- Carrières de Bibémus
-
Les carrières de Bibémus sont un site à l'est d'Aix-en-Provence où étaient extraites, du XVIIe au XVIIIe siècles, des pierres dites « de Bibémus », ayant servi à la construction de nombreux bâtiments de la ville[1]. Les carrières, d'une superficie de 7 hectares, seront abandonnées à la fin du XIXe siècle[2] à la suite de l'utilisation grandissante de la pierre de Rognes, jugée de meilleure qualité.
Suite à l'année du centenaire de la mort de Paul Cézanne, la municipalité d'Aix-en-Provence a aménagé le site pour en faciliter l'accès et la visite. Pour l'occasion, toutes les 15 minutes, un bus quittait le centre-ville pour les carrières de Bibémus[3]. La fréquence des bus a depuis diminué[4].
Sommaire
Histoire
La pierre de Bibémus, de couleur ocre jaune lumineux[5], aussi appelée molasse, doit son existence à la présence d'une mer ancienne dans laquelle des sédiments se sont accumulés[2]. La pierre est toutefois de qualité médiocre en raison des fissures et des poches de sable qu'elle affiche[2].
Le site est exploité dès l'époque romaine, période à laquelle la ville d'Aix-en-Provence, sous le nom d'Aquæ Sextiæ, a vu le jour[1]. L'extraction de la molasse est florissante au XVIIe et XVIIIe siècles en raison de l'explosion démographique de la ville et notamment de la création du quartier Mazarin par le cardinal archevêque d'Aix Michel Mazarin. On taille et on sculpte la pierre et, si celle-ci est abîmée, on la recouvre d'un enduit qui lui permet d'épouser les moulures et les motifs architecturaux[6]. L'exploitation périclite lentement, au profit de la pierre de Rognes et les carrières de Bibémus ferment en 1885[1].
Pourtant, Bibémus a été occupé depuis le Premier âge du fer au moins, comme en témoigne l'ensemble funéraire composé d'une hachette de cuivre, d'une épée et de bracelets de bronze[7], datés de -700 à -550 environ, qui y a été découvert[8].
Méthodes d'extraction
Les méthodes d'extraction de la molasse à Bibémus par les Romains sont très inspirées des techniques employées à Carthage à la même époque. On creuse des escaliers le long des parois pour accéder aux parties à extraire. Les blocs sont ensuite débités grâce à des pics qui font des sillons de six à huit centimètres de large. Certains sillons sont encore visibles sur des parois. Une fois les blocs extraits, on les transporte à l'aide de chars à bœufs depuis la route de Vauvenargues jusqu'au quartier des Trois-Bons-Dieux, qui sert de dépôt au XIXe siècle[6]. On voit encore les traces des ornières sur le chemin qui y descend. Au vu du cadastre, il apparaît que les carrières appartiennent à plusieurs propriétaires, parfois jusqu'à 30. Ceux-ci font sans doute appel à l'entreprise d'exploitation en fonction de leurs besoins. C'est sans doute pour cette raison que les carrières n'ont jamais été exploitées de façon uniforme[6].
Raisons de l'arrêt de l'exploitation
L'arrêt de l'exploitation des carrières de Bibémus peut s'expliquer de plusieurs manières. Tout d'abord, la fin de l'exploitation coïncide avec l'usage de plus en plus fréquent de la pierre de Rognes, de bien meilleure qualité : plus lisse et moins friable. La notoriété de la pierre de Rognes ne s'est d'ailleurs pas démentie, puisque l'expression en est venue à désigner l'ensemble des molasses, celles de Bibémus comprises[6]. En outre, la pierre de Bibémus présente des trous, des fissures et des poches de sable, alors que la pierre de Rognes en est exempte. C'est pour cette raison que vers 1885, les carrières de Bibémus ont cessé de fonctionner. Elles étaient en tout cas totalement désertées lorsque le peintre impressionniste Paul Cézanne, né à Aix-en-Provence en 1839, venait y peindre, dans les années 1890 et 1900, puisqu'il y recherchait la quiétude que l'activité normale des carrières n'aurait pu lui offrir[6].
Vers 1945 la reprise de l'exploitation des carrières de Bibémus a été tentée par l'architecte Huot, propriétaire du site, qui souhaitait débiter les blocs à l'aide de dynamite et pulvériser la roche en sable. Mais la pierre étant, comme 60 ans plus tôt, considérée de mauvaise qualité, l'entreprise cesse rapidement son activité à Bibémus[6].
Le cabanon de Paul Cézanne
Paul Cézanne avait pour habitude de se rendre régulièrement à la montagne Sainte-Victoire y peindre sur le motif. Dès novembre 1895, il loue un cabanon à Bibémus afin d'y entreposer son matériel de peinture et ses toiles et où il passe une bonne partie de son temps, voire de ses nuits[9],[10], jusqu'en 1904[10].
Les rochers aux couleurs si particulières ont inspiré le peintre dans un mouvement qui annonçait le cubisme[2].
À proximité du cabanon, on peut toujours voir une étude scupltée sur la pierre par le sculpteur aixois Philippe Solari, ami de Cézanne. Il existe un témoignage littéraire de ce moment : en août 1897, Cézanne écrit à Solari : « Mon cher Solari, dimanche, si tu es libre et si ça te fait plaisir, viens déjeuner au Tholonet, restaurant Berne. Si tu viens le matin, tu me trouveras vers huit heures auprès de la carrière où tu faisais une étude l’avant dernière fois que tu vins[10]. »
Il existe aujourd'hui cinq œuvres de Cézanne directement inspirées de Bibémus[10] : Le rocher rouge (Musée de l'Orangerie, Paris), deux Carrières de Bibémus (Fondation Barnes et collection Stephen Hahn, New York), « La carrière de Bibémus » (coll. part., Kansas City) et « La montagne Sainte-Victoire vue de Bibémus », (musée d’Art, Baltimore).
Karl Ernst Osthaus, le créateur du musée d’Essen, disait avoir entendu Cézanne évoquer la couleur particulière de la pierre de Bibémus. En montrant un de ses tableaux, il avait dit : « J’ai voulu rendre la perspective par la couleur[5]. » C'est pour cette raison qu'Osthaus voulut absolument organiser l'exposition Cézanne de 1956 à Aix (plus particulièrement au Pavillon de Vendôme), parce qu'il « fallait voir ces tableaux à l’endroit où ils avaient été peints[5]. »
Aménagement du site
Le site des carrières de Bibémus a été acquis par la ville d'Aix-en-Provence en 1998 grâce au legs du peintre américain George Bunker qui avait demandé « qu’il n’y ait pas d’exploitation commerciale mais que ce lieu soit conservé comme parc public à la mémoire de Paul Cézanne[5]. » Les carrières se situent dans une zone à fort risque d'incendie, au cœur d'un espace boisé[5]. Pour cette raison, le lieu a été équipé en 2006 de quatre citernes, le stationnement des véhicules a été réglementé et des visites guidées ont été organisées[1].
Les visites se font d'octobre à mars les mercredi et samedi après inscription préalable à l'office de tourisme d'Aix-en-Provence[réf. souhaitée].
Bibliographie
- Les carrières de Bibémus. Un paysage inspiré, dessin Ninon Anger, textes Philippe Deliau, éd. Alep[11].
- « La molasse. Les carrières de Bibémus », in Sainte-Victoire, éd. Édisud / Association pour le reboisement et la protection du Cengle-Sainte-Victoire, Aix-en-Provence, 1998, p. 56, 57.
Notes
- Le plateau et les carrières de Bibémus, Grand site Sainte-Victoire.
- Carrières de Bibémus, Cézanne-2006.
- Sites cézanniens : Bibémus, Office de tourisme d'Aix-en-Provence.
- Desserte Bibémus, aixenbus.com. [PDF]
- « Les carrières de Bibémus », mairie-aixenprovence.fr.
- « La molasse. Les carrières de Bibémus », in Sainte-Victoire, éd. Édisud / Association pour le reboisement et la protection du Cengle-Sainte-Victoire, Aix-en-Provence, 1998, p. 56, 57.
- Henri de Gérin-Ricard, « Hachette de cuivre, épée et bracelets de bronze trouvés dans le département des Bouches-du-Rhône », in B.A.C.T.H., 30, 1912, p. 380-390, pl.
- « Carte archéologique de la Gaule : Aix-en-Provence, pays d'Aix, val de Durance », 13/4, Fl. Mocci, N. Nin (dir.), Paris, 2006, Académie des inscriptions et belles-lettres, ministère de l'Éducation nationale, ministère de la Recherche, ministère de la Culture et de la Communication, maison des Sciences de l'homme, centre Camille-Jullian, ville d'Aix-en-Provence, communauté du pays d'Aix, p. 460.
- Rouge, le chemin de Bibémus, Atelier Cézanne.
- Chemin de Bibémus, Cézanne en Provence.
- Quelques tableaux de Ninon Anger consacrés aux carrières de Bibémus.
Catégories :- Aix-en-Provence
- Quartier d'Aix-en-Provence
Wikimedia Foundation. 2010.