- Mouvements de l'immigration en France
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Sommaire
Du début du siècle aux années 1980
Article principal : Histoire de l'immigration en France.En France, les mouvements immigrés trouvent leur origine dans le MTI (Mouvement des travailleurs immigrés) fondé dans l'entre-deux guerres, puis participeront à la Résistance (FTP-MOI).
Ayant favorisé l'immigration durant les Trente Glorieuses, afin de satisfaire aux besoins de l’économie française, la crise économique des années 1970, en partie provoquée par le choc pétrolier de 1973, pousse l'État à mettre en place un contrôle des flux migratoires. Ainsi les circulaires Marcellin – Fontanet, en 1972, lient l’attribution d’une carte de séjour à la possession d’un permis de travail et limitent les régularisations. Celles-ci plongent 83% des travailleurs immigrés dans l'illégalité, et Said Bouziri, un étudiant immigré, entame alors une grève de la faim avec sa femme enceinte[1]. Deux mille personnes, dont Jean-Paul Sartre, Michel Foucault, des travailleurs immigrés, des syndicalistes CFDT, des chrétiens, des membres de la Gauche prolétarienne, etc., manifestent le jour où Bouziri devait être expulsé [1]. Fin novembre 1972, les soutiens de Bouziri créent le Comité de Défense de la Vie et des Droits des Travailleurs Immigrés (CDVDTI, dont fait partie la philosophe-poète Geneviève Clancy[2]), qui exige la délivrance des permis de travail[1]. De nouvelles grèves ont lieu en décembre 1972 (à Valence) et en 1973[1]. Le 1er avril 1973, 4 000 étrangers en situation irrégulière se réunissent à La Mutualité, à Paris[1]. En juillet 1973, alors qu'une grève de la faim illimitée a été déclarée à Ménilmontant, Georges Gorse, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Population du gouvernement Messmer effectue la première régularisation générale par le biais d'une circulaire[1]. 35 000 étrangers en situation irrégulière sont régularisés.
Le 3 septembre 1973, puis le 14, une « grève générale des travailleurs arabes » est lancée dans les usines avec le Mouvement des travailleurs arabes (MTA), ce qui suscite certaines tensions avec la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et certains maoïstes, qui l'accusent de « diviser la classe ouvrière » [1]. Une deuxième vague de grèves a lieu, dans le secteur de l'agriculture [1]. Puis le nouveau ministre de l'Intérieur, Michel Poniatowski, nommé en mai 1974 par Valéry Giscard d'Estaing, tout juste élu président, décide de ne plus respecter la coutume de l'asile offerte par les églises[réf. nécessaire]: les grévistes sont expulsés de celles-ci [1].
Le Gisti (Groupe d'information et de soutien aux travailleurs immigrés), nouvellement créé, remporte alors sa première grande victoire juridique, en faisant annuler la circulaire Fontanet par un arrêt du Conseil d'État. Cette association atypique, fondée par des juristes et des travailleurs sociaux, qui tente de faire usage du droit contre l'État lui-même, joue un rôle décisif dans la transformation de l'appréhension, par la gauche, de la cause des immigrés, d'un problème économique et social (questions de main d'œuvre et de lutte des classes), à un problème de droit[3]. Ainsi, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, de nouvelles revendications émergent, telles que le droit de vote, le droit à devenir français, le droit à l’égalité[3].
Le MTA organise aussi une grève des loyers dans les foyers SONACOTRA en 1976. En 1981, l'arrivée de la gauche au pouvoir entraîne la régularisation de 300 000 étrangers en situation irrégulière.
Des années 1980 à aujourd'hui
Le premier fait, le plus important, est l'abrogation du décret de 1939 sur le droit d'association des étrangers. Il permet au début des années 1980 la création d'association étrangères dans les quartiers. Elle permet aussi aux associations historiques de se développer sans la menace d'une dissolution administrative.
C'est aussi l'émergence des premières radios « communautaires » et de revues comme « Sans Frontière » ou Im'média.
Un nouveau mouvement apparaît au début des années 80 : celui des enfants d'immigrés. Ce mouvement de seconde génération se développe essentiellement dans les banlieues lyonnaises et parisiennes. Une marche pacifique « contre le racisme et pour l'égalité des droits » part de Marseille le 15 octobre 1983 à l'initiative de l'association SOS Avenir Minguettes. Ce mouvement converge le 3 décembre dans une manifestation de 100 000 personnes venues accueillir à Paris la « marche des beurs ». En réponse, François Mitterrand crée la carte de séjour de dix ans puis indirectement SOS Racisme, créé en 1984. Le MIB (Mouvement de l'immigration et des banlieues, fondé en 1995) est issu de ce mouvement.
Après « la première marche » et afin de ne pas rester exclusivement sur l'antiracisme et « les Beurs », il est organisé une deuxième marche par Convergence 84. C'est lors de la manifestation finale qu'apparaît de manière publique « SOS Racisme ». L'enjeu de Convergence 84 se retrouve dans son principal mot d'ordre « La France c'est comme une mobylette, elle fonctionne aux mélanges ». Le discours final de Farida [réf. nécessaire] Belghoul marque la rupture durable entre les associations antiracistes et les associations issues de l'immigration. Convergence 84 portait déjà les questions de citoyenneté et refusait d'être réduite à un combat du type « Touche pas à mon pote ». Ce clivage est encore relativement présent dans les différentes organisations politiques et syndicales.
D'importants mouvements de grèves de la faim de demandeurs d'asile déboutés, menacés d'éloignement, se produisent en 1991-1992.
Le mouvement des sans-papiers redémarre ensuite à partir de 1996 avec une série d'occupations, dont celle de l’église Saint-Bernard au mois d'août. Ce mouvement est alors soutenu par un certain nombre de collectifs : « Des papiers pour tous », « Boycottez-Harcelez Air France », « Collectifs Anti-Expulsion »...
Sous le gouvernement de Lionel Jospin, 80 000 étrangers en situation irrégulière sont régularisés dans le cadre de la circulaire Chevènement. Aujourd'hui en France, le nombre d'étrangers en situation irrégulière reste difficile à évaluer : les estimations varient entre 300 000 et 600 000 personnes, soit entre 0,5 et 1 % de la population.
Depuis 2005, la multiplication des arrestations de étrangers en situation irrégulière a entraîné la création de collectifs « anti rafles ». L'année 2008 a quant à elle été marquée par une vague de mutineries dans les centres de rétention, aboutissant à l'incendie et à la destruction de plusieurs d'entre eux.
Notes et références
- De la clandestinité à la reconnaissance, entretien avec Said Bouziri et Driss El Yazami par Hélène Trappo, Plein Droit n° 11, juillet 1990, « Travail au noir ? Travail clandestin ? Travail illégal ? »
- Biographie de Geneviève Clancy sur le site du Printemps des poètes
- « Le droit au service des luttes », Plein Droit, no 53-54, mars 2002 Anna Marek,
Annexes
Articles connexes
- Histoire de l'immigration en France
- Réseau No Border
- Dépénalisation de l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers des étrangers en France
- Réseau éducation sans frontières
- Mesure d'éloignement des étrangers
- Liste d'associations antiracistes en France
Liens externes
- Site des « sans-papiers en lutte »
- ANAFE (Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers)
Bibliographie
- Johanna Siméant, La cause des sans-papiers, Paris, Presses de Sciences Po, 1998.
- Sur les luttes d'étrangers en situation irrégulière au Canada, voir Peter Nyers, "No One Is Illegal Between City and Nation" in Engin F. Isin, Greg M. Nielsen (dir.), Acts of citizenship, London, Zed Books, 2008 (Recension sur le site de La Vie des idées)
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