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Le Château de Barbe-Bleue
Pour les articles homonymes, voir Barbe-Bleue (homonymie).A kékszakállú herceg vára Le Château de Barbe-Bleue Illustration de Gustave Doré pour La Barbe-Bleue de Charles PerraultGenre opéra Nb. d'actes 1 acte Musique Béla Bartók Livret Béla Balázs Langue
originaleHongrois Sources
littérairesLa Barbe-Bleue de Charles Perrault Durée
approximative60 minutes Dates de
compositionfévrier - septembre 1911 Création 24 mai 1918
Opéra de BudapestPersonnages - Barbe-Bleue (baryton ou basse)
- Judith, sa nouvelle épouse (soprano ou mezzo-soprano)
- Le Barde (rôle parlé)
- Les trois anciennes épouses de Barbe-Bleue (rôles muets)
Le Château de Barbe-Bleue (A kékszakállú herceg vára en hongrois), op. 11, Sz. 48, est l'unique opéra de Béla Bartók.
Béla Bartók le composa sur un livret de Béla Balázs entre février et septembre 1911, sous l'influence du Pelléas et Mélisande de Claude Debussy. L'œuvre fut créée à l'Opéra de Budapest le 24 mai 1918 par Olga Haselbeck (Judith), Oszkár Kálmán (Barbe-Bleue), l'orchestre étant dirigé par Egisto Tango, dans une mise en scène de Dezső Zádor.
Introduit par un prologue parlé, Le Château de Barbe-Bleue est un opéra en un seul acte, dont le déroulement est scandé par l'ouverture successive des sept portes du château. Il ne met en scène que deux chanteurs, Barbe-Bleue (baryton-basse) et Judith (soprano ou mezzo-soprano), ainsi qu'un narrateur dans le rôle du Barde qui ouvre l'opéra par un prologue.
Œuvre concise, sa durée approximative est d'une heure.
Sommaire
Argument
Ayant délaissé son fiancé et quitté ses parents, Judith arrive dans la demeure de son nouveau mari, Barbe-Bleue, dont elle est la quatrième épouse. Elle lui demande l'accès à toutes les portes du château, pour, dit-elle, y faire entrer la lumière.
Barbe-Bleue, d'abord réticent, cède au nom de l'amour, mais la septième porte fait l'objet d'un interdit particulier que Judith va transgresser au prix de sa déchéance, elle trouvera derrière celle-ci les femmes disparues de Barbe-Bleue encore en vie.
Genèse de l'œuvre : le conte de Charles Perrault
Paru en 1697, le conte de Charles Perrault, La Barbe bleue, aborde le thème de la déloyauté conjugale : l'épouse supposée soumise à son mari s'avérant irrespectueuse des règles établies, elle encourt la mort pour avoir désobéi. Le conte parle des tentations auxquelles l'être humain succombe et de leurs possibles conséquences.
Analyse de l'œuvre [1]
Huit ans avant Balázs, Maurice Maeterlinck avait écrit Ariane et Barbe-Bleue. Paul Dukas en tira son unique opéra. Mais le livret hongrois est aux antipodes de celui de l'écraivain belge : ses protagonistes n'ont rien en commun avec Ariane et son époux. Le seul fait notable que Balázs a repris de Maeterlinck - et qui s'oppose aussi à Perrault - est qu'il n'y a pas d'épouse assassinée, mais des femmes cloitrées. Ici, elles sont muettes alors qu'avec Dukas, elles sont en quelque sorte « ressuscitées » par Ariane. Avec Balázs, personne ne triomphe, c'est une tragédie de l'amour, un échec du couple qui nous est révélé.
Barbe-Bleue, quasi inexistant dans Ariane et Barbe-Bleue est le personnage central de l'opéra de Bartók. Généreux, amoureux, il multiplie toutefois ses mises en garde à son épouse et instaure la limite au-delà de laquelle il y a danger pour Judith, donc pour le couple. Cette limite n'est plus matérialisée par une porte unique à ne pas franchir comme dans le conte. Ici, sept portes constituent autant de lieux secrets révélateurs de l'âme du maître des lieux. Cette multiplicité des lieux tenus fermés leur confère un caractère moins inaccessible. Judith obtient l'ouverture des six premières portes avec une relative facilité. Mais la réticence de Barbe-Bleue à ouvrir la dernière porte s'effondre devant l'insistance d'une épouse que les objurgations de son mari, loin de la dissuader, semblent au contraire encourager. C'est cette insatiable curiosité qui sera fatale au couple, et d'abord à Judith.
Celle-ci, symboliquement couronnée, ira bientôt rejoindre le cortège des précédentes épouses de Barbe-Bleue, qui bien qu'encore en vie, n'en sont pas moins figées, apparaissant dématérialisées ou subsistant symboliquement dans le registre du souvenir de la psyché de Barbe-Bleue.
Le choix du prénom Judith reste assez obscur. Si l'on se réfère à la Judith biblique, on peut dire que toutes deux partagent un trait de caractère : la détermination. Toutes deux parviennent à leurs fins, la première avait séduit Holopherne pour mieux l'assassiner, celle qui nous intéresse ira jusqu'au bout de son désir : mettre à nu la psyché de son époux.
Chez Perrault, c'est la terreur qui sous-tend l'action, l'épouse succombe à sa curiosité malgré la peur que lui inspire son époux. Avec Balázs et Bartók, la dramaturgie est réduite à une tension croissante perceptible dans le dialogue des protagonistes. Elle s'incarne dans le registre passionnel.
Balázs n'a gardé du conte de Perrault que sa quintessence : la tentation, le désir d'assouvir une curiosité. Quant à Barbe-Bleue, il n'est plus l'époux terrorisant et sanguinaire mais au contraire un être attentionné, porteur d'une souffrance cachée (le lac de larmes) qui l'humanise et ne le rend jamais monstrueux. Ce n'est plus de lui que va survenir le danger, c'est Judith qui en sera l'instigatrice.
Nous ne sommes plus ici dans le registre de la simple désobéissance décrit par Perrault mais dans un autre plus complexe qui va au-delà d'un simple écart de confiance. Judith peut incarner la femme moderne revendiquant à part égale son statut de maîtresse de maison, exigeant la clarté dans la demeure afin d'y trouver sa place. Plus vraisemblablement, elle est la femme amoureuse prise dans sa passion et voulant témoigner de sa compassion pour un être sombre en prenant symboliquement part à la souffrance qu'elle entrevoit chez lui, sans mesurer le danger potentiel. C'est dans l'œuvre l'expression récurrente de sa volonté de faire entrer la lumière dans ce lieu.
Cet opéra aux symboles nombreux et riches laisse entrevoir dès les premières minutes avec l'ouverture de la première porte un certain climat fataliste repris par le thème du sang, quasi omniprésent dans l'œuvre. C'est comme si l'amour entre Judith et Barbe-Bleue était déjà condamné. Cette impression est renforcée par les suintements permanents des murs du château. Au fur et à mesure que se joue le drame, lentement au départ puis de façon accélérée dans la seconde partie, la tension monte d'un cran, la nervosité de Judith s'amplifie jusqu'à la culmination de la tension psychologique à l'ouverture de la dernière porte et les accusations de celle-ci qui signent la fin d'une idéalisation amoureuse. Mais il est trop tard quand Judith comprend le processus morbide (au sens psychanalytique du terme) qu'elle a déclenché.
Le sang est communément associé à la vie. Toutefois, au delà d'une lecture freudienne du symbole, son épanchement (sur les armes, le trésor, les fleurs, les nuages) est à considérer dans un retournement symbolique. Sans doute doit-on y lire les prémices d'une déprojection amoureuse, voire le signe plus général que quelque chose se meurt. Est-ce la mort même de Barbe-Bleue dont Judith et le château seraient les symboles annonciateurs ? Il est difficile de répondre à cette question tant l'opéra se prête à une pluralité d'interprétations, de par la multiplicité des symboles et le caractère allégorique de l'œuvre. Ce qui est certain, c'est qu'avec Judith finalement associée à la nuit, un cycle s'achève.
Discographie
Version originale en hongrois
Versions traduites
Langue Direction Orchestre Barbe-Bleue Judith Date de l'enregistrement Label (et date d'édition) Français Ernest Ansermet Orchestre national de la Radiodiffusion française Lucien Lovano Renée Gilly 1950 Malibran Allemand Ferenc Fricsay Orchestre symphonique de la Radio suédoise Bernhard Sönnerstedt Birgit Nilsson 1953 (live) Opera d'Oro Allemand H. Haeffner Orchestre symphonique de Vienne Otto Wiener I.Steingrüber 1953 Club National du Disque Allemand Ferenc Fricsay RIAS-Symphonie-Orchester Berlin Dietrich Fischer-Dieskau Hertha Töpper 1958 Deutsche Grammophon Anglais Eugene Ormandy Orchestre de Philadelphie Jerome Hines Rosalind Elias 1962 CBS Russe Gennadi Rozhdestvenski Grand orchestre symphonique de la Radio de Moscou Evgeni Kibkalo Nina Poliakova 1974 Melodiya Anglais Mark Elder BBC National Orchestra of Wales Gwynne Howell Sally Burgess 1992 BBC Anglais Richard Farnes Orchestra of Opera North John Tomlinson Sally Burgess 2006 Chandos Vidéographie
Direction Orchestre Barbe-Bleue Judith Langue Mise en scène Date de l'enregistrement Label (et date d'édition) Georg Solti Orchestre philharmonique de Londres Kolos Kováts Sylvia Sass hongrois Miklós Szinetár 1981 Decca, DVD, 2008 Ádám Fischer Orchestre philharmonique de Londres Robert Lloyd Elizabeth Laurence hongrois Dennis Marks 1988 Teldec, VHS, 1992[4] Liens externes
- Analyse de B. van Langenhove
- Thèse de musicologie de Rita Honti, Principles of Pitch Organization in Bartók’s Duke Bluebeard’s Castle, Université d'Helsinki, 2006
Notes et références
- ↑ Cette analyse est inspirée du livret de l'Avant-Scène Opéra n° 149-150 : Le Château de Barbe-Bleue (Bartók) / Ariane et Barbe-Bleue (Dukas), Ed. Premières Loges, ISSN 0764-2873, Nov.-Déc. 1992
- ↑ Le livret comporte un prologue parlé, confié au personnage du Barde dont c'est la seule intervention sur scène ; toutefois il n'apparaît pas dans tous les enregistrements.
- ↑ Concert donné à New York à l'Avery Fischer Hall le mercredi 25 mars 1981, jour du centième anniversaire de la naissance du compositeur. Cf. compte-rendu paru dans le New York Times le 27 mars 1981.
- ↑ fiche IMDb
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