- Beur
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« Beur » (féminin « beurette ») est un terme familier qui désigne les descendants des émigrés d'Afrique du Nord installés et nés en France. Le mot est entré dans le Robert en septembre 1985[1].
Le terme a été créé en inversant l’ordre des syllabes du mot arabe : a-ra-beu donne beu-ra-a, puis beur par contraction. C’est donc un mot du verlan, qui a la particularité d’avoir donné lui-même en verlan le nom Rebeu, porteur de même sens.
On parle aussi de JFOM : « jeune Français d’origine maghrébine ».
Selon l’étymologie du mot, ce dernier désigne exclusivement les personnes d’origine arabe
Les Beurs étant des enfants d’immigrés, on utilise parfois le terme d’« immigrés de deuxième génération », par opposition aux « primo-arrivants », par exemple dans l’Éducation nationale française[2].
On peut relever que le terme « immigrés de deuxième génération » est une antinomie, en effet, si une personne est née sur place, elle n'est elle-même pas immigrée ; le terme exact serait plutôt « enfant d’immigré ». Les associations anti-racistes décèlent dans cette appellation l’ambiguïté de la politique et de la société française qui, d'une part, considère les beurs comme des citoyens français à part entière, assujettis aux devoirs citoyens comme les impôts ou bien le service militaire lorsqu’il existait, et qui d’autre part les rejette souvent aux marges de la société à cause des phénomènes de racisme larvé (comme la discrimination à l’embauche, l’accès au logement, le droit de fréquenter des discothèques, voire la pratique de contrôles de police abusifs ; on parle alors couramment de délit de faciès).
Dans le langage administratif, on utilise le plus souvent le terme plus neutre Français issu de l'immigration. Le terme « Beur » n'est utilisé par les Beurs pour se qualifier entre eux qu'à titre caricatural. Ce terme demeure dévolu à ceux qui veulent marquer une différence « policée » pour établir une distinction entre Français.[réf. nécessaire]
Sommaire
Culture beur et discriminations
Les Beurs, qui ont tous des origines dans les pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie, Libye et Mauritanie) et Égypte, auraient créé un ensemble de comportements, de modes de vie, des modes vestimentaires, des films cultes, une littérature, cinéma, musique, humour beurs etc., qui constitueraient la culture beur, pouvant exprimer parfois le mal-être de certains de ces Français que les clichés décrivent comme « partagés entre deux cultures », ainsi que les difficultés rencontrées dans leurs relation avec leur famille, souvent encore très marquée par leur pays d’origine, et la société française.
En 1983 a lieu la Marche pour l’égalité et contre le racisme, surnommée Marche des beurs, contre le racisme, et pour une carte de séjour de dix ans et le droit de vote des étrangers.
Selon le rapport 2006 de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), un candidat au patronyme musulman (sans photo) reçoit trois fois moins de réponses qu’un candidat au nom et prénom « français de souche »[3]...
Personnalités et groupes représentatifs de la culture beur
Plusieurs personnalités françaises sont présentées par les médias comme représentatives de la culture beur. On peut citer les auteurs Farida Belghoul[4], Azouz Begag[4], le chanteur Rachid Taha[5], les acteurs Jamel Debbouze[6], Salim Kechiouche[7], ou Roschdy Zem[8] les réalisateurs Mehdi Charef[9],[10], ou [11], le footballeur Hatem Ben Arfa[12], le président du R.C.T. Mourad Boudjellal[13] et des associations comme Kelma[14].
Certaines personnalités reprennent à leur compte le terme « beur », comme Smaïn, dont le premier one-man-show en 1986 est intitulé A Star is beur, , créé après avoir joué dans le film Salah, Malik : Beurs
D'autres critiquent l'emploi du terme, comme le réalisateur Rachid Bouchareb[15] et le rappeur Ali qui le récusent[16], ou l'acteur Sami Bouajila qui le nuance[17].Expressions
- « Black Blanc Beur » : expression vulgarisée dans les années 1990, pour désigner la France multi-ethnique (par comparaison au drapeau bleu, blanc, rouge) ; cette expression provient peut-être du titre Black and white blues, chanson de Serge Gainsbourg interprétée par Joëlle Ursull à l'Eurovision en 1990 (elle obtint la deuxième place); ou de la compagnie de danse hip hop du même nom créée par Jean Djemad et Christine Coudun en 1984 [18] .
- Le (la) « Beur de service » : expression utilisée pour désigner une figure emblématique utilisée dans certains média, celle d'un enfant d'immigré ayant réussi ses études et son « intégration », malgré les problèmes économiques de sa famille ; il s'agit d'une critique des média, mais l'expression est également parfois utilisée pour désigner un enfant d'immigrés ayant été nommé à un poste important en sous-entendant que sa nomination est plus due à son origine ethnique qu'à ses compétences.
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- « On ne me reconnaissait aucune compétence particulière, sinon celle d'être né Mourad. Mon identité me servait de brevet d'énarque. »
- Mourad Ghazli, Ne leur dites pas que je suis français, ils me croient arabe, éd. Presses de la Renaissance, 2006
- Un autre dérivé du terme a fait son apparition, par exemple les « beurgeois » (mot-valise, pour « beurs embourgeoisés »)
- « Beur ou ordinaire » : cette expression est détournée de la publicité pour le beurre (« beurre ou ordinaire »), diffusée à la fin des années 1980. La première fois que cette expression apparaît, c’est en 1991, dans « Armées d’Aujourd’hui » (mensuel du Ministère de la Défense), comme titre d’un article ; ce titre est créé par Jean-Pierre Steinhofer pour l’article dans lequel il dénonce le caractère discriminatoire de la politique nouvellement mise en place dans l’armée pour privilégier les appelés beurs pour la promotion dans les grades supérieurs d’appelés du contingent (caporal, caporal-chef et sergent) et pour l’attribution des permis de conduire. Cette expression est ensuite reprise dans le titre d’une pièce de théâtre créée en 2000 pour dénoncer le racisme.
Films
- Salut cousin !, Merzak Allouache (1996)
- Le Gone du Chaâba de Christophe Ruggia, (1997)
- Mémoires d'immigrés, l'héritage maghrébin, documentaire de Yamina Benguigui (1998)
- Bâton Rouge (1985), Cheb (1991), Poussières de vie (1994) de Rachid Bouchareb
- Le Thé au harem d'Archimède de Mehdi Charef (1985)
- Kamel (1997), Au-delà de Gibraltar (2001), de Mourad Boucif
Bande dessinée
- Les Beurs par Farid Boudjellal (dessin : Larbi Mechkour), éd. Albin Michel, 1985, ISBN 2-226-02291-0
réédité aux éd. Tartamundo sous le titre Black Blanc Beur - Les folles années de l'intégration.
Presse et médias
Mots équivalents dans d'autres cultures
Notes et références
- Le Parisien, 2 septembre 2010 Le mot beur a 25 ans, Vincent Mongaillard,
- Une « question de la seconde génération » en France ? Le rôle de l'école dans la formation d'une identité minoritaire - par Patrick Simon [PDF]
- http://www.halde.fr/IMG/alexandrie/2163.PDF
- Habiba Sebkhi, « le cas de la littérature "beur" », dans Itinéraires et contacts de cultures, no 27, 1er semestre 1999 [texte intégral (page consultée le 13 septembre 2010)]
- Rachid Taha / Tékitoi? », L'Express, 18 octobre 2004. Consulté le 13 septembre 2010 Gilles Médioni, «
- Jamel Debbouze », Jeune Afrique, 2 octobre 2006. Consulté le 13 septembre 2010 Marianne Meunier, «
- Sortie du nouveau TÊTU spécial Beurs, Têtu, 17 mars 2010. Consulté le 23 septembre 2010
- Un beur extraordinaire », Maroc Hebdo. Consulté le 23 septembre 2010 Mouna Izddine, «
- La littérature beure », Africultures, 1998. Consulté le 13 septembre 2010 Patricia Toumi-Lippenoo, «
- Fabrice Venturini, Mehdi Charef : conscience esthétique de la génération "beur", Paris, Séguier, 2005.
- Yamina, pionnière du cinéma beur », Maroc Hebdo. Consulté le 13 septembre 2010 Mouna Izddine, «
- Benarfa : ces beurs qui inquiètent la France », Le Buteur, 12/01/2009. Consulté le 3 octobre 2010 Suzanne, «
- Toulon : aux bons Beurs du FN », L'Express, 12 mars 1998. Consulté le 13 septembre 2010 Laïdi Ali, «
- Qui se présente comme un « site de rencontre de la communauté beur gay ».
- Rachid Bouchareb - Cinémathèque française, BiFi. Consulté le 23 septembre 2010
- Interview Ali, Abcdr du son, 23 juillet 2006. Consulté le 23 septembre 2010
- Sami son oeuvre, Les Inrockuptibles, 6 mars 2007. Consulté le 23 septembre 2010
- http://www.blackblancbeur.fr/
Bibliographie
- Stéphanie Marteau, Pascale Tournier, Black, blanc, beur... : La guerre civile aura-t-elle vraiment lieu ? Albin Michel, 2006, ISBN 2-226-17496-6
- Philippe Bernard, La crème des beurs. De l’immigration à l’intégration, Seuil, 2004
- Nora Barsali, François Freland, Anne-Marie Vincent, Générations Beurs. Français à part entière, Éditions Autrement, 2003
- Hafid Gafaïti, Cultures transnationales de France. Des « Beurs » aux… ? L’Harmattan, 2001
- Nacira Guénif Souilamas, Des beurettes aux descendantes d'immigrants nord-africains, Grasset/Le Monde 1999.
- Michel Laronde, Autour du roman beur. Immigration et identité, L’Harmattan, 1993
- Alec G. Hargreaves, La littérature beur : Un guide bio-bibliographique, New Orleans : CELFAN Edition Monographs 1992
- (en) Alec G. Hargreaves, Voices from the North African Immigrant Community in France. Immigration and Identity in Beur Fiction. New York - Oxford: Berg 1991/1997
- Farida Belghoul, Georgette (roman), Paris, Barrault, 1986 (ISBN 2-7360-0050-1).
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