- Agricol Perdiguier
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Agricol Perdiguier Agricol PerdiguierParlementaire français Date de naissance 1805 à Morières-lès-Avignon Date de décès 1875 à Paris Mandat Député à l'Assemblée Constituante de 1848
Député à l'Assemblée législativeDébut du mandat 1848 Circonscription Paris IIe République IIIe république modifier Agricol Perdiguier, né le 3 décembre 1805 à Morières-lès-Avignon, à 7 km d'Avignon (Vaucluse), mort le 26 mars 1875, était un menuisier, Compagnon du tour de France, un écrivain et un député français. Il était également connu comme l'Avignonnais la Vertu, son nom de compagnon.
Sommaire
Biographie
Enfance
Agricol Perdiguier naquit l’année d’Austerlitz et de Trafalgar. Si la gloire et les déboires de Napoléon n’eurent que peu d’influence sur sa vie, son enfance fut marquée tragiquement par la Restauration[1].
En 1815, son père, Pierre, ex capitaine des armées de la République, condamné à mort, dut s’exiler en toute hâte ; sa mère, Catherine Gounin[2] « la femme la plus extraordinaire par sa bonté » après avoir été molestée faillit être jetée en prison, et lui-même, âgé de dix ans, fut traité de bonapartiste, républicain et petit brigand avant d’être « frappé violemment et traîné sur le pavé et dans les ruisseaux par des hommes vigoureux et par des femmes en furie »[1].
Un quart de siècle plus tard, il n’avait pu oublier et cita nommément ses tortionnaires, les sieurs Pointu, Magnan, Nadaut et Sibaut, « qu’on disait payés par de mauvais prêtres, [et qui] jouèrent aux revenants, courant les rues la nuit, vêtus de blanc ou de noir ou de rouge, traînant des chaînes, agitant des sonnettes, des grelots, frappant à certaines portes, parlant au nom de certaines âmes, et demandant des prières, des messes pour les trépassés, voire la restitution des lieux qui avaient jadis appartenu aux nobles, surtout aux couvents et aux églises »[1].
Cinquième enfant d'une famille qui en compta sept (trois garçons et quatre filles), il voulut suivre les traces de son père, ses deux frères aînés, Simon et François, préférant cultiver les terres. À l'issue d'un parcours scolaire très sommaire, trois années qui lui permirent d'apprendre à lire, écrire et compter[2], et d'un apprentissage de deux ans dans l'atelier paternel[3], il entra chez les Compagnons d’Avignon en 1823 pour apprendre le dessin technique (l'art du trait)[1]. Il participa à la restauration des menuiseries de Notre-Dame des Doms. La sacristie conserve toujours un chappier[4] entièrement fait par lui[3].
En 1823, il devint affilié chez les « Compagnons du Devoir de la Liberté ». Ce qui lui permit de commencer son premier Tour de France qui débuta le 26 avril 1824. Il allait durer cinquante deux mois[3]. Celui-ci le mena de Marseille à Nîmes, puis à Montpellier – où il fut fait compagnon reçu sous le nom d'Avignonnais la Vertu – de Béziers à Bordeaux, puis de Nantes à Chartres où il devint compagnon fini[1].
Compagnon du Tour de France et écrivain
De Paris, il s'en fut à Lyon, où il fut placé à la tête de sa « Société » comme premier compagnon puis dignitaire. Ce fut dans ces villes qu'il découvrit le combat fratricide des différentes sociétés de compagnonnage, qui était le reflet des conflits de société de cette époque[1]. Il put enfin revenir à Morières le 24 août 1828. Perdiguier repartit l'année suivante vers la capitale puis Nogent-le-Roi où il séjourna jusqu'en 1833. De là, il retourna à Paris où il épousa Lise, couturière de son état, en 1836[3]. Ils s'installèrent au 104 de la rue du Faubourg Saint-Antoine, et là Avignonnais la Vertu prit conscience de l’inutilité des conflits entre compagnons de différents devoirs[1]. Pour faire passer ses idées sur « l'indispensable réunification », il composa nombre de chansons qu'il réunit en cahiers et fit distribuer gratuitement à travers la France[3].
Il compléta son éducation, lisant les poètes ou le théâtre de Voltaire. Puis il publia son célèbre Livre du Compagnonnage en 1839, le premier écrit sur les compagnons et par un compagnon, qui attira l'attention d'intellectuels comme Eugène Sue et George Sand. Paru à compte d'auteur, cet ouvrage, tout en décrivant les différents Devoirs Compagnonniques dénonçait leur manque de fraternité. Il y proposait de moderniser les structures, de développer son rôle de société de Secours Mutuel et de Formation Professionnelle[5].
Il entretint dès lors une correspondance suivie avec Victor Hugo, Lamartine et d'autres écrivains et hommes politiques. Si ce livre le rendit célèbre, il excita la jalousie. La même année, le 31 mars, il dut accepter le défi de Bayonnais le Flambeau du Trait, un provocateur, pour un concours de trait – la partie de la géométrie descriptive s’appliquant à la coupe du bois – et en sortit vainqueur haut la main. Un succès qui l’encouragea à poursuivre dans la voie de l’enseignement des techniques auprès de ses jeunes compagnons sans se soucier de leur appartenance[1].
Il publia ensuite d'autres ouvrages, et devint l'ardent ouvrier de la réconciliation entre les différentes sociétés de compagnonnage. Pour lui, tout passait par l'éducation et la lecture. Aussi, il ne faut point s’étonner qu’en 1846, Perdiguier, dans sa Biographie et réflexions diverses, expliqua à ses pays du Tour de France :
« Livrez-vous à toute étude qui puisse vous éclairer et vous inspirer l’amour de vos frères. De simples individus se procurent, en souscrivant, des collections de livres. À leur exemple, souscrivez aussi, mais en faveur de l’Association : formez-lui sa bibliothèque et que cette bibliothèque renferme des Vignoles, des traités de Géométrie, un Dictionnaire de la langue que nous parlons, un Dictionnaire de géographie, une Histoire de France, un abrégé de l’Histoire Universelle, nos Auteurs dramatiques les plus en renom, les Poèmes anciens et modernes, parce que le peuple aime la poésie… Concevez combien une telle bibliothèque serait favorable à tous. Elle offrirait à votre esprit un nouvel aliment et de nouvelles distractions ; vous deviendrez savants, et quand vous retournerez dans vos pays, vos compatriotes diraient de chacun de vous : Voilà un homme auquel le Tour de France n’a pas été inutile[1]!. »
Malade des yeux, blessé à la main, il dut abandonner l'établi[3] et se consacra désormais à l'enseignement du trait[6]. Passionné par le livre et par l'écriture, il ouvrit à Paris, dans le Faubourg Saint-Antoine, une librairie où il donna ses cours. Ce magasin fut fréquenté par Gambetta et Jules Ferry et d'autres acteurs sociaux de l'époque. Ce travailleur autodidacte qui aimait lire, connaissait et citait, parmi les Anciens, Socrate, Platon, Aristote et… Machiavel, et admirait chez les Modernes aussi bien Chateaubriand que Victor Hugo, Eugène Sue que George Sand[1].
La Dame de Nohant et le compagnon
Ce fut le philosophe Pierre Leroux qui envoya à George Sand un exemplaire du Livre du Compagonnage. La Dame de Nohant, déjà acquise au « socialisme humanitaire » fut conquise par les idées du compagnon et l'invita chez elle à Paris[5].
Grâce à lui, elle découvrit les pratiques du compagnonnage, et il lui fit part de sa fierté pour ses pays qui étaient devenus prosateurs à l’exemple du serrurier Pierre Moreau et de son ami Adolphe Boyer, l’imprimeur. Avignonnais la Vertu, quant à lui, s’était intégré, dès le début de sa carrière, dans le mouvement des chansonniers « qui ne chantait plus la bataille mais la paix et l’harmonie » entre compagnons et nous rappelle l’importance qu’eurent alors dans les Sociétés : Nantais Prêt à Bien Faire, Bourguignon la Fidélité, Vendôme la Clef des Cœurs, Bien Décidé le Briard, Parisien Bien Aimé et Guépin l’Aimable. Mais ce fut surtout l’œuvre des poètes-ouvriers qui força l’admiration d’Agricol Perdiguier[1]. Il lança à la façon d’un manifeste :
« Que les poètes aux mains calleuses surgissent de toutes part et le dédain sera vaincu. Ces poètes, ce sont le boulanger Reboul, les menuisiers Durand et Rolly, les imprimeurs Hégésippe Moreau, Lachambaudie et Voitelin, le tisserand Magu, le potier d’étain Beuzeville, l’imprimeur sur indiennes Lebreton, le cordonnier Lapointe, le fabricant de mesures linéaires Vinçard, le maçon Poncy, le vidangeur Ponty, le serrurier Gilland, la couturière Marie Carré de Dijon, le perruquier Jasmin, et tant d’autres… Tous ces poètes ne chantent pas comme chantaient jadis l’abbé Dulaurent, l’abbé de Chaulieu, l’abbé de Bernis, l’abbé de Brécourt, le vin et la prostitution ; non, ce qui les inspire, c’est l’amour du travail et des hommes[1]. »
George Sand prit alors l'initiative d'aider Perdiguier en organisant un Tour de France publicitaire qu'il fit en diligence du 16 juillet au 20 septembre 1840 et qui lui permit de vendre 500 exemplaires de ses livres. Quant à elle, elle en profita pour écrire et éditer Le Compagnon du Tour de France dont le personnage principal Pierre Huguenin, n'était autre qu'Agricol Perdiguier[5]. Quant à Eugène Sue, dans Le Juif errant, son personnage d'Agricol Baudoin ressemblait fort à Avignonnais la Vertu[6].
Ces événements accélérèrent la reconnaissance du Compagnonnage et aidèrent les Devoirans à se sentir responsables d'un nouveau modèle social. Des idées qui se retrouvèrent au cœur de la révolution de 1848. Chacun suivit alors son chemin, pour elle il fut berrichon, pour le compagnon politique. En 1855, la romancière écrivit un second livre en souvenir de leurs espoirs commun. Ce fut La Ville Noire. Elle y décrivit les luttes du compagnon-écrivain, le devenir du Compagnonnage et le rôle des femmes dans la transformation sociale[5]. Puis de Nohant, elle lui écrivit le 25 décembre 1857 :
« Croyez bien que mon cœur vous est resté fidèle et sincèrement attaché[1]. »
Républicain engagé et franc-maçon
Très actif durant la révolution de 1830, il se retrouva même coude à coude avec son compatriote Eugène Raspail, qui dirigeait la « Société des Amis du Peuple », pour faire le coup de feu au cours de l'insurrection provoquée par les incidents du 5 juin 1832, lors des funérailles du général républicain Lamarque[6].
Républicain de conviction, il prit position pour la laïcité de l'enseignement. La fraternité, l'entraide mutuelle et l'accès à l'instruction furent les moteurs de son action qui se déplaça sur un terrain plus politique. Il est initié à la franc-maçonnerie le 17 mars 1846, dans la loge parisienne « Les hospitaliers de la Palestine » du Suprême Conseil de France[7].
Défenseur de ses camarades ouvriers charpentiers lors de la grève de 1845, combattant inlassablement la présence du « troisième ordre » (caste aristocratique et patronale) dans le compagnonnage, il voulut aller plus loin. Conscient que la défense des travailleurs nécessitait une action politique, il répondit à l’appel que lança le Carpentrassien François-Vincent Raspail le 24 février 1848 lorsqu’il proclama la République à l’Hôtel de Ville de Paris[1].
Le gouvernement Ledru-Rollin ayant organisé les élections pour l'Assemblée constituante le 23 avril, Perdiguier se présenta à la députation. Avec l'appui de Béranger, de Lamartine et de George Sand, il fut élu dans la Seine et dans le Vaucluse. Il était arrivé 29e sur 34 avec 117 290 voix sur 267 888 votants et 399 391 inscrits, en Île-de-France, et en Provence, 5e sur 6 avec 22 056 voix sur 59 634 votants. Il choisit la Seine, laissant sa place de député vauclusien à Alphonse Gent et siégea sur les bancs de la Montagne[1].
Réélu comme représentant du peuple à l'Assemblée législative, le 13 mai 1849, en se plaçant 27e sur 28 avec 107 838 voix sur 281 140 votants et 378 043 inscrits, il siégea à la gauche du parlement. Son opposition au coup d'État du 2 décembre 1851 de Napoléon III valut à ce fervent républicain un exil politique en Belgique, il est interné à Anvers. Il s'enfuit en Allemagne puis rejoignit Genève où il reprit son métier de menuisier et ses cours de dessin. Là, sous le pseudonyme de Rolland, il put correspondre avec d'autres proscrits dont Victor Hugo[6] et écrivit Mémoires d’un Compagnon en 1854[1].
Au bout de quatre ans, il put quitter la Suisse, rejoindre sa famille qui était restée à Paris et ouvrir une librairie rue Traversière, près de la Gare de Lyon[6]. Pour améliorer l'ordinaire son épouse et ses deux filles ouvrirent dans l'arrière-boutique un débit à vins qui devint rapidement le lieu privilégié de rencontre des compagnons de la capitale[8].
En novembre 1861, poursuivant son action en faveur du regroupement des compagnonnages, il en réunit un grand nombre dans un banquet à Vaugirard. Puis, en 1863, il entreprit son dernier Tour de France[5]. Lors de celui-ci, il reçut de partout le plus chaleureux des accueils[8].
Après la proclamation de la République le 4 septembre 1870, il fut nommé maire-adjoint du XIIe arrondissement de Paris, fonction qu'il occupa pendant le siège de la capitale. En tant qu'adjoint, il présida à l'élection des chefs de sections d'un grand nombre de compagnies de Gardes Nationaux. Puis tenta d'organiser dans son secteur la défense de la capitale pour pallier un peu à la tactique immobiliste du gouvernement[8].
Atteint de bronchite chronique, il dut pourtant démissionner de ses fonctions. il reprit son combat par la plume préconisant le suffrage universel, l'abolition de la peine de mort, la liberté de la presse et la suppression du budget des cultes. Sentant ses forces décliner, pour apurer ses dettes, il vendit son commerce parisien et ses quelques biens de Morières. une congestion cérébrale l'emporta[8].
Il décéda à Paris, totalement démuni, le 25 mars 1875 mais en laissant la mémoire d’un homme qui n'avait jamais cessé un instant de marcher vers le but qu’il s’était fixé : le bonheur et le bien-être des travailleurs[1]. Selon ses désirs, il eut droit à des funérailles civiles. Une foule énorme l'accompagna au Cimetière du Père-Lachaise. Sa tombe, sur laquelle ses amis firent élever une ruche, symbole du travail, fait toujours l'objet de fréquentes commémorations de Compagnons de tous rites[8].
Proudhon le désigna comme « le Saint Vincent de Paul du compagnonnage » et Daniel Halévy le désigna comme le « premier syndicaliste »[9].
Œuvres
- Chansons
- Le départ des compagnons
- Adieu au pays
- Les voyageurs (chanson du Tour de France)[3]
- Salomon (fondateur des Compagnons du Devoir de Liberté)[3]
- Le Compagnon content de peu
- Poèmes
- La rencontre de deux frères
- Ouvrages techniques
- Dialogue sur l'architecture
- Raisonnement sur le trait
- Ouvrages sur le Compagnonnage
- Notice sur le Compagnonnage
- Le Livre du Compagnonnage 1838
- Biographie de l'auteur du livre du compagnonnage et réflexions diverses ou complément de l'histoire d'une scission dans le compagnonnage 1846
- Mémoire d'un Compagnon
- Maître Adam, menuisier à Nevers 1863
- Question vitale sur le Compagnonnage et la classe ouvrière 1863
- Le Compagnonnage illustré (avec quatre lithographies sur la réconciliation des Compagnons)
- Histoire
- Histoire démocratique des peuples anciens et modernes en douze volumes (sept seulement paraissent entre 1849 et 1851)[6]
- Théâtre
- Les Gavots et les Devoirans
- Politique
- Despotisme et Liberté
- peuple de France reste debout
- Allemands, daignez réfléchir
- Comment constituer la République 1871 (recueil d'articles parus dans Le National, pendant le siège de la Commune de Paris)
- Patriotisme et modération
- Conseil d'un ami aux républicains
- La vérité sur le pape et les prêtres
- Que devient, que deviendra la France (sa dernière publication datée de 1874)[8]
Bibliographie
- Jean Briquet:
- Agricol Perdiguier, compagnon du tour de France et représentant du peuple: 1805-1875, Librairie M. Rivière, 1955, 468 pages
- Agricol Perdiguier compagnon du Tour de France et représentant du peuple 1805-1875: compagnon du Tour de France et représentant du peuple, 1805-1875 : avec des lettres choisies d'Agricol Perdiguier, de sa femme Lise et de George Sand, Éditions de la Butte aux Cailles, 1981, 593 pages (ISBN 978-2-902928-09-5)
- Jean-Pierre Saltarelli, Agricol Perdiguier (1805 –1875), dit Avignonnais la Vertu, compagnon menuisier et écrivain, programme de la Société Littéraire de Sorgues pour le 175e anniversaire de sa mort, Sorgues, 2005.
- Marc Maynègre, Agricol Perdiguier, Avignonnais la Vertu (1805-1875), Journal de la Société Littéraire, Délégation de Vaucluse, n° 18, novembre 2006.
- Philippe Guillot, Georges Sand et Agricol Perdiguier, Au fil de la Sorgue Bleue, Avignon, n° 14, janvier-mars 2009
Source partielle
- Adolphe Robert, Gaston Cougny (dir.), Dictionnaire des Parlementaires français de 1789 à 1889, Paris, Bourloton, 1889, tome IV, pp. 580 et 581
Notes et références
- Jean-Pierre Saltarelli, op. cit., p. 5.
- Marc Maynègre, op. cit., p. 9.
- Marc Maynègre, op. cit., p. 10.
- Le chappier est une armoire à chasuble.
- Philippe Guillot, op. cit., p. 6.
- Marc Maynègre, op. cit., p. 11.
- Journal de la Grande Loge de France, n° 66, avril 2006, p. 8.
- Marc Maynègre, op. cit., p. 12.
- Ragon Michel, « Histoire de la littérature prolétarienne de langue française. » éditions Albin Michel, 1974. p.98
Voir aussi
Liens internes
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Liens externes
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