Démocratie tibétaine

Démocratie tibétaine
Région autonome du Tibet
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Cet article fait partie de la série sur la
politique du Tibet,
sous-série sur la politique.


v · Tibet en 1959, le système politique du Tibet était fermement enraciné dans les valeurs spirituelles, bien qu'étant resté proche du féodalisme par certains aspects. Après avoir assumé la direction temporelle et spirituelle de l'état tibétain, le 14e dalaï-lama, alors âgé de 16 ans, a proposé une politique de réformes qui ont été bloquées suite à l'invasion chinoise du Tibet. Le dalaï-lama était convaincu qu'il était temps de modifier le système politique du Tibet pour permettre à des représentants élus de jouer un plus grand rôle dans l'établissement des politiques économiques, sociales et étatiques[1].

Cependant, peu après son exil, il a réalisé des efforts importants pour établir une société démocratique, non seulement pour assurer les droits démocratiques des Tibétains, mais aussi pour moderniser le Tibet.

À la différence d'autres nations, le processus démocratique qui s'est développé dans la communauté tibétaine en exil n'est pas le résultat d’une pression venant de la base. Il a été projeté et poursuivi dès le début par le dalaï-lama lui-même. Pour lui, le processus donnant l'autorisation au peuple de régner sur ses propres droits est devenu un impératif démocratique pour se projeter dans l'avenir. Il a déclaré que, lorsque les Tibétains en exil pourront retourner au Tibet, il renoncera à toute autorité temporelle[1].

Sommaire

Election du Parlement tibétain en exil au suffrage universel (1960)

Alors qu'il avait envisagé un processus de démocratisation de la société tibétaine, le dalaï-lama a annoncé un programme détaillé pour établir une Assemblée élue en janvier 1960, lors d'un voyage à Bodh-Gaya en Inde. Des élections ont été dûment tenues et la première Assemblée de députés élus de l'histoire du Tibet a pris ses fonctions le 2 septembre 1960 au Parlement tibétain en exil. Ce jour historique continue à être observé par la communauté tibétaine en exil comme le Jour de la Démocratie. Depuis lors, 12 Assemblées semblables se sont réunies[2],[3].

Le 2 septembre 1960 le dalaï-lama annonça l'établissement d'une forme démocratique de gouvernement pour les Tibétains vivant en exil. Ce système est alors fondé sur l'union de valeurs spirituelles et laïques. En 1964, les Tibétains en exil ont élu les députés du Parlement tibétain en exil. En 1990 les membres du Parlement ont élu les ministres (Kalons). En 2001, le Premier ministre, le Professeur Samdhong Rinpoché, a été élu au suffrage universel[2],[3].

Election des ministres par le Parlement tibétain en exil (1990)

Les institutions tibétaines en exil franchissent une étape de plus vers la démocratie 1990 alors que l'Assemblée passe de 12 à 46 membres, la 11e assemblée devenant un véritable corps parlementaire. En mai 1990, les 46 membres élus élisent le Kashag[4] composé de 8 ministres, qui deviennent responsables devant l'Assemblée. La Commission suprême de justice a été établie en 1990 en tant qu'ordre judiciaire indépendant dans le gouvernement tibétain en exil - le gouvernement légitime unique de tous les Tibétains selon un document du Centre pour la justice au Tibet, et de l'UNPO[5].

Le 14 juin 1991, l'Assemblée devint l’autorité législative des Tibétains en exil, incluant dans son mandat l’élection du Cabinet des ministres. Cette même année, l’Assemblée publia la Charte des Tibétains en exil explicitant leurs droits et leurs devoirs[6].

Le système politique du Tibet en exil a évolué pour devenir une démocratie[7]. Selon le Groupe interparlementaire d'amitié - France-Tibet du Sénat, la politique des Tibétains en exil préfigure un Tibet démocratique, un véritable ferment pour l'ouverture de la Chine dans son aspiration à rejoindre la communauté des nations[8].

En 1993, le dalaï-lama affirma qu'il était partisan de la démocratie laïque et qu'il ne serait pas partie prenante du gouvernement du Tibet lorsque ce dernier aura recouvré sa liberté[9]. En 2003, Kelsang Gyaltsen affirma que le dalaï-lama était favorable à la séparation de l'Église et de l'État, et qu'il avait pris la décision de ne plus occuper de fonction dans l’administration tibétaine à son retour au Tibet[10]. Dans un entretien avec l’écrivain Thomas Laird publié en 2007, le dalaï-lama a exprimé son souhait d'une séparation complète de l'Église et de l'État allant jusqu’au retrait des religieux aussi bien de la candidature à des postes politiques que des votes[11].

Le dalaï-lama a déclaré à plusieurs reprises qu'il souhaite pour le Tibet, la séparation effective entre l’église et l’état, et que les moines ne participent ni aux partis politiques, ni même au vote[11]. La charte garantit une séparation du pouvoir entre les trois organes du gouvernement tibétain en exil : le judiciaire, le législatif et l’exécutif[12],[8].

Election du Premier ministre tibétain au suffrage universel (2001)

Plus récemment, en 2001, pour la première fois, le Premier ministre (Kalon Tripa), a été élu au suffrage universel. C'est le Professeur Samdhong Rinpoché qui a été choisi par la population tibétaine en exil[2],[3].

Ainsi, selon le manifeste du Parti démocratique national du Tibet à Mac Leod Ganj en Inde, au cours de ces longues années d'exil, l'engagement du dalaï-lama envers la démocratie et la non-violence a été constant. Il a maintenu en vie, pour les Tibétains en exil, l'espoir de retrouver un Tibet démocratique[1],[13].

Pour Baogang He et Barry Sautman, écrivant en 2005 dans la revue Pacific Affairs [14], « La démocratie des émigrés tibétains se caractérise par le pouvoir prépondérant du dalaï-lama, lequel donna l'ordre de procéder à des élections au suffrage direct et à un accroissement des pouvoirs du parlement » :

« Samdhong Rinpoché dit ceci du dalaï-lama : « Nous ne pouvons rien faire sans lui ». Effectivement, même quand le GTE décida de fermer son bureau de Budapest en 2005, il fallut l'approbation du dalaï-lama. Le système politique des émigrés intègre institutions politiques et bouddhisme, et les postes les plus élevés sont détenus par des moines (le « chef de l'État » et le « chef du gouvernement » en quelque sorte). Il n'y a pas de jeu des partis politiques et toute critique du dalaï-lama est considérée comme illégitime parmi les émigrés » [15].

Pour autant, en 2003, Samdhong Rinpoché, le Premier ministre tibétain élu au suffrage universel, déclara lors d’une interview que si le dalaï-lama jouait un rôle très important et efficace en rapport avec la Charte, il avait annoncé à plusieurs reprises son souhait de prendre sa retraite. Il précisa que cela nécessitait d’amender la Charte, mais qu’à cette époque le dalaï-lama déléguait déjà son pouvoir de plus en plus au cabinet des ministres et qu’il ne souhaitait pas que les ministres lui demandent son approbation pour chaque décision[16].

La fin de l'institution des dalaï lamas ?

Au cours de Élection du Premier ministre tibétain de 2011, en mars, le 14e dalaï-lama demanda au Parlement tibétain en exil un amendement constitutionnel permettant d'acter sa retraite politique[17], pour lui l'institution des dalaï-lamas est dépassée et doit laissée place à la démocratie[18].

Voir aussi

Notes et références

  1. a, b et c Basic Policies and Programs of the National Democratic Party of Tibet
  2. a, b et c (en) Me-Long - Issue 03.
  3. a, b et c (en) Fondation Friedrich Naumann, Tibetans in-exile elect a new Parliament.
  4. Mary Craig, Kundun: une biographie du dalaï-lama et de sa famille, Presses du Châtelet, 1998 (ISBN 2911217330), p 374
  5. (en) Centre pour la justice au Tibet, UNPO, Tibet is Rightfully an independent state, in The Case Concerning Tibet, Tibet's Sovereignty and the Tibetan People's Right to Self-Determination, 1 juin 1998.
  6. Astrid Fossier, Le gouvernement tibétain en exil, Paris, juin 2003
  7. Le dalaï lama peut-il démissionner?, 20 mars 2008
  8. a et b Groupe d'information internationale sur le Tibet, Le Tibet en exil : à l'école de la démocratie, Site du Sénat.
  9. Le Dalaï-Lama, « Mon autobiographie spirituelle », Recueillie par Sofia Stril-Rever, Presses de la Renaissance, 2009, (ISBN 2-7509-0434-X), page 216-217 :«  Je suis partisan de la démocratie laïque […] Nous avons récemment mis en route des changements qui vont renforcer la démocratisation de notre administration exil. Pour plusieurs raisons, j'ai décidé que je ne serai ni chef, ni même partie prenante du gouvernement, le jour où le Tibet recouvrera son indépendance. Le prochain dirigeant du gouvernement tibétain devra être élu au suffrage populaire. (Discours d'avril 1993, prononcé à Washington) »
  10. Entretien avec M. Kelsang Gyaltsen, envoyé de Sa Sainteté le dalaï-lama auprès de l’Union européenne, Astrid Fossier, Genève, juillet 2003
  11. a et b Une histoire du Tibet : Conversations avec le Dalaï Lama, de Thomas Laird, Dalaï-Lama, Christophe Mercier, Plon, 2007, (ISBN 2259198910).
  12. Constitution, Charte des Tibétains en exil sur www.tibet-info.net, 30 mai 2001. Consulté le 25 mai 2008.
  13. Parti démocratique national du Tibet, op. cit., « Thus, through the long years of exile, the Dalai-Lama's sense of direction has been clear, his commitment to democracy and non-violence consistent. He has kept alive for the exiles the hope of returning to a democratic Tibet. »
  14. (en) The politics of the Dala Lama's new initiative for autonomy (1), Pacific Affairs, 78.4 (Winter 2005).
  15. (en) « Exile democracy is characterized however by the overriding power of the Dalai Lama, who gave instructions for direct elections and an increase in the parliament’s power. Samdhong Rinpoche has said of the Dalai Lama that "we can’t do anything without him." Indeed, even a move by the TGIE to close down its Budapest office in 2005 required approval by the Dalai Lama. The exile political system integrates political institutions and Buddhism and the very top positions are held by monks (the "head of state" and "head of government," so to speak). There are no party politics and criticism of the Dalai Lama is treated as illegitimate in the exile community ».
  16. (en) Dagmar Bernstorff and Hubertus von Welck (eds), Exile as challenge: the Tibetan diaspora, Éditeur Orient Blackswan, 2003, (ISBN 8125025553), en part. pp. 127-128 (entretien avec Samdhong Rinpoche sur le rôle du dalaï-lama dans la prise de décisions politiques) : « His Holiness plays a very important, effective role in keeping with the Charter. But he has several times announced his withdrawal. That is his wish. However to implement his wish as the first step the Charter has to be to amended. But now already His Holiness delegates his power more and more to the kashag and therefore he doesn't like us to report to him and take his approval on each and every decision. »
  17. Tibet:opposition au retrait du dalaï-lama, AFP, 15 mars 2011
  18. Phurbu Thinley, Dalai Lama asks Tibetans to embrace democratic change, rejects parliament's resolution Phayul, 19 mars 2011.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Démocratie tibétaine de Wikipédia en français (auteurs)

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