- Graphème
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Le graphème est l’unité de l'écrit correspondant à l'unité orale qu'est le phonème[1]. Contrairement à l'unité "lettre", le graphème correspond ainsi mieux à la phonologie d'une langue. Ceci est particulièrement visible dans le cas des graphèmes dits "complexes". Les graphèmes peuvent se distinguer en deux sous-types:
- Graphème simple: graphème composé d'une lettre
- Graphème complexe: graphème composé de 2 lettres.
Dans la langue française par exemple, le graphème complexe "ou" correspond à un même phonème [u], le graphème complexe "ch" renvoie au phonème [∫] (voir l'article Alphabet phonétique international).
Un des domaines de la psycholinguistique consiste à comprendre les mécanismes associés à la reconnaissance visuelle de mots, un des processus engagés dans la lecture. Récemment, Arnaud Rey et ses collaborateurs (Rey, Ziegler & Jacobs, 2000[2]) ont montré que le graphème constitue une des unités sublexicales (i.e., c'est-à-dire plus petites que le mot) activées lors de la lecture d'un mot. En effet, ils ont montré qu'il était plus difficile (et plus lent) d'identifier une lettre lorsque celle-ci est insérée dans un graphème complexe par rapport à la condition de graphème simple. Ainsi, s'il est demandé aux participants de l'expérience de détecter la présence/absence de la lettre "a", il sera plus délicat de répondre correctement et rapidement lorsque le mot présenté est COIN (dans lequel la lettre a appartient au graphème complexe "oin") par rapport à la condition où le mot présenté est par exemple ROBE. Ce phénomène peut s'interpréter comme reflétant un phénomène de compétition entre le traitement des lettres et celui des graphèmes. Lors de la présentation d'un graphème complexe tel que "oin", chacune des lettres serait initialement traitée, mais aussi le graphème complexe: ceci a pour effet de ralentir le traitement. Ces résultats ont été confirmés dans les langues française et anglaise et dans des diverses études.
Exemples de graphèmes complexes en Français: "au", "eau", "ou", "oi", "ch", "on", "an" ... et tous ceux impliquant une lettre finale silencieuse tels que "op" dans le mot TROP. Exemples de graphèmes complexes en Anglais: "ea", "ee", "sh", "ch", "ow", "ai" ...
Selon le type d’écriture, le graphème se réalise visuellement et phonétiquement de diverses manières. Voici un modèle théorique :- alphabets : un graphème = une lettre (ou un digramme, un trigramme) = un phonème ;
- syllabaires : un graphème = une syllabe ;
- alphasyllabaire : un graphème = une consonne et une voyelle ou un phonème seul ;
- abjad : un graphème = une lettre = une consonne ;
- écriture logographique : un graphème = un caractère = une idée, un mot, un morphème, un composé idéo-phonétique, etc.
Historiquement, le graphème représente l’étape-clé entre l’oral et l’écrit, voir http://www.archaeometry.org/graphe.htm
On peut appliquer, pour savoir si un caractère est un graphème ou non, le même test que pour les sons, à savoir celui des paires minimales :
- en français, <a> et <e> sont des graphèmes car « sa » et « se » s’opposent ;
- <a> et <a> ne sont pas des graphèmes car « sa » ne s’oppose ni à « sa » ni à « sa ». Ce sont donc des variantes libres ;
- en revanche, <a> n'est pas le seul graphème associable au phonème /a/ (de car) ; en effet, par exemple, le mot couenne se prononce /kwan/ et le phonème /a/ y est représenté par le digramme <en>. Le graphème <en> représente dans notre écriture actuelle au moins trois sons : les nasales /ɑ̃/ et /ɛ̃/ (comme dans « Agen ») et la voyelle /a/ ou être muet (« ils parlent »).
Parmi les variantes non pertinentes des graphèmes, on compte principalement des variations de mise en forme (gras, italique, etc.), des variantes contextuelles et des variantes conjointes.
De plus, pour qu’une suite de lettres (dans les alphabets) forme un graphème (digramme, trigramme), il faut que cette combinaison soit reliée à un phonème identifiable : par exemple, et n’est pas un graphème en français car et se réalise de manières différentes, [e], [εt], et ne note pas un phonème unique, au contraire de au qui vaut dans la majorité des cas [o].
Sommaire
Références
- Berndt, Reggia & Mitchum, 1987. Références complètes BERNDT, R.S., REGGIA, J.A., & MITCHUM, C.C. (1987). Empirically derived probabilities for grapheme-to-phoneme correspondences in English. Behavior Research Methods, Instruments, & Computers, 19 (1), 1-9.
- Rey, A., Ziegler, J. C, & Jacobs, A. M. (2000). Graphemes are perceptual reading units. Cognition, 75, B1-B12
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Écriture
- Alphabet phonétique
- Page web de Arnaud Rey. Voir publications
- Article de Rey, Ziegler & Jacobs, 2000
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