Édit de Mérindol

Édit de Mérindol
Vue de Mérindol depuis le chemin du souvenir.

Lédit de Mérindol est un arrêt rendu le 18 novembre 1540 par le parlement de Provence contre les Vaudois du bourg de Mérindol.

Sommaire

Origines de la question vaudoise

Mérindol était un bourg situé sur les frontières du Comtat Venaissin en Provence qui servait de retraite aux Vaudois, qui étaient également établis depuis longtemps dans le bourg de Cabrières, au même comté, et dans quelques bourgades environnantes. Ils sy étaient extrêmement multipliés, professant ouvertement la foi de leurs ancêtres. Lorsque la Réforme protestante se développa en France, ils embrassèrent cette doctrine, ce qui amena le roi François Ier à faire publier contre eux, le 29 janvier 1535, un édit très rigoureux « pour lextirpation et extermination de la secte luthérienne, et autres hérésiesdont les sectateurs et imitateurs se sont rendus fugitifs, cachent, et latitent en aucunes parties du royaume. Pour quoi, statuons et ordonnons, par édit perpétuel et irrévocable, que tous ceux et celles qui ont recelé ou recèleront par-ci après sciemment lesdits sectateurs, pour empêcher quils ne fussent pris et appréhendés par justiceseront punis de telle et semblable peine que lesdits sectateurs; sinon que deux-mêmes et par leur diligence, ils amenassent et représentassent à justice iceux sectateurset outre avons aussi ordonné que tous ceux et celles qui révéleront et dénonceront à justice aucuns desdits délinquans, soit des principaux sectateurs, ou de leurs recélateursauront la quarte partie des confiscations et amendes sur ce adjugées. »

Au lieu de se soumettre, les Vaudois prirent les armes et se saisirent, après avoir ravagé tout le plat pays, de châteaux et des lieux forts dans les montagnes et dans les bois, pour sy défendre contre la justice, si lon entreprenait dexécuter contre eux lédit du roi. Celui-ci ordonna alors coup sur coup au parlement dAix, de procéder incessamment contre eux, de punir rigoureusement les coupables, de ruiner tous les lieux ils sétaient fortifiés, et dexterminer leur secte. Sur quoi le parlement rendit lédit de Mérindol.

Promulgation de lédit et sursis

Cet arrêt très sévère condamnait par contumace dix-neuf des « hérétiques » à être brulés et portait que les villages de Mérindol, Cabrière, les Aiguës, et autres lieux qui avaient été labri et le refuge des hérétiques, seraient détruits, les maisons rasées jusquaux fondements ; les cavernes et les autres endroits souterrains qui leur servaient de gite, démolis ; les forêts coupées, les arbres fruitiers arrachés ; les chefs et principaux révoltés exécutés, et leurs femmes et enfants bannis à perpétuité de ces lieux.

Après lintervention en faveur de leurs coreligionnaires de France par les princes protestants dAllemagne, le roi, qui les ménageait à cette époque, parce quil avait besoin de leur secours contre lempereur Charles-Quint, expédia des lettres de grâce aux habitants de Mérindol, et à tous ceux qui étaient persécutés en Provence pour cause de religion. La retraite de Charles-Quint, quatre ans plus tard, en 1545, marqua la fin de ce répit et, larrêt un moment suspendu devint, malgré les réclamations de lévêque de Carpentras Paolo Sadoleto, exécutoire.

Mise en application de lédit

Larchevêque dArles, lévêque dAix, et quelques abbés, prieurs et chanoines de la Provence, assemblés à Avignon, avaient envoyé prier le roi de révoquer, pour le salut de son âme, lamnistie quil avait accordée aux Vaudois de Mérindol. En même temps, on avait cherché à lui inspirer des inquiétudes. Les Vaudois occupaient, disait-on, de fortes positions au milieu des Alpes ; ils sétaient tellement multipliés quils pouvaient mettre sous les armes jusquà quinze mille hommes. On ajoutait quils correspondaient avec les Suisses et quen cas de guerre étrangère, ils pourraient facilement tenter un coup de main sur Aix ou Marseille.

François Ier céda et écrivit le Ier janvier 1545, au parlement de Provence de mettre à exécution larrêt qui avait été rendu quatre ans auparavant contre les Vaudois, malgré les lettres de grâce expédiées depuis. Il lui recommandait « de faire en sorte que le pays de Provence fût entièrement dépeuplé et nettoyé de tels séducteurs. » Les exécuteurs de cette sentence furent lavocat du roi, Guérin, le capitaine Paulin, lancien agent du roi chez les Turcs, et le Jean Maynier, baron dOppède. Ce dernier, qui avait reçu les ordres du roi, eut soin de les garder secrets, et il résolut de les faire exécuter au moyen dune expédition militaire. II assembla six enseignes dinfanterie, des vieilles bandes arrivées du Piémont, et il leur joignit la compagnie de cavalerie du capitaine Paulin, que François Ier venait de créer baron de la Garde. Enfin, le 12 avril 1545, quand tous les préparatifs furent achevés, le baron dOppède lut au parlement les lettres du roi, et aussitôt cette cour ordonna que son arrêt du 18 novembre 1540 fût exécuté.

Plaque en mémoire des Vaudois de Provence morts pour leur foi.

Le 13 avril, les barons dOppède et de la Garde, avec leur petite armée, partirent de la ville dAix, passèrent la Durance, et entrèrent par le Pertuis, dans le pays habité par les Vaudois. Le lendemain matin, ils parvinrent aux villages de Peypin, la Motte et Saint-Martin, les pillèrent, les brulèrent, et en massacrèrent tous les habitants, avant que ceux-ci eussent le moindre soupçon des desseins formés contre eux par le gouvernement auquel ils étaient soumis. La flamme des incendies de ces premiers villages, et peut-être quelques fuyards, avertirent cependant les habitants de Villelaure, Lourmarin, Gensson, Trésémines et La Roque, du fléau qui les attendait. Ils senfuirent dans les bois, emportant leurs enfants et quelque petite partie de leurs meubles. Les soldats, qui arrivèrent bientôt, pillèrent tout le reste, brulèrent les maisons et les récoltes, écorcèrent les arbres fruitiers, et égorgèrent ceux des habitants quils purent atteindre.

Le lendemain, dOppède, voyant quaucune résistance ne lui était opposée nulle part et quil ne courrait aucun danger en dispersant sa troupe, la divisa en deux colonnes : lune suivit la montagne et lautre la rivière, pour ravager tout le pays. Ils trouvaient, à leur approche, tous les villages abandonnés mais, comme les villageois pourchassés des villages brulés la veille sétaient chargés ou de leurs enfants en bas âge, ou de leurs biens les plus précieux, les plus faibles succombaient les uns après les autres à la fatigue. À mesure que les soldats atteignaient les vieillards, les femmes, les enfants restés sur la route, ils les égorgeaient après leur avoir fait subir leur cruauté ou leur impudicité.

La fin de Mérindol

La constante répétition dans chaque village, dans chaque hameau, du pillage, du massacre et de lincendie retarda du 13 au 18, la marche de dOppède qui narriva que le 18 devant le village de Mérindol, qui était tout à fait abandonné. Seul un simple desprit âgé de dix-huit ans y était demeuré : il fut attaché à un olivier, et fusillé. Le 19, larmée entra sur les terres du pape, et se présenta devant Cabrières. Les soixante hommes et trente femmes restants de cette ville firent mine de se défendre pour obtenir une capitulation : la vie sauve leur fut promise. On déclara ensuite quaucune promesse nétait valable envers des hérétiques, et tous ceux qui étaient dans la ville furent égorgés. Ceux qui sétaient enfuis de Cabrières furent bientôt après trouvés dans le voisinage : huit cents furent tués, tant dans la ville que dehors. DOppède ordonna que les femmes soit enfermées dans un grenier plein de paille, lon mit le feu. Celles qui tentèrent de se jeter par la fenêtre furent repoussées avec des crocs et des piques.

De , les troupes se rendirent à La Coste, le seigneur du lieu avait promis une entière sureté aux habitants, pourvu quils portent leurs armes dans le château et quils abattent leurs murailles en quatre endroits. Les habitants obéirent naïvement aux ordres quon leur avait donnés et, à larrivée dOppède, les faubourgs furent brulés, la ville fut prise, et tous furent taillés en pièces jusquau dernier. Les soldats violèrent les femmes et les filles qui sétaient cachées dans un jardin voisin du château. Elles furent ensuite traitées avec une telle cruauté que plusieurs dentre elles qui étaient enceintes, et la plupart même des filles, moururent ou de douleur, ou de faim, ou des tortures quon leur fit souffrir. Lorsque les villageois qui sétaient cachés dans Murs furent enfin découverts, ils subirent le même sort que les autres. Vingt-deux villages eurent ainsi à subir toute la rigueur dOppède.

Déjà plus de trois mille Vaudois avaient péri. Les autres erraient, sans asile, dans les bois et les montagnes, traqués par les soldats, qui les poursuivaient jusque dans leurs dernières cachettes. Presque tous furent faits prisonniers. Le baron de la Garde choisit parmi eux six cent-soixante-six des plus jeunes et des plus robustes pour travailler sur ses galères. Les autres furent condamnés à mort et exécutés. Pour atteindre ceux qui erraient encore dans les montagnes, le parlement dAix fit proclamer par toute la Provence, « que nul nosât donner retraite, aide, secours, ni fournir argent ni vivres à aucun Vaudois ou hérétique », sous peine de mort. Ne pouvant nullement être hébergés dans les villages et les villes, les habitants, hommes, femmes et enfants furent contraints de demeurer dans les bois ou la campagne, et dy vivre que de lherbe, ce qui en tua une très grande quantité. Les plus forts et les plus robustes réussirent à séchapper à Genève.

Voir aussi

Sources

  • Philippe Le Bas, France : Annales historiques, t. 1, Paris, Didot, 1840, 496 p. [lire en ligne], p. 328-30 
  • Louis Moréri, Le Grand Dictionnaire historique ou Le mélange curieux de lhistoire sacrée et profane, t. 4, Paris, Jacques Vincent, 1732, 1060 p. [lire en ligne], p. 1038 

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Édit de Mérindol de Wikipédia en français (auteurs)

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