Fol-en-Christ

Fol-en-Christ
Le fol-en-Christ, tableau de Pavel Svedomski
Vassili Sourikov, Fol-en-Christ assis dans la neige, 1885

Le Fol-en-Christ est une personne qui abandonne ses biens matériels et mène une vie de transgression des conventions sociales dans un esprit religieux. Cette attitude provocante permet de remettre en cause les normes d'une époque, de lancer des prophéties ou de masquer sa piété[1]. Le terme de fou pour le Christ est attribué à saint Paul. En Occident, saint François d'Assise fondateur de l'ordre mendiant franciscain, et d'autres religieux ont adopté cette attitude de vie, tout comme dans le monde orthodoxe, les iourodivy. Des parallèles peuvent être établis avec la « sagesse folle » du bouddhisme tibétain, l'Avadutha dans l'hindouisme et le Malamati dans le soufisme musulman.

Sommaire

Ancien Testament

Certains prophètes de l'Ancien Testament, qui montraient des signes de comportement étrange, sont considérés comme les précurseurs des fols-en-Christ[2] ; ainsi le prophète Isaïe marchait-il pieds nus, trois ans durant, en prophétisant la captivité prochaine en Égypte Isaiah 20:2,3 KJV; le prophète Ezéchiel demeura devant une pierre, qui symbolisait Jérusalem assiégée, et, sous le commandement de Dieu qui ordonne qu'il se nourrisse d'excréments humains, va finalement se nourrir de bouses de vaches Ezekiel 4:9-15 KJV. Les prophètes ne sont toutefois pas comptés au nombre des fols-en-Christ car leurs actions ne visent qu'à attirer l'attention et éveiller la repentance dans le peuple[3].

Nouveau Testament

L'âme du peuple, peinture de Mikhaïl Nesterov.
Saint François d'Assise
Icône de Basile le Bienheureux, Cathédrale Saint Basile, Moscou).

Selon les conceptions chrétiennes, la folie en Christ est une imitation du Christ dans plusieurs de ses aspects : abandon des biens matériels et affrontement des moqueries et des humiliations de la foule parfois choquée par le message délivré. La « folie » dans les premiers siècles du christianisme était proche de la non-acceptation des règles communes de l'hypocrisie sociale, de la brutalité et de la soif de pouvoir et du gain[3].

Antoine le Grand déclare ainsi: « Voici le temps, quand les gens se comportent comme des fous, et s'ils voient quelqu'un qui ne se comporte pas comme ça, ils vont se rebeller contre lui et dire : « Tu es fou, - parce qu'il n'est pas comme eux. » [4]. Saint Paul prononce des phrases célèbres sur la folie : « Nous sommes fous à l'amour du Christ, mais vous êtes sages dans le Christ; nous sommes faibles, mais vous êtes forts; vous êtes honnêtes, mais nous sommes méprisés. » (1 Corinthians 4:10), et également : « Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. Comme il est écrit : « Il prend les sages dans leur ruse. » (1 Corinthians 3:19) « Car la prédication de la croix est folie pour ceux qui périssent, mais pour nous qui sommes sauvés, elle est la puissance de Dieu. » (1 Corinthians 1:18) « Puisque le monde, avec sa sagesse, n'a pas reconnu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie du message. » (1 Corinthians 1:21)

Dans le catholicisme

L'exemple le plus célèbre dans l'Eglise est saint François d'Assise, ainsi que ceux qui s'inspireront de son exemple : Angèle de Foligno au XIIIe siècle ou au XVIIIe siècle Benoît Joseph Labre. Citons aussi Romuald de Ravenne aux Xe-XIe siècles. Le terme latin de sancta simplicitas désigne une folie béatifique proche de la folie-en-Christ, mais passive[5].

Dans l'orthodoxie orientale

Sainte Xénia de Saint-Pétersbourg, vêtue de haillons

L'Église orthodoxe orientale classe Isidora Barankis l'Égyptienne († 369) parmi les premiers fols-en-Christ. Toutefois, le terme n'a pas été popularisé jusqu'à l'arrivée de Siméon le fol-en-Christ, qui est considéré comme le saint patron des fols-en-Christ[1],[6]. En grec, le terme pour désigner un fol-en-Christ est salos.

Le iourodivy (en russe : юродивый) est l'adaptation russe de la folie en Christ (en russe : юродство, iouurodstvo), une forme particulière du monachisme de l'orthodoxie orientale. Le yurodivy est celui qui agit délibérément de manière folle au regard des hommes. Il mène une vie errante, souvent à moitié-nu, parfois entièrement, sans domicile fixe, parle de manière énigmatique et peut sembler agir de manière immorale.

La pratique a été reconnue dans l'hagiographie byzantine du Ve siècle, et a été largement adoptée dans la Russie moscovite, sans doute au XIVe siècle.

La folie de l'yurodivy est ambiguë, et pourrait être réelle ou simulée. Il croit être inspiré par Dieu, et donc être en mesure de dire des vérités que d'autres ne pouvaient pas dire, normalement sous la forme d'allusions indirectes ou de paraboles. Il avait un statut particulier à l'égard des tsars, comme une figure non soumise au contrôle et au jugement du monde.

Le premier fol-en-Christ de Russie est Procope d'Oustioug, venu des terres du Saint-Empire romain germanique à Novgorod. Il s'installe à Oustioug, feignant d'être un sot et menant une vie ascétique, se couchant nu sous les porches des églises, priant toute la nuit, ne recevant de nourriture que des pauvres. Maltraité et battu, il gagne finalement le respect de ses contemporains et fut vénéré après sa mort[7].

L'un des exemples modernes les mieux connus dans l'Église de Russie est peut-être celui de sainte Xénia de Saint-Pétersbourg au XVIIIe siècle.

L'Eglise orthodoxe russe compte 36 iourodivye parmi ses saints, et avant tout Basile le Bienheureux, qui a donné son nom à la Cathédrale Saint Basile à Moscou. Les Fols-en-Christ ont souvent le titre de bienheureux (блаженного).

Les iourodivye dans l'art et la littérature

Après le XVIIe siècle, le iourodivy existe plus comme figure littéraire que comme spécimen social. Les principaux exemples en sont le fou dans Boris Godounov, la mère de Paul et le père Théraponte dans Les Frères Karamazov et le prince Mychkine dans L'Idiot. Un autre fol-en-Christ, Grisha a été décrit dans le livre de Léon Tolstoï Enfance. Adolescence. Jeunesse[7]. Le compositeur Dmitri Chostakovitch et la pianiste Maria Yudina ont été cités comme des exemples du XXe siècle du type.[réf. nécessaire]

Films

  • L'île (également appelé Ostrov), un film racontant la vie fictive du Père Anatoly, dans les années 1970 en Russie.
  • Ognennye versty, de Samson Samsonov, 1957.
  • Le personnage de Kayom dans Le Nôtre parmi les autres, qui se transforme rapidement d'ennemi en ami peut être considéré comme une telle figure.
  • Dans le film Andreï Roublev, un personnage de iourodivy, Durochka, est joué par Irma Raouch, l'épouse du réalisateur Andreï Tarkovski.

Liste des fols-en-Christ reconnus par l'Église orthodoxe

Procope d'Oustioug et Jean d'Oustioug en oraison
Micha-Samuel
  • Alexis Elnatski
  • André de Constantinople (en)
  • Daniel Kolomenski
  • Basile le Bienheureux
  • Domna de Tomsk (ru)
  • Euphrosine de Koliopanov (ru)
  • Jacques de Borovitch (ru)
  • Ivan Koreïcha
  • Jean de Moscou (ru) († 1589), fol-en-Christ et prophète ; fêté le 3 juillet[8],[9].
  • Jean de Verkhotourié (ru)
  • Jean de Rostov (ru)
  • Jean d'Oustioug (ru)
  • Isidore de Rostov (ru)
  • Isidora de Tabenna (en)
  • Cyprien de Souzdal (ru)
  • Cosme de Verkhotourié (ru)
  • Xénia de Saint-Pétersbourg
  • Maxime Kavsokalivit (ru)
  • Maxime de Moscou (ru)
  • Marie de Diveïevo (ru)
  • Michel de Klopsk (ru)
  • Micha-Samuel (ru)
  • Nikolka Salos (ru)
  • Païssi de Kiev (ru)
  • Pacha de Sarov (ru)
  • Pélagie de Diveïevo (ru)
  • Procope de Viatka (ru)
  • Procope d'Oustioug (ru)
  • Athanase Saïko (ru)
  • Simon le Bienheureux (ru)
  • Siméon le fol-en-christ (en)
  • Stache de Rostov (ru)
  • Féodor de Novgorod (ru)
  • Théophile (Gorenkovski) (ru)
  • Thomas de Sibérie (ru)

Voir aussi

Isaac de la Laure des Grottes, icône de Viktor Vasnetsov

Notes et références

  1. ↑ a et b Parry (1999), p. 233
  2. ↑ Gorainoff I. Les Fols en Christ… Р. 15–16; Saward J. Dieu a la folie. P. 15.
  3. ↑ a et b J.- C. Larchee. Healing of mental illnesses: The experience of first centuries in the christian East. Translated from French into Russian. Moscow. Publishing House of Sretensky Monastery, 2007. 224 pages.
  4. ↑ Apophtegmy (Alphavitnoye sobranie). About Avva Anthony. 25 (in Russian: Memorable stories. P. 427.
  5. ↑ Igor Smolitsch, Leben und Lehre der Starzen, Köln et Olten, Jakob Hegner Verlag, 1952, traduit en français par Josse Alzin et Pierre Chambard sous le titre Moines de la Sainte Russie, Mame, 1967, p. 122-123
  6. ↑ King of Peace Episcopal Church
  7. ↑ a et b "Foolishness-for-Christ", Article on Pravmir Portal
  8. ↑ Nominis : Saint Jean, Fol En Christ
  9. ↑ Forum 'orthodoxe.com' : saints pour le 3 juillet du calendrier ecclésiastique
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