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Figure de la Terre au Moyen Âge
Sommaire
La vision de la Terre au Moyen Âge
La Science antique subissait l'empreinte des croyances philosophiques et religieuses.[réf. nécessaire] Les concepts scientifiques se trouvant à la base de la géodésie ne faisaient guère exception. Toutefois, cette main-mise de la religion fut sans commune mesure avec ce qui se passa après la chute de l'Empire romain d'Occident,[1] qui marque le début du Haut Moyen Âge en Occident. Au cours des siècles qui suivaient, les autorités ecclésiastiques instauraient une censure concernant les idées, nouvelles ou anciennes, éventuellement en conflit avec les Saintes Écritures.[réf. nécessaire] En particulier, si l'idée d'une Terre sphérique ne fut pas totalement oubliée, et ne contredisait pas expressément les textes de la Bible, l'idée d'une Terre plate ou même en forme de tabernacle ne fut pas définitivement rejetée jusqu'à la Renaissance[2]. Ainsi, on constate que la vision que se faisait du monde le navigateur Cosmas Indicopleustes en 548 marque un recul par rapport aux conceptions d'Ératosthène et de Claude Ptolémée. En effet, pour Cosmas la Terre était plate, et il expliquait les levers et couchers des astres par la rotation de ces astres autour d'une haute montagne[3].
L'héritage antique fut conservé, pour des raisons religieuses propres à l'islam[réf. nécessaire], dans le monde musulman, arabe et perso-arabe d'abord, turc et turco-mongol ensuite. Byzance ne conserva que partiellement le patrimoine hérité du passé. Néanmoins, son contact avec le monde de l'islam lui valut de garder un contact avec des idées scientifiques jusqu'à la prise de Constantinople par les Turcs ottomans en 1453.
Travaux arabes et chinois
Les travaux arabes intéressant l'astronomie et la géodésie furent nombreux et variés. Ce sont surtout des savants de la cour du calife de Bagdad qui se sont distingués au début. Ainsi, vers l'an 800, le calife abasside Haroun ar-Rachid (766–809) a pu envoyer à Charlemagne une horloge à poids perfectionnée. Son fils Abdallah al-Mamoun s'érigea en protecteur des arts et des sciences et fit de sa capitale Bagdad le principal centre culturel de l'époque. Il fit acquérir et traduire en arabe de nombreux manuscrits grecs, construire des observatoires astronomiques et reprendre la mesure de la circonférence de la Terre par la méthode d'Eratosthène. Les premières mesures eurent lieu en 814 au nord-ouest de Bagdad, dans la plaine de Mésopotamie. Elles fournissaient une distance de 90 kilomètres par degré de latitude, trop courte d'environ 20%. Pour procéder à ces mesures, deux équipes de géodésiens munis d'astrolabes et de baguettes d'arpentage furent dépêchées, l'une vers le Nord, l'autre vers le Sud, avec mission de déterminer les distances à partir de la base fixe pour lesquelles la hauteur de l'étoile polaire avait changé d'un degré. D'autres mesures furent effectuées selon le même principe vers 827 dans la plaine de Palmyre, entre Damas et l'Euphrate, et fournissaient une valeur équivalente à 119 km par degré de latitude, donc trop élevée d'environ 10%.
L'astronome al-Battani, connu en Occident sous le nom latinisé Albategnius, qui vers l'an 900 se sert couramment de la trigonométrie, donne de bonnes tables astronomiques et publie un traité de géographie fournissant les positions des principales villes de l'époque.
En l'an 1000, l'école arabe d'astronomie brille, grâce à des savants comme Abou Wefa et Ibn Younis qui proposent pour les constantes astronomiques fondamentales des valeurs assez précises : obliquité de l'écliptique, inégalités lunaires, précession des équinoxes, etc. Les observations de ces savants arabes seront utilisées huit siècles plus tard en tant qu'évidence prouvant que l'excentricité de l'orbite terrestre varie. En outre, Ibn Younis mesure le temps à l'aide d'un pendule, six siècles avant que Galilée ne redécouvre la loi des petites oscillations isochrones. Un autre savant arabe, Alhazen, commente l'œuvre de Ptolémée et écrit un traité d'optique dans lequel il parle de verres grossissants. Al Idrissi (Erdisi, v.1100–v.1165) achève en 1154 son livre intitulé « Description complète des villes et des territoires » qu'il écrivit à Palerme pour le compte de Roger II, roi des Deux-Siciles. Il s'agit d'une compilation de travaux concernant la géographie universelle.
Hors du Vieux Monde, on doit citer les observations des Chinois. Ceux-ci étaient depuis plus longtemps arrivés à la conclusion que la Terre était sphérique. Ainsi, en 723 de notre ère, sous la dynastie des Tang, le moine-astronome chinois Yi-Hsing (683–727) emmena une équipe de géodésiens mesurer les ombres projetées par les rayons du Soleil et les hauteurs de l'étoile polaire. Les mesures furent effectuées les jours de solstice et d'équinoxe en treize endroits différents de Chine. Yi-Hsing calcula alors la longueur d'un degré d'un arc de méridien et trouva une valeur équivalente à environ 132,3 km, donc environ 20% trop élevée.
Bas Moyen Âge : travaux en Europe occidentale
Au Haut Moyen Âge, après les invasions barbares mettant fin à l'Empire romain d'Occident (en 476), l'Europe occidentale subissait des siècles de guerres peu propices au progrès des idées scientifiques. Il s'ensuivit une période de stagnation scientifique, qui perdurait même pendant les décennies de paix relative à l'époque de Charlemagne.[réf. nécessaire] Pourtant, dès le XIIe siècle, quelques esprits éclairés, tels Saint Thomas d'Aquin, Abélard et d'autres, commençaient à publier des écrits philosophiques qui seront importants pour l'évolution de la pensée scientifique.[réf. nécessaire] Ensuite, vers la fin du XIIe siècle, la réapparition de l'Europe sur la scène scientifique internationale est amorcée par Jordanus Nemorarius et Léonard de Pise (dit Fibonacci). Le XIIe siècle est une période de retour vers la culture hellénistique, de sorte qu'on peut commencer à parler d'un début de Renaissance.
Pendant le XIIIe siècle, les études de Bacon sur la réfraction ouvrent la voie à l'optique en tant que science. Bacon étudie aussi l'astronomie et la géographie. Il considère les marées océaniques comme le résultat de l'attraction lunaire. Raimundo Lulle (v. 1235–1315), théologien catalan, est alchimiste. Epistolier, il combat les idées toutes faites de son époque par des pétitions de principe. Ainsi, il démontre par l'absurde que l'idée d'antipodes n'est pas inconciliable avec le bon sens. En résumé, son raisonnement est celui-ci : « Si la Terre est bien ronde — ce que nous croyons — et si les Antipodes sont habités, pour les gens des Antipodes c'est nous qui sommes la tête en bas et qui devrions tomber. Or, nous ne tombons pas. Donc, la vie est autant possible aux Antipodes que chez nous. »[réf. nécessaire] En outre, tout comme Bacon, Lulle s'intéressait au phénomène des marées de l'Atlantique. Il raisonna comme suit : « Ce mouvement régulier de va-et-vient de l'océan ne peut s'expliquer que si l'eau, en se retirant, va s'appuyer, en s'y élevant, sur une terre opposée à nos côtes, laquelle nous renvoie l'eau comme dans un bassin ».[réf. nécessaire] Pour Lulle, la Terre est donc bien sphérique et il y a un rivage de l'autre côté de l'Atlantique, que ce soit celui des Indes ou celui d'un continent encore inconnu.
À la même époque, vers 1270, le Vénétien Marco Polo voyage et séjourne en Chine, dont il rapporte en particulier l'usage de la boussole magnétique aux fins d'orientation sur terre et en mer.[réf. nécessaire] Toujours à la même époque, l'astronome chinois Kochéou King dresse un catalogue des positions en latitude et longitude des villes de l'Empire du Milieu. Ces positions seront plus tard confirmées avec un accord de ±20' par des missionnaires jésuites. Kochéou King fait en outre construire un observatoire astronomique, où il accumule des observations pendant soixante ans. Plus tard et un peu plus à l'ouest, Oulough Beg (1394–1449), fils du redouté Tamerlan (Timur Leng, autrement dit Timour le Boîteux, 1336–1405), fait construire l'observatoire de Samarcande et fait calculer sur des observations nouvelles les tables astronomiques qui portent son nom (Tables d'Oulough Beg, vers 1437).
Notes
- ↑ En Europe occidentale, le savoir s'accumulait principalement dans les monastères. La question de la sphéricité de la Terre fut évoquée en Occident par le biais des croisades (et peut-être auparavant : voir Gerbert d'Aurillac).
- ↑ L'image que l'on se faisait de la Terre au Moyen Âge correspond à ce qu'on appelle la représentation TO.
- ↑ S'il est vrai que les idées astronomiques et géodésiques de Cosmas représentent un bond en arrière de plusieurs siècles, il convient de signaler qu'il fit des observations intéressantes concernant la faune et la flore des régions qu'il traversait.
Voir aussi
Articles connexes
- Géodésie
- Figure de la Terre
- Figure de la Terre dans l'Antiquité,
- Figure de la Terre au Moyen Âge,
- Figure de la Terre à la Renaissance,
- Figure de la Terre et gravitation universelle,
- Modèle ellipsoïdal de la Terre,
- Figure de la Terre et les expéditions de Laponie et du Pérou,
- Sphéroïde de Clairaut,
- Masse de la Terre,
- Figure de la Terre et méridienne de Delambre et Méchain,
- Figure de la Terre et histoire du mètre,
- De l'ellipsoïde au géoïde.
- Géoïde
- Mappemondes anciennes
- Renaissance (période historique)
- Civilisation arabo-musulmane
- Moyen Âge
Bibliographie
- Maurice Daumas (éditeur), Histoire de la Science, Encyclopédie de la Pléiade, Librairie Gallimard, Paris, 1957.
- Vincent Deparis et Hilaire Legros, Voyage à l'intérieur de la Terre : de la géographie antique à la géophysique moderne, CNRS éditions, Paris, 2000.
- René Dugas, Histoire de la Mécanique, Éditions du Griffon, Neuchatel & Éditions Dunod, Paris, 1950.
- Bernard Quilliet, La tradition humaniste, Fayard, Paris, 2002.
- Roshdi Rashed (éditeur), Histoire des sciences arabes (3 volumes), Éditions du Seuil, Paris. ISBN 2-02-030355-8
- Michel Serres (éditeur), Éléments d'Histoire des Sciences, Bordas, Paris, 1989. ISBN 2-04-018467-8
- René Taton (éditeur), Histoire générale des sciences (4 volumes), Quadrige/Presses Universitaires de France, Paris, 1994. ISBN 2-13-047157-9
- Pierre Thuillier, D'Archimède à Einstein (Les faces cachées de l'invention scientifique), Fayard, Paris, 1988. ISBN 2-213-02158-9
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