Peter Eotvos

Peter Eotvos

Péter Eötvös

Péter Eötvös est un compositeur et chef d'orchestre hongrois, né le 2 janvier 1944 à Székelyudvaherly, une petite ville transylvanienne alors hongroise mais depuis la guerre annexée à la Roumanie.

Sommaire

Biographie

Sa petite enfance est marquée par le voyage; en 1945 sa famille fuit devant les russes à travers la Hongrie centrale et l'Autriche jusqu'en Allemagne. De retour en Hongrie, sa famille lui fait suivre des études musicales précoces. L'abondante littérature pédagogique de Bartók constitue le premier contact avec la musique de tous les petits magyars. Eötvös a la sensation d'avoir appris la langue hongroise en même temps que la musique de Bartók (« Elle est notre langue maternelle »). Il revendique d'ailleurs la spécificité des interprétations « hongroises » de Bartók et Kodály (celles de Szell, Fricsay, Ormandy, Solti, Reiner et les siennes) due aux subtilités d'accentuations et de rythmes de la langue hongroise.

Sa mère, pianiste, participait à la vie musicale et intellectuelle de Budapest et emmenait son fils à de nombreuses représentations ou répétitions d'opéra, d'opérette et de théâtre. On peut ainsi expliquer que le compositeur, quarante ans plus tard, ne fasse aucune distinction entre musique légère et musique sérieuse et qu'on retrouve, notamment dans Le balcon, des « tics » vocaux d'opérette voire de chanson mêlés à un langage harmonique très élaboré avec le plus grand naturel (apparent). Son apprentissage musical se fait tant au piano qu'à travers les pièces qu'il écrit dès son plus jeune âge. Il gagne un prix de composition à onze ans qui commence à en faire un garçon remarqué. Il rencontre alors Ligeti de vingt-et-un ans son aîné qui lui recommande de se présenter à l'Académie de musique Franz-Liszt devant Kodály. Celui-ci était alors selon Ligeti comme « Dieu sur Terre et chacune de ses paroles étaient d'évangile ».

Il est brillamment reçu à l'académie où il étudiera la composition avec János Viski sur les conseils de Kodály. Cet enseignement typiquement « académique » (contrepoint, fugue, sonate…) se double d'une entrée précoce dans la vie active qui va marquer le jeune compositeur en le formant mieux qu'aucune institution n'eusse pu le faire. On fait appel à lui dès 1958 pour accompagner des projections de films en improvisant au piano ou à l'orgue Hammond, puis on lui demande des partitions pour le théâtre et le cinéma. Il composera ainsi jusqu'en 1970 un très grand nombre de partitions « utilitaires ». Il y apprend l'importance du temps grâce à la contrainte d'intervenir une fois la pièce ou le film achevés ; une musique pour une plage de dix secondes ne peut pas déborder sur la onzième. Il y apprend également à manier le bruit comme un son, il est pour lui le ciment de l'unité d'un spectacle, il relie la parole au son. Dans Zero Points notamment il se souviendra de cette expérience ; l'œuvre débute sur une évocation de count down (décompte) destiné à synchroniser son et image au début d'un film suivi d'un bruitage aux contrebasses dans l'aigu imitant le craquement d'une vieille bande magnétique ou d'un disque noir.

Pour ses musiques de scène ou de cinéma, Eötvös jouissait d'une grande liberté de moyens notamment pour les effectifs mais était souvent contraint de faire avec ce qu'on lui proposait et de s'en contenter. On peut avancer que c'est de cette époque que date l'exemplaire pragmatisme d'Eötvös qui composera toujours avec le souci des interprètes mais aussi des techniciens et des maisons d'opéra qui accueilleront ses ouvrages ; peut être l'une des clefs du succès de ses ouvrages lyriques.

Durant cette période de plus de dix ans, sa curiosité l'amène à découvrir ce qui constituera son musée sonore personnel : Gesualdo (l'idée de madrigal revient à plusieurs reprises dans son œuvre : Drei Madrigalkomödien, Trois sœurs) le jazz américain des années 1960, la musique électronique dont la figure de Stockhausen était alors inséparable, Boulez… Le flot ininterrompu des commandes lui permet d'assimiler et d'appliquer simultanément les nouvelles musiques absorbées. Il fait très vite figure d'enfant terrible à l'académie avec ses compositions avant-gardistes trop occidentales aux oreilles officielles. En témoignent ses propos extraits d'un entretien avec Alain Galliari:

« J'ai d'ailleurs vite compris sur quels enjeux pouvait déboucher ce goût a priori innocent de l'innovation, puisqu'on peut dire que János Viski en est mort d'une crise cardiaque après avoir été violemment pris à parti par le directeur de l'académie, parce que j'écrivais une musique « capitaliste ».(…) Si je veux aujourd'hui me souvenir de ce qui a été pour moi un choc violent, c'est pour donner la mesure du climat qui régnait alors en Hongrie. »

Il sollicite alors une bourse universitaire afin de quitter son pays natal pour étudier à l'étranger. La clairvoyance historique d'Eötvös lui fait penser que c'est à Cologne auprès de Karlheinz Stockhausen qu'il fallait alors être.

Il part en 1970 pour l'Allemagne, comme l'avaient déjà fait ses aînés Kurtág et Ligeti. La Hochschule für musik et le studio de la WestDeutscher Rundfunk fonctionnaient alors ensemble, ce qui permettait aux étudiants d'être en contact avec les technologies les plus avancées dans l'un des studios les plus perfectionnés d'Europe. Il étudie la composition avec Bernd Alois Zimmermann ainsi que la direction d'orchestre et se présente à Stockhausen dont il connaissait déjà toute l'œuvre. Eötvös sera tour à tour son ingénieur, son copiste (la partition de Telemusik est de sa main), son instrumentiste et chef d'orchestre. Il faut rappeler que Stockhausen a toujours eu ses interprètes, détenteurs d'une certaine orthodoxie interprétative et véritables passeurs de la parole du maître. Eötvös reste toujours un de ses interprètes privilégiés, il assurera notamment la création de Donnerstag aus Licht. Avec la « troupe », Eötvös effectuera de nombreux voyages dont celui de six mois au Japon le marquera durablement. Ce séjour à l'occasion de l'exposition universelle d'Osaka sera pour lui un choc, la découverte d'une culture qui le fascine encore.

Dans cette effervescence autour d'une figure très charismatique, le jeune musicien d'une trentaine d'années à la sensation d'être à un instant historique déterminant, là où se fait la musique de l'avenir. Il multiplie les activités et garde peu de temps pour composer pendant que sa renommée de chef d'orchestre commence à dépasser le seul cercle d'initiés stockhauseniens.

En 1978, Pierre Boulez fait appel à lui pour diriger le concert inaugural de l'IRCAM à Paris. Il sera bientôt nommé directeur musical de l'Ensemble Intercontemporain, poste qu'il occupera jusqu'en 1991. Il est de plus en plus reconnu comme chef d'orchestre et pas seulement par les spécialistes de musique contemporaine puisqu'il dirige aux « Proms » dès 1980 et est nommé principal chef invité de l'Orchestre symphonique de la BBC de 1985 à 1988. Cette période est aussi celle de son premier succès en tant que compositeur en 1986. Chinese Opera, écrit pour les dix ans de l'Ensemble Intercontemporain, constitue une réflexion sur la théâtralité du son même, la dimension dramatique est assurée par le sonore seul sans texte ni argument. On retrouve un peu la même préoccupation chez Sir Harrison Birtwistle dans sa volonté de mettre en scène la musique de manière néanmoins plus abstraite. Dans cette œuvre, le compositeur a voulu rendre l'effet d'un plus grand effectif et a pour cela utilisé notamment une technique inspirée de la stéréo, répartissant dans l'espace les instruments (On retrouvera des procédés analogues dans Trois Sœurs). Les mouvements sont des hommages à des metteurs en scène qu'il admire : Bob Wilson, Klaus Michael Grüber, Luc Bondy, Patrice Chéreau, Jacques Tati et Peter Brook. Eötvös a par exemple été particulièrement sensible à la manière qu'a Peter Brook de commencer ses spectacles ce qui l'invite à s'interroger particulièrement sur le début de ses œuvres.

Un compositeur capable de prendre des leçons de composition musicale de la part d'un metteur en scène ne peut qu'intéresser Jean-Pierre Brossmann alors directeur de l'opéra national de Lyon ; sur les conseils de Kent Nagano, il lui passe commande d'un opéra en 1986. Ce sera Trois sœurs d'après Tchekhov. En 2008, il y crée également deux autres opéras Lady Sarashina et Love and Other Demons.

Œuvre

Musique vocale et instrumentale

  • Harakiri (1973). Opéra de chambre (20 mn). Musique vocale avec neuf instruments. Livret István Bálint.
  • Radames (1975-1997). Opéra de chambre (35 mn). Musique vocale avec neuf instruments. Livret du compositeur.
  • Trois sœurs (1996-1997). Opéra en trois actes d'après les Trois sœurs d'Anton Tchékhov. Livret de Claus Henneberg et Peter Eötvös. Création le 13 mars 1998 à Lyon.
  • As I Crossed a Bridge of Dreams (1998-1999). Œuvre scénique pour voix solistes et dix instruments.
  • Le Balcon (2001-2002). Opéra en dix tableaux. Livret de Françoise Morvan avec la collaboration de Peter Eötvös et André Marcowicz d'après Le Balcon de Jean Genet. Œuvre scénique créée le 5 juillet 2002 à Aix-en-Provence sous la direction du compositeur.
  • Angels in America (2002-2004). Opéra en deux actes, livret de Mari Mezei d’après la pièce de Tony Kushner. Création le 23 novembre 2004 à Paris au Théâtre du Châtelet.
  • Love and Other Demons (2007). Opéra en deux actes. Œuvre scénique créée le 10 août 2008 à Glyndebourne, livret de Kornél Hamvai d'après la nouvelle de García Márquez.
  • Lady Sarashina (2007). Opéra en neuf tableaux. Livret de Mari Mezei d'après As I crossed Bridge of dreams, fragments du journal de Lady Sarashina (Japon, 1008). Création le 4 mars 2008 à Lyon.


Musique instrumentale

  • Windsequenzen (1975-2002) pour ensemble instrumental
  • Steine (1985-1990) pour ensemble instrumental
  • Chinese Opera (1986) pour orchestre de chambre
  • ZeroPoints (1999) pour orchestre
  • Octet (2008) pour flûte, clarinette, 2 bassons, 2 trompettes, 2 trombones

Liens externes


Précédé de :
Michel Tabachnik
Chef principal, Ensemble InterContemporain
1979–1991
Suivi de :
David Robertson
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