- Histoire De La Vie Scientifique En Wallonie De 900 À 1800
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Histoire de la vie scientifique en Wallonie de 900 à 1800
La science est internationaliste : cet internationalisme a permis à la Wallonie de jouer un rôle important, car elle est point de contact entre France, Allemagne, d’autres pays, par fleuves, routes, puis chemin de fer. Les flux du savoir traversent la Wallonie. Ses appartenances politiques enchevêtrées l’ont partagée en Principauté de Liège, indépendante de fait, Principauté de Stavelot-Malmedy et Duché de Bouillon, plus petits mais également indépendants, Pays-Bas du sud, bourguignons, puis espagnols, puis autrichiens d'un point de vue politique (mais, Pays-Bas du sud romans ou wallons, par langue et traditions), tout cela uni en 1795 à la France, puis au royaume des Pays-Bas (Belgique, Hollande, Luxembourg) avant de se retrouver, avec la Flandre, dans une Belgique unitaire.
Sommaire
L’explication d’un dynamisme
L’arrivée de la science arabe supprime le cosmos symbolique du haut Moyen Âge et le remplace par Aristote, Galien et Ptolémée. L’essor des sciences aux XVIe et XVIIe siècles, fait advenir l’héliocentrisme et la physique de Newton. Aux XIXe et XXe siècles, c’est la relativité, la mécanique quantique, la génétique. La Wallonie est chaque fois mêlée à ces courants.
L'arrivée de la science arabe
Elle n’est pas brutale. Il y a eu d’abord des infiltrations[1] Les historiens des sciences distinguent cette première phase résultatnt d’une osmose lente entre monde arabe et européen (Xe-XIe siècles) avec Gerbert - le futur pape Sylvestre II - et de Constantin l'Africain (+ 1085); une de transmissions intensives (XIIe siècle)[2]; une dernière vague surtout en Italie. Pendant la première phase (Xe et XIe siècles), il y a en Wallonie une importante école mathématique avec Liège et Lobbes.
Recherches mathématiques
Ces mathématiciens sont liés à Reims, où enseigne Gerbert : il semble que Notger (972-1008) soit l'auteur d'un commentaire à la grande ‘’Arithmétique’’ de Boèce. Heriger de Lobbes, abbé de Lobbes (avant 950-1007) écrit des règles de calcul de l'abaque. Adelbold, élève de Lobbes et de Liège, évêque d'Utrecht (1010-1027) correspond avec Gerbert sur l'aire du triangle équilatéral et sur le volume de la sphère, et commente un passage arithmétique de la ‘’Consolation philosophique’’ de Boèce. [3]
Puis d’autres sont formés à Chartres par Fulbert. Une célèbre correspondance s’échange (1020-1027) entre Radulphe, professeur de Liège et Ragimbold, de Cologne. Francon écrit La Quadrature du cercle avec Falchalin, écolâtre de Saint-Laurent. Wazon, Adelman et Razechin ont traité de mathématique.
Ces travaux couvrent la Lotharingie: Notger vient de Saint-Gall, Adelbold émigre à Utrecht, Adelman en Allemagne, Radulphe correspond avec Raginbold à Cologne, Francon dédie son ‘’’De quadratura’’’ à Hermann de Cologne qui le contrefait. C'est dans cette texture que vont cheminer de proche en proche les premiers éléments de la science arabe.
L'influence arabe est nulle en géométrie. Les problèmes relatifs au cercle et à la sphère occupent Adelbold, Gerbert et Francon. ‘’Pour démontrer qu'une sphère au diamètre double aura un volume octuple, Adelbold calcule la circonférence = 227 D, puis la surface du cercle = D2 x C2, puis le volume comme égal aux 1121 du cube construit sur le diamètre. Il en ressort pour π la valeur 227 . Francon procède de la même manière pour construire un cercle de diamètre 14 dont la surface, 154, n'est pas un carré.’’ [4]’’ Ce sont des réminiscences des arpenteurs romains, recettes, purement empiriques, pour le mesurage des champs. Euclide est oublié.
En arithmétique, Heriger de Lobbes (vers 950-1008) écrit des ‘’’Règles des nombres sur le calcul de l'abaque’’’’ avec des chiffres romains mais où il se sert indirectement du zéro, invention indienne, transmise par les savants arabes [5] Sur l'abaque d'Heriger les chiffres sont romains, mais chaque groupe de trois colonnes est numéroté en chiffres arabes.
Musique, théologie
Rupert de Deutz - Roland de Lassus
Astronomie et médecine
En astronomie aussi, la nouveauté se révèle lorsque Radulphe écrit à Ragimbold "Je vous aurais envoyé un astrolabe pour que vous l'examiniez, mais nous avons besoin du nôtre pour en construire une copie. Si vous souhaitez vous en informer, venez à la messe de Saint-Lambert. Car il ne suffit pas de voir simplement un astrolabe"[6]. Sa principale utilité est de mesurer la distance angulaires entre deux éléments, par exemple la hauteur des corps célestes. C’est est une invention grecque, perfectionnée par les Arabes. C’est par le monastère catalan de Ripoll qu'il pénètre en Occident par Gerbert. Il est à Chartres sous Fulbert, à Fleury sur Loire avec Abbon. L'astrolabe de Liège semble d'origine arabe. Il se trouvait à la messe de Saint-Lambert, peut-être parce qu'il servait à en déterminer l'heure. Il est associé à une réorganisation monastique.
La médecine arabe pénètre par Salerne en Italie du sud, que Wibald de Stavelot, abbé de Stavelot, visite en 1137.
Au XIIe siècle, les œuvres arabes arrivent en masse mais la capacité d'absorption et de valorisation de nos régions, comme de toute la Lotharingie, s’essouffle. En France, au contraire, la science s'épanouit après 1200. La Wallonie ne parvient pas à se doter d’une université qui aurait donné une base structurée à ce savoir Elle rate sa première révolution scientifique alors que Paris, Bologne Oxford Naples naissent comme universités.
Rayonnement européen
En cette période de son histoire, grâce aux écoles de Liège, la wallonie a rayonné sur l'Europe comme cette carte l'illustre:
extraite de Léopold Genicot, Histoire de la Wallonie, Privat, Toulouse, 1973.
Rayonnement de l’Université de Paris
« L’Universitas magistrorum et scholarum est, en somme, la corporation parisienne des gens d’étude. » [7] Siger de Brabant, né vers 1240, maître ès arts entre 1260 et 1265, chanoine de Saint-Paul à Liège, et ses deux collègues, Gossuin de la Chapelle, chanoine de Saint-Martin à Liège, et Bernier de Nivelles, chanoine de Tongres, vont alors à Paris. Leur théorie de la ‘’double vérité’’ (on peut trouver quelque chose de vrai au point de vue théologique mais qui soit faux au point de vue philosophique, ou l’inverse), leur vaut d’être attaqués par Bonaventure (sur le plan religieux) en 1267-1268 et par Thomas d'Aquin en 1270 (sur le plan proprement philosophique : il ne peut y avoir deux vérités). L’évêque de Paris censure leurs propositions. Le Tribunal de l'Inquisition de France les poursuit et ils fuient Paris.
Godefroid de Fontaines, né près de Horion-Hozémont (mort après 1303), admirateur de Thomas d'Aquin, introduit la politique d'Aristote qui influencera le chapitre de Saint-Lambert dans les luttes politiques du XIIIe siècle[8]. Gilles de Lessines s'attache à l'optique, à l'astronomie dans la tradition d'Alhazen, ainsi qu'à la théorie des comètes. Henri Bate de Malines, chantre de Saint-Lambert, observe des comètes, construit des astrolabes, dresse des tables astronomiques. Il traduit des livres arabes d'astrologie pour la cour pontificale
Les grands scolastiques wallons restent liés à leur terre d'origine. Les bibliothèques s'y enrichissent des classiques scolastiques : bibliothèque bénédictine de Saint-Jacques à Liège, enrichie du XIe siècle au XVe siècles, par souci de suivre l'actualité, notamment médicale. Pétrarque y retrouve un manuscrit de Cicéron. Ou encore les observatoires des croisiers à Namur, Huy et Liège, où sont copiés les grands classiques de l'astronomie : albums d'astres, perspective, questions sur la sphère, tables alphonsines, traités de l'astrolabe, tables de l'astronome picard Jean de Linières (mort vers 1350-1355). L'activité se maintient jusqu'au XVIe siècle : L'astronomie qui s'en dégage est celle de Ptolémée retouchée par les scolastiques : géocentrisme amélioré avec son jeu compliqué d'épicycles et d'excentriques. [9]
La Révolution scientifique
Le ‘’’De Revolutionibus’’’ de Copernic (1543) et les ‘’’Principia’’’ d'Isaac Newton (1687) tout change avec la révolution de l’héliocentrisme. Copernic soumet le modèle de Ptolémée aux observations et s’aperçoit que les calculs sont plus faciles si Soleil est au centre du monde. À Louvain André Vésale confronte Galien avec les corps disséqués, et conclut à ses erreurs.
La « révolution copernicienne »
Avec Copernic, la Terre devient une petite planète. La diffusion de ses idées est rapide. Le disciple du Louvaniste Frisius, Joannes Stadius, compose en 1560 au palais de Liège des tables astronomiques, Tabulae Bergenses, dédiées au prince évêque Robert de Berghes, en suivant Copernic. Ernest de Bavière possède un très bon observatoire. Il acquiert deux lunettes de Galilée. À Prague en 1610, il en prête une à Kepler, qui n'en avait pas, et Kepler peut vérifier Galilée. Au palais de Liège, Gérard Stempels et Adriaan Zeelst mettent au point un nouveau modèle d'astrolabe, tandis que Lambert Damery grave celui d'Odon van Maelcote, et que Michiel Coignet va construire à Anvers des instruments de rare qualité.
André Vésale reconstruit l'anatomie et écrit De humani corporis fabrica (1543), le livre fondateur de l'anatomie moderne. Pour Paracelse, les maladies nouvelles comme la syphilis requièrent une réforme de la médecine. La "grosse vérole" est à Liège en 1496. Cette pandémie ignorée des anciens et incurable et cela met en cause les fondements mêmes de la médecine. Dans ‘’’Morbi hispanici’’’, Remacle Fusch de Limbourg (1541), considère la syphilis comme une maladie cutanée et contagieuse. Il adapte, les dogmes des anciens à la réalité nouvelle. Les Paracelsiens ont recours à la chimie et considèrent le corps humain comme une série de phénomènes chimiques. Ernest de Bavière fait de Liège un centre de la pensée de Paracelse, ce qui nous vaut la grande édition de Paracelse publiée à Bâle par Jean Huser de Brisgau. Il recueille les Paracelsiens et alchimistes à sa cour, ce qui stimule la recherche minière et métallurgique.
Invasion de l’Amérique "la découverte"
Avec elle, on découvre des plantes, des pierres, des animaux nouveaux. On les assimile d’abord à des plantes connues comme Remacle Fusch de Limbourg dans son ‘’’De plantis antehac ignotis’’’. Mais l'Artésien Charles de l'Escluse traduit en latin, en 1574, la grande étude de Nicolas Monardes, publiée à Séville de 1565 à 1574, sur les plantes des Indes occidentales, et les écrits du Portugais Garcias ab Horto sur les Indes orientales. Les classifications botaniques éclatent, et la thérapeutique s'enrichit, car beaucoup de ces plantes sont ou passent pour médicinales : ipécacuanha, gaïac, le baume du Pérou…
Théodore de Bry (1528-1598), , protestant, devra quitter Liège pour Strasbourg et Francfort où il illustrera sa collection dite des Grands Voyages. Le volume VI, consacré à la conquête de Pizarre et Almagro, est admiratif devant la culture des vaincus sympathise avec les victimes du génocide. Le père Louis Hennepin, d'Ath, observe les sauvages de la Louisiane [10]
La condamnation de Galilée (1633) porte un coup très rude à cette vie scientifique. Le nonce de Cologne la notifie aux milieux louvanistes et liégeois. Descartes, l’apprenant, renonce à publier son ‘’’Traité du monde’’’. Libert Froidmont de Haccourt, professeur à Louvain, exprime le désarroi de tout un monde : "Peut-être aucun siècle n'a-t-il autant que le nôtre méprisé l'antiquité et poursuivi la nouveauté. Dans les sciences sacrées comme dans les sciences profanes, on a de tous côtés battu en brèche (vainement toutefois) des doctrines qui étaient solidement assises, grâce à leur antiquité même et aux arguments dont on les munissait".
Froidmont est copernicien au départ mais il a peur. En 1634, il signe les censures qui envoient en prison le chimiste flamand Jean-Baptiste Van Helmont. En 1637, Descartes, qui publie le Discours de la méthode, la Géométrie, les Météores le consulte. Froidmont ne peut admettre cet univers purement mécanique, car contredisant non seulement Aristote, mais aussi le dogme catholique.
René-François de Sluse
Une autre personnalité importante dans les échanges scientifiques européens c’est un chanoine liégeois, René François Walter de Sluse, abbé d'Amay. Il est né à Visé en 1622. étudie le droit à Louvain. Il apprend à Rome le droit et les langues orientales. Il rencontre les disciples de Galilée et Cavalieri, les cartésiens d'Italie. Les rapports entre la Wallonie et l'Italie sont féconds à cette époque. En 1650, il est nommé chanoine de Saint-Lambert et rentre à Liège, malgré des offres alléchantes ailleurs. Il correspond avec Michelangelo Ricci, cardinal et mathématicien, Christian Huygens, Blaise Pascal, Pierre Lambeck; Henry Oldenburg, secrétaire de la Royal Society de Londres dont Sluse sera membre; John Wallis d’Oxford; Cosimo Brunetti;; l'astronome Ismaël Bouillau, le philosophe libertin Charles de Saint-Évremond ou le mémorialiste Paul de Gondi, cardinal de Retz. Il confie à sa correspondance réservé les résultats de ses recherches. [11]
L’Université de Louvain draine les meilleurs esprits de nos régions. En 1561, Robert de Berghes érige une institution d'enseignement supérieur, un séminaire confié aux jésuites.. Le projet échoua. Un projet d'université sera de nouveau lancé par Ernest de Bavière mais le chapitre de Saint-Lambert et Louvain s’y opposent.
Spa, café de l’Europe, les imprimeurs wallons
Spa commence à devenir le café de l'Europe[12] Nicolas-Claude Fabri de Peiresc possède chez nous de nombreux correspondants pour les matières d'érudition. Pierre Gassendi va prendre les eaux de Spa et en profite pour voir Van Helmont ; le père Mersenne rencontre à Liège le P. Woestenraedt et André Rivet, pasteur de Leyde, qui est de passage ; il s'intéresse au grand carillon de Saint-Lambert, part à Anvers, en passant par Geet-Bets voir l'astronome Godefroid Wendelen et par Louvain voir Libert Froidmont.
Héritier de la Révolution scientifique, le Siècle des Lumières en cueille les fruits. La Wallonie est un terrain d'élection des Lumières, dont l'idéologie est favorable au progrès scientifique. On peut parler d'un extraordinbaire foisonnement [13]
Or, les imprimeurs de Liège et de Bouillon sont au premier plan dans la diffusion de cette culture nouvelle. En particulier, on imprime à Liège plusieurs dictionnaires spécialisés tirés de l'Encyclopédie de 1751, et on montera plusieurs projets de réédition. Le libraire liégeois Plomteux s'associera avec J.J. Panckoucke pour l'Encyclopédie méthodique de 1782, c'est-à-dire une collection de dictionnaires particuliers de médecine, de chimie, d'agriculture etc. Il en va de même pour les journaux, comme le Journal Encyclopédique de Pierre Rousseau à Liège et à Bouillon, le Journal Général de l'Europe de Pierre Lebrun à Herve, l'Esprit des journaux de J.J. Tutot à Liège. Ils recensent les publications scientifiques, propagent des nouvelles théories, comme la vaccine, la chimie pneumatique[14]. On peut trouver également une synthèse de Daniel Droixhe sur les pratiques de lectures en liaison avec les Lumières en Wallonie: [2].
Diffusion de la culture scientifique
La diffusion de la culture scientifique au-delà du monde savant peut s'observer à travers l'étude des bibliothèques et des cabinets de physique des particuliers. Marie-Thérèse Isaac et ses collaborateurs ont analysé les inventaires de bibliothèques et les catalogues des libraires montois de la fin du XVIIIe et du début du XIXe. Les collections d'une certaine importance contiennent les œuvres de Pluche, Buffon, Valmont de Bomare, pour l'histoire naturelle; d'Ozanam et de Nollet pour la physique, de Louis Lémery ou de Pierre Joseph Macquer pour la chimie, bref, les grands vulgarisateurs. Les achats sont plus spécialisés lorsque le propriétaire est un médecin ou un professeur de mathématiques. Annette Félix a fait les mêmes observations sur les bibliothèques bruxelloises de la même époque.
Un cercle d'études physiques et chimiques
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, un véritable cercle d'études physiques et chimiques se constitue à Liège autour d'un constructeur d'instruments, François Laurent Villette (1729-1809), fils de Nicolas-François, ingénieur et opticien du prince-évêque. En 1752, Villette avait assisté aux leçons de physique de Nollet, avec qui il entretint dans les années 1762-1766, une correspondance, notamment sur l'électricité. De 1769 à 1771. Autour de Villette se groupent ainsi, de manière d'abord informelle, des amateurs de physique et de chimie, particulièrement appliquées aux arts. On y trouve ainsi Jean-Jacques Dony (1759-1819), l'inventeur du procédé liégeois de fabrication du zinc; Henri Delloye (1752- 1802), son collaborateur; Jean Démeste (1748-1783) qui, après ses études à Louvain, ira travailler à Paris avec Sage et Romé de L'Isle. Ses ‘’’Lettres au docteur Bernard’’’ (1779) sont en fait un manuel pour le cours de Sage inspiré par Romé de L'Isle avec qui Démeste entretiendra une longue correspondance (Bibl. de l'ULg, ms 2906); l'apothicaire Louis-François Desaive, émule du Français Morand, a cherché et trouvé du sel de Glauber dans le charbon des mines des environs de Liège, et il a mis au point un procédé pour extraire l'ammoniaque de la suie du charbon; enfin Étienne-Gaspard Robert, dit Robertson, né en 1763 fait avec Villette des expériences d'optique et d'électricité avant d'aller suivre à Paris les cours de Charles (1792). Il reviendra à Liège en 1794 et construira avec Villette un miroir ardent. En 1795, il retourne à Paris où il ouvre un cabinet de phantasmagorie. C'est en vain qu'on lui proposera la chaire de physique de l'École centrale de Liège. Il ne reviendra qu'en 1812 faire des ascensions en ballon.
Tous ces personnages se retrouvent à la Société libre d'émulation qui connaîtra deux grandes périodes de prospérité : sous le prince-évêque François-Charles de Velbruck de 1779 à 1784, et sous le préfet Charles Emmanuel Micoud d'Umons de 1809 à 1814. La petite académie liégeoise se place délibérément dans la mouvance de la science française. On trouve parmi les membres correspondants Romé de L'Isle, Sage, Bernard de Douai, Morand, Vicq d'Azyr, le marquis d'Aoust, Buchoz et Fourcroy.
Comme beaucoup d'autres académies, grandes ou petites, la Société littéraire de Bruxelles et la Société d'Emulation à Liège inscrivent à leur programme le progrès des arts et des manufactures. L'enthousiasme des participants de la Société d'Emulation pour une science utile se perçoit dans l'œuvre d'un de ses membres les plus actifs, Léonard Defrance (1735-1805), qui introduit dans la peinture des sujets industriels et remporte en 1789 le prix de l'Académie des sciences de Paris en réponse à la question "La recherche des moyens par lesquels on pourrait garantir les broyeurs de couleurs des maladies qui les attaquent fréquemment et qui sont la suite de leur travail". Ce mémoire dont la Révolution empêcha la publication est conservé dans le manuscrit 3281B de la Bibliothèque de l'Université de Liège.
L’influence de la Révolution française
De 1794 à 1814, nos provinces sont rattachées à la France. L'Université de Louvain est fermée en 1797. La République impose le système métrique, la géométrie de Monge, la chimie de Lavoisier, la cristallographie de Haüy et de Romé de L'Isle. La Révolution opère une mutation profonde : le savant devient l'ouvrier du progrès, contre le despotisme et la superstition. Condorcet, Joseph Lakanal, font naître l'enseignement moderne : priorité aux mathématiques, à la physique, à l'histoire naturelle, sans négliger la géographie, l'histoire, la morale, la formation civique. Les Écoles centrales de Mons, de Namur, de Liège, recrutent leurs élèves "parmi les fils de fonctionnaires et d'acheteurs de biens nationaux" vont insuffler un esprit nouveau et susciter de véritables vocations scientifiques.
L'Université de Liège avait été précédée par deux facultés françaises, la faculté des sciences, ouverte en décembre 1811, et l'école de médecine. Comme l'observe Marcel Florkin "Quand le roi Guillaume Ier fonda l'Université de Liège, il n'eut qu'à maintenir la Faculté des Sciences et l'École de médecine du régime français. La première, privée de ses deux professeurs français, Percelat et Landois, n'eut plus que ses deux professeurs liégeois, Delvaux et Vanderheyden. À la seconde fut adjoint un nouveau professeur, Sauveur, ce qui, avec Ansiaux et Comhaire, portait à trois l'effectif des professeurs de la faculté de médecine" [15]
Liens internes
Lien externe
- Une synthèse en ligne plus développée de l'histoire des sciences et des techniques en Wallonie
Notes
- ↑ Robert Halleux, Directeur du Centre d'Histoire des Sciences et des Techniques de l'Université de Liège, Anne-Catherine Bernès, Directeur-adjoint du Centre d'Histoire des Sciences et des Techniques de l'Université de Liège, Luc Étienne Conseiller au Cabinet du Ministre des Technologies, ‘’L'évolution des sciences et des techniques en Wallonie’’, in ‘’’Atouts et références d’une région’’’ Institut Destrée, Charleroi, 1995, pp. 199-227
- ↑ Fernand Van Steenberghen, ‘’’Histoire de la philosophie, période chrétienne’’’, Louvain-Paris, 1964
- ↑ Robert Halleux, L’apport scientifique jusqu’à la fin du XVe siècle in La Wallonie, le pays et les hommes (Dir. J.Stiennon, R.lejeune), La Renaissance du libre, Bruxelles, pp. 489-504.
- ↑ Robert Halleux, Anne-Catherine Bernès, Luc Étienne, , ‘’’ L'évolution des sciences et des techniques en Wallonie’’’ p.200.
- ↑ Georges Ifrah, Histoire universelle des chiffres, Paris 1981, rééd, 1994, t. 2, pp. 199 et suiv.
- ↑ cité par Robert Halleux, Anne-Catherine Bernès, Luc Étienne, Ibidem
- ↑ Fernand Van Steenberghen, op. cit., p.78
- ↑ F.Vercauteren, ‘’’Luttes sociales à Liège’’’, La Renaissance du libre, Bruxelles, 1946.
- ↑ Robert Halleux, Anne-Catherine Bernès, Luc Étienne, ‘’’ L'évolution des sciences et des techniques en Wallonie’’’, p.201
- ↑ Georges-Henri Dumont ‘’’Louis Hennepin - explorateur du Mississipi’’’, Bruxelles-Paris, Durendal 1951.
- ↑ Robert Halleux ‘’’Histoire des sciences en Belgique de l'Antiquité à 1815’’’, Crédit Communal, Bruxelles, 463 p., 1998.
- ↑ Ivan Dethier, ‘’Spa rendez-vous de l’Europe’’, in ‘’’La Wallonie, le pays et les hommes’’(dir.J.Stiennon, et R.Lejeune, Tome II, La Renaissance du Libre, Bruxelles, 1978, pp. 103-110.
- ↑ La vie intellectuelle
- ↑ Roland Mortier, Le siècle des Lulmières, aux pays de Liège, de namur et de Hainaut, in ‘’’ ‘’’La Wallonie, le pays et les hommes’’’ dir.J.Stiennon, et R.Lejeune, Tome II, La Renaissance du Libre, Bruxelles, 1978’’’ Tome II, Bruxelles, 1978, pp.75-101.
- ↑ Marcel Florkin, L’apport scientifique de la Wallonie aux XVIIe et XIIIe siècles in La Wallonie, le pays et les hommes, Tome II, pp. 363-371
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