- Joseph Retinger
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Josef Retinger (17 avril 1888 à Cracovie en Pologne - 12 juin 1960) était parfois considéré comme le père d'ombre de l'Europe.
Sommaire
Une vie originale
Il est le fils d'un conseiller juridique. À 18 ans, il part faire ses études en France grâce à l'aide du comte de Zamoyski, qui lui paie ses études à l'IEP. Avec l'aide de son mentor, il fréquente de nombreux salons polonais, mais aussi des cafés littéraires français, où il rencontre des gens tels que Jean Giraudoux, Bernard Grasset, François Mauriac et André Gide. Après sa thèse, il poursuit son périple en Europe : (Allemagne, Italie et Grande-Bretagne).
Le plan Sikorski-Retinger de Fédération d'Europe centrale et orientale
Retinger commence à s'intéresser à l'Europe dès 1917. En effet, il s'inspire d'Arthur Capelle, un fédéraliste britannique, propagateur du gouvernement mondial basé sur l'alliance franco-britannique, qui intéresse des hommes politiques, y compris W. Wilson.
1919 est l'année de la mort de Capelle. De ce fait, Retinger devient son héritier et il se lie avec le travailliste britannique E.D. Morel dans les années 1920. Durant ses années fourmillent des nombreuses idées sur l'intégration européenne, il s'attache à promouvoir la Pologne. Celle-ci pris dans l'étau entre la Russie et l'Allemagne, seule la solution fédéraliste peut être salvatrice.
Depuis 1926, Retinger se rapproche de Sikorski, opposant à Pilsudski.
En 1939, Sikorski forma, à Paris puis à Londres, un gouvernement polonais. De cette époque, il y eut un rapprochement entre Sikorski et Retinger, car le chef polonais ne parlait pas anglais. Pendant cette période, Retinger débattait avec des chefs d'autres gouvernements comme Marcel-Henri Jaspar, Paul Van Zeeland, Paul-Henri Spaak.
Il mettait en place le Plan Sikorski, dont la première phase fut signé en janvier 1942, avec la création de la confédération polono-tchèque. Le but du plan est de faire une confédération centre-européen, dont la Pologne et la Tchécoslovaquie devaient constituer un noyau autour duquel se grefferaient la Roumanie, la Hongrie, la Lituanie.
L'autre projet de ce plan est d'établir les bases d'une politique commune des petits pays envers les grandes puissances. Cette idée est à l'origine du projet d'union belgo-néerlandaise, qui devait être le pendant de la confédération polono-tchécoslovaque.
Mais cette position de Retinger posa des problèmes entre Londres et Moscou. De ce fait, les Anglais, pour ne pas froisser les russes, changèrent de position et refusèrent à Sikorski de négocier la déclaration des huit petits États. Lorsque Churchill fit son discours, où il fit mention du Conseil de l'Europe, il parla de la fédération scandinave, danubienne et balkanique. Mais le silence sur la fédération de l'Europe centrale et orientale montra que Staline avait eu le dernier mot.
L'action européenne de l'exilé d'après-guerre
Après la guerre, Retinger était un exilé de l'Europe de l'Est, il décida de contribuer à la liberté de son pays de manière indirecte. Il se lança dans la bataille de l'intégration européenne, convaincu qu'elle embrassera un jour les pays de l'Est.
La ligue européenne de coopération économique
Il poursuivit ses voyages incessants pour renouer avec ses réseaux fait lorsqu'il était à Londres. Il comptait sur Van Zeeland, Spaak. Le 17 septembre 1946, Retinger parla avec Van Zeeland qui a précédé la mise en place de Ligue Indépendante de Coopération Européenne (LICE) devenu la ligue européenne de coopération économique ( LECE). Dans la pensée de ses créateurs cette ligue devait être un groupe de pression réunissant les élites politiques pour une construction de l'Union européenne sur une base libérale.
Le Congrès de La Haye
Au début des années 1947, les organisations proeuropéennes se créaient de manière exponentielle. On peut citer la United Europe Movement avec le gendre de Churchill à sa tête, l'Union européenne des fédéralistes de Brugmans et l'Union interparlementaire de Coudenhove-Kalergi ou Nouvelles équipes internationales. Retinger entrait en contact avec ses associations mais ne rencontra pas de difficultés, mis à part avec Coudenhove-Kalergi. Ce dernier gardait jalousement sa place de pionnier de l'Europe. Retinger avait pour but de coordonner toutes ses organisations1. Pour cela, il organisa le congrès de La Haye (7 au 10 mai 1948). Cette date constitue une référence sur la voie de l'intégration européenne.
La commission de l'Europe centrale et orientale du Mouvement européen et du Conseil de l'Europe
Le congrès de La Haye inspira, en 1949, dans le cadre du Mouvement européen, d'une commission de l'Europe centrale et orientale qui regroupa les leaders politiques de l'émigration tels que Paul Auer, George Dimitrov, Grigore Gafencu, Ftefan Osusky, Hubert Ripka, Edward Raczynski et August Rei. Seul Tito manquait. Étaient associés des Occidentaux tels que Paul Reynaud, Paul Ramadier, Clément Davis.
Le but de cette réunion était d'associer, à ce qui se réalisait à l'Ouest, tous les pays européens et préparer les conditions de la future réunion. Ce travail préliminaire aboutit à une conférence, en janvier 1952, à Church House à Westminster. La commission du Mouvement, en août, collaborait avec le conseil de l'Europe. Grâce à elle et à Retinger, on aboutit à la création, le 28 août 1950, de la commission spéciale chargée de veiller aux intérêts des nations non représentées. De plus, il a une volonté de mettre en place une politique culturelle des pays de l'Est pour ne pas que les cultures soient noyées sous la culture soviétique. De ce fait il demande la création d'un fond international destiné à aider les actions culturelles des émigrés.
Résister aux mouvements américains
Retinger voulait, avec son fond pour les émigrés, contrecarrer l'action du Comité américain de l'Europe libre, qui, depuis 1949, a quasi le monopole l'action des émigrés politiques.
Controverse
Le 19 septembre 2000, le journal Daily Telegraph de Londres, par la voix d'Ambrose Evans-Pritchard, annonce que les archives dé-classifiées de l'administration Américaine pour les années 50 et 60 montrent que Paul-Henri Spaak, Robert Schuman, Joseph Retinger et d'autres personnalités importantes dans les origines de la construction européenne étaient « employés » par les services Américains. Le journaliste explique que la communauté des services secrets a camouflé son action et a fait transiter des fonds par le biais des fondations Rockefeller et Ford, ce qui a été confirmé par la revue Historia en 2003[1].
Extrait : « The leaders of the European Movement – Retinger, the visionary Robert Schuman and the former Belgian prime minister Paul-Henri Spaak – were all treated as hired hands by their American sponsors. The US role was handled as a covert operation. ACUE’s funding came from the Ford and Rockefeller foundations as well as business groups with close ties to the US government »[2].
Le groupe de Bilderberg
Au début de 1952, Retinger a proposé à ses amis l'idée d'organiser des réunions des personnalités influentes en Europe et en Amérique pour leur donner l'occasion de discuter et de chercher des solutions aux problèmes de l'actualité. Et le 25 septembre 1952 se tient à Paris la première conférence sous la présidence du prince Bernard des Pays-Bas. Y sont présents : Paul Rykens, Paul Van Zeeland, Alcide De Gasperi, Antoine Pinay, Guy Mollet. Ce fut une réussite. Dès lors, les réunions deviennent annuelles et prirent le nom de groupe Bilderberg, en relation avec le nom de l'hôtel dans lequel se déroula la première conférence de ce groupe lobbyiste. L'objectif dévoilé de Bilderberg s'inscrit, dès lors, dans le cadre d'un rapprochement des blocs européen et nord-américain, dans le but de consolider un axe majeur : l'axe euro-atlantique.
Notes et références
- (fr)La CIA finance la construction européenne (Rémy Kauffer) sur le site de la revue Historia
- (fr)Euro-federalists financed by US Spy Chief sur le site du Daily Telegraph
Catégories :- Personnalité politique européenne
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