Fuite à Varennes

Fuite à Varennes

Fuite de Louis XVI et arrestation à Varennes

La fuite de Varennes.

La fuite manquée des 20 et 21 juin 1791 est un épisode à première vue mineur, mais en réalité déterminant dans le cours de la Révolution française. Suite à cet événement, l'idée d'instaurer une république en France est passée de farfelue à crédible.

Le départ de la famille royale de Paris est un projet récurrent depuis le 5 octobre 1789, date à laquelle il a été pour la première fois abordé en conseil, mais cette fois, la situation décide le Roi Louis XVI à autoriser son entourage et celui de Marie-Antoinette d'Autriche, avec au premier rang Axel de Fersen, de lui soumettre un plan d'évasion minutieusement organisé du palais des Tuileries, où il se sent prisonnier, malgré la bienveillance de La Fayette.

L'objectif consiste à rallier discrètement la place forte de Montmédy, pour y rejoindre le marquis de Bouillé, général en chef des troupes de la Meuse, Sarre et Moselle, co-organisateur du plan d’évasion. Une série de mauvaises applications de ce plan transformera cette tentative de reprise en main de la Révolution par le Roi en échec, qui sera particulièrement bien exploité par les partisans de l'instauration d'une république.

Sommaire

Contexte

Cela fait de nombreux mois que Louis XVI songe à quitter Paris. Le plan d'évasion était déjà validé mais la crainte d'une guerre civile le retenait. Deux événements vont décider Louis XVI à vouloir reprendre la main par la force[1] :

  1. La mort de Mirabeau (2 avril 1791) : « l'orateur du peuple » qui s'est tant battu pour la liberté, pour restreindre les prérogatives royales au profit de l'Assemblée, a toujours prôné une voie moyenne entre la révolution et la monarchie, or il sent, depuis les journées des 5 et 6 octobre 1789, que les choses lui échappent. Il appartient à la catégorie des hommes publics qui tentent de freiner le cours comme les autres membres de la Société des amis de la convention (comme son ami Talleyrand et son rival La Fayette ; c'est de ce club que sera prise la décision de faire passer la fuite de Varennes pour un enlèvement. C'est la fuite de Varennes qui sera à l'origine de la scission entre le club des feuillants opposé au renversement du Roi et le club des jacobins républicains, associés désormais à Robespierre). Cependant Mirabeau avait, depuis son installation définitive à Paris, installé des relations secrètes avec la cour. « C'est une grande perte, écrira Fersen, car il travaillait pour eux [la famille royale] ».
  2. Les « Pâques inconstitutionnelles » (18 avril 1791) : Le roi n'a jamais accepté la signature imposée du décret relatif au serment des prêtres à la constitution civile du clergé. Son testament rappelle d'ailleurs qu'il a eu ce regret toute sa vie. Aussi, durant la messe du dimanche des Rameaux célébrée par le cardinal assermenté Montmorency, il s'abstient de communier. Cette réticence fait l'objet d'une communication assez large (y a-t-il un lien avec le retour de Philippe Egalité de Londres ?). Toujours est-il que lorsque le lendemain, lundi 18 avril, Louis et sa famille s’apprêtent à quitter les Tuileries, comme l’année précédente, pour rejoindre Saint-Cloud afin d’y passer la semaine sainte, il en est empêché. Une foule informée de ces intentions, « spontanément » rassemblée place du carroussel, a immobilisé le carrosse royal. Or la deuxième division de la garde nationale s'est jointe aux manifestants. Pendant deux heures la famille royale sera bloquée tandis que La Fayette, arrivé entre temps avec Bailly, ne parvenait pas à frayer un passage au Roi. C'est à pied que Louis XVI est finalement retourné au palais des Tuileries. Suite à cette épisode, La Fayette démissionna le 21 avril avant de se rétracter aussitôt devant l'insistance de ses officiers et une majorité des sections.

Plan d’évasion

Les premières traces de préparation de cette évasion datent de septembre 1790. Il semble que le plan initial ait été apporté par l'évêque de Pamiers : « Sortir de sa prison des Tuileries et se retirer dans une place frontière dépendant du commandement de M. de Bouillé. Là, le Roi réunirait des troupes « ainsi que ceux de ses sujets qui lui étaient restés fidèles et chercherait à ramener le reste de son peuple égaré par des factieux »[2]. Seulement si ce plan échouait, le recours aux « alliés », c'est-à-dire l'empereur d'Autriche, était envisagé.

Les protagonistes

En plus de l'évêque de Pamiers susmentionné et du roi, qui reste le cerveau de son « voyage à Montmédy » comme il nomme lui même cette opération), quatre personnages sont chargés de l'organisation :

Dès septembre, l'évêque de Pamiers s'était rendu à Metz rencontrer Bouillé, commandant des troupes de l'Est. Ce dernier eut même l'idée de demander à l'empereur allié du Roi de faire avancer quelques troupes sur la frontière et ainsi demander du renfort des meilleurs régiments. Un courrier de Marie-Antoinette à Mercy-Argenteau montre cette demande de mouvement des troupes "alliées" vers la frontière française.

Pour davantage illustrer dans quelle discrétion ce plan a été mis au point, il suffit de lire les mémoires du comte de Provence[3] (le futur roi Louis XVIII). Il y dit qu'il a été mis au courant de la destination finale de Louis XVI (Montmédy) le 19 juin. Il a lui aussi quitté Paris dans la nuit du 20 juin (il demeurait au Petit Luxembourg). Déguisé, muni d'un "passe-port" anglais, il rejoint ainsi les "Pays-Bas", via Avesnes-sur-Helpe et Maubeuge.

Les modalités de l'évasion

Le principe consistait à se faire passer pour l'équipage de la baronne de Korff, veuve d'un colonel russe qui se rend à Francfort avec deux enfants, une femme, un valet de chambre et trois domestiques. Une berline fut spécifiquement commandée (infra).

Le trajet, choisi par Louis pour se rendre à Montmédy, empruntait la route de Châlons-sur-Marne. A Pont-de-Somme-Vesle les hussards de Choiseul suivrait l'équipée jusqu'à Sainte-Menehould où des dragons escorteraient directement la berline. A la sortie de cette ville, les hussards bloqueraient durant vingt-heures les éventuels poursuivants. Le Roi pourrait regagner ainsi la place forte de Montmédy où l'attend le marquis de Bouillé.

En réalité, rien ne va se passer ainsi. Selon de nombreux passionnés de cet événement, comme Napoléon Bonaparte (dont un courrier sur le sujet a été exhumé des archives par l'historien André Castelot), le grand responsable de cet échec est Choiseul. Ce dernier n'a pas, d'une part, respecté les directives de Bouillé, mais il s'est même permis de désorganiser le plan initial. Ainsi, il a autorisé des officiers (qui attendaient un "trésor" à escorter) à quitter leur poste, en raison du retard du cortège royal. Pour ce faire, il a confié ces instructions au coiffeur de la Reine, Léonard, qui les appliqua avec trop de zèle. Sans cela, toujours selon le mot de Napoléon, la face du monde aurait été changée.

Suite à cette désorganisation et aux nombreux retards, les hommes de La Fayette, à la poursuite du convoi, n'auraient pas rencontré Jean-Baptiste Drouet, maître de poste de Sainte-Menehould. Ce dernier s'est souvenu avoir vu, une heure avant, une berline correspondant à la description. Il s'est souvenu qu'elle se dirigeait vers Varennes. Aussitôt, il prit l'initiative de s'y rendre afin de stopper le convoi, avec l'aide des autorités locales qu'il avait convaincues de faire contrôler scrupuleusement les passeports. Bloqué une partie de la nuit, le roi refusa que la force fût employée (des hussards et une partie de la population étaient prêts à couvrir son départ. Louis XVI attendait, en vain, le renfort de Bouillé, qui aurait dû arriver. Pendant ce temps, les habitants de Varennes et de nombreuses personnes, venues des environs, alertés par le tocsin, se sont massés à Varennes pour voir le Roi.

Grâce à cette situation tendue, l'aide de camps de La Fayette, Romeuf (autre homme clef de cette arrestation) eut le temps d'arriver, muni d'un décret de l'Assemblée ordonnant l'arrestation de la famille royale. Possédant la légitimité de la garde nationale et de l'Assemblée, il prit l'ascendant. Seulement, voyant qu'il jouait la montre avec Louis XVI, au lieu d'organiser sans tarder le retour du Roi à Paris, son adjoint "patriote", quelques autorités locales ont alors forcé la volonté de Louis XVI. A ce moment, environ 10 000 personnes s'étaient agglutinées à Varennes. Certains scandèrent "À Paris ! À Paris !" "Vive la nation !", ce qui exacerba les tensions. Romeuf sera arrêté le 23 juin suivant pour qu'il s'explique sur son rôle. Il sera relâché et deviendra général et baron d'Empire. Son nom est gravé sur l'Arc de triomphe de l'Étoile.

Leurs passeports

Fersen, au nom de Mme de Korff, sollicita au ministre Montmorin un laisser-passer qu'il signa en ne soupçonnant rien. La signature du Roi fut moins difficile à obtenir. Voici les identités d’emprunt des membres de l'équipée :

  • Louis XVI  : M. Durand (intendant de la baronne de Korff).
  • Marie-Antoinette d’Autriche : Mme Rochet (gouvernante des enfants de Mme de Korff).
  • Marie-Thérèse de France : une des filles de Mme de Korff (elle reste habillée en fille).
  • Le Dauphin : autre fille de Mme de Korff (il est vêtu en fille).
  • La marquise Louise-Elisabeth de Croÿ de Tourzel, gouvernante des enfants de France : la baronne de Korff.
  • Madame Elisabeth (sœur de Louis XVI) : dame de compagnie de la baronne.
  • Les trois domestiques étaient messieurs de Moustier, de Valory et de Malden, gentilshommes (anciens gardes du corps licenciés en 1789). Le roi leur avait demandé de se couvrir de « livrée de courrier » (afin de devancer les changements de chevaux dans les relais). Or le choix de leur couleur, jaune, ne fut pas des plus judicieux, puisqu'elle était celle de la maison du prince de Condé parti à l’étranger au début de la Révolution et ne pouvait qu’éveiller les soupçons dans l'Argonne où elle était fort connue.

La voiture

Le 22 décembre 1790, une voiture susceptible de tenir six personnes, robuste et confortable est commandée au carrossier Jean Louis, implanté quai des Quatre-Nations (quai Malaquais, aujourd'hui hôtel Parabère). La caisse et les moulures de cette berline seront peintes en vert et le train et les roues en jaune citron. Elle comportera un attelage de six chevaux. Cette demande de « fourniture » émane de la baronne Anna de Korff et c'est Fersen qui joue les intermédiaires. Durant tout l'hiver, il le fera presser son travail. La berline est terminée le 12 mars 1791, mais personne ne vient la chercher avant le... 2 juin.

Il convient à cet égard d’écarter cette idée encore très présente dans l’imagerie populaire : la berline de la famille royale n’était en aucun cas un « abrégé du château de Versailles », mais un véhicule de voyage tout à fait conforme à l’usage pour effectuer un long trajet (cette berline servit d’ailleurs de diligence, assurant le Paris-Dijon, jusqu’en 1795, date à laquelle elle fut détruite dans un incendie). L'historienne spécialiste de Louis XVI, Pierrette Girault de Coursac ose la comparaison suivante : « on peut la qualifier de belle Mercédès mais certainement pas de Rolls-Royce ».

La sortie des Tuileries

C'est à Fersen que revenait l'organisation de la sortie des Tuileries. L'historien Castelot souligne la difficulté de quitter secrètement un palais (qu'il qualifie de caravansérail) où dormaient, sur des couches à même le sol, le nombreux personnel. Les hommes de La Fayette, qui s'était engagé sur sa tête à ce que le roi ne tente pas de s'échapper, étaient vigilants.

Pour quitter les Tuileries afin de rejoindre une « citadine » (petite voiture) garée rue des Échelles, il faut donc, après avoir procédé à la cérémonie du coucher (réduite mais toujours en vigueur en 91), connaître les mouvements des sentinelles. Vite déguisés, le roi, la reine, la gouvernante accompagnée du dauphin et de madame royale, la marquise et madame Elizabeth quittent le palais en direction de la citadine dont le cocher est Fersen. Ce dernier les emmène ensuite, via la rue du Faubourg-Saint-Martin, à la barrière de la Villette. Il est 1h20. Celle-ci est passée sans problème, étant donné que les responsables de la barrière fêtent le mariage de l'un d'eux. Une fois sorti de la capitale, tout le monde descend pour s'installer dans la berline qui les attend avec les trois valets en livrée. Fersen peut alors faire ses adieux.

Départ de Paris - 20 juin 1791

22 heures 30

Deux femmes de chambre de Marie-Antoinette, madame Brunier et madame Neuville, les premières dames de Madame et du Dauphin, quittent les Tuileries pour Claye-Souilly où elles doivent rejoindre la berline royale.

Dans le même temps, dans l'Argonne (et dans la Marne), 180 dragons sous le commandement du colonel de Damas, cantonnent à Clermont-en-Argonne et au village voisin d'Auzéville. 40 hussards, commandés par le lieutenant Boudet cantonnent à Sainte-Ménéhould. Ils doivent rejoindre le lendemain Pont-de-Somme-Vesle, premier relais après Châlons.

22 heures 50

Axel de Fersen emmène des Tuileries le dauphin (futur Louis XVII de France), sa sœur, Marie-Thérèse de France et leur gouvernante, Louise Elisabeth de Croÿ de Tourzel.

23 heures 30

Louis XVI et Marie-Antoinette font semblant de se coucher selon le cérémonial habituel.

Fuite de la famille royale : 21 juin 1791

  • Minuit dix

Louis XVI, déguisé en valet de chambre, monte dans une "citadine" (voiture de ville) stationnée près des Tuileries, rue de l’Échelle. Il y trouve sa sœur, Élisabeth de France, et Marie-Antoinette qui le rejoint à 0 heure 35.

  • 1 heure 50

La famille royale atteint la berline avec une heure et demie de retard sur l’horaire prévu : Marie-Antoinette s’était perdue dans les méandres des rues entourant le Louvre.

  • 2 heures 30

Premier relais à Bondy : Axel de Fersen qui avait accompagné la famille royale la quitte.

  • 4 heures

Un cabriolet avec les deux femmes de chambre rejoint la berline royale à Claye-Souilly.

  • 7 heures

Le valet de chambre s’aperçoit que Louis XVI n’est pas dans la chambre aux Tuileries. Le comte de Provence (futur Louis XVIII de France) quitte Paris au petit matin avec son ami d’Avaray et arrive sans la moindre difficulté par Maubeuge et Avesnes-sur-Helpe, à Mons, en Belgique. De là il gagne Marche où il apprend l’arrestation de son frère Louis XVI.

  • 8 heures

La nouvelle du départ de Louis XVI se répand dans Paris. L’Assemblée constituante, après avoir hésité entre la fuite ou l’enlèvement, déclare qu’il a été "enlevé".

  • 10 heures

60 hussards arrivent à Varennes-en-Argonne.

  • 11 heures

Les voitures royales s’arrêtent à Montmirail. Elles ont trois heures de retard sur l’horaire prévu. À Paris, La Fayette envoie des courriers dans toutes les directions pour arrêter la famille royale. À Sainte-Ménehould et Clermont-en-Argonne, la population s’inquiète de l’arrivée des cavaliers; la garde nationale prend les armes.

  • 16 heures

La berline royale arrive à Châlons-en-Champagne par l'avenue de Paris, ils traversent la Marne et prennent la rue de Marne. Avec quatre heures de retard, ils relaient chez le maître de poste Viet rue Saint Jacques (actuellement rue Léon Bourgeois). Puis reprennent la direction de Sainte-Menhould. Les cavaliers détachés à Pont-de-Somme-Vesle, las d’attendre le passage des voitures royales et menacés par les paysans, reçoivent l’ordre de leur jeune chef, le duc de Choiseul, de se replier à travers champs et de gagner Varennes en Argonne en évitant les routes.

  • 19 heures 55

Le cabriolet, suivi de la berline royale, s’arrête devant le relais de Sainte-Menehould. Le maître de poste, Jean-Baptiste Drouet, qui a séjourné à Versailles et qui, selon la légende, compare le visage du "valet de chambre" à l’effigie royale d’un écu, reconnaît le roi mais ne réagit pas. Il ne se lance à la poursuite de la berline royale que lorsque la municipalité le mandate après délibération.

  • 20 heures 10

Les deux voitures quittent le relais en direction de Clermont-en-Argonne où les attend un détachement de dragons commandé par le colonel Damas. Ceux-ci, pactisant avec la population, refusent les ordres et laisseront passer la berline.

  • 21 heures

Jean-Baptiste Drouet et son ami Jean-Chrisosthome Guillaume[4] montent à cheval. Ils se dirigent par la forêt d’Argonne vers le village des Islettes pour rejoindre Varennes-en-Argonne, où ils pensent que se dirigent les voitures royales. À Sainte-Ménehould, les dragons sont désarmés sans résistance par la population.

Jean-Baptiste Drouet
  • 22 heures 50

La berline royale s’arrête à l’entrée de Varennes pendant qu’un postillon cherche le relais. Les voyageurs sont étonnés de ne trouver aucun des cavaliers qui devaient les escorter. Ils frappent à la maison de Monsieur de Préfontaines qui dit tout ignorer d’un relais. En effet, ne voyant rien venir, le relais a été déplacé dans la ville basse, de l’autre côté du pont enjambant la rivière l’Aire.

  • 22 heures 55

Jean-Baptiste Drouet et Jean-Chrisosthome Guillaume arrivent à Varennes, passent devant la berline arrêtée et avertissent le procureur-syndic, l’épicier Jean-Baptiste Sauce, que les voitures de la famille royale en fuite sont arrêtées en haut de la ville. Ils décident de barricader le pont de l’Aire, par lequel doit passer la berline royale. La garde nationale de Varennes se mobilise et son commandant, le futur général Radet, fait mettre deux canons en batterie près du pont.

  • 23 heures 10

Les deux voitures de la famille royale sont immobilisées bien avant la barricade, sous la voûte de l’église Saint-Gégoult qui enjambe la rue. Jean-Baptiste Sauce, sous la pression des patriotes qui se trouvaient à l’estaminet du "Bras d’or", oblige les voyageurs à descendre et les fait entrer dans sa maison qui est à quelques pas. Le tocsin sonne, la garde nationale est mise en alerte.

La Nuit à Varennes

minuit et demi - 22 juin 1791

Le juge Destez qui a vécu assez longtemps à Versailles, et que Jean-Baptiste Sauce est allé chercher, reconnaît formellement le roi. Les hussards, qui n’ont pas été rassemblés par leurs officiers (dont le lieutenant Bouillé, fils du marquis de Bouillé), pactisent avec la foule. Le chirurgien Mangin monte à cheval pour porter la nouvelle à Paris.

Le tocsin sonne et de plus en plus de paysans et de gardes nationaux arrivent à Varennes.

7 heures 45

Les patriotes de Varennes, avec les envoyés de l’Assemblée législative, Bayon et Romeuf, officiers de la Garde Nationale de Paris, arrivés vers 7 heures, décident de renvoyer la famille royale à Paris. Alertée par le tocsin qui sonne partout une foule énorme vient border la route suivie par le cortège des "prisonniers", encadré par la Garde Nationale varennoise et les dragons ralliés aux patriotes.

Retour de la famille royale à Paris

22 juin 1791 - 22 heures

À Paris, l’Assemblée constituante prévenue par Mangin de l’arrestation de la famille royale nomme trois commissaires, Antoine Barnave, Jérôme Pétion de Villeneuve et Charles César de Fay de La Tour-Maubourg, pour ramener la famille royale à Paris.

23 heures

La famille arrive à Châlons-en-Champagne, par la porte Sainte Croix, qui avait été dédiée à la Dauphine lors de son arrivée en France le 11 mai 1770, où elle passe la nuit à l'Hôtel de l'Intendance.

23 juin 1791 - 12 heures

Le cortège royal quitte Châlons-en-Champagne, après avoir reçu une délégation du directoire de la ville conduit par Louis Joseph Charlier à 10 heures et assisté à la messe qui sera interrompue.

16 heures

Le cortège arrive à Epernay, où la famille royale dîne.

17 heures 30

Plaque commémorative de la rencontre du 23 juin 1791 à Boursault

Les trois députés de l’Assemblée constituante, accompagnés du colonel Mathieu Dumas rejoignent la famille royale à Boursault, entre Épernay et Dormans. Ils couchent à Dormans. À Paris, le club des Cordeliers demande l’établissement de la République.

24 juin 1791 - 6 heures

Le cortège part pour Paris et s’arrête pour la nuit à Meaux. À Paris, une pétition, signée de 30 000 noms, réclame la République.

25 juin 1791 - 7 heures

La famille royale quitte Meaux. À Paris, dès l’aube, une foule immense prend la direction de Meaux. La ville est inondée de pamphlets violents, injurieux pour le Roi et la Reine.

14 heures

Les premiers Parisiens rencontrent la famille à Villeparisis. L’Assemblée nationale décrète la suspension de Louis XVI.

18 heures

Le cortège royal arrive sur les "nouveaux boulevards" (actuels boulevards de La Chapelle, Rochechouart, Clichy, etc.). Pour éviter de trop violentes manifestations, la municipalité a décidé que les fugitifs feraient le tour de Paris et rentreraient aux Tuileries par les Champs-Élysées et la place de la Concorde. La Garde nationale forme la haie, mais la crosse en l’air, comme pour un enterrement. Le silence a été ordonné : "Quiconque applaudira le roi sera bâtonné, quiconque l’insultera sera pendu". Il est 22 heures.

19 heures

Retour de Varennes. Arrivée de Louis XVI à Paris, le 25 juin 1791 (Duplessi-Bertaux d’après un dessin de J-L Prieur).

Au passage de la berline royale et de sa double haie de gardes nationaux précédés par La Fayette, on se montrait sur les sièges les trois gardes du corps (Malden, Moustier et Valory) qui arrivaient les mains liées derrière le dos. La foule était immense, mais silencieuse, ou presque : on entendait quelques cris de "Vive Drouet ! Vive la Nation ! Vive la brave garde nationale !" En effet, La Fayette avait interdit toute manifestation de soutien ou de haine.

22 heures

Lorsque la voiture royale arriva aux Tuileries, la fureur de la foule éclata. Il s’en fallut de peu que Marie-Antoinette ne fut écharpée. Le duc d’Aiguillon et Louis-Marie de Noailles la sauvèrent de justesse.

Le retour aux Tuileries allait, dans les faits, sceller le destin tragique de la famille royale. Le ralliement de Louis XVI à la Constitution, et son serment de fidélité le 14 septembre, auront peu de poids face à de supposées trahisons, dont la tentative de fuite constituait un symbole éclatant.

Conséquences

Au-delà même des erreurs d’organisation de cette équipée, l’arrestation du Roi marque véritablement un tournant dans la Révolution. La confiance entre le souverain et son peuple est définitivement rompue et surtout ce départ fait partie des chefs d’accusation développés par la Convention en décembre 1792[5]. Or, il convient de souligner que le Roi ne quittait pas le Royaume mais souhaitait gagner une place-forte à la frontière (le projet de constitution de 1791 lui en laissait le droit). Quinze mois après la fin « tragique » de l’équipée le 21 juin 1791, le roi était déchu de son titre royal avec la proclamation de la République (21 septembre 1792), puis jugé devant la Convention nationale, condamné à mort et guillotiné le 21 janvier 1793, sort partagé ultérieurement par Marie-Antoinette le 16 octobre 1793, et par Madame Élisabeth le 10 mai 1794, sœur du roi, tandis que le jeune dauphin, « Louis XVII », mourait de maladie dans des conditions particulièrement atroces, dans sa prison du Temple le 8 juin 1795. Madame Royale quant à elle survivra et mourra en exil à Frohsdorf en Autriche le 19 octobre 1851.

Cette arrestation d’un roi en fuite suivie de sa décapitation rappelle étrangement ce qui a été connu par l’Angleterre 140 ans plus tôt avec Charles Ier.

D'autre part, la fuite de Louis XVI fut dans tous les esprits lors des débats à l'Assemblée nationale, en 1792, sur le rétablissement des passeports et l'alourdissement des contrôles requis.

Les sources

Plusieurs participants directs ou indirects ont écrit leurs mémoires. On peut citer celles de François Claude de Bouillé, du marquis de Choiseul, qui aidèrent à la fuite et celles du Comte de Moustier, Valory ainsi que celle de la marquise de Tourzel qui participèrent à la fuite les premiers en tant que garde du corps et Mme de Tourzel en tant que baronne de Korff.

Plusieurs historiens, contemporains ou de peu, de l’évènement, ont également relaté ce dernier dont les plus connus restent Charles de Lacretelle et Jules Michelet.

Alexandre Dumas s’est intéressé à la fuite de Varennes lors de l’écriture de son roman La Comtesse de Charny. Il s’est alors abondamment documenté sur le sujet et a refait lui-même le trajet, plus d’un demi-siècle plus tard, reconstituant les lieux, recherchant des témoins visuels et pointant ainsi les imprécisions des historiens. Il relate sa quête dans La Route de Varenne, publié en 1860.

Notes

  1. Hans-Axel de Fersen , Françoise Kermina , Perrin, 1985.
  2. André Castelot, Le rendez-vous de Varennes, 1971, librairie académique Perrin (p.47)
  3. Louis XVIII, Mémoires, 6 vol. in-8°, Mame-Delaunay, 1832 - en ligne sur le site de la BNF : www.gallica.fr
  4. Jean-Chrisosthome comme l'écrit le curé de Sainte-Menehould (Arch. dépt. Marne 2 E 563/6), et tous les actes d'archives. Jean-Paul Barbier Jean-Chrisosthome Guillaume le deuxième homme de Varennes, à paraître dans Études Marnaises de la SACSAM
  5. Louis XVI lui-même fera la remarque à son arrivée à Paris : « Il n’y a plus de roi en France. »

Voir aussi

Filmographie

Bibliographie

  • La route de Varennes d’Alexandre Dumas, Les Mille et une nuits, 2005 (ouvrage de vulgarisation historique);
  • Le drame de Varennes, juin 1791, d'après des documents inédits et les relations des témoins oculaires. Portraits, plans, dessins inédits de Gérardin de G. Lenotre, Librairie Académique Perrin et Cie, 1905 (ouvrage de référence ; grâce à ses découvertes, en 1902, aux archives de la Marne, de la Meuse et archives communales de Châlons, Sainte-Menehould, Clermont, Varennes... et une enquête de plusieurs années, il a pu enrichir ce faits de nombreux détails inconnus);
  • Sur la route de Varennes de Paul et Pierrette Girault de Coursac, La Table Ronde, 1984 ; F. X. de Guibert, 2000, 2007 (véritable étude universitaire, sans contexte la plus documentée) ;
  • Le rendez-vous de Varennes ou les occasions manquées d’André Castelot, Librairie Académique Perrin, 1971 (ouvrage de vulgarisation historique);
  • Le roi s’enfuit - Varennes et l’origine de la Terreur de Timothy Tackett, La Découverte, 2004 (traduction de When the King Took Flight, Harvard University Press, 2003);
  • Varennes: la mort de la royauté de Mona Ozouf, Gallimard, 2005 (paru dans la collection "Les journées qui ont fait la France") ;
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  • fuite — [ fɥit ] n. f. • XIIe; p. p. a. de fuir; lat. fugitus I ♦ (Êtres vivants) 1 ♦ Action de fuir; mouvement de qqn qui fuit. ⇒ échappée, évasion. Une fuite rapide, éperdue, précipitée. La fuite générale d une armée. ⇒ débâcle, débandade, déroute,… …   Encyclopédie Universelle

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