- Lignine
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La lignine (du latin lignum qui signifie bois) est un des principaux composants du bois, avec la cellulose, l'hémicellulose et des matières extractibles. La lignine est présente principalement dans les plantes vasculaires et dans quelques algues[1]. Ses principales fonctions sont d'apporter de la rigidité, une imperméabilité à l'eau et une grande résistance à la décomposition. Toutes les plantes vasculaires, ligneuses et herbacées, fabriquent de la lignine. Quantitativement, la teneur en lignine est de 3 à 5 % dans les feuilles, 5 à 20 % dans les tiges herbacées, 15 à 35 % dans les tiges ligneuses[2]. Elle est moindre pour les plantes annuelles que pour les vivaces, elle est maximum chez les arbres. La lignine est principalement localisée entre les cellules (voir parois pectocellulosiques), mais on en trouve une quantité significative à l'intérieur même de celles-ci. Bien que la lignine soit un réseau tridimensionnel hydrophobe complexe, l'unité de base se résume essentiellement à une unité de phénylpropane. La lignine est le deuxième biopolymère renouvelable le plus abondant sur la Terre, après la cellulose, et, à elles deux, elles cumulent plus de 70 % de la biomasse totale. C'est pourquoi, elle fait l'objet de recherches en vue de valorisations autres que ses utilisations actuelles en bois d'œuvre et en combustible.
Sommaire
Voie de biosynthèse
La lignine est une molécule dont le précurseur est la phénylalanine. Cet acide aminé va subir une cascade de réactions faisant intervenir des enzymes de la famille des méthyltransférases afin d'aboutir à une molécule de cinnamyl alcool déshydrogénase. C'est ce composé, monomère d'alcool coniférylique, qui par l'action d'une peroxydase aboutit à la formation de lignine. Il est à noter que cette voie de biosynthèse n'est pas unique car si l'on inhibe une des enzymes de la voie de biosynthèse affectant la formation de lignine, on observe une autre forme de lignine donnant au bois un aspect rougeâtre.
Apparition
La lignine est apparue il y 380 millions d'années, au Dévonien, avec les premières plantes vasculaires que sont les Fougères (Ptéridophytes) et presque simultanément les premiers arbres (Archaeopteris)[3].
Historique
C'est en 1856 que le terme lignine fait son apparition pour la première fois en littérature scientifique dans une publication du chimiste Franz Ferdinand Schulze (1815–1873)[4]. Par contre, dès 1839, le chimiste français Anselme Payen parlait d'une « matière incrustante » qui avait un lien exclusivement mécanique avec la cellulose[5].
Le caractère aromatique de la lignine a été mis en évidence pour la première fois en 1868[6], et en 1897 le scientifique suédois P. Klasen décrira la lignine comme non cellulosique et confirmera sa nature aromatique. Après la Première Guerre mondiale, plusieurs travaux permettront d'attester le phénol comme étant un constituant de la lignine[7],[8], mais il faudra attendre jusqu'en 1927 avant que sa structure phénylpropane et ses dérivés soient clairement établis[9].
Structure chimique
On ne s'accorde toujours pas sur une définition unique et précise de la lignine du fait de sa grande variabilité et cela au sein même d'une espèce donnée, car sa formation dépend de l'environnement physico-chimique dans lequel le végétal croît. Il serait donc préférable de parler des lignines.
Les lignines sont des polymères de monolignols. Il existe au moins trois types de monomères différents :
- l'alcool paracoumarylique, appelé unité H (hydroxyphényle), sans groupe méthoxy ;
- l'alcool coniférylique, appelé unité G (guaïacyle), à un groupe méthoxy ;
- l'alcool sinapylique, appelé unité S (syringyle), à deux groupes méthoxy.
La fraction de chaque monomère varie de façon importante en fonction de :
- la lignée végétale (gymnosperme, angiosperme monocotylédone, angiosperme dicotylédone) ;
- l’espèce ;
- l’organe ;
- le tissu.
Les gymnospermes contiennent presque exclusivement l'unité G.
Les angiospermes dicotylédones contiennent presque exclusivement les deux unités G et S.
Les angiospermes monocotylédones contiennent les trois unités G, S et H.
Ainsi, toutes les plantes vasculaires, ligneuses et herbacées, fabriquent des lignines où est toujours présente l'unité G (alcool coniférylique) qui correspond à l'acide férulique.Les lignines de gymnospermes sont homogènes. Le bois de ces essences, dit homoxylé, est constitué à 95 % de trachéides et à 5 % de différents types de parenchymes. Le bois de résineux contient beaucoup de lignine (entre 25 et 35 %), une lignine dont la structure est « condensée » (nombreuses liaisons C-C entre les unités constitutives).
Les angiospermes, évolutivement beaucoup plus jeunes, ont diversifié leurs tissus pour le transport des sèves par des éléments de vaisseaux en plus des trachéides (alors que chez les gymnospermes, les fonctions de transport des sèves et de support mécanique sont assurées exclusivement par les trachéides). On trouve ainsi une diversité énorme des bois de feuillus, dits hétéroxylés, dont certains sont plus poreux (riches en vaisseaux, comme les chênes) et les autres plus « fibreux » (comme les bouleaux). La lignine devient elle aussi plus diversifiée et elle varie entre les cellules des fibres et les cellules des vaisseaux.
Propriétés et lignification
La lignine se dépose dans la paroi secondaire de certaines cellules végétales, leur conférant ainsi une meilleure solidité, car la lignine est très résistante à la compression. De plus, la lignine possède un pouvoir d’imperméabilisation des cellules, du fait de son hydrophobicité. On trouve ainsi des parois imprégnées de lignine (lignifiées) dans les cellules de tissus servant au soutien de la plante (sclérenchyme) ou au transport de l’eau et des sels minéraux (xylème).
En règle générale, les cellules lignifiées, devenues imperméables, ont perdu leur cytoplasme et n’acquièrent leur rôle dans le végétal qu’une fois mortes.
La lignification est un processus fondamental de l’évolution des plantes terrestres. C’est elle qui, en effet, permet la croissance en hauteur des végétaux ligneux. Cette capacité a permis d'avoir un port dressé favorisant la réception de l'énergie lumineuse. L'ensemble de ces acquisitions étant un préalable à la conquête du milieu terrestre. La capacité de formation de lignine par les végétaux s'est mise en place au début du Paléozoïque (avec un fort développement à partir du Dévonien) et caractérise les trachéophytes (voir Flore de Rhynie).
Intérêt biologique
La lignine, qui est donc caractéristique des plantes vasculaires terrestres, offre également une barrière de protection contre l'attaque microbienne du végétal. En effet, de par sa nature chimique, la lignine est une matière extrêmement résistante à divers agents chimiques et à la dégradation biologique, ce qui explique la qualité médiocre des fourrages hautement lignifiés.
Certains micro-organismes, en particulier les champignons dits de la pourriture blanche du bois, sont capables de digérer entièrement le complexe lignine - hémicellulose - cellulose (ligninolyse) et ainsi d'améliorer la valeur nutritive des matériaux lignocellulosiques.
Selon une hypothèse de A.C Neish et C. Hébant, la lignine serait une forme de stockage des excréments de la plante. Sachant que la lignine est constituée de composés phénoliques qui sont toxiques sous forme libre pour la plante, cette dernière aurait trouvé une façon de les neutraliser en les stockant sous forme de lignine dans des cellules vasculaires mortes.
Enjeux économiques
- Les lignines - pour leur pouvoir calorifique important - sont recherchées dans les bois de chauffage.
- Au contraire, elles gênent la fabrication du papier blanc (elles sont notamment responsables du jaunissement du papier après exposition au Soleil). Ce sont de plus les produits chlorés et organochlorés trouvés dans les effluents d'extraction de la lignine (délignification) des pâtes à papier qui rend cette industrie polluante.
- Peu digestes, elles sont peu recherchées dans la culture de plantes fourragères, mais néanmoins utilisées comme liant dans l'alimentation animale industrielle[10].
- la lignine (qui a des propriétés tensioactives) aussi utilisée comme stabilisateur ou émulsifiant de ciments [11], dans des bétons de lignine-bois avec un liant de laitier alcalin (dès les années 1980 en Russie[12]).
Recherche/Prospective
Des recherches sont donc en cours pour trouver de nouveaux usages à la lignine (ex : Bois liquide produit à partir de lignine déssoufrée[10]) ou pour (essentiellement par transformation génétique) créer des végétaux pauvres en lignine (pour les papeteries), ou au contraire plus riches en lignine (bois de chauffage).
La production du complexe lignine — hémicellulose — cellulose est importante sur la planète, et environ 25 % de cette ressource renouvelable serait accessible à des procédés de conversion biotechnologiques. Les champignons xylophages, dont le champignon de la pourriture blanche sont très étudiés, pour leur intérêt dans les domaines suivants :
- amélioration et humification des sols (en utilisation directe via le bois raméal fragmenté).
- procédés propres et économiques de traitement de la lignine de l'industrie papetière ;
- bioconversion et production de molécules à haute valeur ajoutée (bois liquide, et polymères) ou produits d'intérêts agro-alimentaire et pharmaceutique à partir de matériaux lignocellulosiques ;
- biotraitement et valorisation des matériaux lignocellulosiques (notamment pour l'alimentation ou le paillage du bétail) ;
- L'Université de Tokushima (Japon) a réussi en 2009 à séparer (à haute température et haute pression) la lignine des autres composants du bois, permettant de produire avec cette lignine à faible masse moléculaire l'équivalent d'une résine epoxy résistante à la température et non conductrice de l'électricité, comparable selon ses inventeurs aux résines actuellement utilisées[13]. Des résines à bases de lignine sont déjà utilisées comme agent de charge et liant pour agglomérer les particules des panneaux de bois[11], renforcer des caoutchoucs[11] ou la charge adhésive dans les colles à froid à base d'aminoplaste[11] et de phénoplastes [11].
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
Bibliographie
Notes et références
- Martone, Pt; Estevez, Jm; Lu, F; Ruel, K; Denny, Mw; Somerville, C; Ralph, J (Jan 2009). "Discovery of Lignin in Seaweed Reveals Convergent Evolution of Cell-Wall Architecture.". Current biology : CB. doi:10.1016/j.cub.2008.12.031
- C. Lapierre, Séance de l'Académie d'Agriculture, 17 février 2010
- B. Meyer-Berthaud, S. E. Scheckler, J. Wendt, Archaeopteris is the earliest known modern tree, Nature, 446, 904-907,1999
- Hägglund, E.; Chemistry of Wood.[Academic press Inc., New York, 1952]
- Comptes rendus de l’Académie des Sciences (C.r.), 8 (1939) 51
- Bente F.; Über die Konstitution des Tannen- und Pappelholzes. Chem. Ber., 8 (1868) 476–479
- Klason, P.; Ber. dt. chem. Ges. (B.), 53(1920) 1864
- Fuchs, W.; Berichte der Deutschen Chemischen Gesellschaft (B.), 54 (1921) 484
- Freudenberg, K.; Zur Konstitution des Lignins. II. Mittl., B., 60 (1927) 581
- Le « bois liquide », nouveau composant pour l'industrie du jouet, 2009/01/20 , L'Usine Nouvelle
- Valorisation des déchets de papeteries, mis en ligne par l'|http://www.enseeiht.fr/fr/index.html ENSEEIHT], consulté 2010 12 07
- Résumé Inist/CNRS KHRULEV V. M. ; TINNIKOV A. A. ; SELIVANOV V. M. ; Etude des propriétés du béton de lignine-bois (article écrit en Russe) ; Izvestiâ vysših učebnyh zavedenij. Stroitel'stvo i arhitektura, 1984, no3, pp. 53-57 (2 ref.); ISSN:0536-1052 ;
- BE Japon numéro 514 (18/09/2009) - Ambassade de France au Japon / ADIT, intitulé "Hitachi développe une nouvelle résine époxyde à base de lignine"
Catégories :- Polymère organique
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