Happening

Happening

À la fin des années 1950, un happening était une performance (au sens anglais du mot : « représentation »), un événement ou une situation qui pouvait être considéré comme un art.

Utilisé pour la première fois dans la langue française en 1963, ce substantif est emprunté à l'anglais (participe présent du verbe to happen : arriver, se produire). Une traduction possible serait une « intervention artistique ».

Le happening se distingue de la simple performance par son caractère spontané et le fait qu'il exige la participation active du public. Ainsi, pour Allan Kaprow :

« Structurellement et philosophiquement, c’est la même chose » mais « la performance est en réalité un évènement artistique, et il se produit devant un public » contrairement au happening qui lui n'a « pas de public. Seulement des intervenants » et qui ne comporte « pas de références à la culture artistique. Pas de références à la musique, au théâtre, à la littérature[1]. »

Sommaire

Historique

Origines

Allan Kaprow utilisa la première fois le terme « happening » l’été de 1957 à un pique-nique d’art dans la ferme de George Segal pour décrire les pièces qui s’y déroulaient alors. Happening apparut pour la première fois sur papier dans le numéro d'hiver 1958 du magazine Anthologist, tenu par des étudiants en littérature de l'université de Rutgers. L'idée du happening se répandit et le terme fut adopté par des artistes américains, allemands, japonais… Jack Kerouac décrit Kaprow comme « l’homme des happenings ».

Une publicité américaine de l’époque montre une femme flottant dans l’espace déclarant :

« J'ai rêvé que j'assistais à un happening dans mon soutien-gorge Maidenform. »

On se réfère en général à la pièce de Kaprow, 18 happenings in 6 Parts (1959), comme au premier happening. On considère cependant que le premier happening eut lieu en 1952 avec la représentation de Theater Piece No. 1 au Black Mountain College, par John Cage, qui fut le professeur de Kaprow dans le milieu des années 1950. Les personnes qui assistèrent à cette performance ne rendent souvent pas compte de ce qui s’y déroula exactement de la même manière, mais la plupart s’accordent sur le fait que Cage récita de la poésie et lut des textes, M. C. Richards lut des extraits de son œuvre poétique, Robert Rauschenberg montra quelques-uns de ses tableaux et fit jouer des enregistrements sur phonographe, David Tudor joua sur un piano préparé et que Merce Cunningham dansa. Toutes ces actions se déroulèrent en même temps, et parmi le public autant que sur la scène.

À la fin des années 1950 et au début des années 1960, la pratique du happening se propagea à New York. Carolee Schneemann, Red Grooms, Robert Whitman, Jim Dine, Claes Oldenburg et Robert Rauschenberg comptent comme les figures clés de cette forme artistique. Certains de leurs travaux sont documentés dans le livre de Michael Kirby Happenings (1966).

En Allemagne dans les années 1960

Pendant les années 1960 est apparu, en République fédérale d’Allemagne, un grand mouvement culturel et intellectuel à caractère subversif qui, à travers de grandes personnalités comme Joseph Beuys, Wolf Vostell le Coréen Nam June Paik, et Charlotte Moorman supposa une révolution artistique et avait élu avec fierté et engagement pour domicile la ville de Cologne.

Les aspects provocateurs et les attaques radicales contre les valeurs traditionnelles du miracle économique faisaient en sorte que le public adoptait une conscience critique et l’appliquait à des domaines d’expérience encore inconnus.

Les happenings qui, avec leurs arguments provocateurs, inspiraient tous types de commentaires et de témoignages critiques, rencontrèrent rapidement de nombreux enthousiastes.

La stratégie des happenings consistait à présenter une image d’ensemble vivante de la société d’une manière résolument puriste, en la représentant de manière suggestive et sans compromis, et en élargissant les expectatives et les perspectives du public, ne tarda pas à polariser le public et à atteindre l’objectif que les artistes s’étaient fixé : stimuler les sens et la conscience, structurer les circonstances humaines et éviter que le public n’oublie le quotidien pendant les représentations.

Les extravagances, l’originalité spéciale, les traits politiques et sociologiques ainsi que les prophéties visionnaires étaient les ingrédients des happenings de Wolf Vostell. Ses événements souvent insondables qui faisant intervenir tous les sens pendant les happenings ainsi que la participation euphorique de Beuys et Vostell, les coryphées de l’évolution de l’art, étaient encore inacceptables à cette époque pour de nombreux adeptes de l’art.

Tout comme la raison est un concept essentiel de l’illustration, les organisateurs d’happenings étaient convaincus de la capacité humaine de s’inspirer de manière autonome dans ses propres ressources et d’atteindre la perfection par la créativité à travers la participation à des happenings.

Wolf Vostell avait fait exploser 200 ampoules allumées contre un mur en plexiglas qui faisait barrière entre la scène et le public ; il avait cassé des jouets de guerre avec un marteau et avait planté des aiguilles dans de la viande crue.

Dans ce contexte, le détournement de biens de consommation avait été compris à tort comme un gaspillage et avait donc été critiquée. Le public avait pris de plein fouet ces représentations radicales et recherchait une manière de récupérer l’équilibre. Cette manière consistait à ce que chaque individu aille à la recherche sa propre souveraineté.

Les participants devaient faire l’examen de leur conscience, définir leurs caractéristiques positives et leurs vertus, et comprendre que les éléments qui forment leur existence sont interactifs et ont la capacité d’influence, afin de vivre ainsi leur vie comme un art.

Autour du monde

En 1960, Jean-Jacques Lebel est l'auteur, à Venise, de L'Enterrement de la Chose, le premier happening européen. Il publie le premier essai critique en français sur le mouvement des happenings à travers le monde. À partir de cette date, il produit plus de soixante-dix happenings, performances et actions, sur plusieurs continents, parallèlement à ses activités picturales, poétiques et politiques.

En Grande-Bretagne

Les premiers happenings sont organisés à Liverpool par le peintre et poète Adrian Henri, mais l’évènement le plus important est l’« Incarnation de la Poésie » du Albert Hall, le 11 juin 1965, où une audience de 7 000 personnes assistent et participent à des performances de poètes d’avant-garde anglais et américains. L’un des participants, Jeff Nuttall, réalise par la suite de nombreux autres happenings, travaillant souvent avec son ami Bob Cobbing, poète du son et de la performance.

En France

Le Peintre Nato, depuis 1965, souvent censuré dans les médias de par son utilisation constante de la nudité, intervient encore régulièrement dans les rues de Paris ou le métro[2] bien que la plupart de ses happenings ont lieu dans des endroits clos (notamment la galerie l'Usine) pour éviter les problèmes avec la justice.

En Belgique

Les premiers happenings ont lieu vers les années 1965–1968, à Anvers, Bruxelles et Ostende, mis en place par les artistes Hugo Heyrman et Panamarenko.

Aux Pays-Bas

Provo réalise des happenings autour de la petite statue Het Lieverdje sur le Spui, une place au centre d’Amsterdam, de 1966 à 1968. La police intervient souvent pour stopper ces évènements.

En Australie

Le Yellow House Artist Collective de Sydney héberge des happenings de 24 heures tout au long des années 1970.

En Pologne

Du côté est du rideau de fer, dans la seconde moitié des années 1980, les membres du réseau anarchiste Alternative orange, fondé par le Major Waldemar Fydrych se fait connaître pour le nombre de personnes qu’il réussit à faire participer à ses happenings (jusqu'à 10 000 participants), dirigés contre le régime militaire du général Wojciech Jaruzelski et la peur que pouvait ressentir l’ensemble de la société polonaise.

En Espagne

Le collectif Dinero gratis (cf. Volem rien foutre al païs) prétend par le biais de happenings légitimer l'escamotage de biens commercialisés dans les grands magasins de centre-villes.

Le happening selon Fluxus

L'histoire du happening est intimement liée au mouvement Fluxus, dont le but ultime était de supprimer toutes frontières entre art et vie.

En intégrant le public à la performance artistique, les artistes Fluxus veulent supprimer l'idée d'un art qui se donne à voir et mettent plutôt en avant l'idée d'un art qui s'expérimente, se vit.

Filmographie

Hé viva Dada, documentaire de Jean-Michel Humeau, constitue un des témoignages cinématographiques les plus précieux sur le happening, compte rendu du 2e festival de La Libre expression, manifestation phare organisée par Jean-Jacques Lebel en 1965.

On peut également citer EXPRMNTL 1967[3] du cinéaste Jud Yalkut qui se déroule lors du festival international du cinéma expérimental de Knokke-le-Zoute, où Jean-Jacques Lebel se livre à un happening impromptu en compagnie de Yoko Ono.

Voir aussi

Liens internes

Notes et références

  1. Extrait d'un entretien de 1991.
  2. Vidéo Métropolitain Land Art, métro Marcadet-Poissonniers, décembre 2009.
  3. Ces deux films sont distribués par Le peuple qui manque, distributeur de films spécialisé dans la vidéoperformance et le happening.

to happen


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Happening de Wikipédia en français (auteurs)

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