- Chapelle palatine
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Chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle
La chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle était la chapelle privée de Charlemagne située à Aix-la-Chapelle, une ville d'Allemagne située dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Commencée vers 792, consacrée en 804 et achevée en 805, elle fait partie du palais d'Aix-la-Chapelle. Elle contient les restes de Charlemagne et a été le site de couronnements pendant environ 600 ans. Elle a été intégrée dans l'actuelle cathédrale d'Aix-la-Chapelle.
La construction de cet édifice s'est appuyée sur des modèles antérieurs. Cette chapelle était la synthèse accomplie entre l'Antiquité et les dernières innovations techniques et stylistiques de l'époque. Pour ces raisons, elle constitue une référence qui a donné lieu à de nombreuses reprises. En date de 2008, la chapelle est conservée presque intacte, malgré des adjonctions plus tardives et d'importantes réfections du XIXe siècle. En tant que partie du palais, elle apparaît sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.
Elle a été nommée à partir du mot latin capa, en référence à la relique de la cape de Martin de Tours qui se trouvait dans l'édifice.
Il n'y a pas de documents d'époque concernant ce monument, mis à part une lettre d'Alcuin, conseiller de l'empereur Charlemagne, qui mentionne les colonnes du niveau supérieur dressées en 798.
Sommaire
Contexte historique
Un vaste mouvement touchant les domaines religieux, artistique et littéraire a commencé à l'époque de Charlemagne. C'est la volonté de faire renaître une civilisation brillante comme celle des Romains, de créer une « seconde Rome au nord des Alpes ».
Contrairement aux habitudes des souverains mérovingiens[note 1], Charlemagne choisit selon le modèle antique d'établir une capitale fixe (centralisation administrative, présence de sa cour et de son trésor). Après un premier essai à Ingelheim près de Mayence, le choix définitif se porte sur Aix en raison du goût de l'empereur pour les sources chaudes[note 2]. En outre, son père, Pépin le Bref y possédait déjà un château.
Charlemagne a fait débuté la construction de la chapelle palatine vers 792, en même temps que la construction des autres bâtiments du palais[1]. Il s'agit d'un regroupement de différents bâtiments nécessaires à l'exercice du pouvoir et à la vie d'une cour[note 3] :
- une aula pour la réception,
- des bâtiments d'habitation,
- une chapelle pour les offices religieux, ce qui légitime son pouvoir spirituel et servira à abriter son tombeau.
La construction de l'ensemble a duré environ 12 ans, il s'agit d'une période de construction relativement courte par rapport à l'ampleur du chantier. Le palais en lui-même sera occupé dès l'an 800. Tandis que la chapelle qui a été dédiée à la Vierge Marie, sera consacrée par le pape Léon III en 804.
Description
- Situation
L'ensemble palatial est très étendu. La chapelle est disposée au sud, symétriquement à l'aula regia. Un atrium rectangulaire précède le massif occidental (Westwerk[note 4] avec une niche occidentale de 20 mètres de hauteur, encadrée de deux tourelles d'escalier, fermé à l'origine par une porte en bronze à deux vantaux) qui donne sur la chapelle de plan centré. Deux petites basiliques jouxtent la chapelle au nord comme au sud (ajoutées après la mort de Charlemagne, peut-être pour le concile d'Aix en 817).
- Extérieur
Extérieurement, on perçoit bien le découpage de l'église en trois parties: le Westwerk, la chapelle palatine et le chœur gothique.
- Plan
Le plan est très élaboré (chapelle de « disposition originale » d'après le chroniqueur Eginhard), puisqu'il consiste en un octogone central de 16.54 mètres de diamètre et en un déambulatoire hexadécagonal (polygone à seize pans). Dans le déambulatoire, il y a huit travées hexagonales (voûtées en arêtes, pas de doubleaux). On passe du plan octogonal central au plan hexadécagonal périphérique par l'adjonction de voûtains (des quartiers de voûtes) triangulaires. À l'est était construite une abside rectangulaire, qui a disparu.
- Elévation intérieure
L'élévation intérieure se caractérise par trois niveaux
- Un niveau de grandes arcades
- Un niveau de tribune
- Un niveau de fenêtres hautes
Les grandes arcades reposent sur de puissants piliers et soutiennent les arcs monumentaux de la tribune (dédoublement de ce niveau par un double étage de colonnettes : deux paires, l'une au dessus de l'autre, triplets d'arcature). Le niveau inférieur des baies de la tribune est clôturé par un parapet (grilles au décors géométrique). La tribune est voûtée en berceaux transversaux (demi-cylindres parallèles les uns aux autres). L'emploi du même type d'arcs (en plein cintre) et de claveaux bichromes alternés permet une correspondance visuelle entre le niveau des grandes arcades et le niveau de la tribune.
La verticalité de l'édifice est accentuée par les colonnettes regroupées et les lignes droites.
Le niveau supérieur est celui des fenêtres hautes, sobres, sans ébrasements, pourvues d'une allège. Il s'agit du tambour de la coupole. La coupole, à huit pans, culmine à plus de 33 mètres de hauteur. Elle est constituée d'une voûte d'arêtes (pas de trompes ni de pendentifs, puisqu'ici il n'y a pas à passer d'un plan carré à un plan octogonal, les murs sur lesquels s'appuie la coupole formant déjà un octogone). Le sommet de la coupole est un simple point (le point de jonction des voûtains).
La mosaïque ornant la coupole a disparu au XVIIIe siècle, mais est connue par une gravure et quelques descriptions. Ainsi, y était représenté un Christ en majesté (« trônant dans le ciel ») ainsi que les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse. La mosaïque actuelle, de style néo-byzantin, est l'œuvre de l'architecte belge Jean-Baptiste de Béthune ; elle fut exécutée entre 1879 et 1881 par les ateliers de Antonio Salviati à Venise.
Analyse
- Caractéristiques de la construction
Exemple type de l'architecture carolingienne, la chapelle a été érigée par Eudes de Metz. La règle de base est l'emploi du petit appareil, associé au moyen appareil de pierre de taille (pour les piliers, les arcs, les piédroits, les chaînes d'angle et les assises de séparation des différents niveaux). Cela démontre une réflexion technique sans équivalent pour l'époque. Cette technicité est visible par exemple au travers de la solidité de la construction.
- Éléments de décors
On compte un nombre important de remplois antiques, plus particulièrement italiens (en provenance de Ravenne et de Rome). Les colonnes de porphyre ne sont qu'un élément de décor : elles n'ont aucune fonction porteuse. Cela a permis de les mettre en œuvre en délit (taillées dans le sens de leur lit de carrière, ce qui les fragilise verticalement). Les chapiteaux corinthiens de marbre blanc proviennent peut-être du Palatin. En date de 2008, il en reste huit en place, les autres ayant été déposés au musée lapidaire d'Aix.
Le remploi est une pratique courante au Haut Moyen Âge[note 5]. Toutefois, les emprunts ne sont pas pour autant généralisés. Les grilles et les portes en bronze ont été réalisées localement par les ateliers de l'empereur.
- Synthèse antique / carolingien
L'exemple du Westwerk carolingien contraste fortement avec la décoration antiquisante montrant que l'on concilie tradition et innovation. La structure de la chapelle palatine rappelle fortement la basilique Saint-Vital de Ravenne[note 6]. Cela peut être une référence plausible, même si la chapelle palatine n'en est pas une réplique (surtout les triplets et les berceaux transversaux).
La mosaïque du Christ en majesté est inspirée techniquement des mosaïques romaines[note 7], mais il s'agit d'un thème en expansion à ce moment dans l'art carolingien. Il y a donc une dépendance partielle à des modèles prestigieux de l'Antiquité tardive. C'est une source première d'inspiration, mais elles est adaptée aux exigences culturelles et politiques.
- Importance de la symbolique
Le programme de la chapelle palatine a pour volonté précise de magnifier le rôle de l'empereur.
L'empereur trône à l'ouest de la tribune, face au Christ de l'Apocalypse figuré dans la coupole et face à l'autel du Saint-Sauveur, situé à son niveau. Il domine l'autel principal dédié à la Vierge Marie, placé dans le déambulatoire (à l'emplacement de l'autel de l'église précédente). Il domine surtout l'autel Saint-Pierre disposé à l'est, dans l'abside quadrangulaire.
L'organisation de l'espace vise à donner une place médiane : désigné par Dieu pour gouverner, il est supérieur au pape, successeur de saint Pierre (il domine l'autel). Son niveau (la tribune) est donc particulièrement magnifié (dédoublement du décor). Dans l'octogone central, un texte d'Alcuin précisait que la chapelle était conçue comme la Jérusalem céleste.
Postérité
Cette chapelle réplique en partie des modèles de l'Antiquité, romaine comme tardive[note 8]. Cela propage une certaine image de l'Empire.
L'aristocratie civile et ecclésiastique a reproduit dans une moindre mesure cette chapelle. De manière générale, son influence se fait sentir dans les édifices de plan centré, mais bien après la chute de l'Empire, à l'époque ottonienne[note 9]. Au temps de Charlemagne, ce plan octogona-hexadécagonal reste isolé car il est réservé à l'oratoire de l'empereur.
Plusieurs constructions de cette époque, construits par après, se comparent en partie à la chapelle palatine :
- Ottmarsheim, exemple le plus frappant entre 1040 et 1060, est une version simplifiée car le déambulatoire est lui aussi octogonal. On y retrouve un porche similaire, le même système de voûtement, le niveau de la tribune avec un dédoublement et enfin des fenêtres percées dans le tambour de la coupole.
- On peut retrouver une évocation de l'octogone central de cette chapelle dans l'abside de l'église abbatiale de la Trinité d'Essen[note 10].
- À Nimègue au Pays-Bas, l'évocation est plus nette dans la chapelle Saint-Nicolas du Valkhof, vers 1050. On retrouve l'octogone central ainsi qu'un pourtout à seize pans.
- La chapelle Saint-Sauveur de Germigny-des-Prés (près de Saint-Benoît-sur-Loire), complétée en 806 dans la résidence de Théodulf d'Orléans[note 11], où l'on retrouve le plan centré ainsi qu'une mosaïque dorée, d'inspiration byzantine, sur la voûte de l'abside.
- Une coupole carolingienne de 18 mètres, à 8 pans mais sur base carrée, existe à Perrecy-les-Forges (Saône-et-Loire).
Photographies
Chapelle vitrée (1414)
Buste de Charlemagne
Sarcophage de Charlemagne décoré d'un motif antique de Perséphone
Références
- ↑ (en) Kenneth J. Conant, Carolingian and Romanesque Architecture, 4th ed. (New Haven, 1994), p. 47).
Notes
- ↑ Ils préféraient des résidences itinérantes.
- ↑ Aix est une ancienne ville thermale romaine : Aquaegrani.
- ↑ Charles le Chauve fera de même à Compiègne.
- ↑ Un Westwerk désigne l'entrée monumentale de la face ouest d'une église, qu'elle soit carolingienne, ottonienne ou romaine.
- ↑ Charlemagne offre d'ailleurs à Saint-Riquier, durant la construction de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle, des éléments en provenance d'Italie et qui étaient destinés à la chapelle.
- ↑ Consacrée en 547, elle-même inspirée de l'architecture justinienne de Constantinople
- ↑ On a pu évoquer à ce propos celles de Saint-Jean de Latran à Rome
- ↑ Il y a une coupole comme à la basilique Saint-Vital de Ravenne, mais aussi comme le Panthéon de Rome ou encore Sainte-Sophie de Constantinople.
- ↑ Moment où l'architecture de l'époque de Charlemagne sert de référence principale pour des abbatiales ou des collégiales
- ↑ Église érigée pour la princesse Théophanu, petite fille d'Otton II.
- ↑ Érudit familier de Charlemagne, il était évêque d'Orléans en 798.
Voir aussi
Bibliographie
- Félix Kreush , « La Chapelle palatine de Charlemagne à Aix », Les Dossiers d'archéologie, n°30, 1978, pages 14-23.
- (de) Christoph Stiegmann, « Kunst und kultur der Karolingerzeit: Karl der Grosse und Papst Leo III », dans Paperborn: Beiträge zum Katalog der Ausstellung, Paperborn, 1999, Mainz.
Liens externes
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