Raffaele Palizzolo

Raffaele Palizzolo

Raffaele Palizzolo était conseiller municipal de Palerme et député national, élu en Sicile, à la Belle Époque, ainsi qu'administrateur de la Banque de Sicile (it). Au centre d'un système de clientélisme important pendant 40 ans de carrière politique, il était lié de près à la mafia sicilienne et fut publiquement soutenu par l'armateur Ignazio Florio Jr., l'un des plus riches Italiens de l'époque.

Sommaire

Clientélisme et mafia

Propriétaire terrien qui louait des terres aux gabelluti (en), Palizzolo passa sa vie au cœur d'un système de clientélisme élargi, recevant chaque matin de nombreux visiteurs lui quémandant des faveurs et d'user de son influence politique, en tant que conseiller municipal et provincial, à leur profit, à son domicile de Palerme, le Palazzo Villarosa, rue Ruggiero Settimo[1]. Il s'en servait, entre autres, pour obtenir des permis de port d'armes pour les mafieux[1]. En échange, ceux-ci s'assuraient, par l'intimidation ou d'autres formes de persuasion, que les villageois votent pour lui[1].

Raffaele Pallizolo était par ailleurs administrateur de la Banque de Sicile (it), de charités, directeur du fonds d'assurance santé de la marine marchande, et président du conseil d'administration d'un hôpital psychiatrique[1]. Député, il soutenait le gouvernement quel qu'en soit l'orientation [1].

Protecteur de la cosca (en) (clan mafieux) de Villabate, son influence était centrée autour de ce village à l'est de Palerme, mais s'étendait sur la côte Est de la Sicile, allant jusqu'à Caccamo, Termini Imerese et Cefalù[1]. Son territoire servait de point d'arrivée pour le vol du bétail[1]. Il était aussi puissant à Palerme, où il fut élu trois fois en tant que député national dans les années 1890[1].

Après l'affaire des quatre cadavres découverts dans un puits en 1897, victimes d'une guerre entre le clan d'Antonino Giammona et Francesco Siino, le préfet de police de Palerme supprima les autorisations de port d'armes d'un certain nombre de bandits présumés. Palizzolo utilisa alors de son influence pour les leur accorder de nouveau[2].

Inculpation pour le meurtre de Notarbartolo

Palizzolo fut inculpé en tant que commanditaire de l'assassinat du marquis Emanuele Notarbartolo (en), ex-gouverneur de la Banque de Sicile (it) alors que Palizollo était membre de son conseil d'administration [3]. Les deux hommes se haïssaient, Notarbartolo refusant l'instrumentalisation politique de la Banque et ses manœuvres frauduleuses faites avec la société de navigation (NGI) du richissime héritier Ignazio Florio Jr., membre de l'une des deux grandes familles de Palerme. En 1899, Palizzolo aurait fait voler une lettre envoyée par Notarbartolo au ministère de l'Agriculture, de l'Industrie et du Commerce, demandant de réformer la composition du conseil d'administration afin de soustraire la banque aux influences néfastes[4]. Peu après la démission contrainte de Notarbartolo, en 1890, Palizzolo fut ré-élu au conseil d'administration de la Banque et devint l'un des bénéficiaires de l'escroquerie organisée avec la Société de navigation (NGI) [4].

Nobartolo fut exécuté le 1er février 1893 par deux mafieux, Matteo Filippello et Giuseppe Fontana, membre de la cosca de Villabate. Ce meurtre choqua l'opinion publique et provoqua un important débat sur l'existence de la Mafia et sur ses liens avec les sphères politiques.

En novembre 1899, la Chambre des députés leva l'immunité parlementaire de Palizzolo à la demande du président du Conseil Luigi Pelloux. Par peur qu'il ne s'enfuie à l'étranger, le gouvernement coupa alors les communications télégraphiques avec la Sicile lors du vote[4]. Palizzolo fut arrêté le soir même[4]. Alors qu'il était en détention préventive, Ignazio Florio Jr. et sa mère soutinrent en juin 1900 sa campagne électorale, sans réussir à le faire ré-élire [5].

Lors de son procès en 1901-1902, il fut défendu par la famille Florio, qui s'indignait de son inculpation dans son journal, L'Ora (it), ainsi que par l'ethnologue Giuseppe Pitrè (1841-1916) qui affirma que le fait que Palizzolo ait écrit un roman dans sa jeunesse montre qu'il possédait « une âme noble et vertueuse »[6]. A l'origine de la thèse selon laquelle le mot « mafia » signifierait « honneur » et « bravoure » et ne désignerait en aucun cas une organisation criminelle, selon lui inexistante, Pitrè était, coïncidence heureuse, collaborateur proche du conseiller communal Palizzolo[7]. Il prétendit lors du procès que le mot « mafia » dérivait de l'arabe mascias qui signifierait avoir une trop haute opinion de soi-même et refuser de se soumettre[6].

Avec le mafieux Fontana, Palizzolo fut toutefois condamné en première instance à 30 ans de prison pour homicide par la Cour de Bologne, le 31 juillet 1902[6],[8]. Pitré forma un « Comité pro-Sicilia » pour défendre Palizzolo, qui reçut l'adhésion de 200 000 personnes[6].

Cependant, la Cour de cassation annula le jugement en raison d'un vice de procédure mineur (un témoin avait « oublié » de prêter serment lors d'une seconde déposition[6]), et il fut acquitté le 23 juillet 1904 par le jury de la Cour d'assises de Florence en raison d'un manque allégué de preuves[9], la quasi-totalité des témoins s'étant rétractés ou appuyant au contraire Palizollo, comme le fit Ignazio Florio Jr.. Ceci fut accueilli par une explosion de joie des défenseurs de Palizzolo en Sicile, qui firent repousser la fête de la Madonna de Carmine afin que l'acquitté puisse y participer[9].

Défaite électorale et voyage à New York

En novembre 1904, il fut toutefois battu de loin aux élections parlementaires[9]. Il demeura au conseil régional mais son heure de gloire était passée[9]. Giuseppe Fontana, acquitté lui aussi, quitta quant à lui la Sicile pour New York où il s'intégra à la mafia locale[9], devenant membre du gang de Giuseppe Morello (en) [10].

Palizzolo lui-même se rendit également à New York en voyage, où il débarqua le 8 juin 1908, demeurant au domicile du Dr G. A. Purpura[8]. Il y aurait visité G. Fontana, Giuseppe Morello et Ignazio Lupo (en) [8]. Selon certaines sources, l'inspecteur italo-américain Giuseppe Michele Pasquale Petrosino, qui avait en public vanté son honnêteté, l'aurait persuadé de retourner en Sicile[8]. Petrosino fut assassiné en 1909 en raison de ses enquêtes sur la Mano Nera.

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f, g et h John Dickie (2004), Cosa Nostra. La mafia sicilienne de 1860 à nos jours, éd. Perrin, 2007, chap. III, p. 123-125
  2. John Dickie, op. cit., p. 150
  3. John Dickie, op. cit., p. 163
  4. a, b, c et d John Dickie, op. cit., p. 164-165
  5. John Dickie (2004), Cosa Nostra. La mafia sicilienne de 1860 à nos jours, éd. Perrin, 2007, p. 169
  6. a, b, c, d et e John Dickie, op. cit., p. 171-175
  7. John Dickie, op. cit., p. 119
  8. a, b, c et d Notice biographique succincte
  9. a, b, c, d et e John Dickie, op. cit., p. 177-178
  10. John Dickie, op. cit., chap. V, p. 229-233

Liens externes


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Raffaele Palizzolo de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужно сделать НИР?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Emanuele Notarbartolo — Emanuele Notarbartolo, Marchese di San Giovanni (* 23. Februar 1834 in Palermo; † 1. Februar 1893 nahe Trabia) war ein italienischer Marchese und Großgrundbesitzer, dessen Ermordung durch die Cosa Nostra weit über Sizilien und Italien hinaus für… …   Deutsch Wikipedia

  • Cosa nostra — Pour les articles homonymes, voir Cosa Nostra (homonymie). Cosa nostra Localisation de la Sicile (en rouge) sur la carte d Italie Date …   Wikipédia en Français

  • Ignazio Florio Jr. — Ignazio Florio Junior (né à Palerme en septembre 1869 mort à Palerme le 19 septembre 1957) était un entrepreneur et armateur sicilien, l un des plus riches héritiers d Italie, membre de la famille Florio (it), l une des deux… …   Wikipédia en Français

  • Napoleone Colajanni — (Castrogiovanni, April 27, 1847 Castrogiovanni, September 2, 1921) was an Italian writer, journalist, criminologist, socialist and politician. In the 1880s he abandoned republicanism for socialism, and became Italy’s leading theoretical writer on …   Wikipedia

  • Palerme — depuis le Monte Pellegrino …   Wikipédia en Français

  • 1908 in organized crime — Organized crime in 1908 in the U.S.:Events*A gang war breaks out between Paul Kelly s Five Points Gang and Kid Twist Max Zwerbach s Eastman Gang. *By the end of the year Johnny Torrio s two dozen Brooklyn brothels earn over $5,000 a week.… …   Wikipedia

  • Histoire de la Sicile — Cet article concerne l histoire de la Sicile. Sommaire 1 La Sicile mythologique 2 Antiquité 3 Moyen Âge 3.1 Sicile musulmane …   Wikipédia en Français

  • Antonino Giammona — Don Antonino Giammona (né en 1820 à Passo di Rigano (it), un quartier de Palerme, en Sicile, alors dans le Royaume des Deux Siciles) est l un des représentants les plus anciens de la mafia sicilienne, qui était à la tête de la… …   Wikipédia en Français

  • Giuseppe Pitrè — Giuseppe Pitrè. Giuseppe Pitrè (Palerme, 21 décembre 1841 – id., 10 avril 1916) est un folkloriste, écrivain et médecin italien. En Italie, il a largement participé à établir le folklore comme une discipline à part entière. Tout au long de quatre …   Wikipédia en Français

  • Mafia (étymologie) — Maxi procès de 1901 contre la mafia, à l issue duquel 32 des 89 inculpés furent condamnés, mais une bonne partie fut libéré en raison de la détention provisoire déjà effectuée. Illustration du journal de Palerme, L Ora  …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”