Décision Liberté D'association

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La décision Liberté d'association (nom donné à la décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 du Conseil constitutionnel français, relative à une loi « complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ») est une des grandes décisions du Conseil constitutionnel, dans laquelle il amorce une « révolution constitutionnelle ». Il se positionne aussi en gardien des libertés fondamentales.

Sommaire

Historique politique

Le contexte

Les associations sont placées sous le régime de la loi de 1901. Les associations peuvent se former librement, sans contrôle de l'administration, mais peuvent être reconnues par l'État avec une simple déclaration en préfecture, en vertu du principe de la liberté d'association.

En 1971, certains artistes décident de créer des associations inspirées par l'idéologie communiste. L'administration s'oppose ainsi à la déclaration de l'association « les amis de la cause du peuple » , soutenue notamment par Simone de Beauvoir en leur refusant le récépissé de leur déclaration, (le ministre de l'intérieur Raymond Marcellin la soupçonnait d'être une organisation gauchiste se proposant de reconstituer une association dissoute qui s'appelait "la cause du peuple" [1] ) sans aucune base légale. Le Gouvernement décide alors de faire voter une loi pour instituer un contrôle administratif de la déclaration des associations (validation législative).

La loi

Le Ministre de l'Intérieur de l'époque, Raymond Marcellin présente une loi créant un contrôle des déclarations des associations loi 1901. Ce contrôle serait ainsi exercé par la préfecture ou la sous-préfecture, avant la déclaration, et permettrait donc à l'administration de restreindre considérablement la liberté d'association voulue par la loi de 1901.

Cependant, une minorité de la majorité parlementaire gaulliste, opposée à cette loi, demande à Alain Poher de saisir le Conseil Constitutionnel, pour vérifier la conformité de cette loi, en vertu de l'article 61 alinéa 2 de la Constitution de 1958.

La censure

Le Président du Sénat Alain Poher saisit le Conseil constitutionnel, qui déclare non conforme à la Constitution les articles substantiels de cette loi.

Conséquences

Elles sont doubles. D'une part, la décision Liberté d'association donne une valeur constitutionnelle à des déclarations de reconnaissances de principes, et refuse ainsi de se cantonner à la simple régulation des conflits entre Gouvernement et Parlement. Ensuite, le Conseil Constitutionnel prend une nouvelle place de défenseur des droits fondamentaux des citoyens, et n'est plus réductible à une « arme pointée contre le Parlement », ou un « chien de garde de l'exécutif ».

L'émergence du bloc de constitutionnalité

En droit constitutionnel français, le bloc de constitutionnalité désigne l’ensemble des normes de valeur constitutionnelle. Celles-ci sont donc protégées par le Conseil constitutionnel.

À sa création en 1958, le Conseil constitutionnel ne contrôlait la conformité des lois qu’à la Constitution dans son sens strict, c’est-à-dire uniquement la Constitution du 4 octobre 1958 à partir de son article 1er. Mais avec cette décision, le Conseil constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution de 1958, du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et particulièrement des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

De tels principes comportent 4 restrictions :

  • ce sont des principes ayant un véritable caractère d'universalité ;
  • ce sont des principes ayant engendré une tradition, n'ayant jamais été contredits ;
  • ce sont des principes issus d'une législation républicaine ;
  • ce sont des principes nécessairement antérieurs à 1946.

Il s'agit d'une consécration de l'œuvre législative de la Troisième République, et particulièrement donc de la liberté d'association créée par le législateur en 1901, et consacrée de facto à une valeur constitutionnelle par le Conseil en 1971.

Une évolution jurisprudentielle du Conseil constitutionnel

D'une arme contre le Parlement ...

Le constituant de 1958 souhaitait trouver une solution aux problèmes posés en 1958, dont notamment un empiètement permanent du Parlement sur des domaines de compétences qui auraient du être ceux du Gouvernement, paralysant ainsi l'action de l'Etat.

Pour pallier cette lacune, Michel Debré et Charles de Gaulle ont souhaité mettre en place un parlementarisme rationalisé, permettant la coexistence d'un pouvoir législatif et d'un pouvoir exécutif autonomes.

Ainsi, le Conseil Constitutionnel se trouvait investi d'une mission de régulation des conflits entre le Gouvernement et le Parlement, afin de faire respecter les domaines de compétences de chacun (et notamment les articles 34 et 37 de la Constitution de 1958). Ce rôle, compte tenu de l'existence de majorités parlementaires cohérentes et en accord avec un Gouvernement et un Président de la République, est rendu désuet.

... en instrument d'une minorité

Par cette décision, la mission du Conseil constitutionnel évolue. Il ne se place plus en régulateur des pouvoirs exécutifs et législatifs, mais bien en défenseur des droits fondamentaux des citoyens, auxquels figurent la liberté d'association. En effet, les conflits de compétences entre Gouvernement et Parlement, s'ils existent, sont réglés du fait de l'existence de majorité parlementaires et gouvernementales identiques. Cette stabilité peut donc encourager le législateur à outrepasser la Constitution, qui doit pourtant être supérieure à toute norme juridique. L'évolution de sa mission en défenseur des droits fondamentaux nécessite donc une évolution de sa place au sein des institutions.

Le Conseil Constitutionnel devient donc une arme de la minorité contre la majorité. En 1971, c'est une minorité de la majorité parlementaire qui demande au Président du Sénat de saisir le Conseil constitutionnel. Ce comportement politique change aussi la nature du Conseil, qui se place désormais en "juge d'appel" des décisions du Parlement.

Une réforme du Conseil Constitutionnel

Cette évolution jurisprudentielle du Conseil Constitutionnel se verra consacrée par la révision constitutionnelle de 1974, qui élargira la saisine du Conseil Constitutionnel, directement, aux parlementaires (60 députés, ou 60 sénateurs). Toutefois, le problème de la saisine reste toujours posé, compte tenu de la possibilité toujours existante de voir une loi contraire à la Constitution entrer en vigueur. Depuis la révision constitutionnelle du 23 Juillet 2008, il est possible pour un particulier de saisir le Conseil Constitutionnelle afin qu'il juge, a posteriori, de l'éventuelle inconstitutionnalité de la loi.

Cette nouveauté est soumise à une procédure particulière et surtout très encadrée pour éviter tout abus; elle est décrite à l'article 61-1 de la Constitution, et ne concerne que le justiciable qui au cours d'une instance, remarque le caractère inconstitutionnel d'une loi. Trois questions se posent alors: d'une part si la disposition contestée commande l'issue du litige. D'autre part, elle doit aussi comporter un caractère "sérieux", et enfin la question soulevée ne doit pas avoir déjà été traitée par le Conseil Constitutionnel. Si ces trois conditions sont remplies, le juge surseoit à statuer sur le litige, et transmet la question à la juridiction suprême (Conseil d'Etat ou Cour de Cassation) qui dispose d'un délai de trois mois pour le transmettre ou non au Conseil Constitutionnel, ce dernier disposant du même délai pour statuer. On notera que ces éventuelles lois inconstitutionnelles sont antérieures au 16 Juillet 1971, date à laquelle le Conseil Constitutionnel s'est reconnu pour la première fois apte à annuler une loi à caractère inconstitutionnel, le contrôle de constitutionnalité ayant toujours été opéré depuis.

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

Liens internes

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