Les assignats

Les assignats

Assignat

Assignat de 15 sols

L'assignat était une monnaie sous la Révolution française.

A l'origine il s'agissait d'un titre d'emprunt émis par le Trésor en 1789, dont la valeur est assignée sur les biens nationaux. Les assignats deviennent une monnaie en 1791, et les assemblées révolutionnaires multiplient les émissions, qui entraînent une forte inflation. Le cours légal des assignats est supprimé en 1797.

Sommaire

Histoire

Confiscation des biens du clergé

Talleyrand, initiateur de la confiscation des biens du clergé

Déjà avant la Révolution les finances royales sont dans un état catastrophique avec une dette évaluée entre 4 et 5 milliards de livres et la moitié du budget royal sert à résorber la dette qui ne fait qu'augmenter et à servir de rente pour diverses personnes. Le risque de banqueroute est grand et il faut de l'argent ; le député Talleyrand propose l'idée de confisquer les biens du clergé (et non pas de les nationaliser car aucune indemnité n'a été versée en échange.)[1]. C'est ainsi que le 2 novembre 1789, l'Assemblée nationale constituante décide que tous les biens du clergé seront « mis à disposition de la Nation ». Ces biens seront dorénavant des biens nationaux, destinés à être mis aux enchères pour remplir les caisses de l'État.

Cet apport de patrimoine, évalué entre 2 et 3 milliards de livres[1], constitue un gain considérable pour les finances publiques. La mise en vente est confiée à la Caisse de l'Extraordinaire, créée le 19 décembre suivant et définitivement organisée le 6 décembre 1790[2].

La vente de tant de biens prend du temps, au minimum un an. C'est un délai beaucoup trop long, les caisses de l'État sont alors vides et la faillite arrivera bien avant que tout ne soit vendu.

C'est ainsi qu'est décidé de créer, le jour même de la création de la Caisse de l'Extraordinaire, des billets dont la valeur est assignée sur les biens du clergé. L'assignat est né.

Débuts

Assignat de 25 sols.

Le fonctionnement de l'assignat est simple : comme il est impossible de vendre tout de suite les biens du clergé, des billets seront émis, qui représenteront la valeur de ces biens. Toute personne qui désire acheter des biens nationaux doit le faire avec des assignats, il faut donc avant tout que les particuliers achètent des assignats auprès de l'État, c'est ainsi que la rentrée d'argent se fait. Une fois la vente effectuée, de retour dans les mains de l'État, les assignats doivent être détruits. Ainsi, la rentrée d'argent frais est bien plus rapide que s'il fallait attendre que les biens soient véritablement vendus.

Les premiers billets émis ont une valeur de 1 000 livres. Une valeur si importante ne les destine pas à servir de billets pour la population, mais à être thésaurisés par des particuliers, leur but étant uniquement de faire rentrer tout de suite de l'argent dans les caisses de l'État. La valeur totale de la première émission sera de 400 millions de livres.

L'idée est loin de faire l'unanimité au sein de l'Assemblée nationale constituante, certains[réf. nécessaire] rappelant la banqueroute du système de Law. C'est ainsi que des députés comme Talleyrand, Condorcet ou encore Du Pont de Nemours sont entièrement contre. Pour eux, le problème majeur de l'émission d'assignats est qu'il ne faut pas qu'il y ait plus d'assignats en circulation que la valeur des biens nationaux. Or, à cette époque, les billets sont facilement falsifiables. Il y a donc un fort risque de retrouver en circulation une quantité bien plus importante d'assignats que ce qu'il doit véritablement y avoir, et par ailleurs les assignats émis par les faux-monnayeurs n'apporteront pas de revenus à l'État. Dans un tel cas, les assignats ne vaudront plus rien.

Dès le début de 1790, les premiers ratés surviennent. Le 30 mars, Anne-Pierre de Montesquiou-Fezensac déclare au sujet des assignats que c'est «le plus coûteux et désastreux des emprunts».

Dépréciation

Le 17 avril, l'assignat est transformé en un papier-monnaie. Et l'État, toujours à court de liquidités, l'utilise pour toutes ses dépenses courantes. La machine s'emballe... L'État ne détruit pas les assignats qu'il récupère ; pire, il imprime plus d'assignats que la valeur réelle des biens nationaux. Jacques Necker, alors ministre des Finances, résolument contre la transformation de l'assignat en papier-monnaie, donne sa démission en septembre.

L'assignat perd 60 % de sa valeur de 1790 à 1793.

Bien que l'assignat voie sa valeur réduite, les enchères des biens nationaux restent tout de même très élevées et seules les personnes aisées peuvent les acheter. C'est ainsi que certains s'enrichissent énormément et achètent d'immenses terrains et bâtiments pour presque rien, en comparaison de leur valeur réelle. La surévaluation légale de l'assignat permet d'acheter des biens par conséquent sous-évalués[3].

Pour soutenir l'assignat, plusieurs lois successives sont votées, toujours plus dures, comme la fermeture provisoire de la Bourse de Paris (décret du 27 juin 1793)[4] et la fin de la publication des taux de change en 1793, de manière à limiter la spéculation, mais aussi de lourdes amendes et de graves peines d'emprisonnement pour toute personne surprise à vendre de l'or ou des pièces d'argent ou traitant différemment la monnaie de papier et les métaux précieux, ce qui comprend le refus d'un paiement en assignat. Le 8 avril 1793, la Convention décide que les prix de tous les achats et marchés conclus avec l'État seront stipulés uniquement en assignats, mesure étendue le 11 au secteur privé[5].

Dès les premiers jours de la Terreur, le 8 septembre 1793, la non acceptation de l'assignat est déclarée passible de la peine de mort : les biens sont confisqués et le délateur récompensé. Le 13 novembre 1793, le commerce au moyen des métaux précieux est interdit. En mai 1794, toute personne qui aurait demandé en quelle monnaie le contrat serait conclu doit être condamnée à mort[6].

Malgré tout cela, les pouvoirs politiques ne savent pas faire face à la crise économique qui arrive et l'État continue d'émettre de plus en plus d'assignats, pour financer la guerre. Le nombre d'assignats fabriqués correspond à une valeur de 2,7 milliards de livres en septembre 1792 et 5 milliards en août 1793. Au début de 1794, les assignats émis passent à 8 milliards. Toutefois, les autorités ont fini par comprendre que la dépréciation continue des assignats était due à l'excès des émissions. Aussi une partie est-elle retirée de la circulation à partir de 1793 au moyen de l'emprunt forcé. En retranchant les sommes rentrées et brûlées, il n'en reste en circulation que 5 milliards et demi. En juin 1794, la création d'un nouveau milliards d'assignats, d'une valeur allant de 1000 francs à 15 sous, est décrétée, dans le même temps qu'un emprunt forcé sur les riches de 100 millions est lancé par le comité des finances[7],[8]. Après de nouvelles émissions, les assignats mis en circulation passent de 10 milliards en août 1795 à près de 45 milliards de livres en janvier 1796[9],[10], alors que la somme totale des assignats n'aurait jamais dû dépasser les 3 milliards, valeur des biens du clergé. La cause de l'inflation réside dans la surproduction des assignats, le contrôle des prix ne permettant pas de baisser ceux-ci mais ayant pour effet de créer la pénurie[11].

Un grand nombre de faux assignats, fabriqués en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Suisse et en Grande-Bretagne, avec la complicité du gouvernement britannique, alors le plus grand ennemi de la France, intéressé à accélérer la crise économique française, ont inondé la France[12],[13],[14],[15].

Fin des assignats et bilan

Sur décision du Directoire, l'assignat est finalement abandonné avec faste lorsque les planches à billets, les poinçons, les matrices et les plaques sont brûlés en public place Vendôme, le 30 pluviôse, an IV de la République (19 février 1796).

Le 18 mars, l'assignat est retiré de la circulation contre un nouveau billet, le mandat territorial. L'échange se fait sur la base de 30 francs assignat contre 1 franc mandat, au lieu de 300 contre 1, sa valeur réelle, ce qui condamne le nouveau titre dès son émission. Le mandat territorial connut plus ou moins la même histoire que l'assignat, sa dépréciation se fit bien plus rapidement que pour son prédécesseur. Le 4 février 1797, il fut retiré de la circulation et la monnaie sonnante et trébuchante reprit sa place.

L'assignat est généralement considéré comme un pur échec. Cependant, sa création a non seulement empêché la faillite quasi immédiate de l'État français mais contribué à la réduction de la dette et permis de trouver l'argent nécessaire au financement de la guerre dans les heures difficiles de l'an II[16].

L'impuissance du gouvernement à combattre l'inflation par des sanctions toujours plus lourdes illustre, pour l'économiste Thomas DiLorenzo, le caractère néfaste d'une politique de contrôle des prix[11].

On peut donc dire des assignats qu'ils furent économiquement un échec. Jacques Bainville, écrivain et historien royaliste, explique ainsi dans son Histoire de France que la révolution française avait aggravé la crise financière par laquelle elle était née. Politiquement et socialement, les assignats permirent un massif et large transfert de propriété en un temps très réduit. Surtout, les assignats attachèrent au nouveau régime tous les acquéreurs de biens nationaux qui redouteront désormais le retour de la Monarchie.

Faux assignats

Le peu de difficultés à imiter cette monnaie (la papeterie était à Jouy-sur-Morin, avec la présence de surveillants du timbre) fut en quelque sorte un encouragement aux faussaires, aussi en fabriquait-on un peu partout. D'après des témoignages de l'époque, on trouvait des imprimeries rudimentaires jusque dans les prisons[17]. La plupart des faux étaient assez grossiers et facilement reconnaissables, mais d'autres étaient pratiquement indécelables ; c'était notamment le cas des faux imprimés à Londres. Les ennemis de la République encourageaient en effet l'impression de fausse monnaie ne pouvant qu'entraîner la ruine de la France. L'atelier londonien avait été fondé par des notables vendéens sous la direction du comte Joseph de Puisaye et le patronage du duc d'Harcourt. Il produisait à plein rendement, et lorsque vint la déroute vendéenne après la défaite de Quiberon, Lazare Hoche annonça dans son rapport qu'il avait saisi dix milliards de faux assignats dans les bagages de l'armée vaincue.

À l'époque contemporaine, des faux ont ensuite été fabriqués pour le marché des collectionneurs. C'est ainsi que l'on parle parfois de « vrais faux » assignats (les faux d'époque) par opposition aux faux actuels.

Bibliographie

  • Jean Morini-Combi, Les assignats : révolution et inflation, Nouvelle librairie nationale, 1925 
  • Alain Plessis, La Révolution sauvée par les assignats. In : L'Express, 4 mars 1993.
  • Les assignats français : l'ancêtre des subprimes. In : Trends Tendances, Bruxelles, Roularta, 19 mars 2009, p. 20. En ligne
  • Tableau des faux assignats, ou premier recueil des procès-verbaux de leur falsification, imprimé et publié par la Société d'émulation de Rouen. De l'Imprimerie du Journal de Rouen et du département de la Seine Inférieure. Rouen, 1793, 93 pages, imprimerie dirigée par Noël de la Morinière.

Liens externes

  • Les assignats
  • Les assignats et les prix pendant la Révolution française. In : Correspondance familiale, vie économique. En ligne

Notes

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  1. a  et b (fr) Alain Grandjean, « La folle histoire des assignats », 2003. Consulté le 27 août 2008
  2. Philippe Buchez, Histoire parlementaire de la Révolution française, J. Hetzel, 1846, « Histoire de l'Assemblée constituante », tome 4, p. 522.
  3. (fr) Assignats - Encarta, Encarta. Consulté le 15 avril 2009. « Si la dépréciation constante des assignats a engendré une perte de pouvoir d’achat pour les porteurs, elle a en parallèle permis aux couches aisées de la population (notamment la bourgeoisie) d’accéder à la propriété à un prix largement sous-estimé. En effet, le prix des biens immobiliers reste identique durant toute la période d’émission des billets. Ainsi, un assignat acheté 1 000 livres en 1789 correspond invariablement à 1 000 livres en bien immobilier même s’il ne vaut, en numéraire, qu’une somme constamment dépréciée. »
  4. A. Vührer, Histoire de la dette publique en France, Berger-Levrault & Cie, 1886, p. 413.
  5. Gérard Sautel, Histoire des institutions publiques, Dalloz, 1985, 613 pages, p. 206.
  6. Andrew Dickson White, Fiat Money : Inflation in France, Foundation of Economic Education, New York, 1959, p. 75-89; passage publié dans Choice in Currency, A Way to Stop Inflation, par Friedrich Hayek, The Institute of economics affair, 1976
  7. Adolphe Thiers, Histoire de la Révolution française, Elibron Classics, tome 6 : livres XXI-XXIV, p. 87-88 (ISBN 0543884287).
  8. Gustave Molinari, Cours d'économie politique, Bruxelles et Leizig, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie; Paris, Guillaumin et Cie, 1863, tome II, p. 260.
  9. Études sur l'histoire religieuse de la Révolution française, 1887, p. 325.
  10. Ernest Houssay, Étude sur le papier-monnaie et les assignats émis en France de 1701 à 1796, Lebodo Frères, 1907, 58 pages, p. 43, l'évalue précisément à 45 581 411 018 livres d'assignats.
  11. a  et b « Quatre mille ans de contrôle des prix », par Thomas J. DiLorenzo
  12. Elias Regnault, Histoire criminelle du gouvernement anglais depuis les premiers massacres de l'Irlande jusqu'à l'empoisonnement des Chinois, Massart & Janssens, 1843, 316 pages, p. 200-204.
  13. Louis Blanc, Histoire de la Révolution française, Paris, Furne & Cie, 1862, tome 12, chapitre 3, p. 96 et alii.
  14. Paul Cottin, L'Angleterre devant ses alliés 1793-1814, Revue rétrospective, 1893, 100 pages, p. 38-39.
  15. Émile Levasseur, Histoire des classes ouvrières et de l'industrie en France de 1789 à 1870, A. Rousseau, 1903, p. 219.
  16. Correspondance générale d'Helvétius (édition critique préparée par Peter Allan, Alan Dainard, Marie-Thérèse Inguenaud, Jean Orsoni et David Smith), University of Toronto Press, 1981, vol. IV : 1774-1800, lettre 835 : « Alexander John Alexander à Henry Jonathan Williams », note 9, p. 188 (ISBN 0802042856).
  17. Antoine François Bertrand de Molleville, Mémoires secrets pour servir a l'histoire de la dernière année du règne de Louis XVI, roi de France, 1797, tome II, Strahan et Cadell, chapitre XXVI, p. 240.
  18. Les bandes foncées sont des renforts de restauration actuels.
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