- Via Agrippa
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La Via Agrippa désigne le réseau de voies romaines en Gaule mis en place par Agrippa, à qui Octave avait confié l’organisation des Gaules.
Sommaire
Le projet d'Agrippa
Ce réseau rayonnait à partir de la nouvelle implantation stratégique romaine, Lugdunum. Le géographe antique Strabon en a indiqué les lignes directrices : « Agrippa a choisi (Lugdunum) pour en faire le point de départ des grands chemins de la Gaule, lesquels sont au nombre de quatre et aboutissent, le premier, chez les Santons et en Aquitaine, le second au Rhin, le troisième à l'Océan et le quatrième dans la Narbonnaise et à la côte massaliotique »[1].
En d’autres termes[2] :
- une voie vers l’Atlantique, de Lugdunum vers Saintes, la voie d'Aquitaine
- une voie vers la Manche et la Mer du Nord, par Reims, Beauvais, Amiens[3], la Via Agrippa de l'Océan.
- une vers le Rhin, par Langres et Trèves
- une voie vers le sud, Arles et Marseille
Si tous les spécialistes s’accordent pour situer la construction de ces voies sous Agrippa et Octave Auguste, la datation qu’ils proposent diffère d'un ouvrage à l’autre :
- en 39 av. J.-C. / 38 av. J.-C.[4] ;
- selon Pierre Gros, dès 22 av. J.-C. / 21 av. J.-C.[2] ;
- pour Paul Petit, entre 16 av. J.-C. et 13 av. J.-C.[5].
L'axe Sud
Dès la période protohistorique, une voie se maintenait à distance du Rhône et de l’embouchure de ses affluents, préférant à la plaine parfois marécageuse les premiers escarpements des collines.
Sous l’impulsion d’Auguste, Agrippa aménagea une voie proche du Rhône mais accrochée autant que faire se peut au pied des collines. Cet axe passait par des points d’importance différente :
- Des villes : Arles, Avignon, Montélimar, Valence, Vienne, Lyon
- Des relais (mutationes) où l’on pouvait changer (mutare) les équipages des voyageurs et des courriers du cursus publicus .
Cet axe fut complété par la Voie d'Antonin, sur la rive droite du Rhône, ou Voie des Helviens.
Les traces de la via Agrippa : l'exemple du Valentinois
Il semble que, pour le territoire de la colonie de Valentia (Valence), le tracé de cette voie fût à peu près identique à celui de l'actuelle Route Nationale 7, à ceci près que la voie devait éviter les zones de confluence alors marécageuses. Ainsi, au nord de l’Isère, la via Agrippa passe à l'est de la Nationale : après le carrefour des "Sept Chemins", elle poursuit en direction du midi vers Beaumont-Monteux au niveau de la Départementale 101, une route communale puis un chemin suivant un tracé rectiligne bien caractéristique des routes romaines. Ces voies servent aujourd’hui de limite aux communes de Beaumont-Monteux et Pont-de-l’Isère. Non loin de là, le toponyme « Vie Magne » (via magna) témoigne du passage en ces lieux d’une « grande voie »[6].
Au sud de la rivière Drôme, par contre, c'est-à-dire entre Loriol et Saulce, la via Agrippa est à environ 750 mètres à l'ouest de la RN7. On l'appelle localement "ancienne route de Saulce" et c'est sur ce tronçon que se trouvait la Mutatio Bantiana, un relais cité dans l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem (333) et noté aussi sur la Table de Peutinger. Il correspond au quartier de Bance (ou des Bances) et rien n'y est plus visible mais de nombreuses monnaies romaines y ont été trouvées et des fragments de poterie et de briques rouges parsèment encore les champs. (PG)
Les milliaires de la via Agrippa
Comme les autres grandes voies romaines, la via Agrippa était jalonnée de colonnes en pierre nommées (bornes) milliaires : placées le long des routes, elles indiquaient le nom du magistrat ou de l’empereur qui les avait fait ériger ou réparer, ainsi que la distance en milles avec des points de référence (capita viae) qui, pour la via Agrippa, n’étaient autres que Vienne, Valence et Avignon.
Sur les 22 milliaires retrouvées pour cette voie, on peut citer la VIe (à partir de Valence) qui se trouve dans le parc de la propriété de La Paillasse (commune d'Etoile-sur-Rhône). Elle porte le nom d'Antonin le Pieux (138-161) et devait à l'origine se trouver à moins de 2 km au nord de son emplacement actuel où elle a été déplacée en 1757. Autre exemple, la IIIe ou IVe (C.I.L., XII, 5549) qui sert de réemploi dans le déambulatoire du chœur de la cathédrale Saint-Apollinaire (Valence), toujours visible aujourd'hui (voir photo ci-contre). Cette borne daterait de 274 ou 275 ap. J.C. et porte l'inscription suivante[6] :
(Entre parenthèses, les abréviations, entre crochets les lettres effacées ou difficilement lisibles)
IMP(ERATOR) CAESAR L(UCIUS) DOMIT[IUS]
AURELIANU[S] P(IUS) [F](ELIX) INV[I]CT[US]
[AU]G(USTUS) P(ONTIFEX) MA(XIMUS) GER[MANIC](US) [MAX](IMUS)
[GO]THIC(US) MA[X](IMUS) [CARPIC](US) [MAX](IMUS) ?
[PAR]THIC(US) MA[X](IMUS) [TRIB](UNICIA) [POT](ESTATE) [VI CO](NSUL) ?
[III] P(ATER) [P](ATRIA) PROCO(N)[S](UL) [PACATOR ET RES]
[TITUT]OR ORB(IS) [REFECIT ET]
[R]ESTITUIT […]
MILIA [PASSUUM]
I[I] II ?
Traduction : L'empereur César Lucius Domitien Aurélien, pieux, heureux, invincible, auguste, souverain pontife, Germanique très grand, Gothique très grand, Carpique très grand, Parthique très grand, revêtu de la puissance tribunicienne pour la ... fois, consul ... fois, père de la patrie, proconsul, restituteur et pacificateur de l'univers, a réparé la route. 3 (ou 4 ?) milles (de Valence).
Notes
- Strabon, Géographie, livre IV, VI, 11
- ISBN 2092843761) p 54 Pierre Gros, La France gallo-romaine, 1991, Nathan, (
- Les voies de communication terrestres entre le littoral de la Manche et Lutecia / Paris
- ISBN 2010004884), p162 George Hacquard, Jean Dautry, O Maisani, Guide romain antique, Hachette, 1952, 50° édition en 2005 (
- Paul Petit, La paix romaine, PUF, collection Nouvelle Clio – l’histoire et ses problèmes, Paris, 1967, 2e édition 1971, p 288
- Valentia (Valence) au IIIème siècle ap. J.-C., Lyon 3, 2007, 202 p. (mémoire) Philippe Ravit, Le paysage valentinois, de la fondation de la colonie de
Bibliographie
- C. Jung, « Le réseau viaire antique du Tricastin et de la Valdaine : relecture des travaux anciens et données nouvelles », RAN, 42, 2009, p. 85-113 Lire en ligne sur HAL
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