La Courtille

La Courtille
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La Courtille était un célèbre lieu de plaisir parisien de jadis, situé vers l'actuel carrefour de Belleville et point de départ de la très fameuse descente de la Courtille.

Sommaire

Histoire

Le cabaret de Ramponeau à la Basse Courtille vers 1761.

La Courtille fut d'abord le siège d'une exploitation agricole. Il devint un lieu de plaisir fameux chez les Parisiens, d'abord champêtre puis citadin, durant toute l'année et tout particulièrement durant le Carnaval de Paris. Le lieu-dit de la Courtille était divisé en Haute Courtille et Basse Courtille. La Haute Courtille était située juste au-delà du mur des Fermiers généraux de 1788. La Basse Courtille était dans Paris.

Dans la Haute Courtille connue plus simplement sous le nom de la Courtille, prospéraient de nombreux établissements où on pouvait boire, manger et s'amuser dans de fameuses guinguettes[1]. Et surtout le faire sans payer l'octroi, douane citadine qui existait à Paris et était prélevée à l'entrée dans la ville, « aux barrières », comme on disait à l'époque.

On chantait beaucoup à la Courtille. On y trouvait des goguettes. Un hymne bachique attribué à Michel-Jean Sedaine : Le retour du soldat (1792) est connu sous le nom de La Marseillaise de la Courtille.

La danse se pratiquait beaucoup aussi, en particulier les quadrilles, en suivant les airs entrainants de la musique festive de danses de Paris au XIXème siècle. Les airs à la mode étaient par exemple ceux du bal de l'Opéra où officiait Philippe Musard, ou ceux du bal du théâtre de la Renaissance.

La grille de la barrière de la Courtille se situait à la hauteur de l'entrée actuelle du métro Belleville.

La Courtille est restée fameuse grâce à la parade carnavalesque de la descente de la Courtille, très important événement du Carnaval de Paris qui se répéta chaque année le matin du mercredi des Cendres, depuis 1822 jusque vers 1860.

Le 31 décembre 1859 à minuit l'octroi fut reporté lors de l'extension de Paris au-delà de la Courtille. Cela entraîna le déclin des établissements de plaisir de la barrière de la Courtille[2], qui durent à partir de ce moment acquitter les taxes d'entrée des marchandises dans Paris.

La Courtille en 1826

Description extraite de Vie publique et privée des Français, ouvrage datant de 1826[3] :

Nous voici arrivés à la fameuse Courtille, par laquelle, entre cent guinguettes, on arrive sur la hauteur de Belleville. Dans cette large et longue rue, empire éternel de la joie, on distingue la grande guinguette de l'immortel Desnoyers, et quelques autres dont les salles immenses se remplissent l'hiver de milliers de familles, et les jardins, en été, de danseurs et danseuses qui n'ont pas reçu les leçons des professeurs du Conservatoire. Là il n'est question ni des Grecs, ni du trois pour cent, ni des jésuites, ni de l'Espagne, ni de la Sainte-Alliance, ni de la république d'Haïti. On n'y songe qu'à bien boire, à bien manger, à danser, etc. Il arrive cependant quelquefois que trois ou quatre artisans, qui souvent lisent et pensent, s'entretiennent de politique ; mais c'est sans esprit de parti et avec un bon sens, une bonhomie, et des expressions dont bien des journalistes pourraient faire leur profit.
C'est un spectacle vraiment curieux que celui de la Courtille dans la soirée d'un beau dimanche de printemps ou de l'été. Tout est confondu dans la rue jusqu'auprès de l'entrée du bourg. Ouvriers, bourgeois, militaires, hommes décorés, femmes en bonnet, femmes en chapeau, marchands de fruits, de petits pains, tout circule, tout monte ou descend confusément, sans se presser, sans se heurter, et chacun cherche, sans être troublé, l'enseigne de la guinguette où l'on vend du bon petit vin à dix ou douze sous le litre, ou quinze sous la bouteille ; du bon veau, de l'excellente gibelotte de lapin, de l'oie, soit en daube, soit rôtie.
En entrant dans les grandes guinguettes, on est d'abord frappé de la quantité de ragoûts et de rôtis qui garnissent un long et large comptoir, et de l'activité prodigieuse de plusieurs femmes de service et de deux ou trois cuisiniers ; sous une vaste cheminée, trois ou quatre broches, les unes sur les autres, chargées de dindons, de poulets, de langues de veau, de gigots de mouton, tournent incessamment devant un grand feu dont la chaleur se fait sentir au loin. A quelque distance de là, le vin coule à grands flots de brocs dans les bouteilles, dont une n'est pas plutôt remplie qu'elle est remplacée par une autre[4]. Au milieu de cette affluence d'acheteurs, les personnes qui débitent les comestibles et le vin conservent un sérieux imperturbable, une présence d'esprit comparable à celui d'un bon général d'armée. Aux principaux mets que les guinguettes offrent aux consommateurs, il faut ajouter une entrée de foie de veau, ou un pigeon aux petits pois, ou un ragoût de mouton aux pommes de terre, ou une salade qui nage dans un vinaigre commun et dans une huile peu différente de celle du colza. L'appétit du peuple trouve tout cela fort bon ; et, si la quantité s'y trouve, peu lui importe la qualité.
C'est à la Courtille que se donnent presque tous les repas de noces de la petite bourgeoisie, des petits marchands et des ouvriers des quartiers de la capitale qui avoisinent cette barrière, et même de ceux qui s'étendent jusqu'à la rive droite de la Seine.

Liste de barrières festives, en 1830

Un ouvrage[5] paru en 1830 sur les plaisirs des barrières de Paris mentionne dans les titres de ses chapitres, outre la barrière de Belleville où se trouve la Courtille, 46 autres barrières :

  • de Bercy ou de la Râpée
  • des Deux-Moulins
  • d'Italie
  • de l'Oursine
  • de la Santé
  • d'Arcueil
  • d'Enfer
  • de la Chopinette
  • de la Boyauterie
  • du Combat
  • de Pantin
  • de la Villette
  • des Vertus
  • de Saint-Denis
  • Poissonnière
  • Rochechouart
  • des Martyrs
  • Montmartre

La suppression des anciennes barrières

Le Figaro écrit :

Le 31 décembre 1859, quand le mur d'enceinte de Paris, représenté par les boulevards extérieurs actuels, fut supprimé et l'octroi transporté aux fortifications, à minuit, à la plupart des barrières, une véritable foule s'était réunie pour assister au départ des employés de l'octroi et, dans quelques-unes, la clôture des bureaux de perception se fit au son de la musique.
Autre détail assez piquant et qui prouve bien la force de l'habitude : pendant plusieurs mois, presque tous les chevaux, surtout ceux des voitures publiques, continuaient de s'arrêter d'eux-mêmes aux anciennes barrières, et il fallait les fouetter pour leur faire continuer leur route sans temps d'arrêt[6].

Notes

  1. André Warnod, dans « Les plaisirs de la rue », ouvrage paru en 1913, cite le Bœuf rouge, le Coq hardi, le Sauvage, l'Epée de bois.
  2. Comme de ceux des autres barrières de Paris. L'octroi fut supprimé en France en 1943 [1]. Son plus célèbre employé parisien reste Henri Rousseau, dit le Douanier Rousseau.
  3. Cité par Émile de Labédollière, Le Nouveau Paris, Gustave Barba, Libraire Éditeur, Paris 1860, page 303.
  4. A l'époque, il était d'usage dans les guinguettes d'acheter le vin au litre.
  5. Promenade à tous les bals publics de Paris, barrières et guinguettes de cette capitale, ou revue historique et descriptive de ces lieux par M. R***, habitué de toutes les sociétés dansantes de Paris et des barrières - Paris, Terry jeune, Libraire 1830. (Bibliothèque nationale de France : RES. 8°Li159).
  6. Échos, Le Figaro, 8 avril 1919, page 1, 3e colonne.

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