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Grand Jeu (géostratégie)
Pour les articles homonymes, voir Le Grand Jeu.Le Grand Jeu renvoie à la rivalité coloniale entre la Russie et la Grande-Bretagne en Asie au XIXe siècle, qui a amené entre autres à la création de l'actuel Afghanistan comme État tampon. Ce fut une caractéristique stratégique des luttes d'influence entre l'Empire russe et l'empire britannique, de 1813 à la convention anglo-russe de 1907. La zone de l'Asie mineure était alors un ventre mou, encore indépendant au début du XIXe siècle de toute métropole coloniale.
L’expression est d’Arthur Conolly, capitaine au régiment de cavalerie indigène de l’armée britannique, qui est mort supplicié à Boukhara. Il l’utilise dans une lettre à son ami Rudyard Kipling, qui la popularise dans Kim, publié en 1901[1].
Sommaire
Le Grand jeu
L'empire russe, puissance continentale, cherchait à consolider ses acquis de la mer Noire depuis la fin du XVIIIe siècle qu'elle avait obtenus grâce à ses victoires sur l'Empire ottoman et parallèlement s'étend au long du XIXe siècle vers le Caucase et l'Asie centrale. La libération des peuples chrétiens des Balkans du joug ottoman et les visées russes vers les Détroits, accès à la Méditerranée, furent considérés comme une menace pour l'Empire britannique, première puissance maritime du monde et alliée de la Turquie.
L'Empire britannique cherchait à étendre l’Empire des Indes, et y protéger ses intérêts. La course pour la suprématie menée par ces grandes puissances impliquait une puissance régionale : la Perse, qui en 1813 sort d'une guerre contre les Russes.
Ainsi de 1813 à 1907 (mise en place de la Triple Entente), l'Angleterre et la Russie deviendront ennemis, mais ne s'affronteront jamais directement (mis à part le seul épisode de la guerre de Crimée). Ce fait peut être comparable à la guerre froide du XXe siècle qui vit s'affronter deux blocs, sans conflit direct. La frontière des deux empires se rapprochera de plus en plus dans le Pamir notamment, obligeant les deux empires à définir leurs frontières au début du XXe siècle.
Avide de symboles, la presse croqua tout au long du XIXe siècle des dessins satiriques mettant en scène l'ours russe, le lion de la couronne d'Angleterre et le chat (Shah) perse. Au fil des années, les frontières des deux empires se rapprocheront avec l'avancée russe en Asie centrale et l'avancée des Britanniques au nord des Indes. La création d'un État-tampon comme l'Afghanistan s'explique alors.
Le Grand Jeu dans un sens plus large s'applique aussi à la situation en Extrême-Orient, où les puissances occidentales profitent de la faiblesse de la Chine et se concurrencent mutuellement. La défaite russe pendant la guerre russo-japonaise en 1905, où l'Angleterre appuyait le Japon, provoquera un renversement des alliances devant la montée en puissance de l'Allemagne et des États Unis.
Après l’éclatement de l’URSS, le Grand jeu a repris, avec en plus des enjeux pétroliers.
Illustration du Grand Jeu dans le domaine culturel
Le roman Kim de Rudyard Kipling raconte la vie d'un espion, Kimball O'Hara, à la solde de l'Angleterre durant le Grand Jeu.
Dans les arts visuels, la guerre anglo-afghane sera largement représentée, notamment par Elizabeth Thompson, Lady Butler, ou du côté russe par Vassili Verechtchaguine.
Au cinéma, Les Lanciers du Bengale, Gunga Din, Les 55 Jours de Pékin, La Charge de la brigade légère ou L'Homme qui voulut être roi marqueront les esprits à l'Ouest, tandis qu' en U.R.S.S. ce sera Le Soleil blanc du désert.
Le Nouveau grand jeu
On parle parfois d'un « Nouveau grand jeu » pour indiquer la lutte d'influence contemporaine entre les États-Unis et la Russie dans la région.
le Grand Jeu a été réactivé par les Américains dès 1992-1993, profitant de la chute de l'U.R.S.S. et de la faiblesse de la Russie de Boris Eltsine. L'Ouzbékistan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et le Turkménistan et dans une moindre mesure le Kazakhstan se trouvent confrontés à de graves problèmes économiques avec la chute de la zone rouble en 1993, la fin des subventions de Moscou et le départ des cadres russes ou soviétiques. A cela s'ajoutent des conflits socio-ethniques qui provoquent une guerre civile au Tadjikistan (1992-1997) et des massacres en Ouzbékistan. La Russie, incapable de stabiliser l'Asie centrale, laisse donc dans une certaine mesure la place à l'influence controversée de la Turquie, alliée des États Unis, ceux-ci cherchant à prendre pied dans la région. L'Iran, inquiet de cette influence à tendance hégémonique, allait entrer en scène.
En 1997, Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller du président des États-Unis Jimmy Carter, publie Le Grand Échiquier qui prône une version du Grand Jeu adaptée au XXIe siècle, et d'affrontement avec la Russie (cf. aussi en:New Great Game).
La politique américaine, souvent imbriquée avec des intérêts privés pétroliers, se trouve dans une position ambiguë qu'illustre la situation en Afghanistan. Les États Unis soutiennent d'abord les talibans[2], puis changent peu à peu d'optique à partir de 2000 et surtout après les attentats du 11 septembre.
Les Américains refusent d'abandonner leur unilatéralisme, et s'apprêtent à intervenir en Irak, ce qui provoque de la part de la Russie la création avec la Chine et les pays de l'Asie centrale de l'Organisation de Coopération de Shanghai. Le Grand Jeu qui aurait pu être évité avec un renforcement de la lutte anti-terroriste entre Américains et Russes est donc réactivé en 2002-2003.
La position de la Russie s'explique selon leur nouvelle représentation stratégique qui s'élabore à la fin des années 1990 et que les experts qualifient de pessimisme stratégique poutinien. Auparavant, l'affaiblissement transitoire de la Russie, passant à une économie de marché et à la démocratisation de son régime, pouvait être possible si le pays n'était pas menacé par d'autres puissances (c'est-à-dire les États Unis). Mais les événements du Kosovo, l'incapacité des organisations internationales à gérer les crises, et surtout la vision unipolaire et néo-conservatrice de l'administration Bush qui instrumentalise les nouveaux entrants dans l'Union européenne (Discours sur la Vieille Europe de Donald Rumsfeld et Dick Cheney), avec l'affaire des boucliers anti-missiles, ainsi que la position américaine vis-à-vis de l'Irak et de l'Iran obligent les Russes à reconsidérer leur relation avec l'Occident. L'idée d'un consensus global par rapport à l'incohérence de la stratégie américaine en Irak et leur attitude dans le Caucase (appuis d'experts militaires américains aux Tchétchènes et plus tard aux Géorgiens), est donc enterrée.
Les récents conflits en Géorgie, et la crise gazière ne peuvent se comprendre qu'avec cette méfiance qui s'est progressivement fait jour et qui est née de la vision que les Russes ont désormais des États Unis, pays qualifié souvent d'imprévisible et potentiellement dangereux.
Voir aussi
Bibliographie
- Le Grand Jeu, enjeux géopolitiques de l'Asie centrale, sous la direction de Jacques Sapir et Jacques Piatigorsky, éditions Autrement, Paris, 2009
- Zbigniew Brzezinski, Le Grand Échiquier, Hachette, Paris, 2000
- ↑ Xavier Raufer, Caucase, Asie centrale : la zone des tempêtes, numéro spécial de Notes et stratégies, novembre 1995, p 4
- ↑ Madeleine Albright parle de pas positif, lorsque les talibans envahissent Kaboul en 1996, cf Le Grand Jeu op cité.
Articles de Wikipédia
- Géostratégie de l'Asie centrale (en)
- Relations Iran-Russie | Relations entre les États-Unis et l'Iran
Liens externes
Sources
Notes
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