari prétendu fait entre deux adversaires, et que M. de Villette avait perdu. Il était question d'une course à exécuter par les chevaux et coureurs de M. de Lauragais. Le premier n'a pas voulu donner le tableau en jeu, de la part du marquis de Villette, soutenant qu'il n'avait point parié. Ces deux champions étant sur le point d'entrer en lice, se sont trouvés arrêtés par les gardes des maréchaux de France, et l'affaire est au tribunal. Elle occupe beaucoup les gens de lettres, qui prennent parti pour ou contre. » L'un et l'autre furent finalement condamnés à six semaines de prison, Lauraguais à la Bastille et Villette à l'Abbaye.
  5. Situé à langle de la rue de Beaune et du quai des Théatins (actuel quai Voltaire). Ayant décidé daller à Paris pour défendre sa pièce Irène, c'est que Voltaire descendit le 10 février 1778, avec Mme Denis, pour ne pas se séparer de Belle et Bonne, quil chérissait avec une tendresse extrême. Il y occupa un cabinet qui se trouvait au-dessous de lappartement du marquis de Thibouville, « plus attaché encore que M. de Villette au culte de cet amour que nos sages ont si rudement proscrit, mais que ceux de lancienne Grèce excusaient avec tant dindulgence. (Grimm) »
  6. Les Enfants de Sodome à lAssemblée nationale, ou Députation de lordre de la Manchette aux représentants de tous les ordres pris dans les soixante districts de Paris et Versailles y réunis. Avec Figures. A Paris, et se trouve chez le marquis de Vilette, grand commandeur de lordre, 1790. Ce pamphlet est une satire contre les Jacobins, mais aussi un véritable cahier de doléances des « bougres » et des « bardaches ».
  7. Vie privée et publique du ci-derrière marquis de Villette, citoyen rétroactif. s.l. (Paris), s.n., 1791 ca. (lan III de la liberté).
  8. Louis Crompton, Homosexuality and Civilization, Cambridge, Massachusetts, and London, England, Belknap Press of Harvard University Press, 2003.
  9. Le marquisat de Villette se trouve en effet dans ce département. Le château de Villette (toujours existant mais entièrement reconstruit en 1903) est situé au Plessis-Villette, village qui a été rattaché à la commune de Sarron en 1826, elle-même rattachée à Pont-Sainte-Maxence en 1951.
  10. Par une ironie du sort, Charles-Voltaire de Villette, reniant son nom de naissance dûment déclaré de « Voltaire-Villette », devint sous la Restauration un ultra-royaliste, et resta légitimiste jusquà sa mort en 1859. Son testament prévoyait même de léguer tous ses biens, y compris le cœur de Voltaire, au comte de Chambord. Une loi de 1832 ayant frappé ce prince dincapacité, la famille Villette contesta le legs, perdit son procès, fit appel et eut enfin gain de cause en cassation en 1862. Un décret du 30 mars 1791, déclarant propriété de lÉtat la dépouille du philosophe, fut alors opportunément exhumé pour régler le sort de l'encombrante relique : les héritiers offrirent en 1864 le cœur de Voltaire à Napoléon III. Le cœur fut alors déposé à la bibliothèque impériale, aujourdhui Bibliothèque nationale de France, il se trouve encore, scellé dans le socle du modèle en plâtre de la statue de Houdon Voltaire assis.

Œuvres

  • Éloge Historique de Charles V, Roi de France, à Paris, chez Grangé, 1767.
  • Il publia, avec laide du poète jurassien Claude-Marie Guyétand (1748-1811), qui fut son secrétaire particulier (et son nègre) de 1781 à 1793, ses Œuvres complètes en 1784.
  • Réflexions dun maître-perruquier sur les affaires de lÉtat (1787). Dans cette brochure, Villette reproche vertement au Parlement sa désobéissance envers le Roi.
  • Ses articles dans la Chronique de Paris furent rassemblés et publiés en 1792, sous le titre Lettres choisies sur les principaux événements de la Révolution.

Sources

  • Jean Chrétien Ferdinand Hoefer, Nouvelle Biographie générale, t. XV, Paris, Firmin-Didot, 1855, p. 218-9.
  • Jeffrey Merrick, The Marquis de Villette and Mademoiselle de Raucourt: Representations of Male and Female Homosexuality in Late Eighteenth-Century France, dans « Homosexuality in Modern France », ed. Jeffrey Merrick and Bryant Ragan (New York, 1996), p. 30-53.
  • Patrick Cardon, Les Enfans de Sodome à lAssemblée Nationale [1790], Lille, QuestionDeGenre/GKC, 2005. Comprend « Vie privée et publique du ci-derrière Marquis de Villette, citoyen rétroactif » ainsi que des miscellanées à son sujet (p. 129 ss.)
  • Simone et Jean-Charles Pigoni, Le Domaine de Villette - Pont-Sainte-Maxence, brochure, Creil, mai 2008.

Liens externes

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