Colonisation de la Lune

Colonisation de la Lune
Vue d'artiste d'une base lunaire (vers 1970).

La colonisation de la Lune est le projet consistant à installer une voire plusieurs bases permanentes habitées sur la Lune.

Une présence humaine permanente sur un corps planétaire autre que la Terre est un thème récurrent de science-fiction. Alors que la technologie a évolué et que les soucis sur l'avenir de l'humanité sur Terre progressent, la colonisation de l'espace pourrait devenir un but possible et nécessaire. La Lune constituerait alors une excellente préparation en vue de voyages plus lointains.

Sommaire

Historique

Article connexe : Exploration de la Lune.

Les projets utilisant des lanceurs classiques

Dès 1958, plusieurs projets, américains comme soviétiques, visent à installer des bases plus ou moins permanentes sur la Lune.

Représentation du module lunaire L3 du programme lunaire habité soviétique.
  • Le KLE Complex (1964-1974) comprenant une première base semi-permanente (3 à 6 mois) pour trois cosmonautes conçue par Vladimir Chelomei (80 tonnes) puis une seconde conçue par Vladimir Barmine (150 tonnes) devant être respectivement opérationnelles en 1975 et 1980 ;
  • Le projet Selena[4] de Douglas Aircraft Company conçu par Philip Bono (1964) visant à établir une base temporaire pour vingt-cinq astronautes en décembre 1975, devenant permanente en février 1978 puis étendue à un équipage de 1 000 personnes en janvier 1981 ;
  • Le L3M[5] de l'OKB-1 (1969-1974) pour trois cosmonautes pour une durée de 90 jours devant être opérationnel pour une série de lancements de 1978 à 1980 ;
  • La base LEK[6] (Lunar Exploration Complex) conçue par Valentin Glouchko (1974) pour trois cosmonautes, comprenant le Laboratorno-zhiloy modul' (LZhM) semi-permanent et le Laboroatorno-zavodskoy modul' (LZM) permanent, devant être opérationnelle en 1980 ;
  • L'Energia Lunar Expedition conçue par Valentin Glouchko (1988), une résurgence plus lourde du train spatial LOK-LK de 1964 pour trois cosmonautes et une durée de 10 jours ;

La réutilisation d'éléments du programme Apollo

  • Les bases lunaires AES[7] (Apollo Extension Systems), ALSS[8] (Apollo Logistics Support System) (1966), LEP[9] (Lunar Exploration Program) et LESA[10] (Lunar Exploration System for Apollo) (1968), devant réutiliser des éléments du programme Apollo comme le lanceur Saturn V, le vaisseau Apollo et le LEM (plus ou moins modifié) plus de nouveaux rovers et modules d'habitations semi-permanent pour deux à six astronautes, et devenir opérationnelle en mai 1970 pour des missions annuelles ou bi-annuelles (AES, ALSS), ou de 1969 à 1976 (LEP, LESA)[11] ;

La station spatiale comme relais

La Space Exploration Initiative de George Bush

Vue d'artiste (juillet 1989) d'un habitat lunaire gonflable.
  • La Lunar Evolution Base est presque immédiatement éclipsée par l'étude de 90 jours[12] commandée suite au discours du président des États-Unis George Bush de juillet 1989, lançant la Space Exploration Initiative (SEI)[13], qui comprend quatre propositions :
    • La Lunar Evolution Base de la NASA (août 1989) prévoyant l'installation d'un noyau d'habitat lunaire fin 2003 puis jusqu'en 2005 trois missions habitées et deux automatiques pour une première occupation de 30 jours en 2003, une seconde de six mois pour quatre astronautes à la mi-2004, une extension de la station à huit astronautes en 2008 et à douze en 2012 ;
    • Le Lunar Outpost (1989), rapidement remisé au placard en raison de son coût exorbitant (300 milliards de dollars) et de sa durée de mise en œuvre (20 ans) ;
    • Le First Lunar Outpost (FLO) de 1992 tenant compte des recommandations de Boeing, visant à réduire d'un facteur 10 la dépense (30 milliards de dollars) arrive cependant trop tard pour sauver la SEI[14] ;
    • Le Human Lunar Return du Johnson Space Center de la NASA (1996), dernier avatar de la SEI et de la doctrine « cheaper, faster, better », utilisant du matériel déjà existant (navette spatiale, lanceurs Proton ou Ariane 5, station spatiale internationale, etc.) proposant un premier séjour de trois jours le 31 août 2001 (pour un coût très optimiste de 2,5 milliards de dollars), trois autres missions identiques de 2002 à 2004 et deux missions de 14 jours en 2005, plus la mise en place d'un habitat de longue durée pour quatre à six astronautes et un rover pressurisé à partir de 2007 ;

L'utilisation des ressources minières lunaires

La base LUNOX, qui devait voir se poser son premier équipage en 2005, aucun projet ne s'est réalisé.
  • La base lunaire LUNOX (Lunar liquid Oxygen propellant exported from the Moon) du Johnson Space Center de la NASA (1993), ayant pour objectif de réduire le coût du FLO en puisant de l'oxygène liquide (LOX) dans le sol lunaire, comprenant six lancements cargo automatiques par Energia d'une unité de production d'oxygène liquide et d'un réacteur nucléaire, de six petits véhicules robotiques, de 2 000 kg d'équipement, de deux remorques (MPU), de deux rovers pressurisés qui servent d'habitat transitoire aux quatre astronautes, d'un module d'habitation et de divers instruments et enfin des lancements d'équipage par un dérivé de la navette spatiale (HLLV) embarquant une capsule de type Apollo et le module d'atterrissage Phoenix pour une première mission de 14 jours en 2005, éventuellement portée ultérieurement à 45 jours ;
  • La LOX-Augmented Nuclear Thermal Rocket (LANTR) Moon Base du Langley Research Center de la NASA, conçue par Stanley Borowski (1997), basée sur lanceur comprenant un moteur hybride oxygène liquide/nucléaire[15], un module d'atterrissage réutilisable Lunar Landing Vehicle (LLV) transportant de l'oxygène liquide (LOX) (le comburant) puisée dans le sol lunaire jusqu'à la navette spatiale LANTR, qui ramène de l'hydrogène liquide (LH2) (le carburant) de la Terre.

Plans actuels

États-Unis

Le plan à long terme de la NASA, Vision for Space Exploration, incluait un retour sur la Lune avec une mission habitée en 2018, puis reculé à 2019 lors de l'annonce de la stratégie globale d'exploration en décembre 2005, avec installation d'une base permanente habitée de quatre personnes pour 2024.

Vue d'artiste du module d'atterrissage (vers 2019).

Cette base sera située au pôle sud sur les remparts du cratère Shackleton qui est un des points plus constamment ensoleillés de notre satellite naturel, avec les écarts de température les moins forts (-30 °C en moyenne) . La base comprendra des quartiers d'habitation, un observatoire, des panneaux solaires et des réservoirs d'énergie[16].

La construction de cette base demandera une coopération internationale avec pour objectif un test des techniques en vue d'une mission martienne, une exploitation économique de la Lune et d'augmenter les connaissances scientifiques. Les véhicules spatiaux utilisés seront l'Orion et le module d'accès à la surface lunaire[17].

Cependant le projet, confronté à de graves problèmes de financement et de dépassement des échéances, a fait l'objet d'un audit par la commission Augustine qui a proposé soit d'accroitre le budget annuel qui lui est consacré pour faire face au cout réel soit d'abandonner le projet au profit d'une démarche d'exploration progressive incluant un volet important de recherche pour améliorer les technologies spatiales nécessaires. Le projet de budget 2011 présenté par le président Barack Obama en février 2010, qui reste à approuver par le Congrès, s'inspire de la deuxième option et propose l'abandon du programme Constellation[18]. La NASA prépare cependant pour 2025 un nouvel atterrisseur lunaire permettant d'atterrir au pôle Sud, la zone la plus accidentée et donc la plus intéressante pour la science[19].

Chine

La CNSA, l'agence spatiale chinoise, est responsable du programme chinois d'exploration lunaire qui a pour but l'étude et l'exploration de la Lune grâce à des robots puis éventuellement par des êtres humains vers 2025-2030. Parmi les objectifs de la CNSA on retrouve l'installation d'une base lunaire mais aussi l'extraction d'hélium 3, présent en abondance sur le satellite naturel.

Avantages et désavantages

Vue d'artiste d'une base lunaire (vers 2024).

Grâce à sa proximité avec la Terre, la Lune a été depuis longtemps candidate pour une colonie humaine dans l'espace. Avant qu'une colonie ne soit créée, des ressources doivent être identifiées, car leur extraction déterminera le développement de cette colonie. Les échantillons rapportés par le programme Apollo indiquent que plusieurs matériaux de valeur peuvent être trouvés en quantité sur la Lune. Le premier de ces éléments est l'oxygène qui représente environ 42 % du régolithe lunaire (fine poussière qui recouvre la surface lunaire). Il est suivi par le silicium, une matière première importante (20 %) et le fer (13 %) qui permet la production d'acier. Viennent ensuite le bauxite (7 %) nécessaire à la production d'aluminium et le titane (1 %), présents en quantités bien supérieures à celles trouvées sur Terre. Cependant, bien que le programme Apollo ait montré la faisabilité d'un voyage vers la Lune (à un coût élevé), il tempéra l'enthousiasme pour une colonie lunaire à cause de l'absence d'éléments plus légers nécessaires à la vie tel que l'hydrogène ou l'azote.

Base lunaire avec module gonflable. Dessin conceptuel.

Le développement économique de la Lune va voir la création d'habitats à proximité des mines ou des centres de traitement. La richesse dégagée par ces activités influera certainement de manière positive sur les efforts pour construire une colonie sur Mars ou tout autre endroit choisi. Pour que ce développement soit viable, il faudra aussi un système de lancement et de retour sur Terre qui soit fiable et économique. Cette même infrastructure sera utilisée pour toute autre colonisation ou installation spatiale, et les matériaux extraits de la Lune aideront également. En effet, grâce à la faible gravité lunaire, l'emploi de fusées ne sera pas nécessaire pour envoyer des minerais dans l'espace, elles seront remplacées par des catapultes électromagnétiques beaucoup moins chères.[réf. nécessaire]

Coloniser la Lune aidera au perfectionnement d'un système de support de vie de longue durée et autonome indispensable pour la colonisation ou l'exploration spatiale au long terme. Ce laboratoire serait situé proche de la Terre ce qui permettrait l'envoi de ravitaillement ou assistance dans un délai raisonnable.

Certains défenseurs de la colonisation spatiale comme la Mars Society pensent que coloniser la Lune serait plus difficile que coloniser Mars, et que concentrer les ressources sur une colonisation lunaire serait retarder le programme de colonisation tout entier. D'autres groupes comme la National Space Society et la Moon Society croient au contraire que la Lune est un premier pas logique. La possibilité d'utiliser la fusion nucléaire comme source d'énergie propre à partir de l'hélium-3 (3He) extrait sur la Lune serait une justification économique de l'implantation d'une base lunaire. Hélas, il n'existe pas encore d'application civile de la fusion pour la production d'électricité : seuls des prototypes expérimentaux ont pu être construits à ce jour et on ne prévoit pas de centrale rentable avant 2040-2050. Par ailleurs, les études montrent la difficulté d'extraire l'hélium-3 du régolithe, sans parler de son raffinage. Si la Chine (par la voix de son responsable du programme lunaire Ouyang Ziyuan) fonde de grands espoirs sur l'hélium-3, tel n'est pas le cas des États-Unis, qui prévoit l'extraction d'oxygène, voire d'eau et l'utilisation de panneaux solaires[20].

Bibliographie

  • Jacques Villain, « À la conquête de la Lune », Larousse-Bordas, Paris, 1998 (ISBN 2-0351-8230-1)
    Ouvrage de référence sur la course à la Lune.

Voir aussi

Lien externe

Notes et références

  1. Description du projet Horizon Lunar Outpost à [lire en ligne]
  2. Description du projet Lunex à [lire en ligne]
  3. Description de la base lunaire DLB à [lire en ligne]
  4. Description du projet Selena à [lire en ligne]
  5. Description du L3M à [lire en ligne]
  6. Description du LEK à [lire en ligne]
  7. Description des Apollo Extension Systems à [lire en ligne]
  8. Description de l'Apollo Logistics Support System à [lire en ligne]
  9. Description du Lunar Exploration Program à [lire en ligne]
  10. Description du Lunar Exploration System for Apollo à [lire en ligne]
  11. Ces quatre projets sont abandonnés en 1968 avec la décision de la NASA de ne pas construire de lanceurs Saturn V supplémentaires
  12. Aaron Cohen, « Report of the 90-Day Study on Human Exploration of the Moon and Mars », NASA/JSF (20 novembre 1989) [lire en ligne] [PDF]
  13. Discours du président des États-Unis George Bush du 29 juillet 1989 déclarant « Tout d'abord, pour la prochaine décennie - les années 1990 - la station spatiale Freedom, la prochaine avancée critique pour tous nos efforts spatiaux. Et ensuite - pour le siècle prochain - le retour sur la Lune. Retour vers le futur. Et cette fois-ci pour y rester. Et ensuite, un voyage vers l'avenir - un voyage vers une autre planète - une mission habitée vers Mars (planète) ». Le vice-président Dan Quayle et Mark Albrecht, directeur du National Space Council avaient formulé en secret le projet dès juin 1989, au grand dam du ministère du Budget, qui juge le SEI irréaliste étant donné qu'il entrainerait un doublement du budget de la NASA sur dix ans
  14. Les missions lunaires habitées sont supprimées du budget de la NASA pour 1993 et Dan Goldin, son administrateur, dissout l'Office of Space Exploration le 25 mars 1993 pour se concentrer sur la station spatiale et les sondes interplanétaires dites « cheaperfasterbetter »
  15. Description du projet LANTR, très proche du moteur NERVA de 1961-1969, à [lire en ligne] [PDF]
  16. (fr) La base du cratère Shackleton - Flash Espace, 29 février 2008
  17. (fr) Des colons sur la Lune en 2020 - Le Figaro, 5 décembre 2005]
  18. Conquête spatiale : Obama ramène la Nasa sur Terre, Le Figaro, 3/2/2010.
  19. Rémy Decourt, « La Nasa prépare un atterrisseur lunaire de nouvelle génération » sur futura-sciences, 12 janvier 2011. Consulté le 12 janvier 2011
  20. Philippe Coué, L'énergie venue de l'espace, dans Espace Magazine no 32 (octobre-novembre 2007) (ISSN 1634-0787)

Wikimedia Foundation. 2010.

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