Ferdinand Tonnies

Ferdinand Tonnies

Ferdinand Tönnies

Ferdinand Tönnies
Ferdinand Tönniesà Husum, état de Schleswig-Holstein,
Ferdinand Tönnies
à Husum, état de Schleswig-Holstein,

Naissance 26 juillet 1855
Décès 9 avril 1936 (à 81 ans)
Nationalité Allemagne Allemagne

Ferdinand Tönnies, le 26 juillet 1855 et mort 9 avril 1936, est un sociologue et philosophe allemand.

Il est l'auteur de l'ouvrage "Communauté et Société". Cet ouvrage connut peu de succès lors de sa première parution en 1887, il fallut attendre sa réédition en 1912 pour qu'il obtienne un certain succès. Tönnies fut également (1909-33) président de la Société allemande de sociologie, dont faisaient partie Simmel et Weber.

Sommaire

Sa Sociologie

Dans sa sociologie, Tönnies utilise l'approche psychologique à travers les notions de volonté organique (Wesenwille) et celle de volonté réfléchie (Kürwille) pour expliquer le passage de l'individu de la communauté (Gemeinschaft) vers la société (Gesellschaft). Pour lui, la volonté organique est à l'origine de la forme de vie sociale communautaire. Elle est une spécificité du comportement des individus vivant en communauté, caractérisée par l'attachement, l'affection qu'a l'individu, envers sa famille (lien de sang), son village et ceux qui y habitent (lien d'amitié) et les pratiques coutumières et religieuses y existant. La forme sociale sociétale est, quant à elle, le produit de la volonté réfléchie, cest-à-dire qu'elle est issue de la pensée humaine. A contrario de la morale communautaire ciment de la communauté, la pensée est diverse. Chaque individu a sa pensée. Chaque individu rentre donc en concurrence notamment sociale et économique avec autrui. De ce fait, on assiste à un développement de l'individualisme. Pour Tönnies, le progrès de l'urbanisme- fait évoluer la communauté vers la société et il pense que l'entreprise commerciale, caractérisant la société de son époque et qui est le motif de la recherche de profit individuel, va entraîner la société à sa perte.

Tönnies mit en valeur le processus historique qui a conduit au passage de lunion en Gemeinschaft (communautés familiales), aux associations en Gemeinschaft (corporations, compagnonnages, églises), puis aux associations en Gesellschaft (sociétés individualistes), et aboutit en union en Gesellschaft (sociétés tendant de recréer une 'pseudo' Gemeinschaft, par le biais de mesure de redistribution, comme lassurance chômage par exemple). Mais la dichotomie de lacommunautéet de lasociétéchez Tönnies est plus quun simple processus historique: ces deux éléments sont in fine considérés comme des états influants et non plus comme des variables. Tönnies est donc à l'origine de l'utilisation typologique des notions de Gemeinschaft et Gesellschaft: il a en effet créé à partir de ces deux éléments des classes formelles homogènes dans le but de faciliter la classification et lanalyse de phénomènes sociologiques plus complexes.

Apports Epistémologiques

Tönnies et Simmel sont considérés comme les pères la sociologie formelle (études pratiques, aux niveaux de lindividu et des interactions). Lapport de Tönnies à la sociologie formelle apparaît à première vue moins évident que Simmel car cette contribution, en étant essentiellement dordre conceptuelle ou épistémologique, parait moins frappante de part le caractère pratique de la sociologie formelle. Daprès Ronald Fletcher[1], Tönnies reconnaissait bien trois niveaux à la sociologie du plus concret au plus abstrait : la sociographie (collection des données et méthodes détude sur le terrain), létude empirique de problèmes particuliers et lanalyse théorique (la construction et clarification de théories, et conceptualisation de ces théories sous un angle actuel). Son affinité avec le niveau le plus abstrait, ne signifiait par quil jugeait ce dernier plus important, il sagissait bien dun choix, dune attirance toute personnelle.

Son essai sur la coutume parut dans le recueil Custom, An essay on social codes (ou lont retrouve Simmel et Sombart) en est une des illustrations: il y incorpore certains éléments de lanalyse psychologique et se détourne de labstraction, i.e. de lanalyse théorique. Tout comme Simmel, Tönnies ne voyait pas la société comme ayant une conscience propre, mais bien comme une interrelation dêtres humains. Lindividu nest pas un organisme répondant à des impulsions organiques ou une personnalité conditionnée. Lindividu est plutôt de nature consciente, délibérante, impliquée dans la création de son propre caractère.

Influence de Tönnies

En étant à lécoute de la destruction du lien social lié à la montée lindividualisme, Tönnies se positionnait en rupture avec les auteurs du XVII et XVIIIième siècles appliqués à mettre en valeur létat, le droit administratif, le commerce et lindustrie. En replaçant la problématique de la communauté au centre la scène des sciences humaines, les travaux de Tönnies ont eu en effet un impact important sur les discussions et théories sociologiques qui ont vu le jour à partir de la fin du XIXe siècle.

Chez Weber

On retrouve la typologie de Tönnies chez Weber, par exemple dans son étude sur la situation agricole en Allemagne orientale [1], bien que ce dernier préférait lutilisation de termes différents à savoir communalisation (Vergemeinschaftung) et sociation (Vergesellschaftung), termes introduisant la nuances que les concepts de société et communauté relevent plus d'interactions entre individus plutôt que de structures sociales figés. Mais au final le vocabulaire employé restent lexpression de lidée de Tönnies, à limage de la division entre culture (relation affective, spirituelle) et civilisation (relation rationnelle, scientifique, intelligente), entre autorité traditionnelle et rationnelle. De même le déclin de lHistoire est pour lui à mettre sur le compte de la rationalisation, représentation qui rejoint également celle de Tönnies. Finalement, on peut estimer que Max Weber a participé à enrichir la typologie initiale en y ajoutant par exemple le concept douverture : dans son étude comparée des structures et comportements urbains, il montre que les communautés ouvertes (i.e. dont ladhésion nest pas liées à la parentéexemple: églises en opposition à la famille), en permettant larrivé détrangers ont participé dès lépoque féodale à la montée de lindividualisme et donc du capitalisme et de la rationalité laïque.

Une autre notion marquante est également attribuée à Max Weber, même si on retrouve cette notion en filigrane dans lœuvre de Tönnies : celle de lexistence dun pont entre les deux catégories, mettant en valeur le fait quune sociation qui dure fait établir des valeurs sentimentales qui dépassent la fin établie initialement (exemple: une collègue de travail qui deviendrait amie puis épouse).

Chez Georg Simmel et la sociologie formelle

La sociologie formelle sest également servie des concepts de Tönnies comme base pour leur étude des interactions entre individus et des formes sociales qui en dérivent. Simmel, qui est l'un des contributeurs le plus représentatif: il a basé ses études sur des phénomènes "microscopiques" (ex : le secret, lamitié, lobéissance, la loyauté, la confiance), i.e. les relations impliquant un nombre restreint dindividus (dyade, triade). On retrouve linfluence de Tönnies dans nombreuses de ces œuvres dont par exemple lessai sur laffiliation du groupe[2] Simmel utilise la symbolique de Gemeinschaft und Gesellschaft, par le biais de remarque sur lopposition entre société médiévale (ou laffiliation absorbe lindividu et le met en relation avec les communautés gravitant autour de son groupe dappartenance) et moderne ( la perte du caractère définitif de laffiliation enrichit son sentiment dindividualité). Dans 'La métropole et la vie mentale' il insiste également sur la perte de contrepoids par rapport à lanonymat des grandes métropoles dans la société moderne. Dans son ouvrage sur largent[3], la monnaie devient le symbole de lévolution des mœurs traduisant le malaise dune société privilégiant le quantitatif et le mécanique, reliant alors les individu de façon impersonnelle. Simmel tend donc à focaliser ses études sur la recherche des effets cachés à un niveau individuel du processus mis en lumière par Tönnies, en utilisant la même typologie.

Chez les auteurs allemands affiliés à la sociologie formelle on retrouve la même fibre: Vierkandt tenta, via une nouvelle branche de la sociologie nommée phénoménologie, dintégrer lidée de Tönnies et Simmel selon laquelle le social est le résultat des actions réciproques (en utilisant encore une fois la même typologie). Litt qui appartenait à un courant similaire, soutient dans Individuum und Gemeinschaft la thèse selon laquelle la société est englobée par la communauté tant cette dernière influe sur la première.

Chez les sociologues anglo-saxon

Cette influence se retrouve jusque chez les sociologues anglo-saxon adeptes de la sociologie pure, influence particulièrement remarquable dans un premier temps en Angleterre peut-être de part limplication de Tönnies dans la fondation de lEnglish Sociological Society (1904). Edward Westermarck reprendra par exemple la dichotomie entre raison et sentiment, reprise nuancée de la Wesenwille et Kürwille, puisquil mettra lemphase sur le coté positif du rôle de la raison dans sa relation avec les émotions. Idée que lon retrouve chez Gidding dans son étude des trois types dactions sociales (impulsives, traditionnelles et rationnelles). Mead et Cooley, intéressés également par le niveau de la micro-sociologie, reprendront les concepts de Tönnies dans leurs études sur lEgo social. On retrouvera également le processus historique mis en valeur par Tönnies, chez les évolutionnistes, en particulier Hobhouse ou Sumner Maine, outre-atlantique. Ward mettra en valeur, dans une optique similaire, lémergence des associations spécialisées lors du passage de la société traditionnelle à la modernité.

Chez les auteurs allemands

Schmalenbach reprit les catégories de Tönnies en y ajoutant une troisième : la ligue (Bund) censée être opposée à la communauté par le caractères rationnelle mais reposant sur une base instinctive et sentimentale. Elle devait être une place pour la ferveur et lenthousiasme. Geiger adjoignit également un troisième élément, le "groupe ": contenant de la société et de la communauté, ce dans le but de mettre en valeur leur complémentarité. Cette influence cest également fait sentir dans le travail de sociologues allemands contemporains, à limage lÉcole de Francfort, qui renouera avec la critique du droit naturel et de la raison héritée des lumières (critique nécessaire selon eux si celle-ci à conduit au capitalisme de crise), et qui empruntera par le biais dAdorno la dichotomie Gesellschaft | Gemeinschaft pour dénoncer une société basée sur une prédominance de relations associatives orientées exclusivement vers léchange marchand ou intéressé (Vergesellschaftete Gesellschaft).

Chez Émile Durkheim

Linfluence de Tönnies dépasse le cadre des débats épistémologiques de la sociologie. Son travail en étant critique et partial (si lon fait abstraction de la certaine nostalgie inhérente à son œuvre), Tönnies a influencé des sociologues de tous bords qui pouvaient avoir notamment des sensibilités et des points de vue différents. On retrouve ainsi la preuve de cette universalité ainsi que de cette puissance de construction dans lœuvre de Durkheim, puisque lon peut considérer Tönnies comme en partie responsable de lévolution de ses conclusions.

Ainsi, au début de son œuvre, Durkheim conçoit la société comme une communauté élargie, puisquelle puise ses racines dans la communauté. Son article intitulé Communauté et société selon Tönnies exprime ce point vu: lauteur sil admet la séparation fondée entre les deux éléments (cf. volonté organique et mécanique) considère que « En dehors des mou­ve­ments purement individuels, il y a dans nos sociétés contemporaines une activité proprement collective qui est tout aussi naturelle que celle des sociétés moins étendues d'autrefois ». Lauteur nadmet pas le caractère purement mécanique de la Gesellschaft de par son origine communautaire. Durkheim amorcera une nuance de ces propos dans De la division du travail, même sil considère toujours que la division du travail amène un monde plus juste car basé sur la raison (exemple: moins de punition, plus de réparation), il défend dès lors lidée que la communauté est le ciment qui fait que la division du travail est possible. Finalement dans Le suicide la communauté devient un peu plus la garante de la société, il est clair pour lui quelle en assure dès lors la stabilité.

Origines des thèses de Tönnies

Lidée de la division entre société et communauté nest pas le seul fait de Tönnies. Le regain dintérêt lié à ce sujet correspond à une étape de lhistoire de la sociologie dans laquelle Tönnies a certes joué un rôle prépondérant mais na pas été le seul acteur.

Influence de Hobbes

Linfluence de Hobbes fut éminente dans la mesure Hobbes dans son ouvrage le Léviathan fut l'un des premiers à décrire l'existence d'un contrat social entre le souverain et ses sujets, entre l'Etat et ses citoyens. Selon Hobbes "l'état naturel" de la société est celui de "la guerre de tous contre tous" (Bellum omnium contra omnes). En acceptant le contrat social l'individu aliène l'ensemble ou partie de ses libertés individuelles en échange de la sécurité, condition nécessaire pour le développement de la propriété privée. Ce concept de passage de l'état de nature à la société, au travers du contrat social, sera également débattu par Locke et Rousseau.

Influence de Karl Marx

Il convient également de ne pas négliger linfluences des thèses de Marx et Engels. Ainsi comme lindique Tönnies dans ces propres termes dans la préface de Communauté et Société : Marx était un penseur qui a essayé de donner forme à la même idée que jai moi-même voulu exprimé avec ma propre conceptualisation. On retrouve cette influence marxiste dans lexplication de la Gesellschaft lorsque Tönnies reconnaît quelle peut être décrite en trois actes tous gérés par la classe capitaliste (achat, emploi et vente du travail sous forme de richesses).

Influence de Hegel

Linfluence de Hegel existe, particulièrement par le biais de son ouvrage sur la philosophie du droit la communauté est un thème récurrent. Sa vision de la société repose sur un modèle dassociation concentrique (famille, corporation, ville, église…). LÉtat ne doit pour lui donc pas être conçu comme la somme des intérêts individuels, mais plus lagrégat de ces communautés.

Influence de Maine, Gierke et Maitland

De même à la fin du XIXe siècle, suite aux effets de la révolution industrielle, Henry Maine, Otto von Gierke, F. W. Maitland soutenaient lidée que la souveraineté de létat, du droit normatif et de lindividualisme nétait quune conséquence de latomisation de la communauté médiévale. Ainsi dans Das Deutsche Genossenschafts-recht (1868), von Gierke analyse la structure de la société médiévale (mettant en lumière la rigidité de statut et lunité organique), et celle de létat nation ( la centralisation provoque léclatement des structures intermédiaires, entre état et individu). Maine en se penchant sur lancien droit est également au cœur du sujet, relevant la différence entre les sociétés dites sous-développées ou le statut est imposé par le sang et la tradition, et les sociétés dites modernes ou le statut est acquis par le biais de contrats. Lutilisation typologique était donc déjà amorcée par les conservateurs et les radicaux dans le cadre de lopposition entre modernisation et tradition.

Autres influences

  • Bonald dans De la famille agricole et de la famille industrielle (1818) se sert des différences entre mentalités et sentiments pour distinguer société rurale (plus emprunt de la tradition) et urbaine (plus individualiste).
  • Le Play dans son étude Les Ouvriers Européens (1855). accordera une place remarquable à létude de la famille, plus petit dénominateur de la communauté, relevant trois types de familles : patriarcale (inspirée du modèle féodal), instable ( lindividualisme crée linsécurité) et souche (mélange surtout présent en orient, qui tire avantage des caractéristiques des deux types précédents).
  • Fustel de Coulanges, présentera avant Weber le concept douverture, en étudiant lhistoire de Rome et Athènes, cités passées de communautés stables et fermées à des métropoles individualistes et ouvertes.

Œuvres

  • Ferdinand Tönnies Gesamtausgabe (TG), ed. Lars Clausen, Alexander Deichsel, Cornelius Bickel, Carsten Schlüter-Knauer, Uwe Carstens, 24 tom., Walter de Gruyter, Berlin/New York 1998 -
    • De Jove Ammone questionum specimen, Phil. Diss., Tübingen 1877
    • Gemeinschaft und Gesellschaft. Abhandlung des Communismus und des Socialismus als empirischer Culturformen, ([1887]; [²1912 Gemeinschaft und Gesellschaft. Grundbegriffe der reinen Soziologie), Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt 2005
    • Der Nietzsche-Kultus, [1897], Tönnies-Forum, Kiel ²2005
    • Schiller als Zeitbürger und Politiker, Buchverlag der Hilfe, Berlin-Schöneberg 1905
    • Strafrechtsreform, Pan, Berlin 1905
    • Philosophische Terminologie in psychologisch-soziologischer Ansicht, Thomas, Leipzig 1906
    • Die Sitte, Rütten & Loening, Frankfurt-sur-le-Main 1909
    • Die soziale Frage, [1907], Die soziale Frage bis zum Weltkriege, ed. Cornelius Bickel, Walter de Gruyter, Berlin/New York 1989
    • Thomas Hobbes, der Mann und der Denker, 1910
    • Der englische Staat und der deutsche Staat, Karl Curtius, Berlin 1917
    • Weltkrieg und Völkerrecht, S. Fischer Verlag, Berlin 1917
    • Theodor Storm, Karl Curtius, Berlin 1917
    • Kritik der öffentlichen Meinung, [1922], Berlin/New York (Ferdinand Tönnies Gesamtausgabe, tom. 14) 2002
    • Soziologische Studien und Kritiken, I-III, Jena 1924, 1926, 1929
    • Einführung in die Soziologie, [1931]
    • Geist der Neuzeit, Berlin/New York (Ferdinand Tönnies Gesamtausgabe, tom. 22) 1998
    • Die Tatsache des Wollens, ed. Jürgen Zander, Duncker & Humblot, Berlin 1982
    • Ferdinand Tönnies - Harald Höffding. Briefwechsel, ed. Cornelius Bickel/Rolf Fechner, Duncker & Humblot, Berlin 1989

Références

  1. a et b (1)
  2. (2)
  3. (3)
  • [1] Émile Durkheim « Communauté et société selon Tönnies. », 1889
  • Ronald Fletcher, The making of sociology, vol. 2, London, Michael Joseph, 1987
  • Peter-Ulrich Merz-Benz, Tönnies Ferdinand, 1855-1936, «Dictionnaire de la pensée sociologique», Quadrige/Presses Universitaires de France, 2005, p701-702
  • Georg Simmel, Philosophie des Geldes, Leipzig, 1900.
  • Georg Simmel, Conflict and the web of group affiliation, NY, Free Press, 1955.
  • Max Weber, Verein für Socialpolitik, 1890.

Voir également

Articles connexes

Liens externes

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