Aldrich Ames

Aldrich Ames
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Aldrich Ames
Aldrich Ames, lors de son arrestation en 1994
Aldrich Ames, lors de son arrestation en 1994

Naissance 16 juin 1941
River Falls, Wisconsin
Nationalité Drapeau des États-Unis États-Unis
Profession ancien officier de la CIA, agent double
Compléments
a trahi pour le compte de l'URSS puis de la Russie

Aldrich Hazen Ames est un citoyen américain né le 16 juin 1941 à River Falls[1] dans le Wisconsin. Officier de la CIA depuis 1962, il est devenu entre 1985 et 1994, date de son arrestation par le FBI, un agent double pour le compte du KGB soviétique puis du Service des renseignements extérieurs de la Fédération de Russie (SVR). Le 22 février 1994, il fut condamné à perpétuité pour espionnage.

Sommaire

Enfance et carrière

Aldrich Ames (surnommé "Rick" Ames), a très tôt ressenti le désir d'être un agent de la CIA. Son père, lui-même agent, alors en poste à Rangoon (Birmanie), lui a servi de modèle. Très jeune, il a commencé à se former au complexe de « la Ferme », où étaient formés les futurs agents de la centrale américaine. Et c'est là, raconte-t-il, « qu'on lui a raconté qu'il faisait partie d'un service d'élite, vital à la survie des États-Unis ... et que l'on était autorisé à mentir, tricher et tromper » [2].

Entré en 1962 à la CIA, Aldrich Ames gravit lentement les échelons, d'abord à Langley au siège de la centrale puis à l'étranger en tant qu'officier traitant. De 1969 à 1972, Ames fut d'abord en poste en Turquie, se mariant avec Nancy Segebarth, elle aussi au service de la CIA . Il infiltra alors le Devrimci Gençlik (ou Dev-Genç) en recrutant le camarade de chambre de Deniz Gezmiş (pendu en 1972), et obtenant en échange de 75 $ le nom des membres du groupe[3].

Il rentra ensuite au quartier général de la CIA où il fut affecté à la Division URSS-Europe de l'Est de la Direction des Opérations de la CIA.

À ce titre, il eut donc à s'intéresser, directement ou indirectement, à plusieurs informateurs soviétiques importants tels qu'Alexandre Ogorodnik, fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères recruté à Bogota (arrêté le 21 juin 1977 à Moscou par le KGB, Ogorodnik se suicida en avalant une capsule de poison) ou bien encore Arkady Chevtchenko, numéro 2 de la représentation soviétique à l'ONU, qui fit défection en 1978[4]. Ames bénéficia alors d'une nouvelle promotion avec sa mutation à la station de la CIA à New York.

Puis, de 1981 à 1983, il est envoyé à Mexico. À son retour, il est nommé chef de section à la division contre-espionnage pour le département Europe de l’Est-URSS, puis officier de la CIA à Rome à partir de 1986 jusqu'en 1989. Les promotions s'enchaînent : de chef de la section Europe de l’Ouest à la Division Union Soviétique/Europe de l’Est de la Direction des Opérations de la CIA à son retour de Rome, il devient chef de la section Tchécoslovaquie de décembre 1989 à août 1990. De septembre 1990 à août 1991, il est membre du groupe chargé de l'analyse concernant l'URSS au centre de contre-espionnage (Counterintelligence center) de la CIA, puis chef du groupe de travail sur le KGB de septembre à novembre 1991. À partir de décembre 1991 et jusqu'à son interpellation, Ames travaille au centre anti-drogue (Counter-narcotics Center) de la CIA.

Agent double

Sa carrière d'agent double commence dès 1985. Avec plus d'attention, ses collègues auraient dû détecter certains signes avant-coureurs. Alors en poste à Mexico, Ames avait divorcé et fait la connaissance de Mme Rosario Casas, citoyenne colombienne devenue une informatrice rétribuée de la CIA[5]. Il accumulait les dettes de jeu et buvait beaucoup trop. Toutefois, jamais aucune enquête de routine ne fut lancée.

À Washington, Ames franchit le pas. En avril 1985, il prend contact avec les représentants du KGB camouflés parmi le personnel diplomatique en poste. En échange de 50 000 $, il leur fournit 3 noms d'agents doubles travaillant pour la CIA. Devant l'importance de leur recrue, le KGB lui fournira un contact (Sergueï Chuvakhin[5]) spécialement chargé de récupérer les sacs contenant les documents et disquettes qu'Ames leur transmet. Dès lors, Ames dans ses différentes affectations ne cesse de transmettre à Moscou de nouvelles informations. Cette source sera tellement précieuse à leurs yeux que le KGB n'hésitera pas à lui verser, en liquide ou en diamants, la somme totale de 4,6 millions de dollars ainsi qu'un terrain au bord d'une rivière pour y faire construire plus tard une datcha !

Une nouvelle fois, la sécurité interne de la CIA ne détecte rien. Deux passages au détecteur de mensonge ne mettent pas à jour d'infraction aux règles. Et pourtant, les éléments à charge devenaient de plus en plus importants : son train de vie excédant largement son salaire annuel officiel de 60 000 dollars américains. En effet, on note parmi ses dépenses :

  • Une maison de 540 000 dollars à Arlington (Virginie), payée en espèces ;
  • Une voiture Jaguar d'une valeur de 60 000 dollars ;
  • Des factures mensuelles de communications téléphonique de plus de 6 000 dollars, comprenant de nombreux appels fait par son épouse, dont la famille habitait Bogota.

À ceux qui s'étonnaient du train de vie affiché et assumé par Ames, celui-ci répondait que sa femme avait fait un héritage en Colombie.

Il semble que Ames ne fut démasqué que grâce à la trahison d'un officier du SVR. Baptisé du nom de code « Avenger », cet officier informa la CIA en 1993 de la présence d'une taupe au sein de l'Agence et donna assez de détails pour orienter l'enquête sur Ames[6]. Avenger aurait également orienté la CIA vers un autre officier russe, qui donna à la CIA le fichier du SVR sur une autre taupe, Robert Hanssen en novembre 2000. Le SVR connaîtrait l'identité d'Avenger et de l'autre agent russe, mais leurs noms n'ont pas été dévoilés publiquement[7].

À l'occasion d'un échange d'espions en 2010, la firme américaine spécialisée dans les renseignements Stratfor (en) rapporta qu'une rumeur disait que l'un d'entre eux, Alexandre Zaporojsky, avait donné des informations aux Américains ayant contribué à l'arrestation d'Aldrich Ames et Robert Hanssen[8].

Opérations révélées

Boite aux lettres de remplacement de celle utilisée par Aldrich Ames : Une barre horizontale à la craie au-dessus du logo USPS, pour signaler une rencontre souhaitée. La boîte originale a servi de pièce à conviction, depuis elle est exposée dans un musée.

Aldrich Ames a révélé nombre d'opérations menées par la CIA ciblant l'URSS, permettant au KGB de démasquer nombre de citoyens soviétiques travaillant pour la CIA[9]. Citons notamment :

  • GTPROLOGUE, en réalité Sacha Jomov, un haut responsable de la section américaine du contre-espionnage du KGB qui avait contacté la CIA en 1987. Ames fournira à ses officiers traitants du KGB des informations permettant de le démasquer. Il s'avérera ensuite que Jomov a été sciemment envoyé par le KGB pour intoxiquer la CIA.
  • GTMILLION, Guennadi Smetanine, colonel du GRU, le service de renseignement militaire soviétique, qui avait contacté la CIA à Lisbonne en 1983. Il sera interpellé fin 1985, condamné à mort et exécuté.
  • GTBOURBON, Dmitri Polyakov, général du GRU qui avait été recruté par le FBI en 1961. Interpellé le 7 juillet 1986, condamné à mort et exécuté.
  • GTPYRRHIC, Sergey Fedorenko, diplomate, recruté en 1973 par la CIA à New York. Il s'enfuira en 1990 aux États-Unis.
  • GTFITNESS, Guennadi Varennik, colonel de la division des illégaux de la station du KGB à Bonn, qui avait contacté début 1985 un officier de la CIA. Arrêté fin 1985, condamné à mort et executé.
  • GTVILLAGE, Alexandre Baranov, stagiaire au consulat soviétique de Surabaï, en Indonésie, rappelé en mars 1986 en URSS et interrogé par le KGB. Considérant qu’il n'a pas fourni à la CIA d'informations entraînant des dégâts pour la sécurité, il n'a pas été poursuivi à l'issue de son interrogatoire.
  • GTMOTORBOAT, membre des services secrets bulgares qui contacta la station de la CIA à Rome quand Ames était en poste là-bas. Il n'a apparemment pas été arrêté.
  • GTCOWL, Sergey Vorontsov, major du KGB pour Moscou et sa région, qui avait contacté la CIA à Moscou durant l'été 1984. Interpellé début 1986, condamné à mort et executé.
  • GTGENTILE, Valery Martinov, sous-colonel de la Division renseignement scientifique et technologique du KGB à Washington . Rappelé en URSS fin 1985, arrêté, condamné à mort et executé.
  • GTBYPLAY, un scientifique soviétique qu'Ames a traité quand il était en poste à New York. Cette personne n'a pas fait l'objet de poursuites par le KGB pour des raisons inconnues.

On peut rajouter à cela l'arrestation en 1985 du scientifique Adolf Tolkachev qui sera exécuté en septembre 1986. Plus grave encore, il aurait dénoncé une des plus importantes taupes recrutées par le MI6 britannique, Oleg Gordievsky [réf. nécessaire], résident de la station de Londres. Arrêté puis interrogé à Moscou, il parviendra à s'enfuir malgré tout.

On peut y adjoindre les deux opérations suivantes :

  • GTTAW, la mise sur écoute des lignes téléphoniques d'un institut spécialisé dans les lasers et basé en banlieue de Moscou à Troïtsk.
  • GTABSORB, l'envoi depuis le Japon vers l'Allemagne de l'Ouest d'un conteneur contenant du matériel de haute technologie pour déterminer les installations nucléaires soviétiques, le conteneur transitant par le territoire de l'URSS.

Conséquences de l'affaire Ames

Les remous de l'affaire Ames ont été nombreux.

  • la CIA est publiquement humiliée. Elle a abrité en son sein une taupe de haut niveau et ne l'a jamais détectée. Les dégâts sont immenses. Pendant plusieurs années, elle restera aveugle en URSS et devra compter sur ses alliés pour obtenir des informations. Son directeur de l'époque, James Woolsey[10] doit démissionner.
  • Ames est le second agent double à être arrêté. Un autre cas, celui de l'agent Edward Lee Howard, a déjà provoqué des remous[11].
  • le pire sans doute est que la sécurité interne n'ayant rien détecté en dépit de nombreuses recherches, c'est le FBI qui, en reprenant toute l'enquête depuis le départ, récolte les lauriers et prend sa revanche sur sa rivale (victoire de courte durée car bientôt éclatera l'affaire Robert Hanssen[12]).

Notes et références

  1. Petite ville de 15000 habitants environ, située à l'est de Minneapolis, réputée pour sa qualité de vie et son environnement par l'America in Bloom.
  2. On This Day: Aldrich Ames Sentenced for Role as Double Agent
  3. Disislerinde CIA Köstebegi, Sabah, 2 mars 1997
  4. Sur ces deux espions, lire l'excellente étude La Communauté du renseignement
  5. a et b (en) Nightmover: How Aldrich Ames sold the CIA to the KGB for $4.6 Million, David Wise, HarperCollins, 1995, ISBN 0-06-017198-7
  6. (en) Ronald Kessler, The Bureau : The Secret History of the FBI, New York, St. Martin's Press, juillet 2003, 375 p. (ISBN 0-312-98977-6 et 978-0312989774)  (première édition mai 2002). Le livre Milton Bearden et James Risen (trad. Alain Deschamps et Dominique Peters), CIA-KGB : Le Dernier Combat [« The Main Enemy »], Paris, Albin Michel, 2004, 637 p. (ISBN 2-226-13803-X et 978-2-226-13803-3), p. 608  affirme également que c'est grâce à des informations - lieux, dates et heures - fournies par un agent russe que Ames fut démasqué.
  7. Victor Cherkashin et Gregory Feifer, Spy Handler: the True Story of the Man Who Recruited Robert Hanssen and Aldrich Ames, Basic Books, New York, 2005 p. 251-254, cité dans Mike Mattson, « A Counterintelligence Cold Case File: The Fourth Mole », Intelligencer: Journal of U.S. Intelligence Studies, Winter/Spring 2009, p. 43 [lire en ligne (page consultée le 30 décembre 2010)]
  8. Spy swap: who's who?, The Guardian, 9 juillet 2010
  9. (en) Liste des victimes des opérations trahies par Ames, Time, 1995
  10. Biographie de Woolsey par voltairenet
  11. Edward Lee Howard, (27 Octobre 1951, Alamogord, Nouveau-Mexique - 12 Juillet 2002, Moscou). Sa mort est restée assez obscure. Officiellement, il serait décédé d'une fracture du cou après une chute dans les escaliers de sa datcha (The Post-Standard (Syracuse), 24 juillet 2002, p. A-2.
  12. (en) Kings Of Cold War Treachery: Robert Hanssen and Aldrich Ames

Sources

Filmographie

En 1998, le réalisateur John C. Mackenzie a tourné un téléfilm de 95 minutes sur l'affaire Ames. Le titre original en était : Aldrich Ames : Traitor Within ; le titre français, Aldrich Ames, agent trouble. Le scénariste, Michael Burton, est resté relativement proche des faits réels. La musique a été confiée à Mark Ryder, la photographie à Walter Mcgill. Les acteurs principaux étaient Dwight Mcfee, Elizabeth Peña, Timothy Hutton et Joan Plowright.


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Aldrich Ames de Wikipédia en français (auteurs)

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