Marc Vadier

Marc Vadier

Marc Guillaume Alexis Vadier

Marc Guillaume Alexis Vadier

Marc Guillaume Alexis Vadier, né le 17 juillet 1736 à Pamiers et mort le 14 décembre 1828 à Bruxelles, surnommé le grand inquisiteur, est un homme politique français, dont l'activité s'exerça pendant la période de la Révolution.

Biographie

Fils d’un receveur des décimes du clergé, Vadier devint, après des études chez les Jésuites, par la protection de l'évêque de Pamiers, lieutenant dans le régiment de Piémont. Au lendemain de la bataille de Roossbach, il abandonna le métier des armes pour se consacrer à l'exploitation de ses domaines situés dans la juridiction de Montaut. Il se serait rendu coupable de concussion et, à ce titre, traduit devant le parlement de Toulouse où il fut condamné malgré la défense de son avocat Darmaing à qui il en garda rancune. Ses terres et château à Peyroutet[1] , les terres de Nicol et le domaine de Belpech, à la limite de l'Ariège et de l'Aude formaient un ensemble de 185 hectares. Par opposition, 70% des habitants possédaient moins de cinq hectares. Vers 1785, Vadier voulut convertir certaines de ses terres en seigneurie, par engagement. Il accusa d'autres propriétaires, notamment Cazes, qui lui avait refusé la main de sa fille, et Dardigna, d'avoir fait échouer son projet et il conçut contre eux une haine terrible [2]. En 1770, il avait acquis une charge de conseiller au siège présidial de sa ville natale. Député aux États généraux de 1789, il siégea avec les constitutionnels à l’Assemblée constituante.

Réélu à la Convention en 1792, il proposa que Foix, Pamiers et Saint-Girons soient chef-lieu alternativement. Il fit partie de la Montagne et vota la mort de Louis XVI sans appel ni sursis.

À partir de fructidor an I (septembre 1793), il devient, président et doyen du Comité de sûreté générale, organe policier et répressif de la Terreur.

En nivôse (janvier), avec Amar, il dénonça les malversations de Fabre d'Églantine, Chabot et de leurs complices, à l'origine du procès des Dantonistes. Il fut à l'origine de la mise à mort de Camille Desmoulins qui l'avait mis en cause avec son ami Bertrand Barère dans le Vieux Cordelier.

Selon le comte de Folmont, particulièrement bien informé, il est à l'origine du grand procès des membres du Parlement de Toulouse qui, sous l'Ancien régime, avait « contrarié ce magistrat subalterne dans ses vertueuses spéculations » [3]

En germinal (avril), il se montra partisan de la répression impitoyable de prétendues mutineries de prisonniers qui ne reposaient que sur les faux témoignages de condamnés à mort en sursis, tel Valagnos à Bicêtre. On disait qu'il voulait « tigrifier » les Français. Il appuya le projet de Barère de faire fusiller tous les prisonniers de guerre, ce qui indigna l'Europe entière. Le 14 juin 1794, il lut à la Convention le dossier à charge, constitué de fausses preuves, contre Catherine Théot, ridiculisant ainsi le mysticisme de Robespierre, précipitant sa chute. Après le 22 prairial, les débats publics étant supprimés au Tribunal révolutionnaire, il n'eut de cesse d'y faire traduire ceux dont ils voulaient se venger: à peine la loi votée, plusieurs habitants de Montaut et précisément ceux qui s'étaient opposés à ce qu'il érige ses terres en seigneurie[4], également l'avocat Darmaing furent renvoyés au tribunal révolutionnaire et exécutés[5]. Le citoyen Hesdin assure qu'il fréquentait une maison de plaisance que Bertrand Barère et Sophie Demailly, sa maîtresse[6] louaient au citoyen Lenoir, située à Clichy-la-Garenne, à la sortie de Paris: « Personne ne sait pourquoi, dit-il, car c'est un être vieux et hideux, et à peine peut-il être acceptable aux dames du harem. Je note le fait parce qu'il est évident que celui qui est intime à Clichy ne l'est pas du 366 (rue Saint-Honoré, domicile de Robespierre), entre lesquels la division devient de plus en plus marquée chaque jour »[7].

La veille du jour où Élie Lacoste devait présenter son rapport sur la prétendue conspiration de Batz, qui aboutit à l'exécution de cinquante quatre personnes[8], Vadier vint au Comité de salut public où il aperçut Robespierre :

» Je ferai demain, lui dit-il, un rapport sur une affaire qui tient à celle-ci, et je proposerai la mise en accusation de la famille Sainte-Amaranthe.

» Tu n'en feras rien lui dit impérieusement Robespierre.

» Je le ferai, reprit Vadier, j'ai toutes les pièces en main. Elles prouvent la conspiration ; je la dévoilerai tout entière.

» Preuves ou non, si tu le fais, je t'attaque, reprit Robespierre.

» Tu es le tyran du Comité de salut public, s'écria Vadier.

» Ah ! je suis le tyran du Comité de salut public ? répondit Robespierre en se levant et en retenant à peine les larmes de colère qui roulaient dans ses yeux, eh bien, je vais vous affranchir de ma tyrannie. Je me retire. Sauvez la patrie sans moi, si vous le pouvez. Quant à moi, j'y suis bien résolu, je ne veux pas renouveler le rôle de Cromwell.

Il se retira en effet en prononçant ces mots et ne revint plus au Comité de salut public »[9]

Quelques jours plus tard, Mme de Sainte-Amaranthe et ses deux enfants, de seize et dix-huit ans, étaient exécutés dans une mise en scène aussi grotesque qu'atroce, avec des gens qu'ils ne connaissaient pas pour la plupart. Ils furent sacrifiés par Bertrand Barère, Vadier et leurs complices dont le projet était d'accréditer, surtout à l'étranger, la réalité de la « tyrannie » de Robespierre. L'Incorruptible fut en effet longtemps soupçonné d'avoir assassiné Mme de Sainte-Amaranthe par vengeance personnelle.

Comme président du Comité de sûreté générale, Vadier initia et couvrit toutes les iniquités et les exactions de la terreur telles qu'elles lui étaient inspirées principalement par Barère, mais aussi Collot d'Herbois et Billaud-Varenne: c'est du moins ce qui lui fut reproché en l'an III dans les multiples accusations lancées contre lui par Lecointre, Courtois, Fréron, Darmaing fils - qui le met en cause dans l'assassinat de Camille Desmoulins - et beaucoup d'autres citoyens[10].

À la suite de l’insurrection de germinal an III, il fut condamné à la déportation avec Billaud-Varenne, Collot d’Herbois et Barère, mais il parvint à s’enfuir et à se cacher jusqu’à l’amnistie votée à la séparation de la Convention.

Sous le Directoire, il apporte son soutien à la Conjuration des Égaux de Babeuf, mais est acquitté par la Haute-Cour de Vendôme. Il demeure toutefois en prison jusqu’en l’an VIII (1799) puis se fait oublier.

Député pendant les Cent-Jours, au cours desquels il vote l'acte additionnel, il est exilé comme régicide en 1816.

Notes

  1. Maître Gilles Dussert, propriétaire du château et domaine de Peyroutet, à trente kilomètres au nord de Foix, a publié une biographie dans laquelle il déploie tout son talent pour justifier le « grand inquisiteur », demandant le rapatriement de son corps de Bruxelles à Peyroutet: cité par France-Soir, le 3 juillet 1990
  2. Suzanne Grézauc, « Vadier à Montaut », Annales historiques de la Révolution française, 1960, p.424
  3. Rouzet-Folmont, Histoire du duc d'Orléans, vol.IV, p.325.
  4. AN,F/7/4435/II,7
  5. les papiers de l'affaire Darmaing: AN, F/7/1,II, 34-46 et W/560/7
  6. née Pierrette-Jeanne Charpentier, divorcée du miniaturiste Demailly, femme galante et tenancière d'un des plus importants tripots du Palais-Royal où venaient ceux qui spéculaient à grande échelle sur les biens nationaux et qu'on a appelé la « bande noire »
  7. Bibl. hist. de la Ville de Paris, Manuscrits, « Journal de Raoul Hesdin », Ms.978, p.88
  8. Le but inavoué était de donner consistance à des conspirations chimériques de royalistes, telles qu'elles avaient été décrites de façon hyperbolique par Barère à la Convention
  9. A. De Lamartine, Histoire des Girondins, Livre 58e, p. 371
  10. Voir, entre autres, « Juste courroux du peuple contre Vadier et les autres Décemvirs », Paris, l'an III; voir également les pièces citées par Tourneux

Bibliographie

  • Emile Campardon, Histoire du tribunal révolutionnaire (lettres de Vadier à Fouquier-Tinville)
  • Philarète Chasles, Mémoires, p.46-51
  • Gilles Dussert, Vadier, le grand inquisiteur, Paris, 1989
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