Synagogue Beth-Yaacov de Genève

Synagogue Beth-Yaacov de Genève
Synagogue Beth-Yaacov
Image illustrative de l'article Synagogue Beth-Yaacov de Genève
Synagogue Beth-Yaacov
Présentation
Géographie
Pays Suisse
Ville Genève
Coordonnées 46° 12′ 10″ N 6° 08′ 27″ E / 46.202825, 6.14088546° 12′ 10″ Nord
       6° 08′ 27″ Est
/ 46.202825, 6.140885
  

Géolocalisation sur la carte : Suisse

(Voir situation sur carte : Suisse)
Synagogue Beth-Yaacov

La synagogue Beth-Yaacov de Genève, connue initialement sous le nom de « Grande synagogue de Genève », est située au n°7 de la place de la Synagogue. Elle fut édifiée entre 1857 et 1859 par l'architecte zurichois de confession protestante Johann-Heinrich Bachofen.

Première synagogue construite dans la cité de Calvin, elle est aussi la première synagogue - aux traits bien distinctifs - construite en Suisse. Elle est classée monument historique depuis 1989.

Sommaire

Genèse d'un projet

Le choix d'un emplacement

En 1849, les anciennes fortifications de Genève sont démolies, et laissent la place à la projection de nouveaux quartiers. Le 18 mai 1853, le Canton de Genève octroie, à titre gratuit, un terrain d'environ 720 m2, se trouvant sur l'ancien bastion de Hollande. Mais, quelques semaines plus tard, le Conseil d'État se ravise, préférant attendre que les projets urbanistiques - y compris les voies de communication - soient terminés. Il faudra attendre quatre ans pour qu'un emplacement définitif soit enfin arrêté, sur une place donnant sur le nouveau boulevard Georges Favon. Le 23 mai 1857, le Grand Conseil de Genève entérine alors ce choix et autorise, par la promulgation d'une loi, la construction de la synagogue[1],[2].

Les esquisses architecturales

Dès 1853, l'architecte Johann-Heinrich Bachofen, conçoit un projet, dans un style assez classique, qui s'inspire largement de la synagogue de Dresde, à savoir : plan massé, tours d'angle sommées de coupoles, tour octogonale à la croisée, et arcatures aveugles. La forme cubique de l'édifice laisse sous-entendre que la communauté israélite, dans ses premières intentions, s'oriente plutôt vers la construction d'une synagogue de rite traditionnel, à savoir que la Bimah (l'estrade du ministre officiant) sera placée en position centrale, et les bancs disposées longitudinalement en deux moitiés se faisant face : disposition que nous retrouvons notamment à cette époque dans les synagogues de Paris, Marseille ou Cologne[2]. Cela étant, il ne s'agit encore que d'une ébauche, qui ne satisfait pas totalement l'architecte. Pour Bachofen, il s'agit surtout de créer un style dont Genève détiendrait l'original. Comme la Suisse ne possède pas de synagogues aux signes bien distinctifs, il entreprend un voyage qui le conduit notamment en Allemagne, où il découvre un art néomauresque dont il va s'imprégner. Il reproduit ainsi la façade de la synagogue de Heidenheim, construite en 1854 par Edouard Bürkein. Cependant, Bachofen emprunte aussi d'autres influences - italiennes en l'occurrence. Il prévoit ainsi d'accentuer le relief des coupoles par des nervures, et de doter la maçonnerie de la synagogue d'une bichromie de bandes peintes. Quant à l'imposant dôme central qui viendra coiffer l'édifice, il fait référence à un style beaucoup plus oriental[2].

Le projet définitif

En 1857, lorsque Bachofen soumet les nouveaux plans au Conseil d'État, des variations de style sont déjà perceptibles par rapport au projet initial, mais elles n'ont aucune incidence sur le volume architectural. C'est en février 1858 que l'architecte propose deux modifications importantes, à savoir : l'adjonction d'un porche, faisant office d'entrée principale; et d'un hémicycle, sur la partie arrière de l'édifice. Cette nouvelle projection confère à l'édifice une orientation qui l'assimile aux temples chrétiens à plan centré, ce qui est assez rare dans un concept synagogal. La présence de l'abside, avec sa forme semi circulaire, si caractéristique des églises romanes, vient du reste accentuer cette association d'idées[3].

Par incidence, l'aménagement intérieur de la synagogue est aussi totalement revu. La Bimah - initialement prévue au centre de la salle - et l'Aron ha-qodech (l'armoire contenant les rouleaux saints), seront désormais placés à l'extrémité orientale de l'édifice (dans l'abside). Quant aux bancs, ils seront disposés comme dans les églises chrétiennes. Bien sûr, toutes ces modifications - assez tardives - ont une conséquence majeure : l'adoption du rite réformé.

Les raisons qui ont conduit à l'adoption du rite réformé sont cependant assez mal connues, et reposent essentiellement sur des hypothèses. Les deux styles - traditionnel et réformé - s'opposent effectivement un peu partout en Europe à cette époque. Mais ce n'est pas un élément suffisant, sachant que la communauté israélite a maintenu un projet pour la pratique du rite traditionnel pendant plus de quatre ans. Reste alors l'arrivée de Joseph Wertheimer, premier Grand Rabbin de Genève - un homme proche des thèses libérales du Consistoire central de France - pour éventuellement expliquer cette nouvelle orientation rituelle. Il utilise en effet une chaire - pour ses sermons -, et se montre un fervent adepte de l'utilisation de l'orgue : deux attributs - encore une fois - plus habituellement présents dans les églises chrétiennes[4].

Parmi les autres hypothèses avancées, il y a aussi le fait que l'architecte ou la communauté aient voulu prévoir un édifice un peu plus grand, anticipant peut-être l'arrivée prochaine de nouveaux coreligionnaires. La superficie du terrain ne permettant pas d'élaborer un projet beaucoup plus vaste, cela expliquerait la présence du porche et de l'abside : deux éléments qui, en réalité, ont une incidence beaucoup plus importante sur le volume intérieur de l'édifice que sur le volume architectural extérieur. Le porche offre aussi la possibilité de supporter une galerie supérieure complémentaire pour les dames - dans l'axe de l'édifice - (ce qui n'était pas prévu à l'origine). Quant à l'abside, qui renferme la bimah et l'Aron ha-qodech, elle permet de dégager la salle principale de tout encombrement et de gagner ainsi de la place. La synagogue va en effet disposer d'un nombre de places assises qui est bien supérieur au nombre total des membres qui composent la communauté juive de Genève à cette époque. Si l'on s'en tient à cette hypothèse, il est probable que l'adoption du rite réformé découle plus volontiers d'une commodité d'emploi, plutôt que de considérations rituelles, pour des raisons purement techniques[5].

La construction

Les premiers travaux de terrassement débutent en décembre 1857, et la structure est élevée tout au long de l'année 1858. À partir de janvier 1859, ce sont les travaux d'embellissement, de décoration et d'aménagement intérieur qui démarrent. Pour le mobilier, on fait appel à des artisans locaux, alors que les objets spécifiques au culte proviennent de Lyon. Pour les peintures murales, on mandate Jean-Jacques Deriaz, un décorateur en vogue qui s'est illustré par ses réalisations au Conservatoire et au pavillon mauresque de la Villa Bartholoni. Il peint, sur la voûte de la synagogue, un ciel constellé et s'inspire de l'Alhambra de Grenade pour ornementer la frise et les pendentifs. Si le ton général décline une atmosphère orientale, l'Arche Sainte, située dans l'abside, rappelle un style qui est plus volontiers néoroman, avec ses arcs en plein cintre - aux voussures torsadées - qui reposent sur des colonnettes sommées de chapiteaux à feuillages[6].

Les travaux s'achèvent en juin 1859 avec l'établissement d'une grille dessinée sur le modèle de la clôture du jardin anglais de Genève. Le 1er juillet 1859, la synagogue est enfin inaugurée en présence des autorités municipales. Les coûts de réalisation de l'édifice - devisé initialement à 45 000 francs - se montent en définitive à 74 000 francs, une somme relativement coquette pour l'époque, qui devra être assumée durant quelques années par les membres de la Communauté israélite. En effet, seules 21 familles avaient répondu favorablement à la souscription initiale, ce qui avait seulement permis de récolter une somme d'environ 15 000 francs[2].

Les rénovations successives

La Grande synagogue de Genève a subi plusieurs rénovations tout au long de son histoire. En 1906, une importante restauration s'impose déjà, et concerne essentiellement les installations intérieures : chauffage, électricité, parquet, et peintures. Cependant, l'enveloppe extérieure connait aussi des modifications : abandon des bandes peintes au profit d'une couleur unie, suppression des frises crénelées. L'orgue est aussi restauré : il est même remplacé par un instrument de plus grande dimension, comprenant quatorze jeux répartis sur deux claviers et 18 tuyaux en zinc insérés dans un buffet en noyer[7].

En 1936, les façades font peau neuve et se dotent d'un revêtement à base de crépi. La pierre de taille subit un ravalement, et les assises en molasse laissent la place à une dizaine de mètres cubes de pierre de Savonnière. Enfin, les galeries supérieures des dames sont légèrement agrandies[8].

En 1955, d'importants travaux sont engagés. Le porche est élargi, ce qui permet à la fois la création de nouveaux escaliers intérieurs et la récupération, au dessus du narthex, d'une surface de 50 m2 au bénéfice de la galerie des dames. Par ailleurs, deux escaliers extérieurs, épousant les formes du chœur, permettent de créer deux sorties de secours depuis les galeries supérieures. La grande coupole est restaurée, mais, curieusement, les quatre petites coupoles coiffant les tours crénelées disparaissent[9].

En 1979, un volume est adossé au chevet de la synagogue, permettant de créer une salle indépendante pour les réceptions mais aussi pour la célébration des fêtes de Souccoth (la fête des cabanes). Le toit de cette salle est amovible, permettant ainsi une ouverture vers le ciel[10].

En 1990, les travaux se concentrent sur l'étanchéité de la grande coupole. Mais ce n'est qu'en 1996 que d'importants travaux de restauration sont entrepris sur l'ensemble de l'édifice. La synagogue, qui a subi de nombreuses modifications depuis son érection, a aussi passablement souffert du temps. En dehors des travaux destinés à la modernisation de ses installations, l'idée de lui redonner son aspect, mais aussi sa splendeur d'antan, fait son chemin. La synagogue retrouve donc son parement d'époque, notamment la bichromie des bandes peintes (dont les couleurs sont cependant différentes). Les frises crénelées sont à nouveau restituées, tout comme les quatre petites coupoles qui font enfin leur retour sur les quatre tours. À l'intérieur, les peintures murales et autres motifs décoratifs sont entièrement restaurés. Seul regret, peut-être, la suppression du grand orgue, qui est démonté pour gagner quelques places, et qui est offert au Musée suisse de l'orgue, à Roche, dans le Valais[11]. C'est à partir de cette date que la Grande synagogue de Genève change de nom et devient la Synagogue Beth-Yaacov (la maison de Jacob).

En 2008, d'importants travaux sont engagés pour la construction d'une nouvelle salle polyvalente. L'ancienne salle de réception est démolie, et des travaux d'excavation sont engagés pour la construction de cet espace dont une grande partie se trouvera directement sous la synagogue. Durant les travaux, des vestiges des anciennes fortifications de Genève seront mis au jour, et une arche entièrement restaurée. Elle est désormais visible et fait office d'élément décoratif dans la nouvelle salle. La partie extérieure de cette construction, dans le prolongement de la synagogue, est dotée d'un toit vitré - monté sur une structure métallique - qui s'ouvre au ciel grâce à un mécanisme électrique[12]. Cette nouvelle salle sera inaugurée à l'occasion de la célébration du 150e anniversaire de la synagogue, en 2009.

Une synagogue tournée vers l'extérieur

La synagogue Beth-Yaacov, classée Monument historique en 1989, fait désormais partie intégrante du patrimoine architectural et historique de la ville de Genève. Bien qu'en exercice, et donc essentiellement destinée aux activités cultuelles de la Communauté israélite de Genève (C.I.G.), elle est ouverte aux visites du public à certaines occasions, notamment chaque année, le 1er dimanche du mois de septembre, à l'occasion de la journée européenne de la culture juive. Par ailleurs, tout au long de l'année, des visites guidées sont organisées - ou peuvent être programmées - par l'intermédiaire du Département de la culture de la C.I.G.site de la C.I.G.

Références et Notes

  1. Archives d'Etat de Genève, Registre du Conseil d'Etat, tome I, 23 mai 1857
  2. a, b, c et d Jean Plançon, Histoire de la communauté juive de Carouge et de Genève, volume 1, De l'antiquité à la fin du XIXe siècle, Slatkine, Genève, 2008,chapitre VIII.
  3. D.A.E.L. (Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement), Direction du patrimoine et des sites, Un lieu pour le culte: Histoire et restauration de la synagogue Beth-Yaacov de Genève (1857-1859), hors série, sous la direction de Bernard Zumthor, Genève, 2002.
  4. Jean Plançon, op. cit. chapitre VIII. Joseph Wertheimer s'explique sur l'utilisation de l'orgue dans une lettre pastorale qu'il adresse le 7 avril 1873 à ses fidèles, et qui est conservée à la Bibliothèque universitaire de Genève, cote Br. 1352/15.
  5. Jean Plançon, op. cit. chapitre VIII et Annexe II, la communauté israélite affiche 86 chefs de famille membres en 1857. La capacité de la synagogue est d'environ 340 places assises.
  6. D.A.E.L., op. cit, pp. 33-35.
  7. D.A.E.L., op. cit. pp. 38-39.
  8. D.A.E.L., op. cit. p. 39.
  9. D.A.E.L., op. cit. pp. 43-44.
  10. D.A.E.L., op. cit. p. 44.
  11. D.A.E.L., op. cit. p. 45-50.
  12. Tribune de Genève, "La Grande synagogue veut s'ouvrir au public", édition du 2 juin 2008.

Liens externes

  • Dossier, photos et plans de la synagogue, ville de Genève [1]
  • Dossier et photos de la nouvelle salle polyvalente [2]
  • Site de la C.I.G. [3]

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Synagogue Beth-Yaacov de Genève de Wikipédia en français (auteurs)

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