Amphipolis

Amphipolis

40° 49′ N 23° 51′ E / 40.82, 23.85

Localisation d'Amphipolis

Amphipolis (en grec ancien Ἀμφίπολις / Amphípolis) est une cité grecque de la région des Édoniens en Macédoine orientale. Elle occupe un haut plateau sur la rive est d'une boucle du Strymon, à 4 km au nord de son embouchure dans la mer Égée au niveau du Golfe Strymonique. Fondée en 437 av. J.-C., elle fut abandonnée au VIIIe siècle de notre ère.

Le site se trouve sur le territoire d'une municipalité moderne de Macédoine-Centrale, à laquelle elle a donné son nom ainsi qu'à deux villages construits à proximité.

Sommaire

Les origines de la ville

Vue du delta du Strymon et du gymnase depuis l'acropole d'Amphipolis

Tout au long du Ve siècle av. J.‑C., Athènes cherche à s'assurer le contrôle de la Thrace qui revêt une importance stratégique en raison de ses matières premières – métaux précieux (or, argent) du Pangée, bois indispensable à la construction navale – et de la route maritime des détroits garantissant l'approvisionnement en blé de Scythie.

Après une première tentative infructueuse de colonisation en 497 av. J.-C. par le tyran de Milet Histiée, les Athéniens fondent une première colonie à Ennéahodoï (Neuf-Routes) en 465 av. J.-C.[1], mais les dix mille colons sont massacrés par les Thraces[2]. Une seconde tentative a lieu en 437 av. J.-C. sur le même lieu sous la direction d'Hagnon, fils de Nicias, à partir du port d'Éion, à l'embouchure du Strymon, une vieille base déjà utilisée par les Perses, conquise par Cimon et devenue un comptoir athénien.

Plan schématique d'Amphipolis

La nouvelle fondation prend le nom d'Amphipolis, littéralement « autour de la ville », nom sur lequel les lexicographes ont abondamment glosé, malgré les explications très claires de Thucydide[3] : une notice de la Souda (présente aussi dans le Lexicon de Photius) le commente en reprenant une explication fournie à l'origine, d'après Harpocration, par Marsyas de Pella (FGrH 135/6), selon lequel une population nombreuse vivait autour de la ville. Plus fréquente, et aussi beaucoup plus vraisemblable, est l'explication donnée par le grammairien Julius Pollux (Onomasticon, 9.27.5) : le nom indiquerait le voisinage d'un isthme ou d'un gué. Mais c'est l’Etymologicum genuinum qui est le plus explicite avec la définition suivante (entrée 725, s. v. Amphipolis) : « ville des Athéniens ou de Thrace, qui s'appelait Neuf-Routes auparavant, (ainsi appelée) parce que cernée et entourée par le fleuve Strymon » (πόλις Ἀθηναίων ἢ Θρᾴκης, ἥτις ἐκαλεῖτο πρότερον Ἐνάοδοι διὰ τὸ περιέχεσθαι καὶ περιοδεύεσθαι ὑπὸ τοῦ Στρυμῶνος ποταμοῦ). Cette description correspond effectivement au site de la ville (voir schéma ci-contre) et à la description de Thucydide.

Amphipolis devient dès lors le principal point d'appui athénien en Thrace et comme tel une cible de choix pour leurs adversaires lacédémoniens : l'élément athénien reste très minoritaire dans la ville[4] et le général spartiate Brasidas parvient à la retourner contre sa métropole en 424 av. J.-C., notamment grâce à l'aide des habitants de la localité voisine d'Argilos[5]. Une expédition de secours menée par le stratège (et historien) Thucydide doit se contenter de secourir Eion et ne peut reprendre Amphipolis. Cet échec vaut l'exil à Thucydide. Une nouvelle expédition athénienne, sous le commandement de Cléon échoue de nouveau en 422 av. J.-C. : Cléon et son adversaire Brasidas trouvent la mort dans une bataille sous les murs d'Amphipolis, qui conserve ainsi son indépendance. Elle la garde jusqu'au règne de Philippe II, malgré de nouvelles tentatives athéniennes, notamment du fait du gouvernement de Callistratos[6].

De la colonie athénienne à la ville romaine

Fortifications et pont d'Amphipolis

En 357 av. J.-C., Philippe II fait sauter le verrou que constitue Amphipolis sur la route vers Thrace et conquiert la ville qu'Athènes avait vainement tenté de récupérer les années précédentes[6]. D'après l'historien Théopompe, cette conquête aurait fait l'objet d'un accord secret entre Athènes et Philippe II, qui se serait engagé à remettre la ville en échange de la place forte de Pydna. Mais le roi macédonien trahit l'accord en ne cédant pas Amphipolis et en mettant le siège devant Pydna.

Après la conquête par Philippe, la cité n'est pas immédiatement incorporée au royaume[7] et conserve quelque temps ses institutions et une certaine autonomie, la frontière du territoire national du royaume n'étant pas déplacée vers l'Est. Philippe installe cependant des Macédoniens à Amphipolis et la cité, de par les mesures prises, devient de fait macédonienne : la nomenclature, le calendrier et le monnayage (statères d'or du nouvel atelier installé par Philippe pour monnayer l'or du Pangée, remplaçant la drachme amphipolitaine) de la cité sont remplacés par les équivalents macédoniens.

Sous le règne d'Alexandre le Grand, Amphipolis est une base navale importante, et trois des plus célèbres amiraux du Macédonien en sont originaires : Néarque, Androsthène, et Laomédon, dont le fameux lion d'Amphipolis marque probablement la sépulture.

Fresque d'une maison hellénistique d'Amphipolis

Amphipolis devient une des stations principales de la route royale en Macédoine orientale (comme en témoigne une borne trouvée entre Philippes et Amphipolis donnant la distance depuis cette dernière[8]), puis de la Via Egnatia, la principale voie romaine qui traverse le Sud des Balkans. C'est à ce titre qu'elle est mentionnée dans les Actes des Apôtres[9] comme étape sur la route de saint Paul dans son itinéraire de Philippes à Thessalonique[10]. Outre les remparts de la ville basse (cf. photographie), ne sont visibles de cette période que le gymnase et une riche maison aux fresques bien conservées (cf. photographie).

Si le plan de la ville est mal connu, ses institutions le sont davantage grâce à une riche documentation épigraphique, dont une ordonnance militaire de Philippe V et une loi éphébarchique provenant du gymnase.

Après la victoire finale romaine sur la Macédoine en 168 av. J.-C. à la bataille de Pydna, Amphipolis devient la capitale de la première des quatre mérides qui sont créées par les Romains pour succéder au royaume des Antigonides[11].

Le renouveau de l'Antiquité tardive

Chapiteau paléochrétien à protomes de bélier d'Amphipolis

À la fin de l'Antiquité, Amphipolis participe à la prospérité économique de la Macédoine dont témoigne la multiplication des églises chrétiennes. Significativement cependant, ces églises sont construites sur une aire restreinte, à l'abri des murs de l'acropole : c'est le signe que le grand périmètre fortifié antique n'est plus défendable, et que la population de la ville a considérablement diminué.

Néanmoins, le nombre, la taille et le luxe des églises construites entre le Ve siècle et le VIe siècle de notre ère impressionnent : quatre basiliques ornées de riches pavements de mosaïque et d'une sculpture architecturale soignée (voir le chapiteau aux protomes de bélier) ont été fouillées, ainsi qu'une église à plan centré, hexagonal, qui évoque celui de Saint-Vital à Ravenne. Cette activité édilitaire ne peut se comprendre que si l'Église locale a su capter à son avantage les antiques circuits de l'évergétisme qui aboutissaient à une pétrification monumentale dans le centre urbain de la richesse agricole du territoire de la cité.

Amphipolis est alors un évêché suffragant de Thessalonique — l'évêque est mentionné pour la première fois à l'occasion du concile œcuménique de 553[12]. La seule autre mention de la ville dans les sources littéraires se trouve dans le Synekdèmos d'Hiéroklès[13].

De la réduction de l'aire urbaine à la disparition de la ville

Les invasions slaves de la fin du VIe siècle viennent progressivement ruiner l'arrière-pays amphipolitain et entraînent le déclin de la ville dont les habitants se replient d'abord sur l'acropole : les remparts en sont maintenus en état tant bien que mal, grâce aux matériaux de construction pillés (spolia) dans les monuments de la ville basse ; les grandes citernes désaffectées du sommet sont occupées par de petites maisons et des ateliers d'artisan. Au milieu du VIIe siècle, peut-être, intervient une nouvelle réduction de l'aire urbaine fortifiée avec la construction d'un nouveau rempart à tours pentagonales, coupant l'acropole au beau milieu des monuments existants : des thermes romains, et surtout la basilique épiscopale sont ainsi traversés par cette muraille.

La ville est probablement abandonnée au VIIIe siècle : le dernier évêque, André, est attesté en 692[14] au concile Quinisexte[15]. Les habitants se réfugient sur le site voisin de l'antique Eïon, port d'Amphipolis, reconstruit et refortifié à l'époque byzantine sous le nom de Chrysopolis[16]. Ce port connaît alors une certaine prospérité, avant d'être abandonné pendant l'époque ottomane.

Les derniers signes d'activité enregistrés aux abords de la ville consistent en une tour fortifiée, construite en 1367, au Nord, par le grand primicier Jean et le stratopédarque Alexis, pour protéger les terres qu'ils avaient données au monastère athonite du Pantokrator, dont ils étaient les fondateurs[17].

L'exploration du site

Les ruines d'Amphipolis vues par E. Cousinéry en 1831 : le pont sur le Strymon, les fortifications de la ville, l'acropole

Le site a été reconnu et décrit par de nombreux voyageurs et archéologues dès le XIXe siècle, dont E. Cousinéry (1831) (gravure), L. Heuzey (1861), et P. Perdrizet (18941899)[18]. En 1934, M. Feyel, de l'École française d'Athènes, y a mené une mission épigraphique et dégagé les vestiges du lion funéraire[19].

Mais les fouilles n'ont véritablement commencé qu'après la Seconde Guerre mondiale et sont le fait de la Société archéologique grecque (D. Lazaridis entre 1972 et 1985) et du Service archéologique : elles ont permis de dégager une nécropole, le rempart de la ville basse (photographie) et les vestiges exceptionnels (piles en bois) d'un des deux ponts sur le Strymon, ainsi que le gymnase, une grande demeure hellénistique, et les basiliques de l'acropole[20].

Notes

  1. Lazaridis [1986], p. 16.
  2. Thucydide I, 100, 3.
  3. (en)IV.102.3.
  4. (en)Thucydide, IV.105.1.
  5. Lazaridis [1986], p. 17.
  6. a et b Lazaridis [1986], p. 19.
  7. Hatzopoulos [1996].
  8. Chaïdo Koukouli-Chrysanthaki, « À propos des voies de communication du royaume de Macédoine », Recherches récentes sur le monde hellénistique, Lausanne, 1998, p. 53-64.
  9. Actes, 17, 1.
  10. Papazoglou [1988], p. 394-395.
  11. Lazaridis [1986], p. 20-21.
  12. Mansi XI, 392 A.
  13. Hiéroklès, 640, 2. Papazoglou [1988], p. 396.
  14. Papazoglou [1988], p. 397.
  15. Mansi XI, 993 B.
  16. Dunn [1992] p. 399-413.
  17. Zikos [1989], p. 22.
  18. Lazaridis [1986], p. 12.
  19. Lazaridis [1986], p. 86-87. Voir la reconstitution dans le Bulletin de Correspondance Hellénique.
  20. Lazaridis [1986], p. 12-13.

Voir aussi

Article connexe

Bibliographie

  • (en) A. Dunn, “From Polis to Kastron in Southern Macedonia: Amphipolis, Khrysoupolis, and the Strymon Delta”, Castrum 5, Archéologie des espaces agraires méditerranéens au Moyen Âge, Murcie, 1992, p. 399-413.
  • (en) M. Hatzopoulos, Macedonian Institutions under the King, Athènes, 1996.
  • L. Heuzey, H. Daumet, Mission archéologique de Macédoine, Paris, 1876.
  • D. Lazaridis :
    • (el) Amphipolis, Athènes, 1986 (guide archéologique) ;
    • « La cité grecque d'Amphipolis », in Comptes-rendus de l'Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres (CRAI) 1977, p. 194-214.
  • F. Papazoglou, « Les villes de Macédoine à l'époque romaine », BCH Supplément XVI, 1988.
  • N. Zikos, Amphipolis paléochrétienne et byzantine, Athènes, 1989 (guide archéologique).

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