La bête est morte !

La bête est morte !

La bête est morte ! est un album de bande dessinée publié en 1944, dessiné par Edmond-François Calvo, sur un scénario de Victor Dancette, éditeur de publications pour la jeunesse, et de Jacques Zimmermann.

Sommaire

L'album

La bête est morte ! raconte, originellement en deux volumes, la Seconde Guerre mondiale, sous forme de satire animalière du conflit et de l'occupation. La bande dessinée ayant été publiée après la libération de la France, mais quelques mois avant la fin du conflit en Europe, la fin de l'histoire annonce la chute d'Hitler sans la décrire. Le récit décrit pour l'essentiel le conflit en Europe, mais une page est consacrée à la guerre du Pacifique.

C'est une des rares bandes dessinées française réalisées sur l'occupation, avec Les Trois Mousquetaires du maquis de Marijac. L'œuvre est créée peu après le dessin animé Blitz Wolf de Tex Avery, mais il semble peu probable que les auteurs aient pu le voir. Le style de Calvo, en revanche, est influencé par les dessins animés de Walt Disney.

Un extrait

« La défaite indiscutable, totale, décisive infligée aux Barbares par les Bisons et les Dogs après leur débarquement, le soulèvement magnifique des Lapins de notre capitale, la libération des neuf dixièmes de notre sol par les Bisons, la délivrance du pays des Lionceaux par les Dogs, l’avance foudroyante et irrésistible des Ours à travers la Barbarie, tous ces évènements inouïs que nous attendons depuis plus d’un lustre et qui se précipitaient, fulgurants, en l’espace de quelques lunes, sonnaient bien le glas et la domination du Grand Loup.

La Bête déchainée – dont le règne devait durer mille ans ! était enfin terrassée après cinq années de luttes, de souffrances et de sacrifices de tous les animaux pacifiques. On devinait son agonie toute proche et déjà le régime qu’il avait instauré sentait le cadavre. »

Les deux fascicules

  • Quand la bête est déchainée. « Entre Le Vésinet et Ménilmontant, dans la gueule du grand loup, au groin du cochon décoré, et sans l'autorisation du putois bavard, cet album a été conçu et rédigé par Victor Dancette et Jacques Zimmermann, et illustré par Calvo sous la direction artistique de Williams Péra. Il a été gravé et imprimé par la Néogravure, pendant le troisième mois de la Libération. »
  • Quand la bête est terrassée, conçu sous l'occupation et réalisé dans la liberté, ce deuxième fascicule a été écrit par Victor Dancette sous les calmes ombrages du Vésinet, encore illustré par Calvo et « achevé d'imprimer en juin 45 avec l'espoir que la bête est bien morte ».

Des rééditions sont sorties en 1977 chez Futuropolis et en 1995 chez Gallimard. L'édition Futuropolis contient également des reproductions monochromes pleine page de Calvo parues initialement dans le journal L'Armée française au combat à la fin de la seconde guerre mondiale.

Adaptation

En 2005, Mathieu Kassovitz a annoncé[1] l'adaptation cinématographique de l'album, sous forme d'animation[2].

Transpositions

Animaux

Les différents peuples et personnages impliqués dans la guerre sont représentés par des animaux :

Population Animaux représentatifs Personnalité Animal représentatif
Allemands loups Adolf Hitler « le Grand Loup »
Hermann Göring « le Cochon Décoré »
Joseph Goebbels « le Putois Bavard »
Américains bisons Franklin Roosevelt « l'Élu des Bisons »
Australiens kangourous
Belges lionceaux
Britanniques dogs Winston Churchill « le Premier des Dogs »
Bernard Montgomery « Un Dog choisi parmi les Dogs maigres »
Chinois buffles et dragons
Danois danois (au pelage arlequin)
Éthiopiens lions Hailé Sélassié « le Roi des rois des Animaux »
Français lapins, grenouilles, écureuils et cigognes Charles de Gaulle « notre cigogne nationale »
Troupes coloniales françaises[3] léopards
Italiens hyènes Benito Mussolini « la Hyène à peau de louve »
Japonais singes jaunes Hirohito « le Grand Singe »
Néerlandais vaches[4]
Polonais lapins[5]
Soviétiques ours polaires Staline « le Grand Ours »
Iraniens chats Shah d'Iran « le Chat impérial »

Toponymes

Pays/lieu Nom dans la BD
Égypte Le pays des dix plaies
Ligne Maginot Livarot
La Grande Allemagne du Troisième Reich La Barbarie
Îles hawaïennes du Nord-Ouest (bataille de Midway) Le Pays des guitares

Style et thèmes abordés

  • Le style est vulgarisateur et plein de verve patriote, apportant aux générations futures (représentés par les petits-fils de l'écureuil unijambiste, vétéran paré de gloire qui fait office de narrateur tout au long du récit) un point de vue sans nuance sur l'horreur du conflit : la bête, c'est le nazisme et celui qui l'incarna.
  • Le scénario fait l'ellipse de l'épisode de Vichy dans sa description du contexte français, pour présenter sous des accents de gloire la refondation nationale qui est le mot d'ordre généralisé du moment de parution de cet album (écrit en 1944). Le texte évoque cependant rapidement des « traîtres » et fait allusion, dans un jeu de mots (« On ne sait pas qui ») au journaliste de Radio Paris Jean Hérold-Paquis. Un dessin représente les collaborateurs sous forme de crapauds et de rats.
  • La représentation des souffrances vécues par les populations occupées est très réaliste, ce qui corrobore le contexte dans lequel cette bande dessinée a été conçue, contexte dans lequel ces souffrances étaient encore vécues. L'accent donné sur l'épisode de l'exode et ses douleurs montre que les auteurs se mettent au diapason de leur public, les Français tout juste libérés, en leur livrant un moyen de catharsis. Ainsi, en une vignette, Calvo évoque la saignée des réparations versées au titre de l'armistice, et montre des criquets qui portent des casques de l'armée allemande en train de ruiner les récoltes de blé, aidés dans leur tâche par des doryphores tatoués de la croix gammée. Les animaux souffrent crument dans cette bande dessinée autant que ceux qui vécurent les évènements, Calvo montre au lecteur enfant la dureté de la guerre, allant à des extrémités que Disney, sur le plan de la représentation, remplacerait par une évocation hors champ. En particulier, le dessin de la gare de Bécon-les-Bruyères est d'un réalisme presque atroce ; le cinéma et la boucherie chevaline en arrière-plan, la marquise qui avait abrité les quais, au verre cathédrale écrasé au sol, tout était ainsi ; Calvo n'a rien inventé, rien retouché.
  • Railleries des argumentations de la propagande : la défense élastique sur le front de l'Est, représentée par des loups de la Wehrmacht en retraite tenus les uns aux autres par des bretelles.
  • La Shoah est évoquée brièvement, en deux cases, mais de manière explicite, et l'étoile jaune apparaît dans le détail d'un dessin. Didier Pasamonik note qu'il s'agit là de la première évocation du génocide juif dans une bande dessinée[6], bien que sa description, qui assimile les victimes du régime nazi à des opposants politiques, ait pu être critiquée a posteriori[7]. Le texte, page 25, décrit ainsi la déportation et le génocide, dont la spécificité et l'ampleur n'avaient pas été encore réalisées à la fin 1944 : « Poursuivant plus particulièrement leur vengeance contre certaines tribus d’animaux pacifiques que nous hébergions et à qui nous avions bien souvent ouvert nos portes pour les abriter contre la fureur de la Bête déchaînée, les hordes du Grand loup avaient commencé le plus atroce plan de destruction des races rebelles, dispersant les membres de leurs tribus dans des régions lointaines, séparant les femmes de leurs époux, les enfants de leur mère, visant ainsi l’anéantissement total de ces foules inoffensives qui n’avaient commis d’autre crime que celui de ne pas se soumettre à la volonté de la Bête ». La seconde référence à la Shoah en bande dessinée date de 1955, dans une histoire américaine de EC Comics intitulée Master Race. En France, il faut attendre 1985 pour que la Shoah soit à nouveau évoquée dans une bande dessinée.
  • Réception : en son temps, l'ouvrage a été une magnification du sacrifice, et des souffrances de ceux qui sortaient des Stalag, des camps de concentration, de ceux dont la santé avaient été détruite pour avoir refusé de travailler au service du grand Reich bien que prisonniers de guerre ; et de ceux qui avaient connu les nuits à la cave sous les bombes américaines et britanniques.

Voir aussi

Notes

  1. article Allociné.fr
  2. "La Bête est morte" sur Allociné.fr
  3. Particulièrement les Spahis, compte tenu de leurs atours
  4. Visibles au travers des possessions en Indonésie dans le cadre de leur empire colonial
  5. Ce qui donne l'idée des accords stratégiques alors en place avec la France, ainsi que l'imminence du désastre de la débâcle, comme le sort fut jeté lors de l'invasion de la Pologne
  6. Article de Didier Pasamonik, mai 2004
  7. Article de François Peneaud sur Actua BD, janvier 2005

Lien interne

Lien externe


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