République de Korça

République de Korça
Drapeau de la république de Koritsa.

La République de Koritsa, de Korça ou de Kortcha est une région autonome mise en place par la France dans le district de lactuelle Korçë, en Albanie du Sud, durant la Première Guerre mondiale.

Sommaire

Territoire et population

Article connexe : Korçë.
Vue de la cathédrale orthodoxe de Koritsa, actuelle Korçë.

Le territoire de la république de Koritsa recouvre approximativement le district de lactuelle Korçë, avec ses dépendances de Bilisht, Kolonjë, Opar et Gorë[1]. Il s'étend sur 60 km dEst en Ouest et sur 100 km du Nord au Sud. Sa frontière avec le territoire albanais administré par lItalie (à lOuest) se situe à mi-chemin entre les actuelles Selenitza et Erseka[2]. Au Sud, le territoire de la république autonome borde le royaume de Grèce.

La population du territoire atteint les 122 315 habitants et est majoritairement composée dAlbanais musulmans (82 245 habitants). Quelques localités de la république sont cependant majoritairement koutso-valaques (Moscopoli, Plasa, Nicea, Frasari, etc.) et dautres, moins importantes, sont grecques ou bulgares[3].

Au sein de ce territoire, la cohabitation entre les différentes communautés nest pas toujours facile[4] et, si les musulmans sont depuis longtemps acquis à la cause nationale albanaise, les choses ne sont pas aussi claires du côté des orthodoxes. Il semble cependant que les chrétiens de la région ont été déçus par lattitude dAthènes lors de lannexion de lÉpire du Nord par la Grèce et quils se montrent plutôt méfiants vis-à-vis de larmée hellène[5].

Histoire

L'arrivée des Français et la naissance de la république

En juin 1916, la France, en froid avec le royaume de Grèce et désireuse de sapper l'influence de l'Autriche-Hongrie en Albanie, fait occuper la région nord épirote de Koritsa. Paris établit ainsi une liaison entre Valona, alors occupée par lItalie, et le Camp de Salonique, est stationnée l'Armée d'Orient[6],[7]. Le 2 octobre, le 1er régiment de chasseurs dAfrique, commandé par le colonel de Fortou, prend officiellement possession de la ville. Il expulse alors le 46e régiment dinfanterie grec (qui occupait la région depuis octobre 1914) et fait emprisonner les fonctionnaires royalistes grecs à Thessalonique[8].

Le 15 novembre 1916, le colonel Descoins, ancien chef dÉtat-major de lexpédition des Dardanelles, est envoyé dans la région pour ladministrer au nom de la France et remplacer le représentant des Grecs vénizélistes, Périclès Argyropoulos[3],[9],[10]. Le 10 décembre, la région de Koritsa, séparée du reste de lAlbanie par la guerre, se déclare autonome. Un protocole est alors signé, entre les autorités militaires françaises, le chef de bande chrétien Themistokli Gërmënji et les notables de la région pour y organiser la collaboration entre les pouvoirs locaux et les forces doccupation[11],[12].

En fait, seul le patriote musulman Salih Budka, qui continue à voir dans les agents de Paris un appui du panhellénisme, poursuit sa lutte contre les Français et soutient activement les armées austro-hongroises[13].

La limitation progressive de l'autonomie

Mais la signature de ce Protocole contrevient au Pacte de Londres, conclu avec lItalie le 26 avril 1915, qui prévoit la mise sous-tutelle du Sud de l'Albanie par Rome. Il déplaît également au chef du gouvernement provisoire grec Elefthérios Venizélos et au dictateur albanais Essad Pacha, qui convoitent tous deux la région. Face à ses alliés, la France doit donc changer de politique et, malgré le soutien du général Maurice Sarrail, le colonel Descoins est démis de ses fonctions dans la région le 11 mai 1917[14],[15]. Lautonomie de la région est réduite peu de temps après avant dêtre totalement supprimée le 16 février 1918[16].

La France abandonne par ailleurs en partie sa politique de collaboration avec les habitants du territoire. Longtemps nommé préfet de police, l'ancien chef de bande Themistokli Gërmënji est ainsi arrêté et envoyé à Salonique, il est exécuté par un tribunal militaire[17].

À linverse, dans les mêmes moments, lAutriche-Hongrie proclame lautonomie de lAlbanie sous son égide (janvier 1917) tandis que lItalie déclare lindépendance complète du territoire sous sa propre protection (juin 1917)[18].

Entre départ des Français et héritage culturel

Une fois la Première Guerre mondiale terminée, la France et lItalie continuent à occuper et administrer lÉpire du Nord, et cela jusquà ce que la Conférence de la paix de Paris règle la question des frontières de lAlbanie. Après avoir un moment cherché à faire de la région une zone d'influence française, Paris quitte finalement la région le 1er mars 1920[19],[20].

Malgré tout, la présence française dans la république de Koritsa n'est pas sans laisser des traces. Créé en 1917 par le conseil des notables de la république autonome, le lycée français de Korçë joue, durant tout lEntre-deux-guerres et jusquen 1942, un rôle de premier plan dans la diffusion de la culture française, mais aussi albanaise[21]. Pendant longtemps, le lycée est en effet perçu comme un établissement délites et 80 % de ses élèves entrent dans la haute ou la moyenne administration après la fin de leur cursus. Il faut dire que le lycée est le premier établissement secondaire lenseignement est donné en albanais et quil est ouvert à toutes les confessions[22]. Pourtant, Paris interdit tout dabord la création de létablissement, par crainte de mécontenter Venizélos et ses partisans, qui convoitent la ville et sa région. Cest donc grâce au soutien des militaires français que lécole a finalement pu voir le jour[23].

Organisation du territoire

Institutions

Selon le protocole du 10 décembre 1916, qui fait office de constitution de la région jusquau 27 septembre 1917, ladministration de la Krahina autonome (appelée Shqipëria Vetqeveritare, cest-à-dire « Albanie autonome », à partir de janvier 1917) est confiée à un Conseil de 14 membres, composé de 7 notables musulmans et de 7 autres chrétiens[24].

Un officier français fait office de délégué du commandant militaire auprès du Conseil : cest le lieutenant de réserve Bargeton (jusquau milieu du mois de janvier 1917), puis le lieutenant Siegfried. Lautorité militaire française nomme les fonctionnaires des services publics. Les forces de police et la gendarmerie albanaises, chargées de maintenir lordre public, sont également placées sous lautorité du commandant militaire français[1].

Après le 27 septembre, et jusquau 16 février 1918, ladministration de la région est confiée au commandant du Groupement de Malik. Le Conseil dadministration est remplacé par un Conseil consultatif réduit à 12 membres, toujours composés pour moitié de chrétiens et pour lautre de musulmans. La zone doccupation française est désormais divisée en deux, au nord et au sud de Devolli : la région Sud forme la République de Koritsa et la région Nord le territoire de Pogradetz. Le 16 février 1918, la France supprime finalement lautonomie du territoire[16].

Symboles

Le drapeau de la république de Koritsa est le drapeau albanais (avec laigle noir à deux têtes de Gjergj Kastriot Skanderbeg) cravaté aux couleurs de la France[1].

Sa langue officielle est l'albanais[25]. Cependant, le français est également enseigné dans toutes les écoles du territoire[26].

À partir du 1er février 1917, la république imprime sa propre monnaie : le franc albanais. Des timbres-poste sont par ailleurs émis par le territoire[16].

Lieu de mémoire

La ville de Korçë abrite un cimetière militaire français datant de la Première Guerre mondiale. Les dépouilles de 640 soldats, dont beaucoup sont issus de lEmpire colonial, y reposent toujours[27].

Annexes

Bibliographie

  • (fr) Etienne Augris, « Korçë dans la Grande Guerre, Le sud-est albanais sous administration française (1916-1918) » dans Balkanologie, Vol. IV, n°2, décembre 2000 (Lire en ligne)
  • (fr) Général Descoins, « Six mois dhistoire de lAlbanie » dans Revue dhistoire de la guerre mondiale, 7 (4), octobre 1929, et 8 (1), janvier 1930.
  • (fr) Stefan Popescu, « Les Français et la république de Kortcha » dans Guerres mondiales et conflits contemporains, 2004/1, n° 213, Presses Universitaires de France, p. 77-87 (ISBN 9782130556572)
  • (fr) Guillaume Robert, « LAlbanie et la France dans lentre-deux-guerres : une relation privilégiée ? » dans Balkanologie, Volume II, n° 2, décembre 1998 (Lire en ligne).

Liens internes

Liens externes

Références

  1. a, b et c Stefan Popescu, « Les Français et la république de Kortcha » dans Guerres mondiales et conflits contemporains, 2004/1, n° 213, Presses Universitaires de France, p. 81.
  2. Stefan Popescu, op. cit., p. 79-80.
  3. a et b Stefan Popescu, op. cit., p. 80.
  4. Etienne Augris, « Korçë dans la Grande Guerre, Le sud-est albanais sous administration française (1916-1918) » dans Balkanologie, Vol. IV, n°2, décembre 2000, § 17.
  5. Etienne Augris, op. cit., § 18.
  6. Stefan Popescu, op. cit., p. 78-79.
  7. Etienne Augris, op. cit., § 4-6.
  8. Stefan Popescu, op. cit., p. 79.
  9. Etienne Augris, op. cit., § 7.
  10. Owen Pearson, Albania and King Zog: independence, republic and monarchy 1908-1939, I. B. Tauris, 2005, p. 101.
  11. Stefan Popescu, op. cit., p. 80-81.
  12. Etienne Augris, op. cit., § 11 et 14.
  13. Robert Vaucher, « La République Albanaise de Koritza » dans L'Illustration n° 3866 du 7 avril 1917 (Lire en ligne)
  14. Stefan Popescu, op. cit., p. 82.
  15. Etienne Augris, op. cit., § 8 et 20.
  16. a, b et c Stefan Popescu, op. cit., p. 83.
  17. Etienne Augris, op. cit., § 16 et 24.
  18. Etienne Augris, op. cit., § 22.
  19. Stefan Popescu, op. cit., p. 85.
  20. Etienne Augris, op. cit., § 24-38.
  21. Guillaume Robert, « LAlbanie et la France dans lentre-deux-guerres : une relation privilégiée ? » dans Balkanologie, Volume II, n° 2, décembre 1998, § 37.
  22. Guillaume Robert, op. cit., § 47.
  23. Guillaume Robert, op. cit., § 38.
  24. Stefan Popescu, op. cit., p. 81 et 83.
  25. Article VIII du Protocole du 10 décembre 1916.
  26. Etienne Augris, op. cit., § 32.
  27. Voir le site de lambassade de France en Albanie.


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article République de Korça de Wikipédia en français (auteurs)

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