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Devoir de mémoire
Pour les articles homonymes, voir mémoire.Le devoir de mémoire est le devoir qu'a un État d'entretenir le souvenir des souffrances subies dans le passé par certaines catégories de la population, surtout lorsqu'il en porte la responsabilité. Dans la tradition du droit public et de la guerre, il s'oppose au devoir d'amnistie. Dans la tradition des célébrations nationales, il inverse les valeurs des cérémonies du souvenir qui sont organisées pour les martyrs et les héros, qu'ils soient civils, militaires, religieux ou civils, en insistant sur le fait qu'ils ne sont pas des victimes et que le sacrifice de leur vie a été salutaire.
Le devoir de mémoire a été reconnu officiellement dans certains cas à travers des déclarations officielles et des textes de loi (lois mémorielles) à partir de la fin du XXe siècle.
En voulant sacraliser la mémoire des victimes de la barbarie nazie, ces lois ont provoqué un débat entre les associations représentant les populations victimes et les historiens.
Sommaire
L'objet du devoir de mémoire
Le devoir de mémoire consiste d'abord à reconnaître la réalité de l'état de victime et de persécutions subies par des populations et leur environnement ; pour des raisons éthiques, pour répondre aux besoins de l'Histoire, et parce que la psychologie a montré combien cette reconnaissance était essentielle à la résilience, pour la reconstruction des individus et des sociétés après les crises, et pour que ces crises n'en engendrent pas d'autres. Il suppose que les groupes et les États analysent et donc reconnaissent leurs responsabilités, ou celle de la nation, dans ces persécutions ou crises majeures.
Le fait que l'Etat français n'a pas encore reconnu le statut de pollution de la zone rouge montre le travail que l'Etat n'a pas encore fait.
Une des difficultés est que les victimes d'actes graves ont souvent dans un premier temps, voire toute leur vie des difficultés à parler de ce qu'elles ont vécu, sans pour autant que le traumatisme, non-dit ou profondément refoulé, puisse être réellement oublié ou ne pas avoir de conséquences sociopsychologiques durables, conscientes et inconscientes, individuelles et collectives.
Les associations et représentants des populations concernées estiment qu'une reconnaissance officielle des crimes passés de l'État, voire une demande de pardon, permet aux populations victimes ou à leurs descendants de mieux trouver leur place au sein de la nation[1]. En particulier, le racisme et les discriminations actuelles seraient en partie dus à la permanence dans la mentalité nationale de sentiments de supériorité anciens. De plus, le souvenir des événements passés devrait permettre d'éviter de les répéter à l'avenir.
Les historiens reconnaissent la nécessité de la mémoire, mais certains mettent en garde contre l'abus d'une « injonction à se souvenir » [2]. Le devoir collectif et officiel de mémoire ne doit pas, selon eux, se substituer au travail personnel de mémoire, ni devenir un « raccourci moralisant » qui éluderait « l'extrême complexité des questions » qu'il soulève [3].
Par exemple, l'antisémitisme peut avoir des racines religieuses dans l'histoire, sous la forme de l'antijudaïsme notamment chrétien, qu'il est nécessaire d'approfondir. De plus, « l'histoire n'est pas la mémoire » [4] : il ne faut pas confondre la mémoire des victimes, qui résulte d'une vision subjective et prend une valeur propre à chacun, avec le travail critique de l'historien qui vise à dégager une vérité commune.
Application du devoir de mémoire
Le devoir de mémoire peut prendre la forme de déclarations officielles aussi bien que de textes de loi. Il peut aussi s'appliquer dans le cadre des programmes d'enseignement.
France
Le devoir de mémoire est très récent en France, même si il se greffe sur une longue tradition nationale de cérémonie du souvenir des martyres (qu'il s'agisse de saints ou de héros).
Il a d'abord été invoqué pour demander à la nation de reconnaître la responsabilité de l’État français (Régime de Vichy) dans les persécutions et la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, qui a conduit à la Shoah. C'est en 1993 que le président Mitterrand a instauré une Journée nationale de commémoration des persécutions racistes et antisémites. Deux ans plus tard, le 16 juillet 1995, le président Chirac reconnaissait la responsabilité de l'État dans les persécutions anti-juives de la période 1940-1944. Jusqu'alors, la théorie gaullienne, en refusant d'admettre la légalité du régime du maréchal Pétain, considérait que la France n'était pas responsable de ses actes. Cette reconnaissance a été confirmée par les Premiers ministres Lionel Jospin et Jean-Pierre Raffarin.
Entre temps, la loi du 13 juillet 1990, dite loi Gayssot, a fait un délit de la contestation de l'existence des crimes contre l'humanité. Puis la loi du 29 janvier 2001 a reconnu officiellement le génocide des Arméniens par les forces turques en 1915 [5]. Enfin, par la loi Taubira du 21 mai 2001, la France a reconnu comme crimes contre l'humanité la traite négrière et l'esclavage. Elle impose aux programmes scolaires et aux programmes de recherche d'accorder à ces sujets « la place conséquente (sic) qu'ils méritent », point contesté par des chercheurs qui estiment que la loi ne peut définir le cadre des recherches historiques. Enfin, la loi Taubira a mené à l'institution en 2006 d'une journée commémorant l'esclavage et son abolition. Cette journée est fixée au 10 mai, date d'adoption de la loi.
La SNCF était directement concernée par la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, et a demandé qu'un livre soit écrit pour éclaircir le rôle de l'entreprise pendant l'occupation (voir bibliographie de l'histoire de la SNCF pendant l'occupation).
En Juin 2008, le président de la République a voulu renforcer et généraliser le devoir de mémoire à tous les Français en faisant "adopter par chaque enfant du Cours élémentaire un enfant juif du même âge, mort en déportation". Cette mesure, qui a été jugée inutilement traumatisante pour des enfants, semble avoir été abandonnée.
États-Unis
Le devoir de mémoire est très développé aux États-Unis d'amérique.
Autriche
Le Service autrichien en mémoire de l'holocauste, créé en 1991-1992, est une alternative au service militaire.
La Recherche des Racines (ou Spurensuche en allemand) est un projet d'échange qui a été initié par la République d'Autriche en 1994. 15 jeunes Israéliens ayant des ancêtres autrichiens sont donc invités à rester en Autriche pendant 10 jours pour un mener projet avec 15 jeunes Autrichiens. Ils essaient donc d'apprendre ce qui est arrivé à leurs ancêtres, visitant les endroits où ils habitaient et cherchant à retrouver leurs traces.
Bien que l'accent du projet soit mis sur la recherche des racines familiales l'aspect de créer des amitiés austro-israéliennes est important aussi, car les jeunes visitent des villes autrichiennes typiques et ont aussi assez de temps libre à leur propre emploi.
Le but de ce projet est d'établir des meilleures relations entre les deux pays et de découvrir l`Autriche par la vue des autres. (Articles dans Wikipedia sur ce service, en allemand, en anglais et en espagnol)
Références
- ↑ (fr) Rapport au Premier ministre du Comité pour la mémoire de l'esclavage [pdf] du 12 avril 2005 : « la très grande majorité de nos concitoyens du monde issu de l’esclavage sont convaincus que, malgré la loi du 21 mai 2001, l’histoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions continue d’être largement ignorée, négligée, marginalisée. Ces concitoyens perçoivent cet état de fait comme un déni de leur propre existence et de leur intégration dans la République. »
- ↑ Paul Ricœur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, 2000.
- ↑ (fr) Travail de la mémoire, politique mémorielle : enjeux des interdits et des refoulés de l'histoire contemporaine, conférence de Alain Brossat donnée le 11 avril 2002.
- ↑ (fr) Entretien avec Françoise Chandernagor pour le magazine Histoire, février 2006.
- ↑ (fr) Dossier sur la loi reconnaissant le génocide arménien (Sénat).
Voir aussi
Bibliographie
- Jean-François Forges, Les voyages scolaires dans les camps nazis, Cahiers pédagogiques N° 379, décembre 1999. disponible sur [1]
Filmographie
- Et puis les touristes (Am Ende kommen Touristen) est une fiction allemande réalisée par Robert Thalheim en 2007. Ce film interroge la possibilité de l'activité touristique sur le site de Auschwitz.
- Nuit Noire, 17 octobre 1961 est une fiction basée sur des faits réels qui se sont déroulés le 17 octobre 1961 à Paris et autour de cette date (période de guerre d'Algérie), où des manifestants Algeriens (aujourd'hui le nombre exacte reste indéterminé) ont été massacrés par les forces de l'ordre française. Les travailleurs Algériens qui vivaient a Paris manifestaient contre un "couvre-feu" réservé au musulmans Algériens de France vivants a Paris.
Articles connexes
- Auschwitz, un devoir de mémoire
- Lois mémorielles
- Commémoration
- Purification de la mémoire
- Séquelle de guerre
- Liste de catastrophes militaires
- Zone rouge (séquelles de guerre)
- Polémologie
- Première Guerre mondiale
- Seconde Guerre mondiale
- Monuments aux morts pacifistes
- Centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane
- Memorbuch
Liens externes
- L'ouvrage "Belle Petite Monde, Histoire de poilus racontée aux enfants" écrit et illustré par Raymond Renefer alors au front, au coeur du projet scolaire "Les petits artistes de la mémoire, la Grande Guerre vue par les enfants", pour les classes de CM1 et CM2
- Pour un travail de mémoire - "Devoir de mémoire" ou "travail de mémoire" , où se situer ?, par Evelyne Py
- Overlord44 : site sur le débarquement en Normandie. Voir la page sur le devoir de mémoire.
- Une refondation de la mémoire, au sujet de l'ouvrage de Paul Ricœur La mémoire, l'histoire, l'oubli, septembre 2000.
- Devoir de mémoire, Réalisation des élèves de Saint-Valéry-en-Caux pour le devoir de mémoire
- Le CD "Apprendre le devoir de mémoire", par son auteur Pascal Lefèvre
- Travail de mémoire du Collectif d'Orphelins de Saint Pierre de Clairac en Lot et Garonne
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