Communisme ouvrier

Communisme ouvrier

Communisme-ouvrier

Le communisme-ouvrier est un courant du marxisme dont se réclament plusieurs partis politiques iraniens et irakiens. Son principal théoricien était Mansoor Hekmat (1951-2002). Six partis se réclament formellement du communisme-ouvrier, divisés en trois courants : le Parti communiste-ouvrier d'Iran[1] et le Parti communiste-ouvrier de gauche en Irak[2] ; le Parti communiste-ouvrier d'Irak[3], le Parti communiste-ouvrier d'Iran - Hekmatiste[4] et le Parti communiste-ouvrier du Kurdistan[5] ; le Parti de l'unité communiste-ouvrière[6].

Sommaire

Origines

Le mot « communisme-ouvrier », ainsi relié par un tiret, a été proposé par Mansoor Hekmat, afin de mettre en avant le caractère de classe, en l'opposant au « communisme bourgeois »[7], c'est-à-dire au Capitalisme d'État existant en URSS ou en Chine[8]. Alternativement, il a parfois employé « socialisme-ouvrier »[9]. Il semble que la discussion sur l'emploi de ces termes ait commencé vers 1986[9]. Le premier parti politique à se réclamer officiellement du communisme-ouvrier est le Parti communiste-ouvrier d'Iran, fondé en novembre 1991[10]. Néanmoins, les courants qui s‘en réclament considèrent que leur origine commune est à rechercher dans l’Union des combattants communistes, fondée en 1979 à Téhéran[11].

En 1991, lorsque se déclenche la première guerre du Golfe, les camps militaires du Parti communiste d’Iran sont situés sur le territoire irakien, dans les montagnes du Kurdistan et ils influencent plusieurs groupes d’extrême gauche irakiens. Ces groupes vont déclencher l’insurrection de mars 1991 qui renverse le régime de Saddam Hussein dans le nord de l’Irak. Mansoor Hekmat annonce alors qu’il se retire du Parti communiste d’Iran, pour s’opposer à la résurgence du nationalisme kurde en son sein. Il est suivi par une majorité de militants, qui fondent le Parti communiste-ouvrier d'Iran. Deux ans plus tard, plusieurs groupes irakiens (Courant communiste, Perspectives communistes, Ligue pour l'émancipation de la classe ouvrière, Octobre…) fusionnent pour former à leur tour le Parti communiste-ouvrier d'Irak.

Le communisme-ouvrier dans la pratique

Les communistes-ouvriers refusent d'opposer strictement réformes et révolution[12]. Ils considèrent également que le fait de mettre en avant des personnalités est important pour un parti communiste[13]. Ces deux éléments combinés les amènent à fréquemment l'initiative de campagnes ou d'organisations thématiques.

Les enfants d'abord

Plusieurs organisations non-gouvernementales de défense des droits des enfants sont liées directement aux partis communistes-ouvriers. Créée en 1999 par Soraya Shahabi et Mansoor Hekmat, Children first, c'est-à-dire « les enfants d'abord », déclarait dans son document de fondation : « Les enfants passent avant toute considération nationale, économique, politique, idéologique, religieuse »[14], s'inscrivant dans une vision universaliste des droits de l'enfant.

L'association disposait d'un local à Sulaimaniya, au Kurdistan d'Irak, via une branche locale, le Centre de défense des droits des enfants. Ce centre hébergeait des enfants, procurait une assistance médicale, psychologique et sociale, enquêtait sur les cas de violences, y compris sexuelles, sur des mineurs, et informait sur les droits des enfants en se référant à la Déclaration des droits de l'enfant. Victime du conflit entre le Parti communiste-ouvrier d'Irak et le parti au pouvoir, l'Union patriotique du Kurdistan, il fut fermé par les autorités après une perquisition de ses locaux[15]. Malgré cela, le Centre de défense des droits des enfants en Irak a poursuivi ses activités, y compris à Bagdad[16] avec le soutien d'associations japonaises[17]. Il est l'un membres du Congrès des libertés en Irak.

En 2004, l'association s'est divisée en deux[18], conséquence directe de la scission survenue au sein du Parti communiste-ouvrier d'Iran : Children First Now[19] et Children First International[20]. Basée à Londres Children First International dispose de branches en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Suède et en Norvège[21]. Soraya Shahabi, la fondatrice, est restée présidente de cette association. C'est en Suède qu'elle semble la plus active, sous le nom de Barnen Först[22].

Basée à Södertälje en Suède et présidée par Karim Shahmohamadi, Children First Now s'est déployé en Allemagne, au Canada, au Danemark, en Finlande, aux Pays-Bas et en Suède[23]. Elle a proposée un manifeste des droits de l'enfants, rédigé par Homa Arjomand et Jalil Behroozi, qui insiste notamment sur les droits des filles, sur la laïcité et la protection de l'enfant contre toute forme d'influence religieuse[24]. Children First Now agit de manière quasi-publique en Iran, organisant des événements tels que la « journée universelle des enfants »[25].

Droits des femmes

Les partis communistes-ouvriers sont favorables à « l'égalité complète et inconditionnelle des femmes et des hommes »[26]. Plusieurs organisations non-gouvernementales de défense des droits des femmes sont proches du communisme-ouvrier, notamment l'Organisation pour la liberté des femmes en Irak[27], l'Organisation pour la libération des femmes[28], ou de manière moins directe, la Campagne Internationale contre les crimes « d'honneur »[29]. Azar Majedi, président de l'Organisation pour la libération des femmes, est également membre du comité de coordination de l'Initiative Féministe Européenne.

Laïcité

Né en Iran dans la lutte contre contre la république islamique, le communisme-ouvrier est très attaché à la laïcité. C'est l'un des terrains sur lequel les partis communistes-ouvriers agissent à l'échelle internationale, non seulement vis-à-vis du moyen-orient, mais aussi des différents pays où sont implantés leurs militants. La Société laïque iranienne[30] est présidée par Fariborz Pooya, membre du comité central du Parti communiste-ouvrier d'Iran[31], tandis qu'Issam Shukkri, secrétaire général du Parti communiste-ouvrier de gauche en Irak préside le Comité pour la défense de la laïcité dans la société irakienne[32]. D'autres privilégient l'athéisme, comme l'Association des iraniens sans dieu (Jamiate Iranian Bikhoda)[33], présidée par Azam Kamguian[34].

Homa Arjomand a notamment joué un rôle important dans la campagne victorieuse contre l'adoption par l'état de l'Ontario (Canada), d'une législation permettant la mise en place de tribunaux jugeant selon le droit islamique des affaires familiales[35], ce qui lui a notamment valu d'être consacrée « femme de l'année 2006 » par le journal québécois La Gazette des Femmes[36]. De son côté, Maryam Namazie a été consacrée « laïque de l'année 2005 » par la National Secular Society britannique, principale organisation laïque dans ce pays[37].

Mouvement ouvrier

L'implantation dans le mouvement ouvrier est un axe important de l'intervention des partis communistes-ouvriers. Considérant que les conseils ouvriers sont la forme essentielle d'organisation directe de la classe ouvrière[12], les communistes-ouvriers agissent dans les syndicats, mais ne considèrent pas ceux-ci comme des organisations révolutionnaires. Au mieux, ils peuvent être des organes de défense de la classe ouvrière au sein du système capitaliste. Cette conception les rapproche du Communisme de conseils.

En mars 1991, lors de l'insurrection au Kurdistan, plusieurs groupes apparentés aux communisme-ouvrier (notamment le Courant communiste et Lutte unie), inspirèrent effectivement la création de conseils ouvriers et la gestion directe des entreprises[38].

Le communisme-ouvrier joue un rôle non négligeable dans le paysage syndical en Irak. Dès 1991, un Syndicat des chômeurs est constitué au Kurdistan par des militants influencés par ce courant[39]. En 2003, Qasim Hadi à Bagdad fonde le Syndicat des chômeurs en Irak, dont il devient secrétaire général. Puis, la même année est créée la Fédération des conseils ouvriers et syndicats en Irak, dont le président, Falah Alwan, est membre du comité central du parti. Enfin, la Fédération générale des conseils ouvriers et syndicats en Irak est également dirigée par des membres du parti ; la différence entre les deux centrales syndicales reflétant surtout les divergences sur le rôle du Congrès des libertés en Irak.

En Iran, la clandestinité des partis communistes-ouvriers ne permet pas de connaitre de façon certaine l'influence de ce courant dans le mouvement ouvrier et dans les syndicats. Le Parti communiste-ouvrier d'Iran relaie les campagnes syndicales et les informations sur les grèves, sans jamais faire état de son implication directe[40].

Défense des réfugiés

Du fait de la situation politique en Iran et en Irak, de nombreux membres des partis communistes-ouvriers vivent en exil et bénéficient, ou ont bénéficié, du statut de réfugiés politiques dans différents pays. Ils ont constitués des associations qui défendent les droits des réfugiés, sans se limiter aux réfugiés politiques.

Basée en Suède, la Fédération internationale des réfugiés iraniens[41] dispose ainsi de relais dans vingt pays d'Amérique, d'Europe et d'Asie[42]. De son côté, la Fédération internationale des réfugiés irakiens, basée à Londres, joue un rôle moteur dans la Coalition pour mettre fin aux déportations en Irak, qui s'oppose aux renvoi des réfugiés déboutés de leur demande d'asile[43], Dashty Jamal étant à la fois secrétaire de la branche anglaise de la fédération et l'un des porte-paroles de la coalition.

Télévision

La communication est un enjeu majeur pour les partis communistes-ouvriers, du point de vue pratique, parce que la clandestinité en Iran et la situation de violence en Irak limitent les rencontres directes et les apparitions publiques. Aujourd'hui, comme la plupart des partis d'opposition en Iran, la télévision par satellite est le principal média. Le Parti communiste-ouvrier d'Iran dispose de New Channel TV, presentée par Maryam Namazie, Fariboorz Pooya et Patty DeBonitas, qui émet 24h sur 24[44].

Caractéristiques

Article détaillé : Mansoor Hekmat.

La conscience de classe

Mansoor Hekmat considère que le communisme est une caractéristique intrinsèque de la classe ouvrière, qui se manifeste de façon plus ou moins ouverte dans chacune de ses luttes. Il écrit : « Ce n’est pas un objectif arbitraire ou une prescription importée du royaume de la raison dans celui de la pratique. Le socialisme est, principalement et tout d’abord, un cadre pour une certaine lutte sociale qui est menée inévitablement et indépendamment de la présence ou de l’absence d’un parti ; ... un effort social qui s’est poursuivi tout aux long des dix-neuvième et vingtième siècles, et qui est, encore aujourd’hui, clairement observable. »[12]. Les communistes-ouvriers ne considèrent donc pas que le communisme soit une conscience apportée à la classe ouvrière de l'extérieur, contrairement à la conception issue de Karl Kautsky et popularisée par Lénine.

Le rejet du nationalisme

Dès 1978, l'Union des combattants communistes, qui fut le creuset théorique du communisme-ouvrier, dénonçait le « mythe de la bourgeoise nationale » et l'inféodation du mouvement communiste aux luttes de libération nationales au nom de l'anti-impérialisme[12]. Cette position de principe n'exclut pas, dans certains cas de figure, que les partis communistes-ouvrier puissent approuver telle ou telle revendication d'indépendance - notamment dans le cas de la Palestine, afin de couper l'herbe sous le pied des islamistes, ou encore, pour certains, du Kurdistan d'Irak.

L'abolition du travail salarié et la mise en commun des moyens de production

Le communisme-ouvrier met l'accent mis sur l'abolition du travail salarié[12]. Bien qu'il s'agisse théoriquement d'un principe admis par l'ensemble des mouvements qui se réclament du communisme, Mansoor Hekmat fait de ce critère le point central de sa critique de la révolution russe et du parti bolchevik. En outre, il refuse d'identifier la mise en commun des moyens de production avec leur étatisation ou à leur nationalisation, qu'il considère comme de simples variantes du capitalisme. C'est pour cette raison que le communisme-ouvrier fait partie des courants est à classer parmi les courants qui considéraient l'URSS et la Chine comme des pays capitalistes d'état[12].

Organisations sympathisantes

En Afghanistan, l'Organisation socialiste des travailleurs en Afghanistan[45] est inspirée par les mêmes principes et travaille avec le Parti communiste-ouvrier d'Iran. En Italie, l'Association pour l'enquête ouvrière [46] est fortement lié au communisme-ouvrier, tandis que des cercles communistes-ouvriers se sont développés en Turquie et en Allemagne.

En France, le Comité communiste internationaliste - Trotskyste a envoyé plusieurs délégués au congrès du Parti communiste-ouvrier d'Iran tenu à Stockholm en mai 2007[47] et coopère avec ce parti sur les questions iraniennes[48].

Arbre généalogique des partis communistes-ouvriers en Iran

Pco iran genealogie.jpg

Arbre généalogique des partis communistes-ouvriers en Irak

Pco irak genealogie.jpg

Notes et références

  1. (en)(fa)(de)(se)(tr) Site du Parti communiste-ouvrier d'Iran
  2. (en)(fa)(ar) Site du Parti communiste-ouvrier de gauche en Irak
  3. (en)(fi)(fa)(ar)(ku) Site du Parti communiste-ouvrier d'Irak
  4. (en)(fa)(de) Site du Parti communiste-ouvrier d'Iran - Hekmatiste
  5. site du Parti communiste-ouvrier du Kurdistan
  6. Site du Parti de l'unité communiste-ouvrière
  7. Cette appellation est elle-même issue de la critique du « socialisme bourgeois » par Karl Marx, dans le Manifeste du parti communiste.
  8. Mansoor Hekmat, The International Situation and State of Communism, décembre 1988.
  9. a  et b Mansoor Hekmat, End of the Cold War and Prospects for Worker-socialism, octobre 1991.
  10. Mansoor Hekmat, Our Differences. Interview about Worker-communism
  11. Hamid Taqvaee, Qui était Mansoor Hekmat?.
  12. a , b , c , d , e  et f Mansoor Hekmat, Les caractéristiques fondamentales du Parti communiste-ouvrier, 1992.
  13. Mansoor Hemat, Parti et société, du groupe de pression au parti politique, novembre 1998.
  14. Soraya Shahabi, Mansoor Hekmat, Children First, International Campaign for Children’s Rights, 13 novembre 1999.
  15. Soraya Shahabi, Condemn the Child Abuse in Iraqi Kurdistan!, 29 juillet 2000.
  16. Site du Protection Center for Defends of Children's Rights in Iraq.
  17. Children First: Baghdad exhibition features paintings by Iraqi and Japanese children depicting their wish for peace and love, septembre 2006.
  18. Mise au point du secrétariat de Children First, 8 novembre 2004.
  19. Site de Children First Now.
  20. Site de Children First International
  21. Site de Children First International, liste de contacts.
  22. Site de Barnen Först.
  23. Site de Children First Now, Contacts.
  24. Homa Arjomand et Jalil Behroozi, Proposed Manifesto on the Rights of the Child, janvier 2005.
  25. A Visual Report from Universal Children's Day in Marivan, 10 octobre 2008 ; Mehran Mahboobi, International Children’s Day in Iran, 10 octobre 2008.
  26. Mansoor Hekmat, Un monde meilleur, le programme du Parti communiste-ouvrier, 1994.
  27. Site de l'Organisation pour la liberté des femmes en Irak.
  28. Site de l'Organisation pour la libération des femmes.
  29. Site de la Campagne Internationale contre les crimes "d'honneur".
  30. Site de la Société laïque iranienne
  31. Liste des membres du comité central, mai 2007.
  32. International Humanist and Ethical Union, Reawakening Secularism in Iraq, 17 novembre 2004.
  33. [http://www.bikhodayan.com/ Site de l'Association des iraniens sans dieu.
  34. http://www.centerforinquiry.net/isis/islamic_viewpoints/about_azam_kamguian/.
  35. Site de la Campagne internationale contre les tribunaux de la charia au Canada.
  36. Notre femme de l'année - Homa Arjomand, Gazette des femmes, Vol. 27, no 4, Janvier-Février 2006, p. 19-23.
  37. Maryam Namazie Named “Secularist of The Year”, 12 octobre 2005.
  38. Nicolas Dessaux, Résistances irakiennes : contre l'occupation, l'islamisme et le capitalisme, Paris, L'Échappée, coll. Dans la mêlée, 2006.
  39. Nicolas Dessaux, Résistances irakiennes : contre l'occupation, l'islamisme et le capitalisme, Paris, L'Échappée, coll. Dans la mêlée, 2006, « Emprisonné à trois reprises par les forces d'occupation », Entretien avec Qasim Hadi et Akram Muhammad Nadir, pp. 121-129.
  40. International Labour Solidarity Page of the Worker-communist Party of Iran.
  41. Site de la Fédération internationale des réfugiés iraniens
  42. Contact addresses of IFIR around the world.
  43. Site de la Coalition pour mettre fin aux déportations en Irak.
  44. Site de New channel TV.
  45. Site de Organisation socialiste des travailleurs en Afghanistan
  46. (it)Site de Associazione dell’Inchiesta Operaia.
  47. Intervention du représentant du CCI(T) au congrès du PCOI à Stockholm
  48. révolution en Iran, 22 juin 2009].

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