La Domerie d’Aubrac

La Domerie d’Aubrac

La Dômerie d'Aubrac

Dômerie d'Aubrac
Vue générale de l'édifice
Vue générale de l'édifice

Latitude
Longitude
44° 37′ 19″ Nord
       2° 59′ 10″ Est
/ 44.62194, 2.98611
 
Pays France France
Région Midi-Pyrénées
Département Aveyron
Ville Saint-Chély-d'Aubrac
Culte Catholique romain
Le sceau de la Dômerie

La dômerie d'Aubrac est un ancien monastère, situé sur la commune de Saint-Chély-d'Aubrac. Elle a été fondée par les nobles et les seigneurs du Rouergue et du Gévaudan pour protéger les pèlerins qui traversaient l'Aubrac.

Sommaire

Présentation

«In loco horroris et vastae solitudinis»

C'était un lieu d'horreur et de profonde solitude. Cette inscription empruntée au cantique de Moïse (la Bible, Deutéronome chapitre 32 verset 10) était gravée sur le fronton de la porte de façade occidentale du monastère d’Aubrac.

Situation

Autrefois, l’Aubrac était une forêt sombre et profonde qui couvrait toute la montagne et s'étendait loin dans la plaine. Les loups et les sangliers étaient les seuls habitants de ces lieux sauvages. Toutefois un large chemin entièrement pavé, tracé par les Romains traversait la forêt dans toute sa largeur. C'était un tronçon d'un très grand chemin qui reliait Lyon à Toulouse par Javols, la célèbre voie d’Agrippa. De nos jours on en retrouve assez visiblement les traces dans toute la traversée du plateau et il est probable que cet itinéraire était le seul que l'on pouvait essayer de suivre à la saison favorable, car en hiver les risques de s'égarer étaient très grands. La neige recouvrait tout d'un épais manteau blanc, le brouillard très fréquent rendait l'orientation extrêmement difficile. De plus, dès le début du Moyen Âge, des bandes de voleurs infestaient les parages et les voyageurs ne s'aventuraient dans la montagne qu'en groupe afin de se défendre mieux contre des attaques probables.

Le Pèlerinage de Compostelle

Sur la Via Podiensis du Pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. On vient de Nasbinals, la prochaine étape étant Saint-Chély-d'Aubrac.

Histoire

La Dômerie d’Aubrac

En 1120, un vicomte des Flandres, Adalard, se rendant en pèlerinage du Puy à Compostelle, est attaqué par des bandits au point le plus haut de son voyage. Au retour, c'est une terrible tempête de neige qui le cloue sur place exactement au même endroit. Il comprend que c'est un signe de Dieu et fait le vœu, s'il échappe à ce nouveau péril, de construire un hospice en vue d'assister « ceux qui passent par là pour aller visiter les églises de Notre-Dame de Rocamadour, de Santiago, de San Salvador d'Oviedo, de San Domingo d'Estrémadure et des nombreux autres saints, ainsi que ceux qui se rendent au sépulcre de Notre Seigneur  »

C'est ainsi que le premier hôpital, dont il ne reste aujourd'hui plus rien, fut fondé, « l'Hospice Notre-Dame des Pauvres » par Adalard et quelques compagnons. Il devait devenir pour de longs siècles la providence des voyageurs, des pauvres, des pèlerins et rendre de signalés services dans toute la région.

Dès sa construction, les seigneurs de la contrée firent dons de domaines considérables. Le seigneur d'Apcher lui donna les terres de Montivernoux, la Fage, Grandval et autres pièces aux alentours de Fournels. Le baron de Canilhac, lui, céda des domaines au nord de Trélans, des Hermaux et des Salces, tandis que le seigneur de Peyre, donna aux moines «tous les territoires des montagnes situées entre le Bès et l'Hôpital».

A la mort d'Adalard, en 1135, la communauté de prêtres, qui étaient venue s'y installer, eut à administrer des biens importants. Elle était liée par la règle de saint Augustin.

Le monastère qui comprenait autour de l'église les bâtiments hospitaliers et diverses dépendances, dont les bâtiments conventuels et un cimetière, était entouré d'une enceinte. L'entrée principale était au couchant et une fois pénétrées à l'intérieur de la muraille, les pèlerins trouvaient une grande porte cochère dite "porte de la Miche", ainsi nommée parce que se faisait, à cet endroit, la distribution du pain à toutes les personnes qui venaient en demander. Tous y avaient droit sans restriction. Il existait en outre une chapelle attenante à l'hôpital, un cloître, et une auberge.

Au début du XIVe siècle, 120 frères et 30 sœurs vaquaient aux soins de l'institution ou des pèlerins, 4 chevaliers assuraient la protection sur la route et 15 prêtres se chargeaient des offices religieux.

Au XVIIIe siècle, la « Dômerie d'Aubrac », nom donné aux monastères dont l'abbé avait le titre de dom, comptait encore, avec ses commanderies, 80 membres.

Tiré du cartulaire de Conques

Donation d'Adalard

Dans les premières années du XIIe siècle, Adalard lègue de son vivant l'hôpital d'Aubrac, ainsi que toutes les dépendances à l'Abbé Boniface qui lui donne le manse de Malesagne, (commune de Ternes : Cantal).

Incertain de l'avenir de sa fondation, Adalard avait eu en pensée de confier aux moines de Conques la charge de l'hôpital d'Aubrac qui avec l'apport du don de Malesagne faisait augmenter les revenus...

Mais après que l'établissement fût établi, il fît avec Conques de nouvelles conventions qui ne sont pas connues.

Le Prieur

Élu à vie par ses frères, le prieur de la communauté portait aussi le titre de Dom - abréviation du latin Dominus -, qui valut à l'hôpital d'Aubrac l'appellation de dômerie. Les statuts mis en place dès 1162, définissant ses structures internes prévoyaient la réunion d'un chapitre général lorsqu'il fallait procéder à l'élection d'un nouveau Dom ou décider de l'admission d'un nouveau frère.

Ces statuts désignaient également différents officiers claustraux, tel le chambrier, chargé de l'achat du tissu et du contrôle de la confection des vêtements, le sacristain, à qui incombait l'organisation matérielle du culte, le chantre, qui enseignait le chant et le dirigeait durant les offices, ou l'infirmier, chargé des malades de l'ordre et de l'inspection des hôtes malades de l'hôpital.

religieux d'Aubrac XVIIIe siècle

Le service du monastère

Il était assuré par cinq sortes de personnes :

  • Les religieux prêtres, en principe douze, qui assuraient les offices et menaient une vie à moitié contemplative.
  • Les chevaliers religieux, qui guidaient et protégeaient les pèlerins.
  • Les frères, pour le service des pauvres. Prononçant les vœux, les frères, qu'ils soient laïcs ou clercs, étaient admis dans la communauté au terme d'une année de noviciat, sur décision favorable du chapitre général. C'est à eux qu'incombait la bonne marche matérielle de l'hôpital.
  • Les dames de qualité, le plus souvent de noble extraction, qui portaient le costume religieux et prodiguaient des soins spirituels et matériels, notamment les soins aux malades.
  • Les Donats qui exploitaient les nombreuses fermes. Constituée de laïcs ayant volontairement fait don de leur personne et de leurs biens à l'hôpital, et prononcé, à leur entrée, les vœux de pauvreté, d'obéissance et de chasteté.

L’accueil des Pèlerins

Le pèlerin était reçu par le « dom » qui lui présentait de l'eau pour se laver les mains. Puis on lui offrait gîte et nourriture après lui avoir prodigué quelques soins corporels : lavement des pieds et nettoiement des vêtements pour les débarrasser des poux et des souillures, et on leur préparait un bon lit. Utiles, ces gestes avaient aussi valeur de symbole : selon l'Écriture, accueillir un pauvre, c'est accueillir le Christ.

Un bâtiment spécial accueillait les pèlerins malades, qui pouvaient compter sur le dévouement et les soins des religieux. Ces malades bénéficiaient d'une nourriture plus recherchée et abondante (un Aligot), de lits moelleux, d'un bon éclairage, et d'un service divin assuré à leur chevet ; la durée de leur séjour n'était pas limitée et s'ils voyageaient en groupe, il était permis à leurs compagnons de rester jusqu'à leur guérison.

En dépit de cette sollicitude, il arrivait que l'hôpital constitue, pour certains pèlerins, la dernière étape de leur pérégrination. « Aide des vivants » mais aussi « salut des morts », selon les termes du Guide du Pèlerin, la dômerie se chargeait alors de leur ensevelissement, ultime œuvre de miséricorde en faveur des marcheurs de Dieu.

À propos des hospices, structure portante de l'organisation des pèlerinages médiévaux, l'auteur du Guide du Pèlerin, Aimery Picaud, écrit : « Ce sont des lieux saints, maisons de Dieu, réconfort des voyageurs, repos des indigents, consolation des malades, salut des défunts et secours des vivants. Quiconque aura construit un de ces lieux accédera sans nul doute au royaume de Dieu. »

La Cloche des Perdus

La tour qui faisait partie des bâtiments défensifs et qui sert maintenant de clocher abrite une grosse cloche, la seule rescapée des cinq qui existaient. C'est la célèbre Maria dite la " cloche des perdus ". Elle était actionnée durant de longues heures du jour et de la nuit en temps de neige et de brouillard pour ramener les voyageurs et pèlerins égarés.

Son carillon était perceptible à plusieurs lieues, elle fonctionne encore en quelques occasions. Brisée en 1595 lors de l'attaque des ligueurs, elle fut refondue en 1668 sous Louis-Antoine de Noailles, puis encore en 1772 sous Sickarius Gintrac, elle porte toujours l'inscription « Errantes, Revoco. »

La ferveur religieuse qui animait les chrétiens au cours de leurs innombrables voyages trouve un reflet éloquent dans l’inscription latine que l'on peut lire sur la cloche des Perdus : Deo giubila / Clero canta / Doemones fuga / Errantes revoco (Elle loue Dieu / Chante pour le prêtre / Chasse les démons / Ramène les égarés).

A deux reprises, les habitants de Saint-Chély enlevèrent cette célèbre cloche et la transportèrent dans leur église. Ils la descendirent une première fois en 1841, ils durent la remonter à Aubrac en 1846. Ils firent une deuxième tentative en 1848, mais comme la fois précédente ils furent condamnés à la remettre en place le 9 juin de la même année.

La tour dite des Anglais

Haute de 30 m, restaurée en gîte d'étape, doit son nom au fait quelle fut construite précisément au moment ou les Anglais, maîtres de la Guyenne, prenaient pied dans le Rouergue. En 1353, Durant Olivier fit édifier en hâte, pour se défendre contre eux, cette tour imposante, mais malheureusement inefficace, elle ne put résister à l'invasion d'une bande de routiers qui assaillirent le monastère en 1360 sous la conduite de Berducat d'Albret.

Quelques années plus tard, en 1385, ils devaient encore revenir, après avoir incendié l'église de Saint-Chély, ils rançonnèrent les religieux qui durent payer pour se libérer la somme énorme de mille florins d'or.

C'est à peu près à cette époque que le monastère prit le nom de dômerie.

La Dômerie aujourd'hui

Que reste-t-il de nos jours comme vestiges de ce qui fut la providence des pèlerins en même temps que des voyageurs, des pauvres et des malheureux ?

L'église, qui conserve encore un grand air malgré son émouvant état de dénuement, son architecture de transition romano-gothique est ce qui reste de la construction terminée en 1220 sous le ministère d’Étienne II. Elle est flanquée de huit contreforts, l'épaisseur du mur latéral est de deux mètres, la voûte est soutenue par des arceaux reposant sur des impostes en cul-de-lampe, la pierre de taille est parfaitement appareillée. Il a existé un magnifique jubé qui a complètement disparu.

Une maison, du XVe siècle, devenue maison forestière, subsiste d'une dépendance du monastère. On peut y admirer surtout une très belle cheminée de style Renaissance. Il doit exister encore d'anciennes voûtes, mais un regrettable plafonnement les dissimule, ainsi qu'une sculpture qui passait pour être la tête d’Adalard.

François Ier et la Dômerie

En 1533 dans ce bâtiment, séjourna trois jours, du 20 au 22 juillet, François Ier qui venait du Puy et se rendait à Toulouse pour visiter la châsse de saint-Sernin.

Il voulut, en passant, rendre une visite aux moines d’Aubrac pour leur témoigner sa gratitude, ceux-ci avaient généreusement participé à la collecte pour la rançon qui servit à sa libération après sa capture à Pavie en 1525.

Trouvant le lieu très agréable en cette saison, il s'attarda pour se livrer aux plaisirs de la chasse aux oiseaux autour du lac des Salhiens. C'est là qu'il devait rencontrer le « plus beau vol de hérons qu'il eut vu de sa vie »[1].

Voir aussi

Liens externes

Sources

Notes et références

  1. Félix Buffière, Ce tant rude Gévaudan [détail des éditions], tome I, chap. 16
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