Marie-josephte corriveau

Marie-josephte corriveau

Marie-Josephte Corriveau

La Corriveau et sa cage selon Henri Julien
(« Le cauchemar de José », illustration réalisée pour une édition de Les Anciens Canadiens de Philippe Aubert de Gaspé)

Marie-Josephte Corriveau (Saint-Vallier, 14 mai 1733 - Québec, 18 avril 1763), dite « La Corriveau », condamnée à mort par une cour martiale britannique pour le meurtre de son second époux et pendue à Québec en 1763, est l’une des figures les plus populaires du folklore québécois.

Sommaire

Marie-Josephte Corriveau : le personnage historique

Née et baptisée le 14 mai 1733 dans la paroisse rurale de Saint-Vallier en Nouvelle-France, Marie-Josephte Corriveau est l'unique fille survivante de Joseph Corriveau, cultivateur et de Françoise Bolduc. Elle épouse à l'âge de 16 ans, le 17 novembre 1749, Charles Bouchard, 23 ans, également cultivateur. Trois enfants naissent de cette union : Françoise, Angélique et Charles. Devenue veuve à la fin d'avril 1760[1], Marie-Josephte se remarie le 20 juillet 1761 avec un autre cultivateur de Saint-Vallier, nommé Louis Dodier. Le matin du 27 janvier 1763, celui-ci est retrouvé mort dans sa grange, avec de nombreuses blessures à la tête. Malgré un décès attribué officiellement à des coups de sabot reçus de ses chevaux et une inhumation rapide, les rumeurs d'homicide et les soupçons ne tardent pas à se répandre dans le voisinage, Dodier ayant été de son vivant en mauvais termes avec son beau-père et son épouse.

À cette époque, la Nouvelle-France, conquise en 1760 par les Britanniques dans le cadre des opérations de la Guerre de Sept Ans, est administrée par l'armée anglaise. Les autorités militaires locales britanniques, chargées de maintenir l'ordre, ordonnent donc, sur la foi des rumeurs, une enquête sur la mort de Dodier, à l'issue de laquelle s'ouvre à Québec, le 29 mars 1763, devant un tribunal militaire composé de 12 officiers anglais, le procès de Joseph Corriveau et de sa fille Marie-Josephte. Ce procès se conclut, le 9 avril, par la condamnation à mort de Joseph Corriveau, reconnu coupable du meurtre de son gendre, et par la condamnation de Marie-Josephte, déclarée complice, à 60 coups de fouet et au fer rouge.

Un gibet semblable à celui dans lequel le corps de Marie-Josephte Corriveau a sans doute été exposé après son exécution (la « cage » de la Corriveau)

Condamné à la pendaison, Corriveau avoue alors, à l'instigation de son confesseur, n'avoir été que le complice de sa fille, après que celle-ci avait tué son mari. Lors d'un second procès, le 15 avril suivant, Marie-Josephte avoue à son tour avoir tué son époux de deux coups de hachette pendant son sommeil, surtout en raison des mauvais traitements que lui faisait subir celui-ci[2]. Le tribunal la déclare alors coupable et la condamne à être pendue, son corps devant ensuite être « hanged in chains » (littéralement, « pendu dans les chaînes »).

L’exécution eut lieu à Québec, sur les Buttes-à-Nepveu, près des Plaines d'Abraham, un peu à l'ouest de l'actuelle porte Saint-Louis, probablement le 18 avril[3]. Le corps fut ensuite, conformément à la sentence, exposé « dans les chaînes », c'est-à-dire dans une sorte de cage faite de chaînes et de cercles de fer et suspendu à un gibet dressé à Pointe-Lévy, à l'intersection des chemins de Lauzon et de Bienville (aujourd'hui la rue St-Joseph et la rue de l'Entente).[4] Le tout était situé près d'un ancien promontoire religieux situé entre les rues Saint-Joseph et Vaudreuil[5]. Le corps dans la cage fut exposé à la vue des passants jusqu'au 25 mai au moins, date où, suite aux requêtes des habitants de l'endroit, un ordre du gouverneur James Murray en permit l'enlèvement et l'inhumation « où bon [leur] semblera »[4].

En 1849, la cage fut retrouvée dans le cimetière de l'église St-Joseph-de-la-Pointe-Lévy lors du creusage d'une fosse. Le célèbre écrivain Louis Fréchette fut témoin de cette découverte à l'âge de dix ans. Quelques bouts d'os furent retrouvés dans cette fosse. Par la suite, la cage fut volée dans le sous-sol de l'église et elle a été acquise par le cirque américain P.T. Barnum et exposée à titre d'objet macabre[6]. Par la suite, elle aurait été exposée au Boston Museum. Une affiche indiquait la provenance par deux mots From Québec[7]. Il semble que la cage aurait été détruite lors de l'incendie du musée au début du XXe siècle.[réf. nécessaire]

La Corriveau : la légende

Cette exhibition post mortem à un carrefour fréquenté de la dépouille de Marie-Josephte Corriveau (une peine inhabituelle et inconnue durant le Régime français et réservée en Angleterre aux personnes reconnues coupables de crimes les plus graves[8]), les rebondissements des procès, la rumeur selon laquelle son père se serait d'abord reconnu coupable du meurtre de Dodier à l'instigation de sa fille et les soupçons qui naquirent ensuite sur les circonstances de la mort du premier époux de celle-ci, sont autant de faits qui frappèrent l’imagination populaire et se transformèrent en légendes transmises encore aujourd'hui par la tradition orale, multipliant le nombre de maris assassinés (jusqu'à 7) ou assimilant « La Corriveau » à une sorcière.

Vers 1850, la découverte de la cage de fer enterrée dans le cimetière de la paroisse St-Joseph (actuellement le secteur Lauzon) semble avoir réactivée les légendes et les contes fantastiques, qui furent amplifiés et exploités par des écrivains du XIXe siècle. Le premier, en 1863, Philippe Aubert de Gaspé, dans Les Anciens Canadiens, campe une Corriveau surnaturelle suspendue dans sa cage de Pointe-Levy, terrorisant une nuit un passant qu'elle supplie de la conduire au sabbat des sorciers et des feux follets à l'Île d'Orléans[9]. James MacPherson Le Moine (Maple Leaves, 1863)[10], et William Kirby dans son sillage (The Golden Dog, 1877[11]), en firent une empoisonneuse professionnelle, descendante directe de La Voisin. Des littérateurs et des historiens comme Louis Fréchette et Pierre-Georges Roy ont tenté de narrer l'histoire de La Corriveau, « mais sans parvenir à dissocier complètement les faits réels des fantaisies anachroniques ou des données légendaires et romanesques [12] ».

La figure de La Corriveau n'a cessé, depuis, d'inspirer romans, chansons et pièces de théâtre et d'alimenter les controverses (était-elle coupable ou non ?). La tradition orale s'est également perpétuée et est demeurée assez vivace, comme en témoigne les nombreux récits recueillis sur le terrain dans plusieurs régions du Québec[13].

La Corriveau dans la culture

  • 1863 : Les Anciens Canadiens (Québec, 1863), roman de Philippe Aubert de Gaspé
  • 1863 : « Marie-Josephte Corriveau, A Canadian Lafarge », dans Maple Leaves : À Budget of Legendary, Historical, Critical, and Sporting Intelligence de James MacPherson Le Moine
  • 1877 : The Golden Dog, A Legend of Québec, roman de William Kirby, traduit en français par Léon-Pamphile Le May, Le Chien d'Or, légende canadienne (Montréal, 1884)[14]
  • 1885 : « La Cage de La Corriveau », nouvelle de Louis Fréchette, parue pour la première fois dans un numéro spécial du journal La Patrie, le 24 février 1885; reprise et remaniée ensuite à plusieurs reprises, notamment sous le titre « Une Relique » dans Almanach du peuple de la librairie Beauchemin, Montréal, 1913.
  • 1971 : « La Corriveau », chanson écrite par Gilles Vigneault, popularisée par l'interprétation de Pauline Julien
  • 1976 : « Ma Corriveau », pièce de théâtre de Victor-Lévy Beaulieu, mise en scène par André Pagé et présentée au Théâtre d'Aujourd'hui du 19 septembre au 30 octobre 1976.
  • 1981 : La Corriveau, roman historique d'Andrée LeBel
  • 1990 : La Cage, pièce de théâtre d'Anne Hébert
  • 1993 : « La Corriveau au Carnaval de Québec », nouvelle du romancier Douglas Glover, publiée dans le recueil « Meurtres à Québec »
  • 1993 : La Corriveau, pièce de théâtre de Guy Cloutier, mise en scène par Denise Verville et présentée au Périscope, du 12 au 30 janvier 1993; reprise, adaptée et diffusée en dramatique télévisuelle par Radio-Canada en 1995.
  • 1999 : La Maudite, roman jeunesse de Daniel Mativat
  • 2001 : « La Corrida de la Corriveau », chanson du groupe Mes Aïeux (album Entre les branches)
  • 2003 : La Fiancée du vent : l'histoire de la Corriveau, née en Nouvelle-France et pendue sous le Régime anglais, roman de Monique Pariseau
  • 2003 : Julie et le serment de la Corriveau, roman jeunesse de Martine Latulippe
  • 2004 : Nouvelle-France, film réalisé par Jean Beaudin (adaptation très libre du thème de La Corriveau)
  • 2006 : La Corriveau, film d'animation de Kyle Craig

Notes et références de l'article

Références utilisées

Sources littéraires

Études

  • Louis-Philippe Bonneau, Josephte Corriveau-Dodier, la Corriveau, 1733-1763 : une énigme non résolue, Société de conservation du patrimoine de Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud, coll. « Publication de la Société de conservation du patrimoine de Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud / 15 », Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud (Québec), 1988, 231 p. (OCLC 22506977) 
  • Nicole Guilbault (dir.), Il était cent fois La Corriveau : anthologie, Nuit blanche, coll. « Terre américaine », Québec, 1995, 192 p. (ISBN 292105342X et ISBN 9782921053426) (OCLC 35874386).
    Anthologie contenant quinze versions orales de la légende de la Corriveau, différents textes littéraires s'étant inspirés du thème et quatre études.
     
  • (en) Gibbet, article du Wikipedia anglophone
  • Archives de la Société d'histoire régionale de Lévis.

Notes

  1. Charles Bouchard est inhumé le 27 avril 1760.
  2. Lacourcière 1968, p. 230-231 [lire en ligne]
  3. Lacourcière 1968, p. 234 [lire en ligne]
  4. a  et b Lacourcière 1968, p. 239 [lire en ligne].
  5. C'était un monument religieux nommé « Monument de la Tempérance » qui fut installé sur un terrain au milieu du XIXe siècle jusqu'en 1885.
  6. Louis Fréchette, « Une Relique - La Corriveau », Almanach du Peuple, 1913, p. 302-307.
  7. Texte de Louis Fréchette publié dans l’Almanach du Peuple, 1913, p. 302-307.
  8. Voir l'article du Wikipédia anglophone Gibbet
  9. Aubert de Gaspé 1863, chapitre 4.
  10. MacPherson Le Moine 1863.
  11. Kirby 1877.
  12. Lacourcière 1974 [lire en ligne].
  13. Notamment les 52 récits recueillis entre 1952 et 1973 sous la direction de Luc Lacourcière (Lacourcière 1973, p. 252-253 [lire en ligne]) et les 122 rassemblés entre 1975 et 1990 par les étudiants de Nicole Guilbault (Guilbault 1995, p. 14).
  14. Kirby 1884

Voir aussi

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Bibliographie complémentaire

  • (fr) Sylvie Dion, « La légendification du fait divers : le cas de Marie-Josephte Corriveau, la pendue encagée », dans Canadart, vol. XI, 2003, p. 11-24 (ISSN 0104-6268) 
  • (pt) Sylvie Dion, « Fantasmas femininos e imaginários coletivos-os casos de Marie-Josephte Corriveau e Maria Degolada », dans Zilá Bernd (dir.), Imaginários coletivos e mobilidades (trans)culturals, Nova Prova editora, Porto Alegre, 2008, p. 145-160.

Articles connexes

Liens externes

Dernière vérification des liens externes : 18 septembre 2009

  • Documents concernant la Corriveau, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Centre d'archives de Québec, Collection Centre d'archives de Québec, P1000,S3,D435. (cliquer sur le lien web à côté de « Image(s) »)
    Collection de 128 pages numérisées contenant des notes de recherche sur la Corriveau (p. 1), la transcription dactylographiée de l'article de James MacPherson Le Moine, « Marie-Josephte Corriveau, A Canadian Lafarge », paru en 1863 (p. 2-11), une coupure de journal intitulée « Le procès de la Corriveau », datée du 28 février 1939 (p. 12) et une copie des actes des procès de l'affaire Corriveau (photocopie dactylographiée + photostat des manuscrits) (p. 13-128) dont les originaux sont conservés au War Office, à Londres.
Tradition orale
  • Gema Leblanc, « La Corriveau », 1989.
    Récit concernant la légende de La Corriveau, recueilli en 1989 auprès de Gema Leblanc, habitant Québec, par Isabelle-Sophie Dufour, publié dans Nicole Guilbault (dir.), Contes et sortilèges des quatre coins du Québec, Documentor/Cégep François-Xavier-Garneau, Québec, 1991.
  • José Bourassa, « La Corriveau », 1989.
    Récit concernant la légende de La Corriveau, recueilli en 1989 auprès de José Bourassa, habitant Charny et originaire de Drummondville, par Dany Parizé, publié dans Nicole Guilbault (dir.), Contes et sortilèges des quatre coins du Québec, Documentor/Cégep François-Xavier-Garneau, Québec, 1991.
Chanson
Sculpture
Culture populaire
Film d'animation
Exploitation commerciale
  • Bière artisanale [1]


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