- Dahut
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Dahud (ou Dahut), parfois appelée Ahès, est un personnage majeur du légendaire breton. Fille de Gradlon, le roi de Cornouaille, et de Malgven, la reine du Nord, elle fait bâtir la ville d’Ys où le plaisir règne en maître, plaisir intolérable aux yeux de la nouvelle religion (le catholicisme). La submersion de la ville par l’océan provoque la perte de la princesse, mais selon la légende elle n’est pas morte et continue de hanter la baie de Douarnenez sous la forme d’une sirène.
Sommaire
La légende
Gradlon et Malgven
Le roi Gradlon de Cornouaille a pour principale occupation de guerroyer et de s’approprier les trésors des vaincus. Ayant entendu parler d’un riche royaume dans les contrées septentrionales, il arme une flotte considérable et prend la mer. Au terme d’une longue navigation, il arrive à destination et découvre une immense forteresse au fond d’un fjord. Dès le débarquement, les Bretons passent à l’attaque mais ils ne parviennent pas à vaincre. Ils assiègent la forteresse sans plus de succès. À l’approche de l’hiver, les Bretons rentrent en Armorique, à l’exception du roi. Ce dernier, resté seul, rencontre finalement Malgven, la reine de l'endroit. Elle lui déclare son amour et le fait entrer dans la ville assiégée, où Gradlon tue le roi du Nord, époux de Malgven, et s'empare par la même de son trésor.
Les amants s’enfuient avec le tribut de guerre, montés sur Morvac'h (cheval de la mer), la mythique monture de Malgven. Le cheval s’élance sur la mer et rejoint le bateau de Gradlon. Le voyage de retour durera un an. Des amours de Malgven et Gradlon naît une fille, Dahut, mais la mère meurt durant l’accouchement.
Selon d'autres versions, Malgven fait en sorte que le visage de sa fille rappelle à jamais le sien tandis qu'elle débarque, seule, sur une île déserte.
La ville d’Ys
Gradlon ne peut se consoler de la mort de son amante et reporte toute son affection sur sa fille.
Anéanti par la douleur de la disparition de Malgven, Gradlon est partagé entre l’amour qu’il porte à sa fille et l’influence grandissante des hommes de la nouvelle religion, en particulier, Guénolé de Landévennec. Plus Dahud avance en âge, plus elle ressemble à sa mère tant par la beauté que par son caractère intrépide. En elle survit la culture de la reine du Nord. Fidèle à la religion des Celtes, elle entre ouvertement en conflit avec les moines et demande à son père de lui bâtir une ville (Ys ou Ker-Is) pour y vivre à la manière des anciens, une ville sans église. On y célèbre les plaisirs de la nature et du corps. Guénolé est ulcéré par la prospérité et ce qu'il considère comme de la luxure d’Ys (la rumeur enfle: on accuse Dahud d'avoir un amant chaque nuit et de le faire tuer au matin, on accuse Ys de chasser les pauvres de la ville), Guénolé convainc Gradlon d’y bâtir une église et menace Dahud de la colère de Dieu. Dahud demande aux druidesses de l’île de Sein, les Gallisenae, de rehausser les tours de son palais et d’ériger des écluses pour protéger la ville de l'océan.
Un jour, à la demande d’un nouvel amant, dont certaines versions de la légende disent que c’est le diable en personne, elle reprend la clé des écluses qu'elle avait confié à son père et qu'il gardait autour du cou. Il ouvre les portes et provoque la submersion de la cité. Fuyant l’inondation, Dahud s’accroche à son père qui chevauche Morvarc’h, mais Guénolé la précipite dans l’océan[1]. Elle survit sous la forme d’une sirène que les marins de la baie de Douarnenez appellent Marie Morgane.
Analyse
Le nom de « Dahud » vient du celtique dago soitis, qui signifie « bonne magie »[2], il indique le caractère surnaturel du personnage. C’est une femme de l’Autre Monde celtique connu dans la mythologie celtique irlandaise sous le nom de Sidh, ces messagères sont les bansidh (ban = femme)[3], que l’on rencontre notamment dans les histoires de Conle ou de Bran Mac Febail.
Dahud fait bâtir Ys, cité qui symbolise l’ancienne civilisation celtique face à l’intrusion du christianisme. Mais dans le contexte médiéval, la ville ne peut-être que détruite et la figure du diable renforce son côté maléfique.
Le nom de « Marie Morgane », du gaulois morri-genis, (mor-gan en breton), il signifie « née de la mer ».
Une autre légende fait d’Ahès la fondatrice de la ville de Carhaix, suivant l’étymologie « Ker Akès », ker signifiant village en breton. Ce personnage aurait aussi créé des routes dont on trouve des traces dans la toponymie des « chemins d’Ahès ».
Sources
- Charles Guyot, La Légende de la ville d’Ys, Coop Breizh, Spézet, 1998, (ISBN 2-84346-101-4)
- Théodore Hersart de La Villemarqué, Le Barzhaz Breizh, Coop Breizh, Spézet, 1999, (ISBN 2-909924-85-8)
- Thierry Jigourel, Merlin, Tristan, Is et autres contes brittoniques, Jean Picollec éditeur, Paris, 2005, (ISBN 2-86477-213-2)
- Anatole Le Braz, Magies de la Bretagne (tome 1), éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », Paris, 1994, (ISBN 2-221-07792-X)
- Françoise Le Roux et Christian-J. Guyonvarc'h, La Légende de la ville d’Is, éditions Ouest-France, coll. « De mémoire d’homme : l’histoire », Rennes, 2000, (ISBN 2-7373-1413-5)
- Emmanuel Salmon-Legagneur, Les noms qui ont fait l’Histoire de Bretagne, Coop Breizh/Institut Culturel de Bretagne, 1997, (ISBN 2-84346-032-8) et (ISBN 2-86822-071-1)
Dahut en musique
- Claude Debussy (1862 - 1918) : La Cathédrale Engloutie (Préludes pour piano, 1er livre)
- Paul Le Flem (1881 - 1984) : La Magicienne de la mer (opéra)
- Edouard Lalo : Le Roi d'Ys (opéra)
- Heol Telwen : Dahut (black metal)
Notes
- Pouldavid. Un rocher y porte la marque du sabot du cheval. Selon les versions, c’est Guénolé qui précipite Dahud d’un coup de crosse dans l'océan, d’autres récits rapportent que c’est Gradlon qui la repousse sur ordre du moine. Elle tombe dans le « trou de Dahud », maintenant francisé en
- Thierry Jigourel, page 70, op. cité.
- Françoise Le Roux et Christian-J. Guyonvarc'h, page 17, chapitre premier : La Femme de l’Autre Monde.
Catégorie :- Mythologie celtique bretonne
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