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Typologie sociolinguistique des langues
Le concept de langue Ausbau (Ausbausprache, "langue par élaboration"), de langue Abstand (Abstandsprache, "langue par distance") et de langue-toit (Dachsprache) a été développé par des sociolinguistes, notamment Heinz Kloss et Joshua Fishman, pour analyser et catégoriser des langues (Sprache signifie "langue" en allemand) et des dialectes, et pour différencier des concepts. La première occurrence des deux premiers termes semble figurer dans un article d'Heinz Kloss, « Abstand-languages and Ausbau-languages » (Anthropological linguistics, 1967, 9), mais ils font désormais partie du vocabulaire courant en sociolinguistique.
L'intérêt d'une telle classification est de sortir de l'aspect purement linguistique, pour intégrer dans la classification des langues dues à une volonté politique et culturelle, qui ne se différencient pas de leurs voisines d'un point de vue de linguiste (comme dans le cas d'un dialecte ou d'un parler régional), mais d'un point de vue socioculturel (comme dans le cas des langues standardisées modernes). La définition donnée par Kloss dans son article de 1967 (voir supra) était : "Le terme langue Ausbau peut être défini comme une "langue par développement". Des langues appartenant à ces catégories sont reconnues comme telles parce qu'elles ont été formées ou reformées, façonnées et refaçonnées - ce qui peut être le cas - aux fins de devenir un outil standardisé d'expression littéraire." (The term Ausbausprache may be defined as 'language by development'. Languages belonging in this category are recognized as such because of having been shaped or reshaped, molded or remolded--as the case may be--in order to become a standardized tool of literary expression).
Sommaire
Langue Abstand
Une langue Abstand est une forme de langue tellement différente d'une autre langue, qu'elle ne peut être considérée comme un dialecte d'aucune autre langue. Il n'y a pas de compréhension mutuelle entre les versions écrite ou parlée de cette langue et d'une autre, ce qui n'exclut pas une parenté avec une autre langue (français-italien p.ex.). L'exemple extrême est le basque, sans parenté linguistique avec les langues voisines.
La notion de langue Abstand tend à être équivalente de la notion de diasystème.
Langue Ausbau
Une langue Ausbau est une langue érigée en langue distincte, le plus souvent officielle, pour des motifs de construction d'identité nationale, avec une orthographe et une grammaire standardisées et un vocabulaire étendu. Sur un plan purement linguistique, il y a deux types de langues Ausbau:
- des dialectes d'une langue Abstand, standardisés en langue littéraire, avec parfois un alphabet différent. Les sociolinguistes considèrent dans ce cas qu'il y a bien deux langues, même s'il y a compréhension mutuelle entre leurs locuteurs. Le phénomène se retrouve par exemple entre le danois et le norvégien bokmål, entre le néerlandais et l'afrikaans, entre le luxembourgeois et l'allemand, entre le catalan et l'occitan, entre le tchèque et le slovaque, entre le bulgare et le macédonien, entre le dari afghan et le farsi iranien, entre le thaï et le laotien.
- des dénominations purement politiques d'une même langue Ausbau sans différence dialectale majeure, avec ou sans alphabet différent. Ce phénomène se retrouve entre toutes les variétés de la langue traditionnellement appelée serbo-croate en français - c'est-à-dire le serbe, le monténégrin, le croate et le bosnien, entre le ruthène et l'ukrainien, entre le roumain et le moldave, entre le malais et le bahasa indonésien. Dans ce cas on parle de "Langue politique".
Le concept de Langue Ausbau est proche de celui de langue polynomique, expression qui désigne un ensemble de variétés linguistiques qui divergent quant à leurs traits (phonétiques, syntaxiques, etc.) mais qui sont considérés par leur locuteurs comme constituant un ensemble très cohérent (cas du corse, considéré comme une langue unique par ses usagers en dépit des divergences dialectales sensibles qu'il affiche).
L'un et l'autre de ces concepts tiennent compte des phénomènes de représentation sociolinguistique intervenant dans la définition d'une langue.
Langue-toit
Une langue-toit est une langue qui sert de langue standard pour différents dialectes, plus particulièrement dans un continuum dialectal où la distance et l'isolement géographiques sont tels que certains dialectes ne sont plus mutuellement compréhensibles par leurs locuteurs, qui doivent donc passer par une langue-toit pour se comprendre.
Les exemples les plus classiques sont :
- l'arabe littéral ("fusha"), qui lie les locuteurs de nombreux dialectes arabes ;
- le néerlandais standard (Algemeen beschaafd Nederlands, « néerlandais général »), qui lie les locuteurs de variétés aussi différentes que le hollandais, le flamand occidental et le bas-saxon ;
- l'indonésien et le malais, deux langues véhiculaires proches qui ont permis aux différentes ethnies de l'archipel de l'Insulinde de communiquer et qui contribua à l'unification de l'Indonésie après son indépendance.
L'allemand et l'italien standards constituent également, dans une certaine mesure, des langues-toits.
En 1982, Heinrich Schmid a développé le « romanche des Grisons » (Rumantsch Grischun), une langue-toit permettant l'intercommunicabilité entre locuteurs du romanche éparpillés dans divers espaces non limitrophes dans ce canton. Dans ces mêmes années 80 a été élaboré un « rfondou walon » (wallon unifié) qui commence à se répandre, et coiffe les diverses variétés de wallon. Des tentatives similaires ont lieu pour le ladin et le sarde[1], par exemple.
Voir aussi
Liens externes
Les termes sont définis (en anglais) plus longuement dans ces deux articles
- Peter Trudgill, Norwegian as a Normal Language (2002)
- Peter Trudgill, Globalisation and the Ausbau sociolinguistics of modern Europe (2004)
Références
- ↑ http://it.wikipedia.org/wiki/Limba_Sarda_Comuna Article de lawikipédia italienne sur la Limba Sarda Communa
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