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Raymond Lulle
Raymond Lulle (Ramon Llull en catalan) (~ 1232 à Palma de Majorque — mort en 1316) est un philosophe, mystique et apologiste chrétien, poète et romancier majorquin.
Bien que lui-même méprisait l'alchimie, un vaste corpus de textes alchimiques furent écrits sous son nom à partir du XIVe siècle.
Sommaire
Biographie
Une jeunesse profane
Il naît dans une famille de la noblesse catalane, trois ans après la conquête de Majorque par Jacques Ier d'Aragon, dont très jeune, il devient page, et avec qui il est initié aux arts de la guerre. Les musulmans qui n'avaient pas fui avaient été réduits pour la plupart en esclavage, mais constituaient encore un tiers de la population. Plus tard, il deviendra précepteur du fils du Roi, l'infant Jacques, futur roi de Majorque dont il fut le sénéchal. Son éducation et son esprit sont alors entièrement voués à la chevalerie. À la cour du roi, à Perpignan, il composa le Llibre de la cavalleria, traité des devoirs du parfait chevalier.
Conversion
Vers 1267, Raymond affirme avoir eu une suite de 5 visions du Christ, : « Lorsqu'il était sénéchal de la table du roi de Majorque, Raymond, jeune encore, se consacrait à composer de vaines chansons et des vers et autres vanités mondaines. Une nuit, il était assis près de son lit en train de composer et d'écrire en sa langue vulgaire une chanson pour une dame, qu'il aimait alors d'un amour insensé. Lorsqu'il commença de l'écrire [...], il vit le Seigneur Jésus-Christ. » (Vie de Raymond). Il renonce alors à la vie de cour et de poète-troubadour et à sa famille.
Une légende[réf. souhaitée] raconte ainsi la cause de la conversion de Raymond : amoureux d'une femme qui se refusait à lui, Raymond la poursuit à cheval jusque dans une église de Majorque ; afin de le dissuader de l'aimer, cette malheureuse découvrit sa poitrine pour lui offrir le spectacle d'un sein rongé par le cancer.
Il écrit alors son monumental Livre de contemplation de Dieu (1273-1274), d'abord en arabe, puis en latin et en catalan, et conçoit son système de pensée : l’Art, sous une première phase dans l’Ars compendiosa inveniendem veritatem (1274) et l’Art demostrativa' (1283). .En 1276, financé par le roi Jacques II de Majorque, il fonde , une école de missionnaires franciscains à Miramar.
Une Seconde phase de l’Art sera décrite dans l’Ars inventiva l’Art amativa (1290), la Taula general (1294), l’'Ars generalis ultima (1305-1308). Il en présentera une version abrégée dans l’Ars brevis (1308)
Études, philosophie et prosélytisme
Il étudie à l'université de Montpellier, ville qui appartenait alors au royaume de Majorque. Son éventuel séjour à l'Université de Paris est soumis à débat entre historiens. On sait que Raymond de Penyafort le lui déconseilla fortement.
Dans une ambiance contraignante de Guerre sainte et d'Inquisition, et après sa conversion, la grande originalité de Raymond Lulle est d'avoir confronté, de façon ouverte et respectueuse, la foi des trois religions monothéistes Christianisme, Judaïsme et Islam, suivant un argumentaire raisonné et méthodique, en laissant de côté le principe d'autorité. Dans son livre de 1271, Le Livre du Gentil et des trois Sages, il prône même la recherche d'un syncrétisme des trois religions, idée qu'il abandonne ensuite en 1290 dans son ouvrage Felix ou Livre des Merveilles, au profit d'une préférence qu'il donne à la foi chrétienne, à cause du dogme de l'Incarnation.
Le prosélytisme de Raymond était tel que, parlant couramment l'arabe, il n'hésita pas à plusieurs reprises à passer de l'autre côté de la Méditerranée pour tenter de convertir les musulmans. En 1307, il a participé aux fameuses « disputes » du philosophe Catalan contre les Oulémas de l'université de Béjaïa en Algérie. C'est d'ailleurs aussi à cela que son œuvre majeure, Ars Magna, sera vouée : il s'agit, par le jeu des combinaisons de toutes les propositions possibles, de pouvoir à coup sûr réfuter les arguments des « infidèles » et, par la force de la seule raison triomphante, de les convertir. « Cet Art a pour finalité de répondre à toute question [...] ». L'« Art bref » de Lulle doit aussi bien s'exprimer dans l'art de convaincre un adversaire, que dans le maniement des armes. Lulle préconise ainsi la création d'un ordre monastique et militaire composé de chevaliers du Christ.
Le « Docteur illuminé », fut attaqué par des habitants musulmans. Ils l’abandonnèrent comme mort, sur la place publique[citation nécessaire]. Mais il fut recueilli par des marins génois qui le reconduisirent à Majorque. Il y mourut, soit à bord du bateau qui le transportait, soit une fois arrivé à terre le 30 juin (?) 1315.
Les écrits de Lulle, fortement critiqués par l'Église après sa mort (Grégoire XI, en 1376, condamna son mélange détonnant à l'époque : celui de la foi et de la raison), ne furent considérés favorablement par la Papauté qu'en 1419, par le Pape Martin V. Il écrivit son œuvre en catalan, latin et arabe. Il est d'ailleurs le fondateur de la littérature catalane et par ses écrits en catalan il fut le premier auteur européen à utiliser une langue dite vulgaire (ni grec, ni latin) à des fins philosophiques[citation nécessaire].
Héritage et postérité
Un philosophe espagnol des années 1500, Jerónimo de Carranza, sera le fondateur d'une philosophie des armes et d'une méthode d'escrime dans la droite ligne de la pensée lullienne.
Le jugement de Descartes selon qui l'Art de Lulle sert plus « à parler, sans jugement, [de choses] qu'on ignore, qu'à les apprendre [...]» (Discours de la méthode), a nui à la réputation de Raymond Lulle. Pourtant, Jean-Jacques Rousseau porte un jugement semblable : il parle de « l'art de Raymond Lulle pour apprendre à babiller de ce qu'on ne sait point » (Émile ou De l'éducation, livre V).
Il serait aujourd'hui considéré comme un précurseur de la logique combinatoire, voire de l'idée d'Intelligence artificielle[citation nécessaire], à ceci près qu'il comptait utiliser la logique déductive et non la logique inductive pour conduire des « raisonnements automatiques » au moyen de roues pivotantes. C'est à lui que l'on doit le sentiment de l'accession de la langue catalane au rang de langue de pensée et littéraire distincte de l'occitan. Lulle est surtout un philosophe de l'action.
L'idée de la « machine à raisonner » de Lulle fut un premier pas vers la logique de l'informatique. Le paradoxe de la chambre chinoise de John Searle constitue un paradoxe inspiré de cette « pensée assistée » souhaitée par Lulle[réf. nécessaire].
Les Pseudo-Lulle
A partir du XIV° siècle de nombreux écrits alchimiques apparaissent sous le nom de Lulle.
Selon Robert Halleux, « dans ses œuvres authentiques, Lulle ne cesse de condamner l'alchimie, dans son autobiographie il ne mentionne aucun livre d'alchimie [venant de lui]. Une bonne partie du corpus [alchimique attribué faussement à Lulle] consiste en résumés, remaniements, suppléments agglutinés autour d'un noyau ancien (début du XVe s.) qui comprend le Testament avec son Codicille, le Secretis naturae seu de quinta essentia, le Lapidaire. Ces ouvrages se citent les uns les autres, traitent souvent de matières apparentées et appliquent les méthodes logico-mathématiques de l'art lullien, avec des arbres, des lettres, des figures, etc. » [1] Le plus ancien traité pseudo-lullien d'alchimie est le Testament (Testamentum)[2], daté de 1332 ; ce texte avance une notion nouvelle, celle de « médecine universelle », tant pour les pierres (transmutation) que pour la santé des hommes. Le De secretis naturæ seu de quinta essentia n’est autre qu’une version du De consideratione quintæ essentiæ de Johannes de Rupescissa (vers 1351-1352), colorée de la pensée du Pseudo-Lulle. Considéré par Michela Pereira[3] comme 'l’œuvre centrale du corpus alchimique pseudo-lullien', le De secretis naturæ juxtapose l’alchimie du Testamentum et les techniques de Rupescissa orientées vers la production de quintessences (notamment celle du vin) régulant et réparant les désordres des qualités élémentaires au sein du corps humain.
- ↑ Robert Halleux, Les textes alchimiques, Turnout, Brepols, 1979, p. 107-108.
- ↑ Le Testament du Pseudo-Raymond Lulle, trad. Hans van Kasteel, Grez-Doiceau, Editions Beya, 2006. Introduction par Didier Kahn).
- ↑ Pereira Michela, The Alchemical Corpus attributed to Raymond Lull, Londres, The Warburg Institute, 1989.
Bibliographie
Œuvres de Raymond Lulle
Parmi plus de quatre cents ouvrages [1] :
- Le Livre du Gentil et des trois Sages (trad. éditée en 1992 par les Éditions de l'Éclat)
- L'arbre de la Philosophie d'Amour
- Le livre de l'Ami et de l'Aimé (traduit du catalan et préfacé par P. Gifreu, La Différence, Paris, 1989)
- Le Livre des bêtes (traduit du catalan et préfacé par P. Gifreu, La Différence, Paris, 2002)
- Le Livre de l'ordre de chevalerie (traduit du catalan et préfacé par P. Gifreu, La Différence, Paris,1991)
- Grand Art (Ars Magna)
- Félix ou le Livre des merveilles (traduit du catalan et préfacé par P. Gifreu, - éditions du Rocher, Monaco 2000)
- Blaquerne (traduit du catalan par P. Gifreu, - éditions du Rocher, Monaco, 2007)
- Le Livre des mille proverbes (traduit du catalan et préfacé par P. Gifreu, Éditions de la Merci, Perpignan, 2009 editions.lamerci@orange.fr)
Pseudo-Lulle
- De secretis nature, seu de quinta essentia. Alchimie.
- Testament (1332) et Codicille. Alchimie. Le testament du Pseudo-Lulle, Grez Doiceau (Belgique), Éditions Beya, 2005.
- La Clavicule - la Lumière des Mercures. Alchimie.
Études sur Raymond Lulle
- Raymond Lulle et le pays d'Oc, Cahiers de Fanjeaux no 22 (1987, réédité en 1995), Privat, Toulouse (ISBN 270893421X)
- Dominique Urvoy, Penser l'Islam. Les présupposés islamiques de l'Art de Lulle, Paris, Vrin, 1980.
- Armand Llinares, Raymond Lulle, philosophe de l’action, Paris, 1963.
- Pereira Michela, "The Alchemical Corpus attributed to Raymond Lull", Londres, The Warburg Institute, 1989.
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- Centre de Documentació Ramon Llull de l'université de Barcelone
- Ars brevis
- Ramon Llull DataBase
- Cinq Traités d'Alchimie
- Ouvrages de Lulle numérisés par le SICD des universités de Strasbourg
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