Commerce équitable

Commerce équitable

Le commerce équitable est un système d'échange dont l'objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial[1]. La démarche de commerce équitable consiste en une action collective d'organisation de nouveaux chemins de production et de distribution pour le marché international, basés sur des normes sociales, économiques et environnementales propres[2], ne nécessitant pas l'intermédiaire des États et la modification des législations nationales.

En 2009, les ventes de produits certifiés équitables étaient estimées à plus 3,400 milliards d'euros[3]. On estime - ces chiffres ne sont pas vérifiés et sont pratiquement invérifiables - que près de 1,5 million de producteurs bénéficient directement du commerce équitable, ce qui reste très anecdotique[4].

Sommaire

Définition du commerce équitable

Il n'existe pas de définition juridique du commerce équitable. Par conséquent, plusieurs démarches commerciales différentes peuvent se revendiquer du commerce équitable[5].

Néanmoins, en 2001, quatre structures internationales de commerce équitable (FLO, WFTO, NEWS, EFTA) ont proposé une définition du commerce équitable :

« Le commerce équitable est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel[6]. »

Principes du commerce équitable

Producteurs triant les grains de café sur une coopérative certifiée équitable au Guatemala

Il n'existe pas de définition juridique des critères du commerce équitable. néammoins, l'Organisation Mondial du Commerce Équitable (WFTO) prescrit 10 normes que ses tenants tant au Nord qu'au Sud doivent appliquer quotidiennement dans leur travail[7]. Dans le cas des membres WFTO ou des groupes certifiés FLO, différents systèmes de contrôle sont en place en vue du respect de ces normes.

  1. Créer des opportunités pour les producteurs qui sont économiquement en situation de désavantage. Le commerce équitable est une stratégie pour le combat contre la pauvreté et pour le commerce soutenable. Son but est de créer des opportunités pour les producteurs désavantagés ou marginalisés par le système du commerce conventionnel mondialisé.
  2. La transparence et la crédibilité. Le commerce équitable comprend la gestion de la transparence et les relations commerciales pour faire des affaires avec nos partenaires commerciaux.
  3. La capacité individuelle. Le commerce équitable est un moyen de développer l'autonomie des producteurs. Les organisations du commerce équitable procurent de la continuité durant laquelle les producteurs et les organisations de marché peuvent améliorer leurs capacités de gestion et leur accès aux nouveaux marchés.
  4. Promouvoir le commerce équitable. Les organisations du commerce équitable ont pour objectif de sensibiliser leur clientèle ainsi que le grand public aux injustices du système commercial actuel. Elles doivent aussi être en mesure de fournir de l'information sur l'origine de ses produits, les conditions de travail des producteurs etc.
  5. Le paiement d'un prix juste. Un prix juste dans un contexte local ou régional est accepté après dialogue et concertation (en principe - mais en pratique il est fixé par les acteurs du Nord). Cela couvre non seulement les coûts de production mais permet également une production qui est socialement juste et bien pour l'environnement. Cela fournit un prix juste aux producteurs et prend en compte le principe d'un salaire égal pour un travail égal par les hommes et par les femmes. Les organisations de commerce équitable assurent un paiement immédiat à leurs partenaires et parfois aident leurs producteurs avec le financement d'un crédit avant la récolte ou avant la production.
  6. Égalité entre les sexes. Les organisations issues de la filière équitable valorisent le travail des femmes : celles-ci doivent toujours être payées pour leurs contributions dans le processus de production. La présence des femmes au sein de la gouvernance de ces organisations est aussi encouragée.
  7. Les conditions de travail. Le commerce équitable signifie un environnement de travail sain et sûr pour les travailleurs. La participation des enfants (si jamais) n'affecte pas négativement leur bien-être, leur sécurité, leur conditions éducatives, et leur besoin de jouer et est conforme à la convention des Nations-Unies sur les droits des enfants ainsi qu'aux lois et normes du pays.
  8. Le travail des enfants. Les organisations du commerce équitable respectent la convention des Nations-Unies sur les droits des enfants, ainsi que lois et normes sociales sont appliquées afin d'assurer que la participation des enfants dans les processus de production des produits équitables ne va pas à l'encontre de leur bien-être, leur sécurité, leur conditions éducatives et besoin de jouer. Les organisations qui travaillent directement avec des organisations informelles révèlent la participation des enfants dans la production.
  9. L'environnement. Le commerce équitable encourage à de meilleures pratiques environnementales et à l'application de méthodes responsables de production (sans toutefois être contraignant).
  10. Les relations de commerce. Les organisations de commerce équitable font du commerce en tenant compte du bien-être social, économique et environnemental des petits producteurs marginalisés et ne font pas de profit derrière leur dos. Elles maintiennent de longues relations qui reposent sur la confiance et le respect mutuel qui contribuent à la promotion et l'agrandissement du commerce équitable. Parfois les producteurs sont soutenus par des crédits avant la récolte ou avant la production.

Cependant, ces normes ne concernent pas les salariés des producteurs, ni les transporteurs, et ni les distributeurs de produits labellisés équitables, permettant aux grands groupes de surfer sur la vague éthique de la consommation responsable.

Ces normes ne sont cependant pas universelles. Certaines associations de commerce équitable (Minga ou Artisans du Monde par exemple) se donnent un niveau d'exigence supérieur[5].

Structure du mouvement

Les organisations de commerce équitable sont regroupées dans des fédérations nationales et internationales, qui ont des fonctions de coordination et de promotion du mouvement.

Au niveau international existent différentes fédérations ; leur diversité est à l'image de la diversité des acteurs du commerce équitable :

  • l'association FLO (Fairtrade Labelling Organizations) rassemble depuis 1997 les organismes de labellisation du commerce équitable ainsi que les réseaux de producteurs certifiés. La certification FLO porte sur les produits et non sur les entreprises.
  • WFTO (World Fair Trade Organization), anciennement IFAT (International Federation for Alternative Trade – ou International Fair Trade Association), qui existe depuis 1989, est généraliste. Elle a lancé en 2004 l'accréditation FTO (Fair Trade Organization), qui a pour caractéristique essentielle de certifier commerce équitable non pas des produits mais des organisations[8].
  • le réseau NEWS (Network of European Worldshops) rassemble depuis 1994 les différents réseaux nationaux de magasins spécialisés.
  • l'EFTA (European Fair Trade Association) rassemble depuis 1990 onze importateurs de produits du commerce équitable européens.

Ces quatre fédérations sont regroupées en 1998 dans un réseau informel nommé FINE, pour : Fairtrade Labelling Organizations, International Federation for Alternative Trade, Network of European Worldshops et European Fair Trade Association[9].

  • En Amérique du Nord, la Fair Trade Federation (en) rassemble depuis 1994 plusieurs dizaines d'importateurs de produits équitables au Canada et aux États-Unis.

Les associations étudiantes sont aussi particulièrement actives dans la promotion du commerce équitable sur leurs campus respectifs et dans leurs communautés. Aux États-Unis, la grande majorité de ces groupes se sont affiliés à l'association United Students for Fair Trade[10]. Au Canada, la plupart des associations étudiantes engagées dans la promotion du commerce équitable sont affiliées au Réseau étudiant canadien pour le commerce équitable[11].

Les précurseurs

L'idée du commerce équitable n'est pas récente. Aristote déjà, au troisième siècle avant Jésus-Christ, s’interrogeait dans Éthique à Nicomaque sur l'équité et l'équitable[5].

L'idée renaît petit à petit au XXe siècle, d'abord aux États-Unis avec le mouvement religieux protestant des mennonites, qui commercialise, en 1946, de l'artisanat fabriqué à Porto Rico, en Palestine et à Haïti. Fondé sur une relation plus directe entre les consommateurs du Nord et les producteurs du Sud, ce commerce solidaire soutenait le principe d'une rémunération plus équitable, tout en sensibilisant les acheteurs aux inégalités engendrées par le commerce traditionnel. Puis, c'est en Europe que les organisations religieuses et humanitaires se mobilisent. La première association de commerce solidaire, Kerbrade, voit le jour aux Pays-Bas à la fin des années 1950. C'est la fédération Artisans du monde qui ouvre, pour la première fois en France, un magasin en 1974, à l’initiative de l'Abbé Pierre. Depuis, le mouvement a fait tache d'huile et l'on trouve plus de produits équitables sur Internet et dans les supermarchés que dans les boutiques spécialisées.

Créé en tant que commerce solidaire, rappelle la sociologue Virginie Diaz Pedregal[12], le commerce équitable a été fortement marqué à ses débuts par l’humanisme des mouvements religieux chrétiens, ainsi que par une conception protestante de l’éthique. D’essence caritative, mais influencé ultérieurement par une approche politique plus tiers-mondiste, ce commerce solidaire se transforme alors en acte d’opposition au système capitaliste. Il devient alors « alternatif »[13]. « Nous étions et sommes toujours anticapitalistes, opposés aux transnationales », rappelle le prêtre ouvrier Frans van der Hoff, cofondateur en 1988 de la marque Max Havelaar[14].

Pourtant, happé par la vague néolibérale, la démarche « solidaire » puis « alternative » a muté, au tournant des années 2000, jusqu’à devenir un « commerce équitable » largement dépolitisé. « L’heure n’est plus à la révolution mais à la réforme, souligne Diaz Pedregal. L’objectif du mouvement est de bonifier le système libéral en le modifiant de l’intérieur ». Certains y voient le risque que ce soit le système libéral qui modifie le commerce équitable en l'adaptant à ses objectifs économiques et financiers.

Les Boutiques du Monde

Artisanat et produits équitables vendus dans une boutique du monde italienne

À la fin des années cinquante, Leslie Kirkley, directrice d'Oxfam, une organisation humanitaire créée en Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre, est en mission à Hong Kong pour un programme d'aide aux réfugiés originaires de Chine continentale. Elle aperçoit des réfugiées chinoises confectionnant des pelotes à épingle. Kirkley a alors l'idée d'en remplir une valise et de les vendre dans les boutiques d'OXFAM. À partir de cette date l'importation et la vente de produits artisanaux devient une pratique systématique de OXFAM[15], qui crée en 1964 la première organisation de commerce alternatif Alternative Trade Organizations (ATO).

La même année, la CNUCED lance l'idée Trade, not Aid! (le commerce, pas l'aide), popularisant ainsi le concept de commerce équitable[16].

Aux Pays-Bas, l'association caritative Steun Onderontwikkelde Streken (SOS) est créée en 1959, mais il faut attendre 1969 pour voir s'ouvrir la première « boutique du monde » aux Pays-Bas. Elle a un grand succès et de nombreuses boutiques similaires, qui vendent des produits artisanaux, s'ouvrent au Benelux. En Allemagne, le mouvement Aktion Dritte Welt Handel est fondé en 1970 dans la mouvance des mouvements de jeunesse chrétiens[15].

En France, le mouvement Artisans du Monde émergeant à partir de 1973 de la mouvance des Compagnons d'Emmaüs de l'Abbé Pierre crée de la même façon des boutiques où des bénévoles vendent des produits artisanaux en provenance du Tiers-monde. L'association se détache rapidement de la sphère Emmaüs et s'implique dans un militantisme tiers-mondiste [17]. En 2008 un consultant spécialiste des ethnies du sud-est asiatique initia le Micro commerce équitable en France.


En Belgique, deux associations néerlandophones Oxfam-Wereldwinkels et francophone Oxfam-Magasins du Monde voient le jour autour de 1976. Elles sont issues d'Oxfam-Belgique très active dans les années 1960 dans le soutien aux mouvements de décolonisation. Les débuts commerciaux sont nés de cette volonté de soutenir les luttes de libération. Si les boutiques belges vendent du café de Tanzanie, ce n'est pas spécialement pour aider les petits producteurs, mais pour porter le projet socialiste du président Julius Nyerere. De même pour le café du Nicaragua, destiné à soutenir les sandinistes [18]. Le commerce équitable s'inscrit comme une véritable démarche politique.

En 1994, 15 associations nationales de 13 pays européens se regroupent au sein de NEWS! (Network of European World Shops). Au total, cela représente :

  • plus de 3 000 associations locales animées par près de 100 000 personnes (essentiellement bénévoles) ;
  • 250 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisé en 1999 ;
  • 400 groupements de producteurs bénéficiaires dans 50 pays du Sud, soit environ 800 000 familles (5 millions de personnes revendiquées).

Les matières premières dans le commerce équitable

Dans les années 2000, les ATO doivent faire face à une situation electroideologique  : la nouveauté d'un certain nombre de produits des boutiques du monde commence à s'émousser, la demande sature, et certains produits artisanaux apparaissent désuets et démodés[19]. Ce déclin amène les militants du commerce équitable à repenser leur action. À cette époque, sur le marché des matières premières agricoles, les prix s'effondrent.

Des denrées comme le thé, le café, rapidement suivis par les fruits secs, le cacao, le sucre, les jus de fruits, le riz, les épices et la noix de cajou se substituent alors à l'artisanat dans les boutiques du monde. Alors qu'en 1992, les parts relatives de l'artisanat et des denrées alimentaires sont de 80 % et 20 % dans le chiffre d'affaires des boutiques, en 2002, les parts sont presque inversées, l'artisanat ne représentant plus que 25,4 % [20].

La montée des labels et l'émergence des systèmes de garantie participatifs

Jusque-là, le commerce équitable est confiné à de petits espaces, celui des boutiques associatives, en Europe et dans une moindre mesure en Amérique. Le public touché est donc restreint. L'obligation d'aller dans ces boutiques pour n'acheter qu'un ou deux produits est de nature à rebuter même les plus fidèles sympathisants. Le seul moyen d'accroître la clientèle et le chiffre d'affaires du commerce équitable est de proposer les produits dans les supermarchés et hypermarchés de la grande distribution[21]. Encore faut-il trouver un moyen de distribuer les produits en rassurant le consommateur sur leur origine et leur caractère équitable.

Une solution est trouvée en 1988 avec la création du premier label de commerce équitable, Max Havelaar, à l'initiative de deux Néerlandais, Nico Roozen et Frans van der Hoff et d'une association néerlandaise également, Solidaridad. Le principe de la certification indépendante permet à des produits d'être vendus en dehors des boutiques du monde, touchant par conséquent un public beaucoup plus vaste et faisant faire un grand bond au chiffre d'affaires du commerce équitable. La traçabilité des produits est assurée. Le consommateur a une garantie qu'à l'autre bout de la chaîne.

Les organisations de producteurs s'engagent à se structurer pour assurer une gestion transparente et démocratiquement contrôlée par leurs membres. Les producteurs doivent aussi respecter un ensemble de critères sociaux et environnementaux. Tous les maillons de la filière équitable – organisations de producteurs du Sud, importateurs, industriels – sont ainsi agréés et contrôlés.

Le label s'applique aussi à des plantations à capital privé. Des standards sociaux et environnementaux spécifiques s'y appliquent. Dans ce cas, la prime est versée à un comité paritaire réunissant employés et direction. Elle doit être utilisée au bénéfice des travailleurs ou des communautés locales.

Dans les années qui suivent, un certain nombre d'associations similaires voient le jour en Europe et en Amérique, qui proposent d'autres labels de commerce équitable qui se regroupent finalement sous la bannière de FLO (Fairtrade Labelling Organizations). En 2002, FLO lance une première certification de commerce équitable. En 2007, sous le nom « Max Havelaar », « Transfair » ou « Fairtrade », 20 membres de la FLO utilisent le label commun de International Fairtrade Certification Mark dans 21 pays. Il s'applique à toute une quantité de produits comme le café, le thé, le riz, les bananes, les mangues, le cacao, le coton, le sucre, le miel, les jus de fruits, les noix de cajou, les fruits frais, le quinoa, les épices, du vin, etc.

Valeur au détail
Chiffre d'affaires des produits labellisés commerce équitable[22].
Année Chiffre d'affaires

2008 2 900 000 000
2007 2 300 000 000
2006 1 609 000 000
2005 1 141 570 191
2004 831 523 066
2003 554 766 710
2002 300 000 000
2001 248 000 000
2000 220 000 000

Fin 2003, FLO sépare son activité de certification en créant l'entreprise FLO-Cert, cherchant ainsi à suivre la norme internationale des certificateurs ISO 65. FLO-Cert s'assure que les cahiers des charges de FLO sont bien respectés, entre autres le fait que les producteurs perçoivent bien le revenu de leurs produits. Celui-ci comprend le prix minimum garanti, qui doit couvrir les coûts d'une production durable, ainsi que le versement aux organisations certifiées d'une prime de développement qu'elles pourront utiliser pour des investissements structurels : création d'école, de centres de santé, achats de terres...

Les standards internationaux de FLO sont l'objet de concertations entre toutes les parties prenantes. Ils comportent des critères économiques, sociaux et environnementaux.

En 2007, 586 organisations de producteurs et travailleurs dans 59 pays du Sud, regroupant plus d'un million de producteurs sont concernés par le label. Les détenteurs de licence sont des importateurs et des industriels qui souscrivent aux standards internationaux du commerce équitable par un contrat qui stipule non seulement le versement du prix minimum garanti mais des relations directes et durables avec les organisations de producteurs et l’acceptation du contrôle de FLO-Cert, l'organisme de certification du label. Ils versent une redevance pour financer la certification. Suivant la norme ISO 65, c'est aussi le cas des organisations de producteurs. Un fonds de certification géré par FLO est prévu pour les organisations qui n'ont pas les moyens d'avancer ces frais.

En plus de la certification sur les produits, une autre organisation, WFTO (World Fair Trade Organization, anciennement IFAT) [23], propose une certification sur des organisations, ce qui permet à de petites structures de se revendiquer du commerce équitable. Ces petites structures peuvent ainsi offrir leur propre garantie à des produits artisanaux, généralement peu standardisés, produits en petites quantités par une multitude de petits groupes qui ne peuvent pas s’acquitter des coûts de certification. La réflexion autour de la labellisation d'organisation est prolongée par les membres de WFTO autour d'un Système de Gestion du Commerce Equitable (Sustainable Fair Trade Management System - SFTMS).

Il est important de préciser que les labels existants ne rendent pas compte de la réalité dans son ensemble. Ainsi, le commerce équitable a un impact sur la vie de millions de producteurs qui travaillent dans le domaine de l'artisanat, mais les produits artisanaux ne sont couverts par aucun label. La raison en tient à la complexité du processus de labellisation : labelliser une production de matières premières (café, coton...) est possible car le process est standardisé, ce qui permet aux démarches de contrôle, et donc de labellisation, de l'être aussi. En matière d'artisanat, il y aurait autant de démarches de labellisation nécessaires qu'il y a de matériaux (bois, terre, aluminium...) ou de produits (jouets, déco...) existants. Il est donc difficile de définir une démarche unique, économiquement applicable (c'est-à-dire permettant des contrôles pour un coût acceptable pour l'importateur et/ou l'organisme labellisateur).

En France, le marché du commerce équitable représenterait 123 millions d'euros en 2009[24].

État des lieux du commerce équitable

Le commerce équitable représente une part très marginale du commerce international. On estime que les échanges équitables bénéficient à 1,5 million de paysans dans le monde. Il est devenu un marché qui connaît la croissance la plus rapide au monde. L’Europe représente à elle seule près de 60 % du marché du commerce équitable mondial et a enregistré en 2005 un chiffre d'affaires de 660 millions d’euros, soit + 154 % en cinq ans réalisés dans 79 000 points de vente, dont 55 000 supermarchés. La Suisse et le Royaume-Uni sont en tête avec des parts de marché significatives : 47 % du marché des bananes en Suisse, 5,5 % du marché du Café au Royaume-Uni. Les magasins spécialisés en commerce équitable sont au nombre de 2 800 et rassemblent 100 000 bénévoles.

Selon le sondage Pèlerin-CCFD / TNS-Sofres publié le 20 avril 2006, 42 % des Français déclarent avoir acheté des produits « équitables » au cours des douze derniers mois. La croissance du secteur pour 2003/2004 s'élèverait à 103 % (83 % pour la grande distribution et 115 % pour les autres acteurs) et à 38 % l’augmentation du nombre de références de produits. Le chiffre d’affaires global, en France, alimentaire et non alimentaire, s’élèverait à 230 millions d’euros[25].

Des boutiques différentes

Depuis quelques années, certaines boutiques spécialisées se sont créées en France pour vendre des produits issus du commerce équitable. On peut également trouver des produits du commerce équitable dans les magasins bio.

En Belgique, il existait déjà les magasins du monde Oxfam tenus par des bénévoles. On peut y acheter de l'alimentaire et du très bel artisanat. Depuis peu, d'autres initiatives de commerce équitable ont vu le jour : des boutiques spécialisées et entièrement dédiées au commerce équitable : dans les vêtements, dans la décoration ou dans l'alimentaire. Des boutiques en ligne également. À travers la vente, toutes œuvrent pour la sensibilisation et la promotion du commerce équitable (Ethicstore, Natural Selection, Tout l'Or du Monde, Bamboo, Optimart, Satya, Vino Mundo...).

Les producteurs du Commerce équitable

Le commerce équitable revendique 1,5 million de producteurs dans le monde qui peuvent être grossièrement classés en artisans professionnels et qualifiés, paysans organisés (par exemple producteurs de cacao en Bolivie ou ouvriers dans des plantations de thé en Inde) et enfin artisans très pauvres, marginalisés socialement, souvent socialisés grâce à l'appui des ONG (par exemple, au Népal, 800 artisans travaillent pour l'ONG ACP) [26].

L'enjeu spécifique de l’artisanat

Artisans du Monde, parlant de ses partenaires du sud, classe les producteurs d’artisanat parmi les communautés les plus marginalisées et les plus dépendantes de la filière commerce équitable. Ils sont presque entièrement dépendants de la vente à l’exportation. L'activité artisanale est leur unique source de revenus, et permet à certaines familles d’échapper à l’exode rural. Les militants d'Artisans du Monde associent dans leur visions de leur mouvement une action concrète en faveur du développement des communautés des pays pauvres, et la valorisation de la culture et des savoir-faire de ces communautés. Et ils justifient leur mode de distribution dans les boutiques en notant que le volume de production des communautés avec lesquelles ils travaillent est inférieur au seuil à partir duquel les grandes et moyennes surfaces acceptent de travailler[26].

Les producteurs et le commerce équitable

Toujours selon Artisans du Monde, près de 80 % des producteurs partenaires du commerce équitable seraient des femmes. Ces dernières, bien qu’exerçant une activité artisanale, se distinguent pourtant des artisans professionnels. Les chiliennes de la Fondation Solidarité ne savaient pas fabriquer d’arpilleras en 1973, les artisanes de Ramahaleo à Madagascar ne savaient pas couper ni confectionner. Pour certaines d’entre elles, majoritairement les seules avec enfants, le commerce équitable est leur seul revenu possible en dehors de la mendicité[27].

Productions du commerce équitable

Promotion du commerce équitable (textiles) à Saint-Louis du Sénégal

À l'origine, les boutiques de commerce équitable touchaient essentiellement à l'artisanat et au textile. Puis la gamme de produit s'est peu à peu diversifiée. Outre les textiles et l'artisanat, au début du XXIe siècle, de nombreux autres produits, généralement de l'alimentation, font aujourd'hui l'objet d’un commerce équitable. Le café est devenu le produit équitable le plus vendu. L'habillement, notamment de coton fait l'objet de nouvelles formes d’échange. La mise en place d'une « garantie » équitable pour le coton, par Max Havelaar, en avril 2005, a contribué à la mise en place de produits de mode issus du commerce équitable. D'autres initiatives, indépendantes de la marque, ont également vu le jour dans la mode. Parmi les pionniers de la mode équitable se trouvent les vêtements Switcher (depuis 1981), les vêtements Ideo ou encore les baskets Veja. Les engagements sociaux de ces nouvelles marques, souvent associés à des préoccupations environnementales fortes concernent la production des matières premières, leur transformation (filage, tissage) et leur assemblage. On trouve également des projets de commerce équitable dans d'autres secteurs comme les jeux et jouets Ludeki mais aussi le sport avec Ekipazo Football.

Des gammes de cosmétiques équitables ont également vu le jour. Souvent biologiques et associées à une démarche de respect de l'environnement, certaines d'entre elles ont fondé leur principe sur la valorisation des savoir-faire traditionnels liés aux plantes et à la pharmacopée ancestrale. C'est le cas de Forest People ou encore Guayapi qui proposent des produits directement issus de ces recettes traditionnelles (Amazonie, Sri Lanka, Madagascar, Maroc, Burkina Faso...). Les objectifs revendiqués par ces associations et entreprises sont toujours de valoriser et pérenniser des savoir-faire traditionnels, de maintenir ouverts des ateliers familiaux tout en favorisant la biodiversité et en luttant contre la déforestation.

La question du commerce équitable Nord-Nord

Aujourd'hui, le commerce équitable est un système d'échange visant à assurer des revenus décents aux paysans des pays en développement (PED) par des relations de solidarité directe avec les consommateurs du Nord. Il ne concerne que la paysannerie du Sud (production vivrière, matières premières, artisanat) ayant des relations de solidarité directe avec les consommateurs du Nord. Elle ne considère donc pas les producteurs du Nord et devrait être dénommée Commerce Équitable Sud-Nord pour le distinguer du Commerce Équitable Universel dont le champ est beaucoup plus vaste.

Depuis peu, certaines organisations de commerce équitable (Minga, Alter Eco, Ethiquable) développent l'idée d'un commerce équitable Nord-Nord permettant d'aider les agriculteurs français. Ces initiatives se placent en partie dans la mouvance due gouvernement dit du Front populaire qui a implicitement défini le commerce équitable des céréales (produits vivriers) en faveur des agriculteurs en créant l'Office national interprofessionnel du blé, ONIB (qui, ultérieurement, deviendra ONIC avec « C » pour « céréales »), et en favorisant le développement et l'essor des coopératives de stockage et de vente de blé afin que les agriculteurs puissent percevoir de meilleurs prix pour leurs productions vivrières que seuls face aux commerçants privés.

Critiques et Débat

Point de vue des défenseurs du commerce équitable

Le commerce équitable consiste en une relation commerciale globale créant les conditions d'un véritable développement pour les plus défavorisés. Au-delà d'une question de prix, la démarche cherche à créer les conditions en acceptant de payer ce surcoût. Le consommateur est ainsi invité à assumer la responsabilité d'un meilleur équilibre des rapports Nord-Sud et, dans certains cas, d'une action en faveur de l'environnement, comme ce peut être le cas pour l'agriculture biologique.

Cette forme alternative de commerce bénéficie ainsi à plus de 1,5 million de producteurs et d'artisans, qui font vivre plus de 5 millions de personnes, dans plus de 50 pays à travers le monde. Elle répond notamment au souci d'investissement durable stratégique qui se développe chez les investisseurs.

Les critiques

Le « commerce équitable » et FLO, contribuerait à masquer un problème : la réduction de la part de l'agriculture vivrière au profit des cultures d'exportation, ce qui rend dépendant des achats du Nord des populations qui pourraient développer leur souveraineté alimentaire indépendamment des habitudes de consommation des pays dits « riches ». De là l'importance de consommer des produits locaux. C'est notamment le point de vue de Réseau Minga en France, qui défend une approche filière du commerce équitable et ne se reconnait pas dans la définition de FINE du "Commerce Equitable".

Pour sa part un auteur comme Christian Jacquiau dans son livre Les Coulisses du commerce équitable, doute de la bonne foi de certains "labels" du « commerce équitable » en arguant de la réalité des prix, bien en deçà de l'équivalence escomptée, laissant supposer que ces nouveaux intermédiaires prélèvent autant que les autres qu'ils décrient et qu'ils cherchent à concurrencer. Il déclare également que le « commerce équitable n'est devenu dans bien des cas qu'un argument de vente comme un autre » et qu'il constitue pour un certain nombre d'acteurs économiques une « niche » commerciale supplémentaire qui permet de différencier un produit d'un autre aux yeux du consommateur final.

Du point de vue du libéralisme économique, le commerce libre serait par définition équitable : s'il n'y a pas contrainte et que le vendeur vend, c'est qu'il y a intérêt suppose cette théorie. De même pour l'acheteur. Le commerce transfrontière cesse cependant d'être équitable à partir du moment où des contrôles ou des barrières (droits de douane, quotas, etc.) sont mis en place, car ceux-ci ont toujours pour effet une augmentation de prix de vente aux consommateurs et/ou une baisse des achats aux producteurs.

D'autres comme l'Adam Smith Institute ou le Cato Institute soulignent qu'en augmentant les prix des produits « équitables », le commerce équitable incite de nouveaux producteurs à entrer sur le marché. Dès lors, cela augmente la production et fera baisser le cours des produits non équitables, au détriment des petits paysans qui ne produisent pas « équitable » et de l'environnement. Pour ces critiques, en ayant le même effet qu'une subvention sur des produits au cours bas, le commerce équitable ne fait qu'exacerber le problème en augmentant la production et en encourageant la poursuite d'activités non viables au détriment de productions réellement utiles[28],[29],[30].

Notes et références

  1. Le commerce équitable
  2. Le commerce équitable « ajoute [...] le respect des normes environnementales et une meilleure rémunération des producteurs dans les relations commerciales internationales » – Antoine Herth, Le Commerce équitable : 40 propositions pour soutenir son développement, rapport de mission parlementaire auprès du Ministre français du commerce, chapitre 1 paragraphe C1a, page 17. Mai 2005. [1]
  3. Chiffre d'affaires du commerce équitable, octobre 2011
  4. Fairtrade Labelling Organizations International (2006). Fairtrade FAQs URL accessed on December 14, 2006.
  5. a, b et c Christian Jacquiau, Les coulisses du commerce équitable (Mille et une nuits, 2006)
  6. Définition du commerce équitable: définition tirée du site Internet d'Artisans du monde.
  7. Les dix normes du commerce équitable: normes tirées du site internet du WFTO.
  8. site d'Artisanat SEL
  9. le site de la fédération Artisans du Monde
  10. United Students for Fair Trade
  11. Accueil CSFTN-RÉCCÉ ::::::::::
  12. Le Commerce équitable dans la France contemporaine, L’Harmattan, 2007
  13. Christian Jacquiau, Max Havelaar ou les ambiguïtés du commerce équitable, Le Monde diplomatique, septembre 2007
  14. Le commerce équitable au pied du mur, David Leloup, Imagine demain le monde lire PDF
  15. a et b [PDF]Kai Hockerts,The Fair Trade Story, INSEAD Fontainebleau, 2005
  16. Christian Jacquiau, Max Havelaar ou les ambiguïtés du commerce équitable, [html] Le Monde diplomatique, septembre 2007
  17. Fédération Artisans du Monde, É-Changeons le monde, 1999
  18. Fédération Artisans du Monde, É-Changeons le monde, 1999, p. 134
  19. Fair Trade, qui cite Redfern A. & Snedker P. ,Creating Market Opportunities for Small Enterprises: Experiences of the Fair Trade Movement, International Labor Office, 2002 p. 6
  20. Fair Trade, qui cite Nicholls, A. & Opal, C., Fair Trade: Market-Driven Ethical Consumption, Sage Publications, 2004
  21. Wiki anglaise : Renard, M.-C., Fair Trade: quality, market and conventions Journal of Rural Studies, 19, 2003, p. 87-96
  22. Chiffre d'affaires du commerce équitable, juillet 2010
  23. [PDF]Présentation Artisans du Monde Février 2007
  24. Tristan Lecomte d'Alter Eco, La revue du chocolat, n°10, page 7.
  25. L’État des lieux de l’activité économique du commerce équitable en France en 2004, étude réalisée par le ministère des Affaires étrangères, la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et Altervia Consulting en collaboration avec la Plate-forme française pour le commerce équitable, publiée en 2006 .
  26. a et b site Artisans du Monde, "Partenaires du sud"
  27. site de la quinzaine 2005 du commerce équitable Artisans du monde
  28. Grounds for Complaint
  29. Grounds for Complaint: Understanding the "Coffee Crisis"
  30. Citizenship Foundation: 2006 entries Lakha

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