- Georges Pâques
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Georges Pâques, né en 1914 à Chalon-sur-Saône et mort en décembre 1993, est un haut fonctionnaire français qui fut condamné en 1963 pour espionnage au profit de l'URSS, ayant été accusé d'avoir transmis des informations depuis 1943. C'est l'espion le plus important pour le compte de l'URSS en France jamais arrêté jusqu'à aujourd'hui. Il fut grâcié en 1970 par le président Georges Pompidou.
Sommaire
Biographie
Fils d'artisans, ancien normalien sorti en 1935, il est agrégé d'italien. Il est professeur à Nice en 1940-1941, puis il gagne Alger pour retrouver les partisans du général Giraud[1]. Grâce à l'entremise de Pierre Boutang, il s'exprime à la radio pour la résistance sous le pseudonyme de René Versailles, aux côtés d'André Labarthe. Il est directeur de cabinet au ministère de la Marine en 1944-1945, puis au ministère d'État chargé des affaires musulmanes. Il est ensuite au ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme en 1946-1948 et ensuite à la Santé publique. Il dirige la revue La Production française de 1950 à 1954.
Il échoue aux élections législatives de 1951 à Chalon-sur-Saône, aux côtés du républicain indépendant André Moynet, ancien membre de l'escadrille Normandie-Niémen[2]. Chef de cabinet au secrétariat d'État de la Marine marchande de 1953 à 1958, il est conseiller technique dans divers ministères par la suite.
C'est à l'arrivée du général de Gaulle en 1958 que sa carrière prend un nouveau tournant. Il sert dans le cabinet de Louis Jacquinot au service de l'information de l'état-major de la Défense à la fin des années 1950, puis devient directeur d'études à l'Institut des hautes études de la Défense nationale (IHEDN) de juillet 1961 à octobre 1962. Il entre au service de presse de l'OTAN, à partir d'octobre 1962, sur la recommandation de Georges Gorse, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères de 1961 à mai 1962 puis ministre de la Coopération.
Informations transmises et procès
En 1943, il prend contact à Alger par l'intermédiaire d'un ancien des Brigades internationales de la guerre d'Espagne, le médecin Bernstein, avec un conseiller d'ambassade de l'URSS replié à Alger, Alexandre Gouzovski. Il renoue les liens à la Libération avec un officier des renseignements soviétiques, Ivan Agayantz.
Il est contacté ensuite par d'autres officiers, succesivement Alexandre Alexeïev, Sergueï Gavritchev, Alexeï Tritchine, Nicolas Lyssenko, et Vassili Vlassov. Rien que pendant les quatre dernières années de sa collaboration avec les services secrets soviétiques, sur les vingt années au total, il donne des documents sur les projets de défense des pays de l'OTAN, le système de défense occidentale de Berlin-Ouest, le plan d'importation des radars en Turquie, et le plan de défense de l'OTAN pour l'Europe occidentale, ainsi que près de deux cents biographies de personnages importants, hommes politiques, hauts fonctionnaires, journalistes et diplomates. Les remises de documents et les contacts avaient lieu tous les quinze jours.
Il est découvert en août 1963 alors qu'il se rendait à un rendez-vous avec Vassili Vlassov, officier du KGB à Feucherolles, grâce à l'enquête menée par Philippe Thyraud de Vosjoli, un agent du SDECE mis sur sa piste par un informateur soviétique de la CIA, Anatoli Golitsyn, un major du KGB[3],[4],[5],[6] travaillant en Finlande avant de passer à l'ouest. Georges Pâques a reconnu, lors de son arrestation par la DST, qu'il avait été recruté par les Soviétiques à seule fin de leur fournir des informations capitales sur l'OTAN. Le procureur requiert contre lui la peine de mort ; il est condamné à la perpétuité commuée en vingt ans de prison, et est finalement gracié par Georges Pompidou en 1970.
Lors de son procès, il déclare : « Je suis un homme pacifique. Je n'aime pas les Soviétiques, mais je suis également convaincu que les Américains, en raison de leurs conceptions très primaires, sont de dangereux fauteurs de guerre. J'ai donc pensé que pour éviter un conflit international, aboutissant fatalement à une catastrophe mondiale, il était indispensable de rétablir les forces en présence. Voilà le mobile qui n'a jamais cessé de m'animer [7] ! »
Après sa libération en 1970, il se rend plusieurs fois en URSS et est définitivement conquis par ce pays dont il parle la langue[8]. Sa personnalité et sa trahison s'expliquerait parce qu'il est issu d'une famille bourguignonne qui paya un lourd tribut à la guerre de 1914-1918 et qu'il fut un catholique qui se rendait à la messe même en semaine[9]. Son interprétation personnelle de sa foi et de la géopolitique l'amena à un pacifisme dévoyé, mais il fut qualifié de héros dans plusieurs émissions de télévision en Russie en 2004.
Notes
- Thierry Wolton, op cité p. 168.
- Thierry Wolton, op.cit., p. 169.
- http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,838289,00.html
- http://www.nytimes.com/1993/12/23/news/23iht-obits_25.html
- http://www.edwardjayepstein.com/archived/looking.htm
- Il sera expulsé fin septembre 1963 quelque temps avant que le procès ne soit rendu public.
- Thierry Wolton, op. cité, P. 175.
- Thierry Wolton, op. cité, p. 176.
- Il se confessait aussi régulièrement, cf. Thierry Wolton, op. cité.
Bibliographie
- Charles Benfredj, L'Affaire Georges Pâques - Side Step, Ed. Jean Picollec, 1993.
- Georges Pâques, Comme un voleur, Julliard, Paris, 1971
- Thierry Wolton, Le KGB en France, Bernard Grasset, Paris, 1986
Catégories :- Espion soviétique
- Élève de l'École normale supérieure (rue d'Ulm)
- Décès en 1993
- Espion de la Guerre froide
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