- Marie Besnard
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Marie Besnard (15 août 1896-14 février 1980), surnommée la « Bonne Dame de Loudun », fut soupçonnée d'être une tueuse en série et reste au centre d'une des énigmes judiciaires française du XXe siècle.
C'est le 21 juillet 1949 que Marie Besnard, de son nom de jeune fille Marie Joséphine Philippine Davaillaud, est inculpée de meurtre : douze personnes empoisonnées, dont son propre mari.
L'histoire se passe dans la petite cité de Loudun (8 000 habitants à l'époque des faits), là où l'affaire Urbain Grandier (né en 1590, et mort sur le bûcher de Loudun en 1634) avait fait grand bruit quelques siècles auparavant. On observe plusieurs similitudes entre ces deux affaires, dont la part très importante des rumeurs ; rumeurs qui ont joué dans l'arrestation de Marie Besnard comme dans celle d'Urbain Grandier. C'est ce que souligne Frédéric Pottecher, chroniqueur judiciaire à la radio du procès de Marie Besnard, dans la préface du livre Nous, Urbain Grandier et Martin Guerre, condamnés et exécutés (édition Cherche-Lune). Les deux accusés ne donnèrent jamais aucune information pouvant être retenue contre eux. Marie Besnard fut décrite comme « anormalement normale » par la psychiatrie.
Après trois procès qui durèrent plus de dix ans (le premier eut lieu à Poitiers), Besnard, accusée et menacée de la peine capitale, fut libérée en 1954 puis acquittée par la cour d'assises de Gironde le 12 décembre 1961.
Ce feuilleton judiciaire mobilisa la France entière pendant toute une décennie ; c'est, avec l'affaire Marie Lafarge, l'une des plus étonnantes énigmes d'empoisonnement.
Sommaire
Morts en série
L'affaire Besnard débute à la mort de Léon Besnard, le 25 octobre 1947 à Loudun ; son décès fut attribué à une crise d'urémie.
Quelques jours après l'enterrement, Mme Pintou, employée des postes, amie et ex-locataire des époux Besnard, qui fut expulsée de son logement par Marie Besnard parce que celle-ci avait facheuse habitude d'écouter les conversations téléphoniques dans l'exercice de ses fonctions, confia à un proche, Auguste Masip, propriétaire du château de Montpensier sur la commune de Vézières, et néanmoins maniaque de la délation en tous genres, que Léon Besnard, avant de mourir, lui avait confié : « que sa femme lui avait servi de la soupe dans une assiette où se trouvait déjà un liquide ».
Le mystérieux incendie du château de Montpensier (situé à une centaine de kilomètres de Loudun), propriété d'Auguste Masip, le 17 octobre 1948, suivit de l'étrange « cambriolage » du domicile de Mme Pintou (ou rien ne fut volé), trois mois plus tard, persuadèrent les deux accusateurs que Marie Besnard était une « sorcière », à l'origine de ces deux autres faits et s'empressèrent de la dénoncer. Les détails de ce témoignage furent donc portés à la connaissance de la gendarmerie puis à un juge d'instruction qui diligenta l'exhumation du corps de Léon Besnard, le 11 mai 1949.
Les prélèvements furent expédiés à un médecin légiste marseillais, le docteur Béroud, qui découvrit dans les viscères de Léon Besnard 19,45 mg d'arsenic pur.
Une enquête de police, suite notamment au cambriolage survenu chez Mme Pintou, ainsi que le témoignage de nombreux habitants de Loudun, attira l'attention des magistrats et de la population sur les nombreux décès survenus dans l'entourage de Marie Besnard, à savoir :
- le 1er juillet 1927 : Auguste Antigny (33 ans), cousin et premier époux de Marie Besnard, déclaré mort de tuberculose. Dans ses restes, exhumés, on découvrit 6 mg d'arsenic ;
- le 22 août 1938 : Marie Lecomte, née Labrèche (86 ans), grand-tante par alliance de Marie Besnard. Ses restes, exhumés, révélèrent 35 mg d'arsenic ;
- le 14 juillet 1939, Toussaint Rivet (64 ans), ami des époux Besnard. Dans ses restes, on découvrit 18 mg d'arsenic ;
- le 27 décembre 1941, Blanche Rivet, née Lebeau (49 ans), veuve de Toussaint Rivet, officiellement décédée d'une aortite. Ses restes contenaient 30 mg d'arsenic ;
- le 14 mai 1940, Pierre Davaillaud (78 ans), père de Marie Besnard, officiellement mort de congestion cérébrale. Ses restes contenaient 36 mg d'arsenic ;
- le 2 septembre 1940, Louise Gouin, née Labrèche (92 ans), grand-mère maternelle de Léon Besnard. La très faible quantité d'arsenic recueillie dans ses viscères exclut ce décès de la liste des victimes et ne fut pas retenu par l'accusation ;
- le 19 novembre 1940, Marcellin Besnard (78 ans), beau-père de Marie Besnard. Ses restes contenaient 48 mg d'arsenic ;
- le 16 janvier 1941, Marie-Louise Besnard, née Gouin (68 ans), belle-mère de Marie Besnard. Ses restes contenaient 60 mg d'arsenic ;
- le 27 mars 1941, Lucie Bodin, née Besnard (45 ans), belle-sœur de Léon Besnard, retrouvée pendue chez elle. Ses restes contenaient 30 mg d'arsenic ;
- le 1er juillet 1945, Pauline Bodineau, née Lalleron (88 ans), cousine de Léon Besnard. Ses restes contenaient 48 mg d'arsenic ;
- le 9 juillet 1945, Virginie Lalleron (83 ans), sœur de Pauline Bodineau. Ses restes contenaient 20 mg d'arsenic ;
- le 16 janvier 1949, Marie-Louise Davaillaud, née Antigny (71 ans), mère de Marie Besnard. Ses restes contenaient 48 mg d'arsenic.
Deux mobiles parurent évidents au magistrat instructeur :
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- L'argent
- Marie Besnard ayant directement ou indirectement recueilli par héritage les biens de toutes ces personnes. Elle possède et gère néanmoins par ailleurs une fabrique prospère de corde. Ses biens sont saisis, ce qui ne permet pas à l'accusée de payer sa mise en liberté sous caution. Charles Trenet propose de la payer.
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- La passion
- Marie Besnard ayant, paraît-il, noué une relation particulièrement intime avec un ancien prisonnier allemand, Alfred Dietz, que les époux Besnard avaient conservé comme tâcheron.
Consignés en détail dans l'acte d'accusation, tous ces éléments conduisirent à l'inculpation de Marie Besnard pour empoisonnement, avec la circonstance aggravante de parricide et de matricide.
Procès à rebondissements
Éléments à charge
Le rapport d'autopsie, établi par le docteur Georges Béroud, directeur du laboratoire de police scientifique de Marseille, sur la base d'analyses menées grâce à la méthode de Marsh et Cribier, conclut à des empoisonnements aigus suivant des intoxications lentes, liés à des imprégnations exogènes d'arsenic.
D'autres analyses toxicologiques furent réalisées par les professeurs Fabre, Kohn-Abrest et Griffon en 1952 et conclurent à la même présence anormale d'arsenic dans les prélèvements effectués lors de l'exhumation des cadavres.
Un rapport du professeur Piedelièvre, établi en 1954, confirma les conclusions des analyses de 1952 mais se montra plus nuancé que celui du docteur Béroud.
Un rapport du professeur Frédéric Joliot-Curie confirma la présence anormalement élevée d'arsenic dans ces mêmes prélèvements.
Acquittement
La première raison de l'acquittement tient à l'attitude du docteur Béroud lui-même : contesté, il se défendit difficilement face aux avocats de Marie Besnard.
La défense fit valoir également que des erreurs d'étiquetage dans les bocaux contenant les prélèvements avaient été commises, certains bocaux pouvant avoir été perdus ou remplacés.
Une enquête au cimetière de Loudun permit de démontrer que le sulfatage des fleurs, le zinc des ornements funéraires pouvaient avoir saturé la terre du cimetière d'arsenic.
La longueur du procès, le dépérissement des preuves (le dernier procès ayant lieu en 1961), le retournement de l'opinion publique, lassée, conduisirent à l'acquittement par défaut de Marie Besnard.
Annexes
Bibliographie
- Jacqueline Favreau-Colombier , qui fut l'un des avocats de Marie Besnard :"MARIE BESNARD La force de l'innocence " (ed. Robert Laffont 15 janvier 1985 )
- M. Bénézech : A-t-on jugé Marie Besnard ? L'Esprit du temps (seul ouvrage reproduisant in extenso l'acte d'accusation et certaines pièces du procès.
- Jean-Noël KAPFERER, Rumeurs, Le plus vieux média du monde. Paris : Points, 2010.
Filmographie
- En 1986, un film avec Alice Sapritch dans le rôle de Marie Besnard est sorti, réalisé par Yves-André Hubert.
- Un téléfilm en deux parties a été diffusé sur TF1 en septembre 2006, reprenant l'affaire sous le titre "Marie Besnard, l'empoisonneuse" et écrit par Daniel Riche et Olga Vincent, réalisé par Christian Faure, avec Muriel Robin, Mélanie Bernier, Jean-Yves Chatelais, Mado Maurin (3 h 15, 2006)
Articles connexes
Liens externes
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