Chronobiologie

Chronobiologie

La chronobiologie est une discipline scientifique étudiant lorganisation temporelle des êtres vivants, des mécanismes qui en assurent la régulation (contrôle, maintien) et de ses altérations. Cette discipline traite essentiellement de létude des rythmes biologiques.

Sommaire

Histoire

Premières observations

Lhomme préhistorique acquiert déjà une connaissance sommaire de lorganisation temporelle des êtres vivants (maturité des fruits, migration du gibier, frai des saumonsetc.). Lhomme du néolithique maîtrise lagriculture et lélevage par sa connaissance du cycle végétal et du cycle reproducteur des animaux[1]

Les premiers écrits décrivant les rythmes biologiques concernent la biologie végétale. Ils remontent au IVe siècle avJ.‑C. Théophraste rapporte dans son Histoire des plantes quAndrosthène observe sur lîle de Tylos un arbre « dont les indigènes disent quil dort » : ce photopériodisme concerne probablement le tamarinier[2].

Au XVIIe siècle, le médecin italien Santorio Santorio met en évidence le rythme circadien chez lhomme en mesurant la variation journalière de son poids.

Premières expérimentations et applications

En 1729, le savant français Jean-Jacques Dortous de Mairan étudie la nyctinastie chez la sensitive : même placée dans lobscurité totale et dans un environnement constant (température, humidité), la plante continuait douvrir ses feuilles (comme elle le fait pendant le jour) et les replier la nuit. Il expérimente ainsi pour la première fois les rythmes circadiens et montre ainsi la nature endogène des rythmes circadiens[3]. En 1751, le naturaliste suédois Carl von Linné applique ce phénomène de nyctinastie pour concevoir une horloge florale. En 1814, le médecin Julien Joseph Virey (1755-1836) publie Éphémérides de la vie humaine, ou Recherches sur la révolution journalière et la périodicité de ses phénomènes dans la santé et les maladies, première thèse de chronopharmacologie dans laquelle il pose la terminologie « horloge du vivant »[4]. En 1832, Augustin Pyrame de Candolle découvre que la nyctinastie de la sensitive sexerce sur une périodicité de 22 à 23 heures, montrant lexistence dune période endogène en cours libre. Il réalise aussi la première expérience de resynchronisation biologique en exposant la sensitive à lobscurité le jour et à un éclairage permanent la nuit[5].

Au début du XXe siècle, léthologiste allemand Karl von Frisch montre que labeille dispose dune horloge interne, avec trois mécanismes de synchronisation ou de réglage. En 1920, les botanistes américains Whigtman Garner et Henry Allard font une étude approfondie sur le photopériodisme et classent un grand nombre de plantes en jours courts et longs[6]. En 1925, le biophysicien russe Alexander Chizhevsky (en) établit une relation entre les tempêtes solaires et les catastrophes sur terre (guerres, épidémies, meurtres). Il fonde lhéliobiologie qui sera plus tard intégrée à la chronobiologie[7].

Recherche contemporaine

Les premiers laboratoires scientifiques étudiant les oscillations biologiques se mettent en place dans les années 1920[8]. En 1935, le biologiste allemand Erwin Bünning (en) montre lorigine génétique du rythme circadien chez des plantes[9].

Les travaux exhaustifs de Jürgen Aschoff, Erwin Bünning (en) et Colin Pittendrigh (en) dans les années 1950 sur les horloges circadiennes des oiseaux et souris, font quils sont considérés comme les fondateurs de la chronobilogie. Franz Halberg (en), de lUniversité du Minnesota, qui a étudié linfluence de lheure dadministration des médicaments et inventé le mot circadien en 1959, est considéré comme le « père de la chronobiologie américaine ».

En 1960, le symposium à Cold Spring Harbor Laboratory (en) jette les bases pour le domaine de la chronobiologie. La même année, Patricia DeCoursey invente la Phase response curve (en) (courbe de réponse de phase), un des principaux outils utilisés dans le domaine[10].

Dans les années 1970, le premier gène de lhorloge (en), nommé per (pour period est mis en évidence dans le règne animal (drosophile[11], en 1971 chez le rongeur), d'autres gènes de ce type sont identifiés dans le règne végétal (algue Chlamydomonas reinhardtii[12]), fongique (Neurospora crassa[13]).

Des expériences « hors du temps » (isolement temporel selon le protocole de libre cours[14]) sont menées par les biologistes allemands Jürgen Aschoff et Rutger Wever (1962) et par Michel Siffre (en 1962 et 1999: elles montrent que diverses fonctions humaines (physiologiques, cognitives ou comportementales) sont contrôlées par une horloge circadienne de période endogène en cours libre (24h et 9 minutes en moyenne : 24 h 5 min chez les femmes, 24 h 11 min chez les hommes, ce qui explique qu'en moyenne les femmes ont besoin de se coucher plus tôt et sont plus sujettes aux insomnies que les hommes[15]).

En 1992, Michael Rosbash met en évidence des des horloges circadiennes au niveau moléculaire (ARN messager de per)[16]. En 1997, une étude révèle que la majorité des cellules possède une horloge moléculaire indépendante[17]. En 2005, une horloge d'une cyanobactérie est reconstituée dans un tube à essai[18].

Si la chronobiologie actuelle s'intéresse à la génétique et aux niveaux moléculaires (par exemple les travaux du docteur James Bendayan qui étudie les différences de rythmicité des génomes différents chez les femmes et les hommes[2]) elle porte également son attention sur les impacts des rythmes biologiques dans un référentiel calqué sur la vie quotidienne des êtres humains et des sociétés, au travers de la chronomédecine, de la variation de la performance humaine (sports, cognition), de la chronobiologie appliquée[19] plus récemment de la chronoprévention des risques (influences du travail posté et du travail de nuit sur la santé au travail, analyse et couverture des risques, problématiques de santé publique)[20]

Chronobiologie et homéostasie

Bien que lidée du facteur temps en biologie et en médecine ne soit pas nouvelle (notion que lon retrouve chez Aristote et Pline qui constatent la rythmicité dans la reproduction, la floraison, lhibernation ou la migration), les réflexions, recherches et pratiques de ces dernières décennies ont longtemps été influencées par une croyance en linvariance des êtres vivants sur le « court terme », à léchelle des 24 heures, tout comme à léchelle dune année. Certains parlent à cet égard de dogme en visant plus ou moins directement le concept dhoméostasie, que lon retrouve chez Walter Cannon sinspirant des idées sur la stabilité du milieu intérieur de Claude Bernard.

La contradiction entre le sujet détude de la chronobiologie et ce concept nest quapparente et est probablement due à une mauvaise interprétation.

En effet, lhoméostasie traite de la capacité qua le milieu intérieur dun être vivant à se maintenir dans un état apparemment ou globalement stable et ce malgré les fluctuations et changements survenant au sein de son environnement. Or ce dernier nest jamais constant, ses caractères perceptibles évoluent sans cesse :

  • de manière rythmique, facilement prévisibles (la Terre tourne sur elle-même et autour du Soleil, ce qui induit une alternance lumière/obscurité ainsi que la présence de saisons)
  • de manière aléatoire ce qui est parfois beaucoup plus subtil à percevoir et à prévoir.

Leffet de fluctuations rythmiques (comme lalternance jour/nuit sur 24 h, ou jours courts / jours longs sur une année) sur un organisme qui se veut homéostatique induit logiquement une compensation du même ordre en vue du maintien de lorganisme observé. Ces rétrocontrôles ou feed-backs réguliers permettent donc léquilibre dun état de « non-équilibre ».

La chronobiologie sinscrit à ce titre dans le cadre de létude des processus non linéaires, que lon retrouve en thermodynamique chez des chercheurs comme Prigogine ou en science des systèmes. Elle traite donc doscillations des systèmes ouverts et évolutifs.

Selon Alain Reinberg[21], de nombreux chronobiologistes saccordent à dire que, globalement, les rythmes biologiques correspondent à une adaptation des êtres vivants aux variations prévisibles de lenvironnement. La question du « Pourquoi ? » des rythmes biologiques reste toutefois « embarrassante » : selon lauteur, tenter dy répondre correspondrait à introduire la question de la finalité, et plus précisément celle des mécanismes de lévolution des êtres organisés, de leur adaptation spécifique (relative à lespèce) et individuelle à lenvironnement. Dans cette situation il est donc difficile de fournir des « preuves expérimentales » de ce que lon avance. Les rythmes biologiques peuvent donc apparaître comme une « condition » de la survie des individus ou dune espèce dans la périodicité de lenvironnement terrestre. Il faut toutefois remarquer quil existe certains rythmes qui ne semblent pas correspondre de prime abord à une nécessité environnementale.

Le concept dhoméostasie doit donc impérativement intégrer les notions de dynamique et de biopériodicité. La notion déquilibre en biologie, lorsque cet équilibre nest pas dynamique (un déséquilibre perpétuellement rattrapé), est synonyme de mort.

Caractérisation des rythmes biologiques

Un rythme biologique se caractérise par sa période, lemplacement de lacrophase (ou pic, ou sommet, ou zénith) de la variation dans léchelle de temps de la période, lamplitude et le niveau moyen de la variation (MESOR).

Période

Intervalle de temps mesuré entre deux épisodes qui vont se reproduire identiques à eux-mêmes au cours de la variation. La période du rythme dune variable biologique peut être obtenue par analyse spectrale, fournissant une estimation de la période prépondérante fondamentale et de ses harmoniques. On peut aussi lobtenir via la connaissance du rythme des synchroniseurs (conditions expérimentales).

En fonction de la période prépondérante, la chronobiologie distingue trois grands domaines de rythmes :

  • les rythmes circadiens, dune période équivalant théoriquement à un jour (24 heures), mais qui varie en réalité de 20 à 28 heures ;
  • les rythmes ultradiens, cest-à-dire dune fréquence plus rapide quun rythme circadien, donc dune durée théoriquement inférieure à 24 heures ;
  • les rythmes infradiens, cest-à-dire dune fréquence plus lente quun rythme circadien, donc dune période supérieure à 24 heures. Parmi ceux-ci :
    • les rythmes septénaires (environ une semaine),
    • les rythmes circamensuels (environ un mois),
    • les rythmes circannuels, ou saisonniers.

Une même variable biologique manifeste sa rythmicité dans plusieurs de ces domaines (exemple du cortisol plasmatique).

Acrophase

Lacrophase (pic, ou zénith), dont lopposé est la « batyphase » ou « bathyphase », est la position de la plus haute valeur de la variable biologique mesurée dans léchelle du temps, pour la période considérée en fonction dune référence temporelle. Lorsque lon se trouve dans le domaine circadien, le pic peut être donné en heures avec comme référence une heure (par exemple minuit de lheure locale). Il est possible de donner lemplacement de lacrophase par rapport à la température corporelle, mais cela reste beaucoup plus rare.

Lorsquon utilise la méthode du Cosinor, le pic sera le point le plus élevé de la fonction sinusoïdale, mais la plupart du temps on parle de pic au regard des valeurs expérimentales.

Amplitude

La caractérisation est la même quen sciences physiques ou en mathématiques. Elle représente la variabilité totale de la valeur biologique mesurée sur une période considérée.

Mesor ou niveau moyen du rythme

MESOR pour Midline Estimating Statistic Of Rythm. Il sagit de la moyenne arithmétique des mesures de la variable biologique.

Propriétés des rythmes biologiques

Les rythmes biologiques ont une origine à la fois endogène et exogène :

Origine endogène

Leur origine est génétique, ils sont innés et ne résultent pas dun apprentissage individuel. Ils sont gouvernés par des horloges biologiques (ou garde temps). Cette caractéristique peut être mise en évidence par une isolation (protocole de libre cours) durant laquelle les rythmes persistent sur une fréquence qui leur est propre.

Ces facteurs endogènes sont entraînés par des facteurs exogènes, Les Zeitgebers ou Synchroniseurs.

Lorigine endogène prend son origine de la constitution génétique de lespèce et de ses individus. Il est possible quinterviennent dune part des gènes programmant directement le rythme considéré et dautre part la structure densemble de lindividu dépendant à la fois de lensemble des autres données génétiques et de facteurs socio-psycho-biologiques exogènes.

On connaît une horloge principale localisée dans lhypothalamus et des horloges secondaires dont plusieurs sont gérées, elles aussi au niveau cérébral.

Il existe plusieurs gènes codant diverses horloges biologiques : on a, par exemple, décrit une horloge alimentaire qui réglerait la préparation digestive au repas à venir (cf. Étienne Challet et al., Current Biology du 24 octobre 2006).

Rythmes d'origine centrale et rythmes d'origine périphérique

En fait, toutes les cellules de lorganisme, et pas seulement celles qui appartiennent aux structures cérébrales plus spécialisées, sont dotées dune horloge propre qui est difficile à mettre en évidence in vitro dans les conditions habituelles du laboratoire. Benoît Kornmann et ses collaborateurs ont découvert la possibilité de laisser en activité ou dannihiler lhorloge de cellules hépatiques ; cela a permis de déterminer que leur rythme circadien est à 90 % dorigine « locale » mais quil existe un impact « global » (central et/ou lié directement aux synchroniseurs externes) de 10 % au moins. Cette part est très robuste et persiste lorsquon bloque lhorloge propre des cellules périphériques.

Facteur d'entraînements exogènes, ou synchroniseurs

Le synchroniseur est un facteur environnemental, parfois social, mais toujours périodique, susceptible de modifier la période ou la phase dun cycle biologique. Les synchroniseurs ne créent pas les rythmes biologiques mais ils en contrôlent la période et la phase.

Les principaux agents dentraînement des rythmes chez lhomme sont de nature cognitives, ainsi les indicateurs socio-écologiques y jouent un grand rôle.

On peut citer ici lalternance activité/repos, lumière/obscurité au niveau quotidien, ou encore la photopériode (jours courts / jours longs) et la température au niveau annuel ou saisonnier.

Conclusions et implications

Les rythmes biologiques sont donc entraînables (ajustement de la période des rythmes) mais aussi persistants (mise en évidence par protocoles de free run ou libres cours, dans lesquels on coupe lindividu de tous signaux susceptibles de le resynchroniser).

On peut déplacer leurs phases par induction via la manipulation des synchroniseurs (lumière essentiellement) et ainsi créer des avances ou des retards de ces phases, on peut ainsi en cas de pathologie remettre à lheure lhorloge biologique et ainsi remettre en phase lorganisation temporelle de lindividu. Les rythmes circadiens, quasiment ubiquitaires, sont peut être les rythmes biologiques les plus remarquables et les plus facilement observables.

Dautres synchroniseurssociaux notammentsadressent à notre cortex. Ils sont des signaux et peuvent être appris. Grâce à un travail cérébral spécifique, tout signal perçu comme repère temporel peut devenir un synchroniseur et orienter notre « vécu » circadien, mais aussi, le cas échéant, circannuel, ultradienetc. Autrement formulé, notre « horlogerie » interne est influencée par le bruit des voisins, le déclenchement de la sonnerie du réveil, lheure de passage du facteur, le moment quotidien pendant lequel telle personne a pris lhabitude de nous téléphonerla liste est longue. Chez lhomme, les synchroniseurs sociaux ont un effet plus important que les synchroniseurs naturels, mais on observe des phénomènes semblables chez certains animaux sociaux qui se synchronisent grâce aux informations données par leurs congénères. Un synchroniseur social peut en remplacer un autre par un phénomène dapprentissage.

Désynchronisation

La désynchronisation correspond à une perte de la relation de phase des rythmes biologiques. Elle peut être dorigine externe (liée aux modifications de lenvironnement) ou interne (sans relation directe avec lenvironnement).

Désynchronisation externe

Travail posté

Le travail de nuit ou le travail posté peuvent provoquer une désynchronisation de lorganisation temporelle de lindividu (il est difficile de prédire qui est tolérant ou non à ce type de travail).

Décalage horaire ou jet lag

En cas de vol transméridien supérieur à environ cinq heures (phénomène de décalage horaire) on observe une désynchronisation chez les individus.

  • Cycle nycthéméral : recadrage en 2 jours
  • Température du corps : recadrage en une semaine
  • Sécrétion du cortisol : recadrage en 15 à 20 jours

Cécité totale

Les aveugles dont la rétine est complètement inopérante (la rétine contient des récepteurs non photiques permettant de stimuler la sécrétion de mélatonine par la glande pinéale) présentent de nombreux troubles de leur organisation temporelle. La lumière ne pouvant pas être traduite en signal hormonal de synchronisation, il sensuit des symptômes similaires à ceux pouvant apparaître dans dautres cas de désynchronisation.

Désynchronisation interne

Cette dernière est mal comprise. Elle est affectée par lâge, la dépression, ou les cancers hormono-dépendants (sein, ovaires, prostateetc.).

Mise en évidence d'une désynchronisation

On peut la mettre en valeur via létude de rythmes marqueurs (cortisol plasmatique, mélatonine plasmatique, températureetc.). Si la désynchronisation est mise en évidence, ces marqueurs seront dits soit en avance de phase, soit en retard de phase par rapport à lorganisation temporelle de référence (normale) pour lindividu étudié.

Autres facteurs pouvant affecter les rythmes biologiques

Lâge est un facteur dont il faut tenir compte :

  • le fœtus est cosynchronisé avec les rythmes de sa mère[réfnécessaire]
  • le nourrisson a ses rythmes qui seront plutôt portés sur lultradien (cycle activité/repos de 50 min à une heure en rapport avec la maturité du système nerveux ?)[22]
  • lenfant de 4 ans est totalement circadien[réfnécessaire]
  • le stade pubertaire change les rythmes biologiques[réfnécessaire]
  • la personne âgée aura des rythmes de moins en moins bien synchronisés et « marqués »[réfnécessaire]

Le sexe : la notion de rythme chez la femme est moins facile à étudier que chez lhomme (cycles menstruels).[réfnécessaire]

La surface corporelle joue également.[réfnécessaire]

Exemples d'applications

En France, Michel Siffre, spéléologue, a réalisé l'une des premières expérience disolement hors temps dans le gouffre du Scarasson[23],du 18 juillet au 14 septembre 1962 à 2 000 m daltitude dans les Alpes italiennes (Entre Limone et Tende).

Les conditions de cette expérimentation peuvent se rapprocher des conditions de free run, situation dans laquelle les individus étudiés sont privés de tous synchroniseurs. Le free run permet de mettre en valeur les périodes des rythmes endogènes de chaque individu.

Le Pr Christian Poirel (Canada) a étudié les rythmes circadiens de la souris et sur les phénomènes psychopathologiques humains. [réf. souhaitée]

Chronopsychologie

En 1967, dans Psychologie du temps, Paul Fraisse crée et développe la notion de chronopsychologie.

François Testu (université de Tours), a étudié les rythmes dapprentissage chez lenfant, en leur faisant faire des exercices simples et en regardant les taux de réussite selon les heures[24]. Il a observé la présence de deux acrophases, vers 11 h et 17 h 30 (acrophase qui nexiste pas chez les petits enfants), et de deux batyphases, la première vers 13 h 30 (elle nest pas directement et uniquement liée à la digestion du déjeuner, sinon il y aurait également une batyphase durant toute période post-prandiale, après toute prise daliments). Elle dure environ 2 heures, (entre 13 h et 15 h). Cette baisse est très liée à la baisse physiologique de la vigilance correspondant au creux méridien (C. Leconte, 1995). La deuxième a lieu vers 3 h 30 du matin. (Claire Leconte sétonne de voir un tel résultat sur les rythmes dapprentissage chez lenfant, est-il réveillé la nuit pour faire une épreuve dattention ?) Cette dernière est sans doute liée à la chute de la température, qui est au plus bas entre 3 et 5 heures du matin[2].

Outre ce cycle circadien dattention, on note aussi un cycle ultradien denviron 90 minutes, ce que Kleitman appelle le BRAC (Basic Rest-Activity Cycle, Cycle fondamental activité-repos)[22]. Par exemple après le début dun cours, lattention est à son maximum après environ 25 minutes, puis décroît et la batyphase se situe vers 75 minutes[réfnécessaire]. Aucune recherche na permis de confirmer un tel résultat, la variation de lattention lors dun cours dune heure est très dépendante du contenu de ce cours, de la compétence de lenfant par rapport à lactivité à réaliser, de la motivation que cet enfant éprouve pour ce cours, du contexte pédagogique dans lequel il est fait. Dans les expériences menées, on relève de grandes différences inter-individuelles. (Claire Leconte, 1995)

Une étude américaine a révélé un cycle dattention correspondant à lintervalle entre les publicités qui coupent les émissions télévisées.[réfnécessaire]

Rôle dans l'accidentologie

Alain Reinberg[25], en citant Folkard[26], insiste sur la place de la chronobiologie en accidentologie et donne quelques raisons :

  • Laccident a une rythmicité à léchelle dune population. « Il est unique et peut être mortel pour lindividu, mais le regroupement de son incidence en fonction du temps montre quil existe des heures noires »[27]. Selon lauteur, lintervalle des heures noires se situe entre minuit et quatre heures du matin (mais les frontières sont légèrement floues, dues à la variabilité biologique et aux synchronisations respectives des individus concernés).
  • Le caractère nocturne de laccident de ladulte est une expression des rythmes circadiens impactant directement la vigilance et la performance des activités des individus[28],[29],[30],[31],[32].

Ces variations de vigilance sont très étudiées dans le cas de surveillance du pilotage des navires (organisation en quarts) ou de salles de contrôles d'installation industrielles (usines chimiques, centrales nucléaires) ou de trafic (tour de contrôle, Cross). Des catastrophes industrielles de l'époque moderne se sont produites au cœur de la nuit, à un moment de vigilance moindre ; on peut citer l'exemple célèbre du naufrage du Titanic qui s'est produit durant la période critique aux alentours de 23 h et 1 h du matin.

Notes et références

  1. Ladislas Robert, Les temps de la vie, Flammarion, 2002, p. 129 .
  2. a, b et c Claire Leconte, La chronobiologie, émission La tête au carré sur France Inter, 12 avril 2011.
  3. Jean-Jacques Dortous de Mairan, Observation botanique, Histoire de lAcadémie royale des sciences, 1729, p. 35-36 .
  4. Alain Reinberg, Lart et les secrets du temps : une approche biologique, du Rocher, 2001, p. 33-34 .
  5. Augustin Pyrame de Candolle, Physiologie Végétale, Bechet Jeune, 1832 .
  6. (en) Garner & Allard, « Effect of the relative length of day and night and other factors of the environment on growth and reproduction in plants », dans Journal of Agriculture Research, no 18, 1920, p. 553-606 .
  7. (en) Edward S. Ayensu, Philip Whitfield, The Rhythms of life, Marshall Publishing Limited, 1982 .
  8. [PDF] La synchronisation et la cadence.
  9. (de) Erwin Bünning, « Zur Kenntnis der erblichen Tagesperioizitat bei den Primarblatter von Phaseolus multiflorus », dans Jahrbücher für wissenschaftliche Botanik, no 81, 1935, p. 411-418 .
  10. (en) Leon Kreitzman et coll, Rhythms of life : the biological clocks that control the daily lives of every living thing, Yale University Press, 2004 
  11. (en) Konopka, R.J., Benzer, S., « Clock mutants of Drosophila melanogaster », dans Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 68, 1971, p. 2112-2116 
  12. (en) Bruce, V.G., « Mutants of the biological clock in Chlamydomonas reinhardi », dans Genetics, vol. 70, 1972, p. 537-548 
  13. (en) Feldman, J.F., Hoyle, M., « Isolation of circadian clock mutants of Neurospora crassa », dans Genetics, vol. 755, 1973, p. 605-613 
  14. Par opposition au protocole de desynchronisation forcée
  15. (en) Jeanne F. Duffy et coll, « Quantification of Behavior Sackler Colloquium : Sex difference in the near-24-hour intrinsic period of the human circadian timing system », dans Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 108, 13 septembre 2011, p. 15602-8 [lien DOI] 
  16. (en) M. Rosbash et coll, « Circadian oscillations in period gene mRNA levels are transcriptionally regulated », dans Proceedings of the National Academy of Sciences, no 89, 1992, p. 89:11711-11715 .
  17. (en) Liu C., Weaver D.R., Strogatz S.H., Reppert S.M., « Cellular construction of a circadian clock: period determination in the suprachiasmatic nuclei », dans Cell, no 91, 1997, p. 855-860 
  18. (en) M. Nakajima et col, « Reconstitution of circadian oscillation of cyanobacterial KaiC phosphorylation in vitro », dans Science, no 308, 2005, p. 414-415 
  19. Voir les colloques thématiques de l'International Society for Chronobiology: http://www.chronoint.org/55431/ICACC-MEETING
  20. Cette approche est celle de certains sapeurs-pompiers français. Voir: Brousse E, Forget C, Riedel M, Marlot M, Mechkouri M, Smolensky MH, Touitou Y, Reinberg A., 24-hour pattern in lag time of response by firemen to calls for urgent medical aid, in Chronobiology International, 2011 Apr;28(3):275-81, http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21452923
  21. REINBERG, A.,(1991), Dimension temporelle de la médecine, in Chronobiologie médicale, chronothérapeutique, Flammarion, coll. Médecine Sciences, 2e édition (2003), Paris, p. 8-9.
  22. a et b Nathaniel Kleitman, Sleep and wakefulness, University of Chicago Press, 1963.
  23. http://www.cms06.com/pagesperso-orange.fr/c.m.speleo-nice/albums/index5.htm Photos du site de lexpérience de Michel Siffre dans le Gouffre du Scarasson.
  24. François Testu, Rythmes de vie et rythmes scolaires : aspects chronobiologiques et chronopsychologiques, Masson, 2008, 175 p. [lire en ligne] .
  25. REINBERG A. (2003), Heures noires, Rythmes du risque des accidents, in Chronobiologie médicale, chronothérapeutique, Flammarion, coll. Médecine Sciences, 2e édition , Paris, p. 263-273.
  26. FOLKARD S., Black times: temporal determinents of transport safety, Accid. Anal and Prev, 1997, 29: 417-430.
  27. REINBERG A.(2003), opcit., p. 263.
  28. LAVIE P., The search for cycles in mental performance from Lombard to Kleitmann, in Chronobiologia, 1980,7:247-258.
  29. COLQUHOUN W.P., Biological rythms and human performance, London, Academic Press, 1971:39-107.
  30. GILLOOLY P, SMOLENSKY M.H., ALBRIGHT D., et al., Circadian variations in human performance evaluated by the Walter Reed Assessement Battery, Chronobiology Int, 1990, 7: 143-153.
  31. CARRIER J, MONK T, Effects of sleep and circadian rythms on performance. In FW Turek, PC Zee, Regulation of sleep and circadian rythms. New York, Marcel Dekker Inc. 1999 527:556.
  32. MONK T., Shift worker performance, In: AJ Scott. Shiftwork. Occupationnal medecine. Philadelphia, Hanley & Belfus Inc. 1990:183-198.

Voir aussi

Chronobiology International

Bibliographie

  • Dunlap J.C., Loros J.J., DeCoursey P.J. dir., Chronobiology, biological time keeping, Sinauer Associates Inc., 2004, Sunderland,
  • Albert Goldbeter, La Vie oscillatoire. Au cœur des rythmes du vivant, éditions Odile Jacob, 2010. Présentation en ligne
  • André Klarsfeld, Les Horloges du vivant. Comment elles rythment nos jours et nos nuits, éditions Odile Jacob, 2009. Présentation en ligne
  • Leconte, C. (1995) La chronopsychologie à l'école, In Manuel de psychologie pour l'enseignement, coord. D. Gaonach et C. Golder, Ed Hachette Education, 456-489.
  • Poirel C., Les rythmes circadiens en psychopathologie (Perspectives neurobiologiques sur les structures de rythmes temporalité), Masson Ed., Paris, 1975.
  • Alain Reinberg, (1991), Chronobiologie médicale, chronothérapeutique, Flamarion, coll. Médecine Sciences, 2e édition (2003), Paris
  • Alain Reinberg, F. Levi et M. Smolensky, « Chronobiologie et pathologie infectieuse »/« Chronobiology and infectious diseases », Médecine et Maladies Infectieuses , vol. 17, Supplément 2, mai 1987, Pages 348-350 ; doi:10.1016/S0399-077X(87)80286-X
  • Sechter, D. et Poirel, C., Chronobiologie et psychiatrie, Masson Publ., Paris et New York, 1985.

Liens externes



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  • Chronobiologie — Chrono|bio|logi̲e̲ [↑...logie] w; : Wissenschaft und Lehre von der zeitlichen Struktur, in der die einzelnen Lebensprozesse miteinander verknüpft sind …   Das Wörterbuch medizinischer Fachausdrücke

  • Chronobiologie — Chro|no|bio|lo|gie die; : Fachgebiet der Biologie, das die zeitlichen Gesetzmäßigkeiten im Ablauf von Lebensvorgängen erforscht …   Das große Fremdwörterbuch

  • Chronobiologie — Chro|no|bio|lo|gie (Wissenschaft von den zeitlichen Gesetzmäßigkeiten im Ablauf von Lebensvorgängen) …   Die deutsche Rechtschreibung

  • Chronobiologique — Chronobiologie Neurosciences Niveaux d analyse Moléculaire • …   Wikipédia en Français

  • Pression biologique — Chronobiologie Neurosciences Niveaux d analyse Moléculaire • …   Wikipédia en Français

  • Batyphase — Chronobiologie La chronobiologie est une discipline scientifique étudiant l organisation temporelle des êtres vivants, des mécanismes qui en assurent la régulation (contrôle, maintien) et de ses altérations. Cette discipline traite… …   Wikipédia en Français

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