Départ des Juifs des pays arabes

Départ des Juifs des pays arabes
Réfugiés Juifs yéménites évacués en direction d'Israël lors de l'opération Tapis Volant (1949-1950)

Le départ des Juifs des pays arabes fait référence à l'émigration parfois forcée d'environ 800 000[1] Juifs hors des pays arabes au XXe siècle, plus particulièrement après l'indépendance d'Israël en 1948 et celle de nombreux pays arabes.

Ce départ qui marque la fin de la presque totalité des communautés juives dans ces pays où leur présence était souvent plurimillénaire, a plusieurs causes : montée du nationalisme arabe qui mène, lors de la décolonisation, à l'exclusion de certaines populations minoritaires, développement du sionisme qui pousse certains Juifs à s'installer en Israël par idéal politique et/ou religieux et motivations sécuritaires et économiques. Les pays d'accueil de ces Juifs sont principalement Israël, où près de 600 000 d'entre eux[1], soit 75 %, trouvèrent refuge, et les anciennes métropoles dont ils étaient citoyens ou protégés : France, Italie, Royaume-Uni, mais aussi le Canada, les États-Unis ou le Brésil.

L'appellation « réfugiés juifs des pays arabes » est utilisée pour effectuer un parallèle avec les réfugiés palestiniens de la guerre de 1948 et de celle de 1967 dont le statut de réfugiés est reconnu, contrairement aux populations juives victimes du conflit israélo-arabe.

Sommaire

Histoire

Camp de transit (Israël, 1950).

En 1920, la Société des Nations confia aux Britannique un mandat en Palestine dont le but est d'y faciliter l'immigration juive et d'y établir un « foyer national juif ». Mais 25 ans de conflit entre Arabes palestiniens et Juifs sionistes mirent un terme au mandat et amenèrent l'ONU à voter en faveur du Partage du pays le 30 novembre 1947.

Dès le lendemain du vote, le conflit s'enflamma. Le pays entra en guerre civile auquel succéda la guerre le 14 mai 1948 quand Israël déclara son indépendance et que les pays arabes voisins envahirent la Palestine.

Ce premier conflit ouvert entre Israéliens et Arabes provoqua l'exode d'environ 700 000 Arabes palestiniens[2],[3] dont les descendants devinrent réfugiés.

La fin des empires coloniaux britanniques et français a également entraîné la construction d’États arabes indépendants. Dans d’autres cas, par exemple en Algérie, l’accession à l’indépendance à provoqué l’émigration des populations juives (en Algérie, les populations juives avaient reçu la nationalité française dès le XIXe siècle, contrairement aux populations de religion musulmane. À l’indépendance, la plupart immigrèrent en France, au même titre que les colons d’origine européenne).

Près de 870 000 Juifs vivaient encore en 1948 dans les territoires qui allaient devenir des États arabes indépendants. Leur présence dans cette région était souvent plus ancienne que celle des Arabes arrivés avec la conquête arabe du VIIe et du VIIIe siècles de l’ère chrétienne. Certaines communautés vivaient en Mésopotamie ou en Afrique du Nord depuis plus de 2 500 ans. Les communautés d’Afrique du Nord augmentèrent également avec l’afflux des Juifs persécutés dans la péninsule ibérique pendant l’Inquisition catholique à partir du XVe siècle. Les relations avec les populations arabes ont été bonnes ou mauvaises suivant les lieux et les époques.

Un cas particulier est celui des Juifs marocains sous le roi Mohammed V du Maroc durant la Seconde Guerre mondiale alors que le pays était sous le protectorat français dirigé par Vichy. Si la situation des « [J]uifs marocains [fut] tourmentée, complexe, et [non] idyllique », Robert Assaraf estime qu'il est « évident [que] Mohammed V a sauvé des vies juives » même si ce fut sans risquer sa propre vie[4]. Le roi refusa ainsi de livrer les Juifs marocains aux nazis et le Maroc devint « [un refuge] pour les nombreux juifs d'Europe centrale, qui [fuyaient] les persécutions »[4]. Mais le roi signa également des dahirs instaurant une discrimination envers ses sujets juifs et n'empêcha pas l'installation de « camps de concentration [de prisonniers] » pour les Juifs et les étrangers[4]. Après la guerre, l'attitude de la communauté juive marocaine était en définitive divisée à son égard et « seules les franges les plus pauvres [restèrent] liées au sultan »[4].

Durant le conflit entre 1947 et 1948, certains des Juifs de certains pays arabes furent l’objet de persécutions et leurs biens furent confisqués.

Il y eut des pogroms (massacres) anti-juifs à Aden[5], en Égypte[6], en Libye[7], en Syrie[8], au Yemen et en Irak[9],[10]. 600 000 Juifs trouvèrent refuge en Israël[9].

Une série de pogroms avait déjà éclaté auparavant dans plusieurs capitales : en Irak en 1941 (le Farhoud, c’est-à-dire le pogrom)[11] à Tripoli en Libye en 1945, au Maroc[12], en Syrie en 1944 (la majeure partie des Juifs quitta alors le pays)[13] à Alep[9] et Aden[9] en 1947. En Irak, en 1948, le sionisme fut rangé dans la catégorie des crimes d’opinion, passibles de sept ans de prison et d’une amende. Dans un premier temps, il fut interdit aux Juifs de quitter le pays, pour ne pas renforcer Israël[14]. Puis, entre mars 1950 et août 1951, des transferts furent menés, ceux qui partaient perdant leur nationalité et étant dépossédés de leurs biens[15].

Dénombrement

Les Juifs dans les pays arabes : 1948 - 1976[16]
1948 1976 Période de départ Causes principales du départ
Algérie 140 000 500 1962 Indépendance de l'Algérie
Égypte 75 000 100 1956 Crise de Suez
Irak 135 000 400 1948-1951 Conflit israélo-arabe
Liban 5 000 500 Guerre du Liban
Libye 38 000 20 1949 - 1951 Pogrom de 1948, violences et détérioration des conditions de vie suite aux réactions de nationalisme exacerbées par l'indépendance d'Israël dans l'indifférence des autorités militaires britanniques[17]
Maroc 265 000 17 000 1948 - 1956
Syrie 30 000 350
Tunisie 105 000 2 000
Yémen 55 000 1 000
Yémen du sud (Aden) 8 000 0
Total 818 000 21 850

Réfugiés juifs

Au cours des 18 mois qui suivirent la Déclaration d'indépendance, 340 000 juifs arrivent en Israël et au cours des trois premières années, l'immigration se monte à près de 650 000 personnes (une moyenne de 18 000 par mois)[18]. Entre le 15 mai 1948 et le 30 juin 1953 la population juive du pays double[18].

Il ouvre pour cela près de 125 camps de toile appelés ma'abarot qui accueillent plus de 200 000 personnes en 1951 et qui ne ferment définitivement qu'en 1963[19]. Les immigrants sont également installés dans les villes ou quartiers conquis aux arabes lors de la guerre, comme à Jaffa, Lod et Haïfa et dans des Moshav et kibboutz construits sur les ruines de villages palestiniens rasés, particulièrement dans les zones frontières[20].

La France accueille près de 3 000 réfugiés juifs d'Égypte en 1956[21] et surtout les Pieds-noirs d'Algérie dont plus de 100 000 Juifs à l'été 1962.

Dispersion

Très rapidement après 1948 (et cela s’intensifia après 1967), de nombreux Juifs durent choisir de rejoindre Israël, la France, les États-Unis ou le Canada pour fuir les tensions et intimidations de plus en plus nombreuses dans les pays arabes, subissant indirectement les conflits du Proche-Orient. Dans d’autres cas (Algérie), ce furent surtout les événements liés à la décolonisation qui furent les facteurs déclenchant de ces vagues d’émigration.

Reconnaissance

On estime qu’en 2005, il ne reste qu’environ 5 000 Juifs vivant encore dans des pays arabes. Dans la préface de L'exode oublié : Juifs des pays arabes de Moïse Rahmani, le député européen François Zimeray affirme : « l’histoire est injuste et elle n’a pas retenu cet exode, que ni les gouvernements ni l’ONU n’avaient vu. »[22]

Notes et références

  1. a et b Malka Hillel Shulewitz, The Forgotten Millions: The Modern Jewish Exodus from Arab Lands, Continuum 2001, p.208.
  2. United Nations Conciliation Commission for Palestine, Officila Records: Fifth Session, Supplément No. 18 (A/1367/Rev.1), 1951.
  3. Benny Morris, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Editions Complexe, 2003, p.277.
  4. a, b, c et d Des camps de concentration au Maroc
  5. Reuben Ahroni, The Jews of the British Crown Colony of Aden: history, culture, and ethnic relations, Brill, 1994, p. 210.
  6. All I wanted was justice http://www.haaretz.com/hasen/spages/941518.html
  7. Norman Stillman, Jews of Arab Lands in Modern Times, Jewish Publication Society, Philadelphia, 2003, ISBN 0-8276-0370-3, pages p. 145 et 149 à 150
  8. Daniel Pipes, Greater Syria: The History of an Ambition (New York: Oxford University Press, 1990) p. 57, records 75 victims of the Aleppo massacre
  9. a, b, c et d « Les réfugiés juifs originaires des pays arabes », par Maurice Konopnicki.
  10. Abraham H. Miller, « Se souvenir du pogrom contre les Juifs d'Irak », FrontPageMagazine.com le 1er juin 2006. Traduit par Albert Soued pour www.nuitdorient.com.
  11. Juif d’origine et de culture arabes, Naïm Kattan
  12. Les Juifs en Afrique du Nord, dafina.net
  13. Le péché originel des États arabes, Shmuel Trigano dans Le Figaro du 4 juin 2001
  14. « Cadres politiques arabo-musulmans et sociétés juives (partie 2 et fin) », par Rochdy Alili, 1er septembre 2006, sur Oumma.com
  15. Les crimes de l’islam des origines à l’époque actuelle, atheisme.org
  16. Maurice Konopnicki, « Les réfugiés juifs originaires des pays arabes » sur Sefarad.org. Consulté le 2 juillet 2010
  17. Malka Hillel Shulewitz, The Forgotten Millions, continuum, 2001, p.133.
  18. a et b Howard Sachar, A History of Israel. From the Rise of Zionism to our Time, 2007, p.395.
  19. (he) Ma’abarot par Miriam Kachenski, Israeli Center for Educational Technology.
  20. Benny Morris, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Éditions Complexe, 2003, p.286.
  21. Alexandre de Aranjo, « L’Accueil des Réfugiés d’Égypte en France et leur Réinstallation en Région Parisienne[ » sur Association des Juifs originaires d'Égypte. Consulté le 2 juillet 2010
  22. Moïse Rahmani, L’Exode oublié. Juifs des pays arabes Paris, éd. Raphaël, 2003, avant-propos de François Zimeray

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes



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